CAA de NANTES, 4ème chambre, 12 juin 2020, 19NT02112, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 4e ch., 12 juin 2020, n° 19NT02112
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT02112
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 3 avril 2019, N° 1804313
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042006340

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D… a demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner l’Etat à lui verser une somme de 17 779, 80 euros en réparation des préjudices résultant de l’illégalité de la décision du 29 avril 2016 par laquelle le préfet d’Indre-et-Loire a rejeté sa demande de renouvellement de l’agrément l’habilitant à accéder à la zone réservée de l’aéroport de Tours-Val de Loire.

Par un jugement n° 1804313 du 4 avril 2019, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2019 et le 27 février 2020, M. A… D…, représenté par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1804313 du tribunal administratif d’Orléans ;

2°) statuant par l’effet dévolutif de l’appel, de condamner l’Etat à lui verser une somme de 17 779, 80 euros en réparation des préjudices subis du fait de la décision du 29 avril 2016 par laquelle la préfète de Maine-et-Loire a refusé de renouveler son agrément l’habilitant à accéder à la zone réservée de l’aéroport de Tours-Val de Loire ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de deux mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l’Etat.

Il soutient que :

- la responsabilité pour faute de l’Etat est engagée en raison de l’illégalité de la décision du 29 avril 2016 ;

o la préfète d’Indre-et-Loire ne pouvait se fonder sur les extraits du fichier de traitement des procédures judiciaires pour suppléer l’absence de motivation de sa décision de refus de renouvellement d’agrément dès lors que rien ne permet d’établir ni que la personne qui a consulté le fichier était habilitée à le faire, ni que le fichier a été consulté à une date antérieure au 29 avril 2016 ; l’habilitation de la personne consultant le fichier constitue une garantie ;

o les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne sont pas suffisants pour fonder un refus de renouvellement de son habilitation ; la seule inscription dans le fichier des procédures judiciaires n’emporte pas présomption de culpabilité ; l’existence matérielle des faits n’est pas établie ; la plainte déposée par sa compagne, pour amorcer une séparation, a été retirée ; il a été relaxé par le tribunal de police des faits dénoncés par son ancienne voisine, amie de son ex-compagne ;

o la préfète d’Indre-et-Loire a commis une erreur d’appréciation ; il justifiait de quatre années d’ancienneté et d’un comportement exemplaire ; son casier judiciaire était vierge ; les faits mentionnés au fichier des procédures judiciaires ne correspondent au maximum qu’à des contraventions de quatrième classe ; ils sont purement isolés et n’ont été commis ni pendant les heures de travail ni sur le lieu de travail ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l’Etat peut être engagée en raison de la rupture d’égalité devant les charges publiques ; son préjudice est grave puisqu’il a perdu son emploi de plein droit, alors qu’il était titulaire d’un contrat à durée indéterminée ; il est dans une situation de grave précarité à la suite de la perte de son emploi ;

- en ce qui concerne ses préjudices :

o il a subi une perte de revenus entre le 1er juin 2016 et le 9 janvier 2017 évaluée à 5 195, 39 euros, à laquelle doit s’ajouter une prime de 946, 44 euros au titre de la perte des primes de performance, dues de plein droit en application de la convention collective ;

o il doit obtenir une certification, dont le montant s’élève à la somme de 2 211 euros, à laquelle doivent s’ajouter des frais de transport et d’hébergement, estimés à 500 euros ;

o il a subi un préjudice moral et une perte de confiance, estimés à 5 000 euros ; il a subi un état anxio-dépressif, puis une dépression et a vu sa vie de famille brisée ;

o il a perdu une chance de retrouver en emploi à bref délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la responsabilité pour faute de l’Etat ne peut être engagée ;

o l’éventuelle illégalité tenant au défaut de motivation de la décision du 29 avril 2016 n’est pas suffisante à elle-seule pour ouvrir droit à indemnisation si la décision est justifiée dans son principe ;

o l’illégalité tendant à l’éventuel défaut d’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier de traitement des procédures judiciaires ne peut ouvrir à elle seule droit à indemnisation dès lors d’une part que l’irrégularité alléguée n’a pas eu d’influence sur le sens de la décision prise par la préfète et d’autre part qu’elle n’a pas privé M. D… d’une garantie substantielle ;

