CAA de NANTES, 1ère chambre, 3 novembre 2016, 15NT01150, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 1re ch., 3 nov. 2016, n° 15NT01150
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 15NT01150
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 11 février 2015, N° 1204154
Identifiant Légifrance : CETATEXT000033357877

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation d’entreprise Cité des Télécoms a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 pour un montant total de 810 778 euros et des pénalités correspondantes et, à titre de subsidiaire, de prononcer leur réduction à hauteur de 517 237 euros.

Par un jugement n° 1204154 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a, réduit les bases des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés dues au titre des exercices 2008 et 2009 respectivement à hauteur de 158 591 euros et de 120 680 euros (article 1er), a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés à concurrence de cette réduction des bases d’imposition ainsi que celles des pénalités correspondantes (article 2), et a rejeté le surplus de la demande dont il était saisi (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 novembre 2015, la fondation d’entreprise Cité des Télécoms, représentée par Me B… et Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 février 2015 ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le montant total des investissements réalisés par la société anonyme (SA) France Télécom, devenue Orange, ne peut être intégré aux résultats imposables au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 dès lors, d’une part, que les biens en cause n’ont jamais été la propriété de la fondation mais ont été mis gracieusement à sa disposition conformément aux articles 1876 et 1877 du code civil et en l’absence de tout contrat de location, d’autre part, que ces biens figurent uniquement au bilan de la SA France Télécom en tant qu’immobilisations et y ont fait l’objet d’amortissements réguliers ;

 – seul peut être considéré comme un produit non déclaré l’avantage que représente pour la fondation la jouissance à titre gratuit de ces biens et le montant retenu doit correspondre au montant de l’amortissement comptabilisé par la SA France Télécom au titre de ce même bien et de chaque exercice considéré ;

 – le rehaussement correspondant aux sommes versées par la SA France Télécom à la fondation ne peut aboutir à un montant supérieur à 2 700 000 euros correspondant aux sommes devant être versées par la SA France Télécom dans le cadre du programme d’action pluriannuel prévu par les statuts de la fondation au titre des exercices 2007, 2008 et 2009 ;

 – à titre subsidiaire, elle peut solliciter une compensation, sur le fondement de l’article L. 80 du livre des procédures fiscales, entre les rehaussements en produits et les charges qu’elle a omis de déduire de ses résultats imposables au titre des exercices en litige.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 septembre 2015 et 14 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – les moyens soulevés par la fondation d’entreprise Cité des Télécoms ne sont pas fondés ;

 – en tout état de cause, la différence entre le montant des versements prévus à l’article 14 des statuts de la Fondation, soit 2 700 000 euros par an, et le montant effectivement versé chaque année, constitue une créance certaine qui est imposable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, modifiée ;

 – le décret n° 91-1005 du 30 septembre 1991 pris pour l’application de la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d’entreprise et modifiant les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Chollet,

 – les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la fondation d’entreprise Cité des Télécoms, créée en 2006 par la société anonyme (SA) France Télécom, aujourd’hui Orange, a pour objet statutaire de soutenir la promotion de la culture scientifique et technique liée au secteur des télécommunications auprès du public ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2007 et 2008 et d’un contrôle sur pièces portant sur l’exercice clos en 2009, l’administration a, par deux propositions de rectification des 4 et 5 octobre 2010, notamment imposé la fondation d’entreprise Cité des Télécoms à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés à hauteur de

302 046 euros au titre de l’exercice clos en 2007, de 292 241 euros au titre de l’exercice clos en 2008 et de 274 046 euros au titre de l’exercice clos en 2009, assorties des intérêts de retard prévus par les dispositions de l’article 1727 du code général des impôts, en estimant que des investissements réalisés par la SA France Télécom sur les sites que la fondation exploite, et mis à sa disposition, sont constitutifs de subventions imposables à ce titre ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires des Côtes d’Armor a confirmé lors de sa séance du 16 septembre 2011 l’ensemble des rectifications ; que la fondation d’entreprise Cité des Télécoms relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes n’a réduit les bases des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos en 2008 et 2009 qu’à concurrence respectivement de

