CAA de NANTES, 3ème chambre, 7 octobre 2016, 15NT03276, Inédit au recueil Lebon

  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Pays·
  • Santé·
  • Agence régionale·
  • Procréation médicalement assistée·
  • Traitement·
  • Territoire français·
  • Justice administrative·
  • Cameroun

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 7 oct. 2016, n° 15NT03276
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 15NT03276
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 4 juin 2015, N° 1501604
Identifiant Légifrance : CETATEXT000033236787

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… F… a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 1er décembre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui accorder un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d’être renvoyé d’office.

Par un jugement n° 1501604 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2015, M. C… F…, représenté par Me Le Floc, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juin 2015 ;

2°) d’annuler l’arrêté contesté du 1er décembre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle, d’une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— l’arrêté est insuffisamment motivé dès lors que le préfet ne mentionne pas les démarches de procréation médicalement assistée engagées avec sa compagne ;

 – le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

 – la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; il a été privé de cette garantie de procédure alors qu’il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile car le traitement médical qu’il suit n’est pas disponible au Cameroun ;

 – compte tenu de la durée de sa présence en France, de la relation stable qu’il entretient avec sa compagne, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 2 septembre 2015 et du traitement par procréation médicalement assistée mis en place, cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que les dispositions de l’article L. 313-14 du même code car sa demande d’admission au séjour répondait à des motifs exceptionnels et des considérations humanitaires ;

 – l’illégalité de la décision portant refus de séjour entache d’illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

 – cette décision méconnaît également les dispositions du 10° de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile car son état de santé fait obstacle à son éloignement ;

 – l’arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales compte tenu de l’intensité de ses liens familiaux en France où vit sa compagne de nationalité belge et leur enfant, née le 15 octobre 2015 ;

 – l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

 – la décision portant obligation de quitter le territoire français étant entachée d’illégalité, la décision fixant le pays de renvoi est elle-même illégale ;

 – cette décision méconnaît les dispositions de l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales car l’absence de traitement médical au Cameroun constitue un traitement inhumain et dégradant au sens de ces stipulations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par M. C… F… ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 4 mars 2016 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

M. C… F… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle à concurrence de 55% au titre de cette instance et Me Le Floch a été désigné pour le représenter par une décision du 15 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Gauthier a été entendu au cours de l’audience publique.

1. Considérant que M. F…, ressortissant camerounais, né en 1981 a déclaré être entré irrégulièrement en France en juin 2011 et a déposé en 2012 auprès de la préfecture de police de Paris une demande de délivrance d’un titre de séjour pour raison de santé ; qu’il a renouvelé cette demande le 31 octobre 2012 auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique, département dans lequel il réside désormais ; que par lettres des 16 septembre et 30 octobre 2014, M. F… a complété sa demande en sollicitant la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » sur le fondement des dispositions combinées du 7° de l’article L. 313-11 et de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; qu’après avoir recueilli l’avis du médecin de santé publique de l’agence régionale de santé, émis le 15 mai 2014, le préfet de la Loire Atlantique a, par un arrêté du 1er décembre 2014, refusé la délivrance du titre demandé, a assorti sa décision d’une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel l’intéressé était susceptible d’être reconduit d’office ; que M. F… relève appel du jugement du 5 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « est délivrée de plein droit : (…) A l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. » ; qu’aux termes de l’article R. 313-22 du même code : « Pour l’application du 11° de l’article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d’un avis émis par le médecin de l’agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l’intéressé, désigné par le directeur général. (…) » ;

3. Considérant que la partie qui justifie d’un avis du médecin de l’agence régionale de santé venant à l’appui de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence ou l’absence d’un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d’un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l’autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d’apprécier l’état de santé de l’étranger et, le cas échéant, l’existence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si l’état de santé d’un étranger justifie la délivrance d’un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu’en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile ;

4. Considérant que par un avis du 15 mai 2014, le médecin de l’agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l’état de santé de M. F… nécessitait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, qu’il n’existait pas de traitement approprié dans le pays d’origine de l’intéressé, et que les soins devaient être poursuivis pendant un an ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n’était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. F… le titre de séjour qu’il demandait sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au motif notamment que la gravité des conséquences médicales en l’absence de traitement n’était pas établie et qu’un traitement approprié existait dans son pays d’origine ;

5. Considérant que le préfet de la Loire-Atlantique a justifié de la possibilité pour M. F… de bénéficier effectivement des soins que nécessitait sa pathologie de stress post-traumatique par la production de la liste des médicaments essentiels disponibles au Cameroun sur laquelle figure la liste des molécules actives, de la classe des antidépresseurs et des antipsychotiques, disponibles dans ce pays ainsi que par l’avis du médecin conseil du consulat de France à Douala attestant de l’existence de structures de prise en charge médicale de cette pathologie ; que si le requérant soutient que le Risperdal qui lui est prescrit n’est pas disponible dans son pays en se fondant sur une attestation du laboratoire pharmaceutique fabriquant la spécialité, il ne ressort pas toutefois de la liste produite que les molécules des médicaments disponibles au Cameroun n’auraient pas d’effet équivalent au Risperdal ; que, par suite le préfet a pu légalement s’écarter de l’avis émis par le médecin de l’agence régionale de santé et refuser de délivrer à l’intéressé le titre de santé sollicité ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. F… soutient, d’une part, que l’ensemble de ses attaches privées et familiales se situent désormais en France car il vit en concubinage depuis plus de 2 ans avec une ressortissante belge et que le couple a engagé des démarches de procréation médicalement assistée qui lui ont permis de donner naissance à un enfant le 15 octobre 2015 ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre d’une audition le 6 août 2013, le requérant a déclaré vivre à l’époque avec une autre personne alors que sa compagne actuelle était hébergée par une tierce personne ; que compte tenu des pièces produites, la vie commune avec Mme E… n’est établie que depuis septembre 2014 ; que, par ailleurs, le consentement écrit de Mme E… au programme de procréation médicalement assistée, daté du 11 décembre 2014 est postérieur à la décision contestée et, par suite, sans incidence sur sa légalité ; que dès lors, dans les circonstances de l’espèce, eu égard aux conditions d’entrée et de séjour du requérant, celui-ci n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté contesté aurait méconnu les dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les éléments invoqués par le requérant ne peuvent pas davantage être regardés comme des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile justifiant son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d’une carte portant la mention « vie privée et familiale » ; que le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis une erreur manifeste d’appréciation quant aux conséquences d’un tel refus sur la situation personnelle de M. F… ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. F… n’est pas fondé à exciper, par voie d’exception de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l’encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant que pour les motifs indiqués aux points 4 et 5 la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les dispositions du 10° de l’article L.511-4 ni celles de l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ni les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, enfin et pour le surplus, que M. F… se borne à invoquer devant le juge d’appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu’il y a lieu d’écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l’arrêté contesté est suffisamment motivé, qu’il a été pris à l’issue d’une procédure régulière, que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et que le requérant n’est pas fondé à exciper par voie d’exception de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l’encontre de la décision fixant le pays de destination ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. F… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… F… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au Préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l’audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

— M. Coiffet, président,

 – M. Gauthier, premier conseiller,

 – Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 octobre 2016.


Le rapporteur,

E. GauthierLe président,

O. Coiffet

Le greffier,
M. Laurent


La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 15NT03276

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANTES, 3ème chambre, 7 octobre 2016, 15NT03276, Inédit au recueil Lebon