CAA de NANTES, 2ème chambre, 9 novembre 2018, 16NT03159, Inédit au recueil Lebon

  • Domaine public·
  • Propriété des personnes·
  • Personne publique·
  • Département·
  • Enquete publique·
  • Transfert·
  • Cours d'eau·
  • Commissaire enquêteur·
  • Collectivités territoriales·
  • Région

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 9 nov. 2018, n° 16NT03159
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 16NT03159
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 18 juillet 2016, N° 1304386
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037599487

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) « Les Enfas » a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de Carquefou, le domaine public fluvial.

Par un jugement n° 1304386 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 septembre 2016 et le 21 juin 2018, la SCI « Les Enfas », représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- la délimitation du domaine public de l’Erdre ne ressortit pas à la compétence du département dès lors que ce dernier n’est pas devenu régulièrement et légalement le propriétaire de cette dépendance du domaine public ;

- l’avis des riverains n’a pas été recueilli préalablement à l’ouverture de l’enquête publique en méconnaissance des dispositions de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le dossier soumis à enquête publique n’était pas complet faute de comporter une présentation des conditions d’aménagement du domaine envisagées ainsi que le prévoient les dispositions du d) du 3° de l’article R. 2111-18 du code général de la propriété des personnes publiques ; il était, en outre, entaché d’insuffisance dès lors qu’il ne permettait pas d’identifier les emplacements concernés par l’application de la cote de 4,60 mètres NGF, par dérogation au principe général de limite physique de la berge, et que les cartes jointes étaient insuffisamment précises ;

- l’avis formulé par le commissaire enquêteur le 18 février 2012 révèle un parti pris et n’est pas motivé sur plusieurs points ;

- la décision contestée aurait dû être précédée d’une étude d’impact ou d’une évaluation environnementale ;

- dès lors que, dans le périmètre concerné par la délimitation, l’Erdre, régulée par les ouvrages de l’écluse Saint-Félix, constitue non un cours d’eau mais un plan d’eaux stagnantes, dont l’étalement excède le lit de la rivière d’origine, relevant ainsi du domaine public artificiel, l’application des principes de délimitation du domaine public naturel, est irrégulière ; il en résulte une expropriation de fait ;

- la méthode de délimitation retenue est erronée et invérifiable, n’est pas conforme à la règle du « plenissimum flumen » et méconnaît le principe d’égalité dès lors que la différence de traitement entre les secteurs pour lesquels les berges étaient difficilement identifiables d’une part et les boires et marécages d’autre part n’est justifiée par aucune différence objective de situation ;

- l’arrêté contesté ne permet pas aux riverains de connaître précisément la limite de leur propriété.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juin 2017 et le 1er août 2018, le département de la Loire-Atlantique, représenté par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d’une somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

 – la requérante n’est pas recevable à exciper de l’illégalité de l’arrêté préfectoral du 18 décembre 2007, lequel est dépourvu de caractère réglementaire et est devenu définitif ;

 – le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 2111-18 du code général de la propriété des personnes publiques est inopérant ;

 – les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

 – le code général de la propriété des personnes publiques ;

 – la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

 – l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ;

 – le décret n° 2005-992 du 16 août 2005 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Bougrine,

 – les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, représentant la SCI « Les Enfas » et les observations de Me B…, représentant le département de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Par trois arrêtés du 27 mars 2013, le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l’Erdre sur le territoire des communes de Sucé-sur-Erdre, la Chapelle-sur-Erdre et Carquefou. La société civile immobilière (SCI) « Les Enfas », qui est propriétaire d’un ensemble immobilier, situé sur la commune de Carquefou, en bordure de la rivière de l’Erdre, relève appel du jugement du 19 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial sur la rive gauche de l’Erdre sur le territoire de la commune de Carquefou.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la compétence du département :

2. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les transferts de propriété du domaine public fluvial au profit d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales de la part de l’Etat ou d’une autre personne publique peuvent être opérés à la demande de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement. (…) / Ces transferts s’opèrent en priorité au profit de la région ou du groupement de régions territorialement compétent qui en fait la demande. Lorsque d’autres collectivités ou groupements de collectivités territorialement compétents souhaitent bénéficier d’un tel transfert, leurs demandes sont transmises pour avis à la région. Ils peuvent bénéficier de ce transfert si, à l’issue d’un délai de six mois à compter de la saisine pour avis, la région territorialement compétente n’a pas elle-même formulé la demande. / (…) / La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire du transfert succède dans l’ensemble des droits et obligations à l’égard des tiers à la personne publique gestionnaire de ce domaine avant la date du transfert. / (…) ». D’autre part, en vertu de l’article 32 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dont les dispositions ont été reprises à l’article 4 de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, les cours d’eau et canaux ayant fait l’objet d’une mise à disposition au profit d’une région sur le fondement de la loi du 22 mars 1983, antérieurement à la loi du 13 août 2004, sont transférés de plein droit et en toute propriété à cette région, sauf si elle s’y oppose expressément avant le 31 décembre 2007.