o la décision n’est pas entachée d’erreur d’appréciation ; il ressort du fichier de traitement des procédures judiciaires que M. D… a été mis en cause en qualité d’auteur présumé pour des faits de violences suivis d’une incapacité de travail n’ayant pas excédé huit jours en novembre 2015 puis en janvier 2016 sur des personnes différentes ; les faits de violence ressortent de l’ordonnance du juge aux affaires familiales ; les faits étaient de nature à remettre en cause la capacité du requérant à conserver son sang-froid en toutes circonstances et à intervenir avec calme ; M. D… ne conteste pas l’altercation de janvier 2016 et le jugement du tribunal de police n’est pas de nature à démontrer l’absence de bien-fondé de la mesure à la date de son édiction ; M. D… ne conteste pas sérieusement les faits de novembre 2015 ; l’absence de mention au casier judiciaire ne lie pas l’administration ;

o la décision étant une mesure de police et non une sanction, le principe de la présomption d’innocence résultant du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut être invoqué ;

- la responsabilité sans faute de l’Etat ne peut être engagée ; une suspension d’agrément légale peut engager la responsabilité sans faute de l’Etat uniquement dans l’hypothèse où les intéressés ont été reconnus innocents des faits reprochés ; M. D… n’a nullement été innocenté par le classement sans suite des faits de novembre 2015 et par le jugement de relaxe au bénéfice du doute pour les faits de janvier 2016 ; l’agrément sollicité lui a été délivré dès le 9 janvier 2017 ;

- à titre subsidiaire, le montant du préjudice ne saurait excéder la somme globale de 3 853,18 euros, tous chefs de préjudice compris.

Par une ordonnance du 24 janvier 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 28 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

M. D… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 11 juillet 2019.

Vu :

- le code de l’aviation civile ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des transports ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme E…, première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A… D… a été engagé en qualité d’opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire par la société Cave Canem le 30 mars 2012 et bénéficiait, pour exercer ses fonctions, d’un agrément délivré en application du code des transports. Son contrat a été transféré à compter du 1er avril 2013 à la société ICTS et M. D… a été affecté en qualité d’opérateur qualifié de sûreté aéroportuaire et affecté au sein de l’aéroport de Tours-Val de Loire (Indre-et-Loire). Les agréments nécessaires pour exercer les opérations d’inspection-filtrage et pour accéder à la zone réservée de l’aéroport venant à expiration, la société ICTS en a demandé le renouvellement pour le compte de M. D…. Par une décision du 29 avril 2016, la préfète d’Indre-et-Loire a refusé de renouveler l’habilitation de l’intéressé pour accéder à la zone réservée de l’aéroport. M. D… a saisi, le 30 juin 2016, le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à l’annulation de la décision de la préfète d’Indre-et-Loire du 29 avril 2016. Par un courrier du 20 décembre 2016, la société ICTS a prononcé le licenciement de M. D…. Ultérieurement, le 9 janvier 2017, la préfète d’Indre-et-Loire a finalement accordé à l’intéressé l’agrément en qualité d’agent de sûreté d’aéroport. A la suite de cette décision, par une ordonnance du 28 novembre 2017, le tribunal administratif d’Orléans a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d’annulation dirigée par M. D… contre la décision du 29 avril 2016. Après avoir vainement saisi l’Etat d’une demande indemnitaire préalable, M. D… a saisi, le 5 décembre 2018, le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à la condamnation de l’Etat à réparer les préjudices résultant de la décision du 29 avril 2016. M. D… relève appel du jugement, du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l’Etat du fait de l’illégalité de la décision du 29 avril 2016 :