158 591 euros et de 120 680 euros (article 1er), a prononcé dans cette mesure la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le sociétés ainsi que celles des pénalités correspondantes (article 2), et a rejeté le surplus de sa demande (article 3) ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (…) 2 – Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt (…). L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 19 de la loi du 23 juillet 1987 modifiée : « Les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives, les institutions de prévoyance ou les mutuelles peuvent créer, en vue de la réalisation d’une oeuvre d’intérêt général, une personne morale, à but non lucratif, dénommée fondation d’entreprise. Lors de la constitution de la fondation d’entreprise, le ou les fondateurs s’engagent à effectuer les versements mentionnés à l’article 19-7 de la présente loi » ; qu’aux termes de l’article 19-1 de la même loi : " La fondation d’entreprise fait connaître à l’autorité administrative toute modification apportée à ses statuts ; ces modifications sont autorisées dans les mêmes formes que les statuts initiaux. (…) » ; que son article 19-2 précise que : « La fondation d’entreprise est créée pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans. Aucun fondateur ne peut s’en retirer s’il n’a pas payé intégralement les sommes qu’il s’est engagé à verser. (…) » ; qu’aux termes de l’article 19-7 de cette loi : « Les statuts de la fondation d’entreprise comprennent un programme d’action pluriannuel dont le montant ne peut être inférieur à une somme fixée par voie réglementaire. Les sommes correspondantes peuvent être versées en plusieurs fractions sur une période maximale de cinq ans. Les sommes que chaque membre fondateur s’engage à verser sont garanties par une caution bancaire » ; qu’aux termes de l’article 3 du décret n° 91-1005 du 30 septembre 1991 : « Les statuts comportent l’indication des sommes que les fondateurs s’engagent à verser et qui correspondent au programme d’action pluriannuel mentionné à l’article 19-7 de la loi du 23 juillet 1987 susvisée ainsi que leur calendrier de versement. » ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 4 des statuts de la fondation d’entreprise requérante : " La fondation d’entreprise Cité des Télécoms est créée pour une durée de cinq ans ; Le Fondateur ne pourra pas se retirer s’il n’a pas payé intégralement les sommes qu’il est engagé à verser. (…) » ; qu’aux termes de l’article 14 de ces statuts : « Le programme d’action pluriannuel s’élève à un montant de 13 500 000 euros. (…) toute majoration du programme d’action pluriannuel sera déclarée sous la forme d’un avenant aux statuts. Pendant cinq ans, le fondateur s’engage à verser chaque année à la fondation les sommes suivantes : 2 700 000 euros en 2006, 2 700 000 euros en 2007, 2 700 000 euros en 2008, 2 700 000 euros en 2009, 2 700 000 euros en 2010. Ces versements sont garantis par une caution bancaire donnée le 26 juillet 2005 par le Crédit industriel et Commercial (…) » ;

5. Considérant que l’administration a constaté que la fondation d’entreprise Cité des Télécoms a, d’une part, porté les sommes de 2 036 000 euros au titre de l’exercice clos en 2007 et 2 122 000 euros au titre de l’exercice clos en 2008 au crédit du compte 740000 « subvention France Télécom » et la somme de 2 309 000 euros à la ligne FO « Subventions d’exploitation » du tableau 2052 de la déclaration 2065 au titre de l’exercice clos en 2009 conformément aux versements effectués sur les comptes bancaires de la fondation, d’autre part, que ces sommes ne correspondaient pas au versement de 2 700 000 euros qui devait lui être attribué annuellement conformément à ses statuts ; qu’au cours de la vérification de comptabilité, la fondation requérante a produit un courrier du 31 mai 2010, signé de son directeur exécutif, qui précise que les allocations budgétaires annuelles qui lui ont été attribuées par la direction de la communication et du mécénat de la SA France Télécom sont, pour l’année 2007, une subvention de 2 036 000 euros et des investissements de 908 000 euros, pour l’année 2008, une subvention de 2 122 000 euros et des investissements de 879 000 euros et pour l’année 2009, une subvention de 2 302 000 euros et des investissements de 586 000 euros ; que l’administration, estimant que les investissements non déclarés constituaient des produits imposables, a procédé à des rehaussements en base en matière d’impôt sur les sociétés à hauteur des montants de ces investissements pour les exercices clos en 2007 et 2008 et à hauteur de 578 400 euros pour l’exercice clos en 2009 en tenant compte du montant de subvention déclaré par la fondation, qui est supérieur à celui figurant dans le courrier du 31 mai 2010 ;