3. Par un décret du Premier ministre du 15 juin 1989, ont été transférées à la région des Pays de la Loire les compétences exercées par l’Etat en matière d’aménagement et d’exploitation de plusieurs voies navigables dont l’Erdre. A ce titre, les dépendances du domaine public correspondant à ces voies navigables ont été mises à la disposition de la région. Il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé de conclusions de la réunion technique, portant sur le transfert de propriété du domaine public fluvial dans le département de la Loire-Atlantique, qui s’est déroulée le 5 juillet 2006 et à laquelle participaient notamment le secrétaire général aux affaires régionales, deux représentants du conseil régional des Pays de la Loire et un représentant du conseil général de la Loire-Atlantique, que la région des Pays de la Loire était informée du souhait du département de la Loire-Atlantique de bénéficier du transfert de propriété du domaine public fluvial de l’Erdre. Par une délibération du 20 octobre 2006, le conseil régional des Pays de la Loire a décidé de " refuser le transfert [à son profit] du domaine public fluvial sur lequel celle-ci a reçu compétence d’aménagement et d’exploitation « et émis » un avis favorable sur le transfert en pleine propriété des voies d’eau concernées au profit des collectivités qui en ont fait la demande « . Dans ces conditions, alors même qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de transfert formée par le département ait été formellement transmise pour avis à la région, cette dernière doit être regardée comme n’ayant pas, en l’espèce, été privée de la garantie et de la priorité dont elle bénéficiait sur le fondement des dispositions de l’article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article 32 de la loi du 13 août 2004. Par suite, la SCI » Les Enfas " n’est pas fondée à soutenir que le transfert du domaine public fluvial de l’Erdre au département serait intervenu au terme d’une procédure irrégulière.

4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 10 du décret du 16 août 2005 relatif à la constitution et à la gestion du domaine public fluvial de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements : « La propriété des éléments du domaine public fluvial de l’Etat peut être transférée aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, à l’exception des cours d’eau, canaux et ports intérieurs d’intérêt national dont la liste est annexée au présent décret et des sections incluses dans le périmètre d’une concession accordée au titre de l’utilisation de l’énergie hydraulique. ». Les stipulations de l’acte de transfert des éléments du domaine public fluvial de l’Etat au département de la Loire-Atlantique prévoient en conséquence qu’il « y aura lieu à annulation du présent acte si l’on a compris dans le transfert un bien ou une partie de bien quelconque non susceptible d’être cédée par l’Etat ». Le ruisseau de l’Hocmard, affluent de l’Erdre, ne figurant pas dans la liste annexée au décret susmentionné, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations précitées pour soutenir que le transfert des dépendances du domaine public fluvial de l’Etat au département de la Loire-Atlantique serait entaché de nullité ni, par suite, que le département ne serait pas propriétaire du domaine public fluvial de l’Erdre.

5. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le transfert des dépendances du domaine public fluvial au profit du département étant irrégulier, le président du conseil général ne pouvait compétemment, au nom du département, procéder à leur délimitation ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

6. En premier lieu, aux termes de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction applicable au litige : « Les limites du domaine public fluvial sont fixées, dans les conditions définies au premier alinéa de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, par arrêté du préfet de département pour le domaine de l’Etat et par arrêté de l’autorité compétente de la collectivité propriétaire pour le domaine des collectivités territoriales et de leurs groupements. / A défaut d’accord des propriétaires sur la délimitation proposée, l’arrêté est pris après une enquête publique organisée dans les conditions prévues aux articles R. 11-4 à R. 11-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. ».

7. Si les dispositions précitées exigent l’organisation d’une enquête publique en cas de désaccord des propriétaires riverains sur un projet de délimitation, elles n’ont pas pour objet d’imposer à l’administration de mener une concertation avec les intéressés préalablement à l’ouverture d’une telle enquête. En l’espèce, dès lors qu’une enquête publique a été effectivement réalisée, du 2 au 18 janvier 2013, préalablement à l’intervention de l’arrêté contesté, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le désaccord des riverains n’aurait pas été recueilli. Au surplus, il ressort des pièces du dossier qu’une partie importante des propriétaires riverains avait manifesté son désaccord à propos de projets d’arrêtés de délimitation, portant sur les mêmes secteurs et fondés sur les mêmes principes, lors de campagnes d’information ayant précédé des enquêtes publiques effectuées en 2011 et 2012. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du second alinéa de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l’arrêté contesté se borne à constater les limites du domaine public fluvial de l’Erdre sur le territoire de la commune de Carquefou, telles qu’elles résultent des phénomènes physiques observés, en réservant les droits des tiers. Il est indépendant de l’existence de la servitude de marchepied qui résulte de l’article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Par ailleurs, n’ayant pas pour objet la réalisation de travaux, ouvrages ou aménagements, il n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement. Enfin, l’arrêté litigieux ne peut davantage être regardé comme un document de planification au sens des articles L. 122-4 et L. 414-4 de ce code. Par suite, le moyen tiré du défaut d’étude d’impact et d’évaluation environnementale doit être écarté comme inopérant.

9. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer, à l’encontre de l’arrêté contesté portant délimitation du domaine public fluvial, la méconnaissance des dispositions de l’article R. 2111-18 du code général de la propriété des personnes publiques, lesquelles sont relatives au contenu du dossier mis à l’enquête publique dans le cadre d’une procédure de classement dans le domaine public.

10. En quatrième lieu, en vertu du second alinéa de l’article R. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction applicable au litige, l’enquête publique est organisée dans les conditions prévues aux articles R. 11-4 à R. 11-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 11-7 de ce code : « Tous documents, plans et maquettes établis par l’expropriant peuvent préciser les opérations projetées. ».

11. Il ressort des pièces du dossier que le dossier d’enquête comportait des vues aériennes sur lesquelles était reporté le tracé des limites domaniales, représenté par des points topographiques, identifiés par des coordonnées X et Y dans le référentiel de projection Lambert II et séparés d’intervalles de dix mètres au plus. Cette représentation présentait ainsi un degré de précision suffisant alors même que l’échelle utilisée était de 1/2500. Par ailleurs, la partie littérale du dossier qui présentait les modalités de délimitation retenues, différentes selon les caractéristiques physiques, illustrées par des dessins, des zones considérées, permettait aux riverains de connaître quel principe de délimitation avait été appliqué au droit de leur propriété. Ces derniers ont ainsi été correctement et suffisamment informés alors même que les cartes ne faisaient pas apparaître les endroits où la délimitation a été effectuée par application d’une cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69 et non au niveau de la limite physique de la berge. Enfin, la circonstance que le commissaire enquêteur ait effectué une visite des lieux et ait sollicité des observations auprès du département n’est pas de nature, en l’espèce, à démontrer que les riverains n’auraient pas bénéficié d’une information suffisante. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du dossier d’enquête publique doit être écarté.

12. En cinquième lieu, en vertu de l’article R. 11-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, il appartient au commissaire enquêteur, après avoir examiné les observations consignées ou annexées aux registres et entendu toutes personnes qu’il paraît utile de consulter ainsi que les propriétaires riverains s’ils le demandent, de rédiger des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l’opération.

13. D’une part, les conclusions et l’avis émis le 18 février 2013 par le commissaire enquêteur font apparaître les raisons pour lesquelles ce dernier a estimé devoir émettre un avis favorable au projet de délimitation. La « SCI Les Enfas » ne précise, par ailleurs, pas les points à propos desquels elle soutient que l’avis est insuffisamment motivé. En mettant en cause le bien-fondé de l’analyse du commissaire et la pertinence des documents sur lesquels il s’est fondé dans son rapport, elle ne critique pas utilement la suffisante motivation de son avis. D’autre part, si le commissaire enquêteur, qui a émis un avis favorable assorti de trois recommandations, a repris à son compte les arguments développés par le département, il ne résulte pas de cette circonstance que ses conclusions ne traduiraient pas un avis objectif et personnel. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort d’aucun des éléments du dossier, notamment pas de la circonstance que le commissaire enquêteur ait relevé que, par le passé, le niveau de l’Erdre avait été plus élevé, en se fondant notamment sur un document consulté sur le site Internet de l’association Erdre et Nature, que le commissaire enquêteur aurait manqué à son obligation d’impartialité.

En ce qui concerne l’opération de délimitation du domaine public fluvial :

14. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eau et lacs appartenant à l’Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial. ». Le premier alinéa de l’article L. 2111-9 de ce code dispose : « Les limites des cours d’eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder. ». Aux termes de l’article L. 2111-10 du même code : " Le domaine public fluvial artificiel est constitué : / 1° Des canaux et plans d’eau appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 2111-7 ou à un port autonome et classés dans son domaine public fluvial ; / (…) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que la rivière de l’Erdre, affluent de la Loire, est caractérisée par un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. Ainsi, alors même que dans la partie aval de son cours, sa pente est très faible et son débit régulé par les ouvrages de l’écluse Saint-Félix à Nantes, l’Erdre doit être regardée comme un cours d’eau domanial au sens de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques. Dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’Erdre constituerait un plan d’eau au sens de l’article L. 2111-10 de ce code et relèverait, en conséquence, du domaine public fluvial artificiel ni, par suite, que la délimitation litigieuse, fondée sur les dispositions de l’article L. 2111-9 du même code, serait irrégulière et conduirait à une expropriation de fait.