2. L’article L. 6342-4 du code des transports, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " (…) II. _ Les opérations d’inspection-filtrage des personnes, des objets qu’elles transportent et des bagages ainsi que les opérations d’inspection des véhicules peuvent être réalisées, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, par des agents de nationalité française ou ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, désignés par les entreprises ou organismes mentionnés à l’article L. 6341-2 ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. / Ces agents doivent avoir été préalablement agréés par le représentant de l’Etat dans le département et le procureur de la République. (…)/ IV. _ Les agréments prévus au II sont précédés d’une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification. / L’enquête diligentée dans le cadre de la délivrance de l’habilitation mentionnée à l’article L. 6342-3 vaut enquête décrite au précédent alinéa, lorsque les demandes d’habilitation et d’agrément sont concomitantes. / Les agréments sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l’Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de l’ordre public ou sont incompatibles avec l’exercice des missions susmentionnées « . L’article R. 213-5 du code de l’aviation civile, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : » I. – L’employeur constitue, pour chaque agent présenté en vue de l’agrément pour l’exercice des inspections-filtrages et fouilles de sûreté prévues à l’article L. 6342-4 du code des transports, un dossier qui comprend l’identité de l’agent, sa nationalité, les tâches qu’il devra exercer et son expérience professionnelle, le nom de l’aérodrome sur lequel ces tâches seront effectuées, les pièces établissant la raison sociale de son entreprise et une copie de son autorisation administrative prévue par l’article L. 612-9 du code de la sécurité intérieure. / (…) III.-L’agrément visé au II de l’article L. 6342-4 du code des transports est délivré, refusé et retiré par le préfet compétent sur l’aérodrome dans lequel l’agent accomplit ses fonctions et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé cet aérodrome. / L’agrément est valable sur l’ensemble du territoire national. L’agrément est valable pour une durée qui ne peut excéder cinq ans « . Par ailleurs, l’article L. 6342-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : » Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret, aux colis postaux ou au courrier postal, sécurisés par un agent habilité ou ayant fait l’objet de contrôles de sûreté par un chargeur connu et identifiés comme devant être acheminés par voie aérienne, doivent être habilitées par l’autorité administrative compétente. / La délivrance de cette habilitation est précédée d’une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification (…) ".

3. En premier lieu, l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (…) 6° Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l’article L. 311-5 (…) ".

4. La décision dont l’illégalité est invoquée à l’appui des conclusions indemnitaires de M. D… ne comporte l’exposé d’aucune considération de droit qui la fonde. En outre, elle se borne à indiquer que « compte tenu des renseignements recueillis sur M. A… D… », la préfète d’Indre-et-Loire a décidé de ne pas lui accorder le renouvellement de l’agrément demandé, sans préciser aucunement la nature et la provenance des renseignements recueillis. Dès lors, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, cette décision ne peut être regardée comme suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, l’article 230-6 du code de procédure pénale dispose que : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en oeuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel recueillies : / 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant : / a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; /b) Une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’Etat ; / (…) « . Par ailleurs, l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable, dispose que : » Les décisions administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant soit les emplois publics participant à l’exercice des missions de souveraineté de l’Etat, soit les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, soit l’accès à des zones protégées en raison de l’activité qui s’y exerce, soit l’utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées « . Enfin l’article R. 114-4 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable, dispose que : » Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l’article R. 114-1 les autorisations d’accès aux lieux suivants protégés en raison de l’activité qui s’y exerce : (…) / 4° Zones non librement accessibles des aérodromes, aux zones d’accès restreint, délimitées à l’intérieur des zones portuaires de sûreté et aux installations à usage aéronautique ou d’assistance météorologique mentionnées à l’article L. 6332-1 du code des transports (…) ".

6. Il ressort des dispositions citées au point précédent du présent arrêt que l’habilitation et le titre d’accès à la zone réservée de l’aéroport de Tours-Val de Loire demandés pour le compte de M. D… sont au nombre des décisions administratives d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation relatives à l’accès à des zones protégées en raison de l’activité qui s’y exerce pouvant être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. Dans le cadre de cette enquête administrative peut être réalisée la consultation de fichiers de traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l’article 230-6 du code de procédure pénale. Il résulte de l’instruction, et notamment des documents produits en première instance par la préfète d’Indre-et-Loire, que l’instruction de la demande de renouvellement de l’agrément de M. D… a donné lieu à la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires, fichier de données personnelles au sens des dispositions de l’article 230-6 du code de procédure pénale.

7. Il ressort des dispositions du quatrième alinéa de l’article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, reprises à l’article L. 234-2 du code de sécurité intérieure, que la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l’article 230-6 du code de procédure pénale, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, est faite par des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale spécialement habilités à cet effet et que, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, elle peut également être effectuée par des personnels investis de missions de police administrative désignés selon les mêmes procédures. Le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 relatif au traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) a, notamment, créé dans le code de procédure pénale un article R. 40-29 qui, dans sa rédaction applicable, dispose que : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l’article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 et aux articles L. 114-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l’exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l’article R. 40-28. / Cette consultation peut également être effectuée par : / -des personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l’Etat. L’habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l’identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l’enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d’information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d’information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d’antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l’autorité de police administrative à l’origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l’article 230-8 ; / -les agents individuellement désignés et spécialement habilités des services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article R. 234-2 du code de la sécurité intérieure (…) « . Il ressort de ces dispositions que la consultation dans le cadre d’une telle enquête administrative de ces nouveaux fichiers, qui agrègent en partie des fichiers » STIC « existants, requiert une habilitation spéciale. En outre, aussi bien pour les anciens fichiers dits d’antécédents de l’article 230-6 du code de procédure pénale et notamment les fichiers STIC que pour ceux créés à compter du décret n° 2012-652 dits » traitement d’antécédents judiciaires " (TAJ) dont les finalités sont celles mentionnées à l’article 230-6, seuls des personnels spécialement habilités peuvent consulter ces fichiers et les procédures d’habilitation spéciales diffèrent selon les personnels et les missions exercées.