6. Considérant que, pour prononcer la réduction en base des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels a été assujettie la fondation requérante au titre des années 2008 et 2009, les premiers juges ont estimé que si les sommes qui lui avaient été allouées à titre de subventions et d’investissements présentaient le caractère de produits imposables, l’administration avait apprécié le montant des investissements en se fondant sur un document qui ne faisait que retracer des prévisions budgétaires alors que les investissements effectifs étaient moindres ;

7. Considérant que la fondation requérante soutient de nouveau en appel que le montant total des investissements réalisés par la SA France Télécom ne peut être intégré aux résultats imposables au titre des années 2007, 2008 et 2009 dès lors que les biens en cause n’ont jamais été la propriété de la fondation mais ont été mis gracieusement à sa disposition par voie de prêt à usage conformément aux articles 1876 et 1877 du code civil sans contrat de location, que ces biens figurent uniquement au bilan de la SA France Télécom en tant qu’immobilisations et ont fait l’objet d’amortissements réguliers, qu’enfin, ces investissements n’ont eu aucune incidence sur son actif net de sorte qu’ils n’ont pas eu pour effet d’augmenter son bénéfice net ;

8. Considérant qu’il est constant que les investissements litigieux portent sur des immobilisations détenues par la SA France Télécom et ne peuvent ainsi majorer la valeur de l’actif net de la fondation ; que, dans ces conditions, l’administration n’était pas fondée à imposer à l’impôt sur les sociétés la valeur de ces investissements ;

9. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la fondation tant en première instance qu’en appel ;

10. Considérant qu’il y a lieu de constater que la fondation n’invoque aucun autre moyen ;

11. Considérant, en revanche, que le ministre fait valoir, par la voie de l’appel incident et à titre subsidiaire, que les subventions octroyées par la SA France Télécom constituent un produit à hauteur des sommes figurant dans le programme d’action pluriannuel de la fondation, soit pour chaque exercice clos 2 700 000 euros, dès lors que ces sommes constituent des créances certaines dans leur principe et leur montant ; qu’ainsi le ministre demande le maintien des rehaussements des bases d’imposition à hauteur de la différence entre le montant des subventions que la SA France Télécom s’était engagée à verser et le montant des subventions effectivement comptabilisées par la fondation ;

12. Considérant que, pour l’application du 2 de l’article 38 du code général des impôts applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l’actif net à la clôture de l’exercice, de toutes les créances que le contribuable a acquises sur des tiers ainsi que de toutes les dettes qui sont nées à sa charge envers les tiers, lorsque ces créances et ces dettes sont, à la date de la clôture de l’exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant ;

13. Considérant que le plan d’action pluriannuel figurant dans les statuts de la fondation, lesquels n’ont pas été modifiés, constitue un engagement financier irrévocable de la SA France Télécom ; que, dès lors que l’article 14 des statuts mentionnent que des versements de 2 700 000 euros doivent être effectués au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ces sommes constituent des créances certaines dans leur principe et leur montant  ; qu’il suit de là que les bases d’imposition à l’impôt sur les sociétés de la fondation d’entreprise Cité des Télécoms doivent être fixées à 2 700 000 euros en qui concerne les subventions de la société France Télécom pour chacun des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ; que, par suite, il y a lieu de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant de la différence entre les rehaussements effectués par l’administration fiscale et les bases d’imposition ainsi fixées ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu’il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la fondation d’entreprise Cité des Télécoms la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases d’imposition à l’impôt sur les sociétés de la fondation d’entreprise Cité des Télécoms sont fixées à 2 700 000 euros en qui concerne les subventions de la société France Télécom pour chacun des exercices clos en 2007, 2008 et 2009.

Article 2 : La Cité des Télécoms est déchargée des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant de la différence entre les rehaussements effectués par l’administration fiscale et les bases d’imposition fixées à l’article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 février 2015 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la fondation d’entreprise Cité des Télécoms est rejeté.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la fondation d’entreprise Cité des Télécoms et au ministre de l’économie et des finances.

Délibéré après l’audience du 13 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

— M. Bataille, président de chambre,

 – Mme Aubert, président-assesseur,

 – Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2016.


Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15NT01150

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