16. En deuxième lieu, les dispositions de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, citées au point 14 du présent arrêt, doivent être entendues comme fixant la limite du domaine public fluvial au point où les plus hautes eaux peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Pour l’application de ces prescriptions, il appartient, en principe, à l’autorité administrative de déterminer le point le plus bas des berges du cours d’eau pour chaque section de même régime hydraulique, sans prendre en compte les points qui, en raison de la configuration du sol ou de la disposition des lieux, doivent être regardés comme des points exceptionnels à négliger pour le travail d’ensemble de la délimitation. Par le point le plus bas ainsi déterminé, il y a lieu de faire passer un plan incliné de l’amont vers l’aval parallèlement à la surface du niveau des hautes eaux observé directement sur les lieux. La limite du domaine public doit être fixée à l’intersection de ce plan avec les deux rives du cours d’eau.

17. Il ressort des pièces du dossier que pour procéder à la délimitation de son domaine public fluvial de l’Erdre, le département a, pour la partie du linéaire caractérisée par la présence de talus ou de francs-bords, retenu la limite physique de la berge. S’agissant des zones dans lesquelles cette limite n’était pas identifiable en raison des caractéristiques physiques de la berge, il a fixé la limite à la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69. Enfin, la délimitation du domaine dans les secteurs de boires et de marécage correspond à la délimitation cadastrale.

18. D’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la partie aval de l’Erdre présente un caractère plat et que la hauteur des eaux ne résulte pas seulement de phénomènes naturels mais aussi de l’existence des ouvrages de l’écluse Saint-Félix ne fait pas, en soi, obstacle à ce que le domaine public fluvial soit délimité, conformément à la règle posée à l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, selon la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder. D’autre part, la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69 a été arrêtée en considération du dépassement, observé lors de petites crues hivernales dépourvues de caractère exceptionnel, du niveau de 4,54 mètres NGF correspondant à celui auquel la régulation par l’écluse Saint-Félix doit aboutir en hiver, en application du protocole de gestion des niveaux d’eau de l’Erdre. L’analyse statistique des niveaux de l’Erdre, réalisée en janvier 2011 par un bureau d’études spécialisé en ingénierie de l’eau à partir de valeurs relevées au cours de 62 années hydrologiques et dont la fiabilité a été vérifiée, indique que la période de retour associée au niveau d’eau de 4,60 mètres NGF-IGN 69 est d’un an et un mois. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cote retenue de 4,60 mètres NGF-IGN 69, laquelle repose sur des constats objectifs, serait erronée. Enfin, la requérante, qui au demeurant n’apporte aucun élément de nature à démontrer que les zones marécageuses et de boires présenteraient une configuration et un régime hydraulique comparables à ceux des secteurs où il a été fait application de la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69, ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe d’égalité.

19. En revanche, les limites du domaine public fluvial dans les secteurs de marécages et de boires ont été déterminées en les faisant correspondre aux limites cadastrales des propriétés riveraines. Aucune pièce du dossier ne permet de regarder ces limites cadastrales comme correspondant aux points où les plus hautes eaux peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Ainsi, la SCI « Les Enfas » est fondée à soutenir que la délimitation du domaine public fluvial de l’Erdre, en tant qu’il concerne les secteurs de marécages et de boires, a été effectuée en méconnaissance des prescriptions résultant de l’article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques.

20. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les plans annexés à l’arrêté contesté n’aient pas permis aux propriétaires riverains d’avoir une connaissance suffisamment précise des limites du domaine public fluvial au droit de leur propriété.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI « Les Enfas » est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du président du conseil général de la Loire-Atlantique du 27 mars 2013 seulement en tant que la délimitation à laquelle il procède porte sur les zones de marécages et de boires.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de la requérante, qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, une somme que demande le département au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge du département la somme que demande la SCI « Les Enfas » au titre de frais de même nature.

D E C I D E  :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2016 est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l’Erdre sur la commune de Carquefou en tant qu’il porte sur les zones de marécages et de boires.

Article 2 : L’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l’Erdre sur la commune de Carquefou est annulé en tant qu’il porte sur les zones de marécages et de boires.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Article 4 : Les conclusions du département de la Loire-Atlantique présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière « Les Enfas » et au département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l’audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,
Mme Brisson, président assesseur,
Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le rapporteur,

K. BOUGRINE

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03159

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANTES, 2ème chambre, 9 novembre 2018, 16NT03159, Inédit au recueil Lebon