8. Alors que M. D… a explicitement soutenu qu’il n’était pas établi que l’agent ayant consulté la fiche le concernant du fichier de traitement des antécédents judiciaires disposait de l’habilitation spéciale lui permettant de consulter les fichiers d’antécédents mentionnés à l’article 230-6 du code de procédure pénale, le ministre intimé se borne à indiquer que l’éventuel défaut d’habilitation de cet agent n’aurait eu aucune conséquence sur le sens de la décision de la préfète d’Indre-et-Loire et n’aurait privé l’intéressé d’aucune garantie. Dans ces conditions, en l’absence de toute précision de la part de l’administration sur l’existence d’une habilitation spéciale détenue par l’agent ayant réalisé la consultation du fichier d’antécédents dans le cadre de l’enquête administrative relative à M. D…, l’administration doit être regardée comme ayant eu irrégulièrement accès aux données desdits fichiers concernant l’intéressé.

9. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

10. En l’espèce, le respect par l’autorité administrative des règles spécifiques d’accès aux fichiers de données personnelles mentionnés à l’article 230-6 du code de procédure pénale et portant sur une habilitation spéciale des personnes pouvant consulter, dans le cadre d’une enquête administrative, de tels fichiers de données personnelles, constitue une garantie pour la personne pour laquelle une demande d’habilitation et d’accès en zone réservée d’un aéroport a été formulée auprès du préfet compétent. Par suite, sans qu’il soit besoin de rechercher si l’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision, l’irrégularité tenant à la consultation, lors de cette enquête administrative, par une personne dont il n’est pas établi qu’elle était spécialement habilitée, de telles données a privé M. D… d’une garantie et entache d’illégalité la décision du 29 avril 2016.

11. En dernier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 du présent arrêt que l’accès à la zone réservée d’un aéroport, non librement accessible au public, est soumis, notamment, à la possession d’une habilitation, laquelle est délivrée par le préfet exerçant les pouvoirs de police sur l’aérodrome lorsque l’entreprise ou l’organisme concerné est situé sur l’emprise de celui-ci, ou par le préfet territorialement compétent dans les autres cas. Le préfet peut refuser, retirer ou suspendre cette habilitation lorsque la moralité de la personne ou son comportement ne présente pas les garanties requises au regard de l’ordre public ou est incompatible avec l’exercice de cette activité dans la zone réservée de l’aérodrome. Ces dispositions ont pour objet de permettre au préfet de prendre les mesures de police administrative destinées à prévenir les risques pour l’ordre public et la sûreté du transport aérien dans les zones les plus sensibles des aéroports en termes de sécurité et de sûreté publique.

12. Il résulte de l’instruction, et notamment des écritures de la préfète d’Indre-et-Loire en première instance et des écritures du ministre de l’intérieur dans la présente instance, que la préfète a refusé de renouveler l’agrément dont bénéficiait M. D… au sein de l’aéroport de Tours-Val de Loire après consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires mentionnant des faits de violence sur les personnes. Il résulte de l’instruction que ce fichier indiquait que l’intéressé, d’une part, avait été mis en cause pour des faits de violence suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS, pour des faits du 12 novembre 2015, d’autre part, avait été également mis en cause pour des faits, du 22 janvier 2016, de violence ayant entrainé une incapacité de travail n’excédant pas 8 jours lors d’un conflit de voisinage. Néanmoins, il résulte de l’instruction que les faits de novembre 2015 imputés à l’intéressé n’ont donné lieu à aucune poursuite pénale, l’ancienne compagne de M. D… ayant retiré sa plainte. Si le ministre soutient que l’existence de violences exercées par l’intéressé à l’égard de son ancienne compagne a été relevée, dans l’ordonnance de la chambre de la famille du tribunal de grande instance de Tours du 16 octobre 2017, le « contexte de violence familiale au moment de la séparation du couple » n’est évoqué dans l’extrait de l’ordonnance produit par l’administration que dans les déclarations de l’ancienne compagne de M. D… pour appuyer une demande d’interdiction de sortie du territoire français à l’égard de l’enfant du couple. Par ailleurs, si les faits de janvier 2016 ont donné lieu à des poursuites pénales, il résulte de l’instruction que par un jugement du 13 septembre 2016, le tribunal de police de Tours a déclaré, au bénéfice du doute, M. D… non coupable de l’ensemble des faits qui lui sont reprochés et a prononcé sa relaxe. Postérieurement à ce jugement, la préfète d’Indre-et-Loire a délivré à M. D… l’agrément sollicité. Dans ces conditions, alors que la décision de refus de renouvellement de l’agrément de l’intéressé était exclusivement fondée sur la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires mentionnant qu’il était mis en cause sans être étayée sur d’autres éléments, les faits à l’origine de la décision dont l’illégalité est invoquée ne peuvent être regardés comme établis.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D… est fondé à invoquer l’illégalité de la décision du 29 avril 2016 et à soutenir que cette illégalité engage la responsabilité de l’Etat pour l’ensemble des préjudices qui en sont la conséquence.

En ce qui concerne les préjudices :

14. En premier lieu, il résulte de l’instruction qu’antérieurement à la décision de non renouvellement de son agrément, M. D… percevait, de la part de son employeur la société ICTS, des revenus, intégrant les éventuelles primes de performance, qui peuvent être estimés à une moyenne mensuelle de 1224, 11 euros. Il résulte également de l’instruction que ce n’est que par un courrier du 26 septembre 2016 que la société ICTS a procédé à la suspension du contrat de travail de M. D… pour une durée de deux mois en raison de l’impossibilité de lui confier des missions du fait de l’absence d’agrément. A l’issue de cette période, son licenciement a été prononcé le 20 décembre 2016, Si M. D… a été placé en congé de maladie à partir du mois de mai 2016, il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance serait imputable essentiellement au non renouvellement de son agrément et aux difficultés professionnelles en découlant. Enfin, il est constant que par une décision du 9 janvier 2017, la préfète d’Indre-et-Loire a accordé à l’intéressé l’agrément en qualité d’agent de sûreté dans les aérodromes. Dès lors, M. D… a été privé de revenus en conséquence de la décision du 29 avril 2016 entre la suspension de son contrat de travail le 26 septembre 2016 et la nouvelle décision d’agrément, le 9 janvier 2017. Il résulte de l’instruction qu’il a perçu pendant cette période un revenu de remplacement, constitué par le revenu de solidarité active à hauteur de 1 613,80 euros. Dès lors, M. D… justifie d’une perte de revenus indemnisable de 2 670, 59 euros.

15. En deuxième lieu, si M. D… demande la condamnation de l’Etat à lui verser une somme correspondant au coût de la certification de qualification professionnelle d’agent de sûreté aéroportuaire, il ne résulte pas de l’instruction que le coût de cette certification, qui doit en tout état de cause être renouvelée trois ans après son obtention, soit en lien avec la décision du 29 avril 2016 portant refus de renouvellement de son agrément. Il suit de là que ce chef de préjudice ne peut être retenu.

16. En dernier lieu, s’il ne résulte pas de l’instruction que les problèmes de santé rencontrés par M. D… à partir de l’été 2016 ou les problèmes de surendettement invoqués seraient imputables à la décision du 29 avril 2016, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l’intéressé du fait de la perte de son emploi consécutive au non renouvellement de son agrément et des troubles de toute nature en résultant en lui allouant à ce titre la somme de 2 000 euros.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l’Etat doit être condamné à verser à M. D… la somme globale de 4 670,59 euros. M. D… est donc fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais du litige :

18. M. D… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me B… dans les conditions fixées à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l’article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804313 du tribunal administratif d’Orléans du 4 avril 2019 est annulé.

Article 2 : L’Etat est condamné à verser à M. D… la somme de 4 670,59 euros (quatre mille six-cent-soixante-dix euros et cinquante-neuf centimes).

Article 3 : L’Etat versera à Me B… la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l’article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus de la demande de M. D… devant le tribunal administratif d’Orléans et de ses conclusions d’appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… D… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète d’Indre-et-Loire.

Délibéré après l’audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

 – M. Lainé, président,

 – M. Jouno, premier conseiller,

 – Mme E…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juin 2020.


La rapporteure,
M. E… Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. C…

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19NT02112

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CAA de NANTES, 4ème chambre, 12 juin 2020, 19NT02112, Inédit au recueil Lebon