CAA de NANTES, 6ème chambre, 21 décembre 2021, 20NT02291, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 21 déc. 2021, n° 20NT02291
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 20NT02291
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 21 juillet 2020, N° 1706502
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044545153

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… A… a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 22 juin 2017 par lequel le maire de Mauves-sur-Loire a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d’abaissement de deux échelons.

Par un jugement n° 1706502 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2020, 10 juin et 12 juillet 2021, Mme A…, représentée par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juillet 2020 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 22 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mauves-sur-Loire le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué est irrégulier en ce qu’il ne comporte pas les signatures prévues à l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;

 – les premiers juges ont entaché leur jugement d’une motivation insuffisante et d’une contradiction de motifs en considérant que l’avis du conseil de discipline était exempt de toute irrégularité tout en annulant la sanction comme étant disproportionnée ;

 – les dispositions de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ont été méconnues ; en l’invitant à faire valoir ses observations, l’administration a entendu respecté les droits de la défense, ce qui impliquait la saisine préalable du conseil de discipline ; par ailleurs, l’annulation de la décision contestée compte tenu de son caractère disproportionné impliquait une nouvelle saisine du conseil de discipline d’autant que le premier avis avait été rendu à la majorité de ses membres avec un faible écart de voix ; le moyen tiré de la violation de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’expression offerte aux lanceurs d’alerte constitue un élément nouveau dont le conseil de discipline n’a pu débattre ; enfin, la régularité de la procédure n’a pas été confirmée par les juridictions administratives alors qu’un élu de Nantes Métropole a siégé au conseil de discipline ;

 – le délai de 8 jours qui lui a été laissé pour faire valoir ses observations était insuffisant ;

 – cette sanction est dépourvue de base légale dans la mesure où le 4° du II de l’article 31 de la loi du 6 août 2019 a limité la sanction de rétrogradation à l’échelon immédiatement inférieur ;

 – l’administration a procédé à une qualification juridique des faits erronée dès lors que la mise en cause du directeur général des services relève de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés les 5 mai 2021 et 6 juillet 2021, la commune de Mauves-sur-Loire, représentée par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A… ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 décembre 2020 le président de la 6èmechambre de la cour a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme A….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

 – le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Gélard,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public

 – les observations de Me Plateaux, représentant Mme A…,

 – et les observations de Me Bernot, représentant la commune de Mauves-sur-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A…, qui a été recrutée à compter du 1er juin 2001 en qualité de secrétaire de mairie de la commune de Mauves-sur-Loire, a été promue au grade d’attaché en août 2003. Après un congé de maladie, l’intéressée a repris ses fonctions à mi-temps thérapeutique en juillet 2012 sur un poste de chargée de mission aux affaires juridiques. Par un arrêté du 12 novembre 2013, elle a fait l’objet d’une sanction disciplinaire consistant en un abaissement de cinq échelons. Toutefois, par un jugement du 22 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision au motif que la sanction prononcée présentait un caractère disproportionné. Ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt n°15NT02914 rendu par la cour le 17 mars 2017. Par un arrêté du 22 juin 2017 le maire de Mauves-sur-Loire a pris à l’encontre de Mme A… une nouvelle sanction disciplinaire d’abaissement de deux échelons. L’intéressée relève appel du jugement du 22 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation de cette nouvelle décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience. ». Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l’ensemble des signatures exigées par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d’irrégularité, faute d’être revêtu des signatures requises doit être écarté.

3. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, en jugeant régulier l’avis du conseil de discipline alors que la première sanction prononcée le 12 novembre 2013 a été annulée en raison de son caractère disproportionné, le tribunal administratif n’a pas entaché son jugement d’une contradiction de motifs. Ces deux moyens relèvent en effet d’une cause juridique distincte. Par suite, Mme A… n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, serait à cet égard entaché d’une contradiction de motifs, laquelle serait en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 22 juin 2017 :

4. Aux termes de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L’avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ».

5. Lorsqu’une sanction disciplinaire a été annulée par le juge et si l’autorité administrative édicte une nouvelle sanction à raison des mêmes faits, elle n’est pas tenue d’inviter l’intéressé à prendre à nouveau connaissance de son dossier et des faits qui lui sont reprochés ni de l’informer de la possibilité de se faire assister par les défenseurs de son choix ni de saisir à nouveau le conseil de discipline compétent dès lors que ces formalités ont été régulièrement accomplies avant l’intervention de la première sanction.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a été consulté le 9 octobre 2013 à raison des (mêmes) faits reprochés à Mme A… de désobéissance hiérarchique et de manque de respect vis-à-vis des élus et de ses supérieurs hiérarchiques qui ont également fondé la seconde sanction du 22 juin 2017. Il a constaté que la matérialité des faits reprochés à l’intéressée au titre des années 2012 et 2013 n’étaient pas sérieusement contestée par elle et s’est prononcé à la majorité de ses membres en faveur d’une sanction de 2ème groupe consistant en un abaissement du 10ème au 5ème échelon de son grade. Il est constant que ni le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 juillet 2015, ni l’arrêt précité de la cour du 17 mars 2017, n’ont invalidé la procédure préalable au prononcé de la décision du 12 novembre 2013. La circonstance que l’annulation de cette première sanction a été prononcée en raison de son caractère disproportionné n’a aucune incidence sur la régularité de son édiction et n’implique pas par elle-même, ainsi qu’il a été dit au point 5, une nouvelle consultation du conseil de discipline. Par ailleurs, si l’intéressée soutient qu’elle a été invitée à consulter son dossier et faire valoir ses observations par un courrier du 26 mai 2017, on ne saurait déduire de cette circonstance que la commune aurait ainsi entendu reprendre intégralement la procédure engagée à son encontre dès lors, en particulier, qu’à aucun moment la collectivité ne l’a informée de ce qu’elle sollicitait un nouvel avis du conseil de discipline, le respect des droits de la défense n’impliquant pas l’accomplissement de cette autre formalité.

7. De même, la circonstance que cinq membres du conseil de discipline réuni le 9 octobre 2013 se sont prononcés en faveur d’un abaissement limité à 3 échelons n’impliquait à lui seul aucune nouvelle consultation de cette instance paritaire. Par ailleurs, si Mme A… conteste la composition du conseil de discipline en faisant valoir qu’un élu de Nantes Métropole était présent, il ressort du procès-verbal de cette réunion établi le 17 octobre 2013, que cet élu siégeait en qualité de 1er adjoint au maire de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire, or la requérante n’apporte aucun élément suffisamment probant de nature à établir qu’il n’aurait pas dû siéger à cette instance, alors qu’il est constant que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, en l’occurrence le maire de Mauves-sur-Loire, n’a pour sa part pas siégé lors de la séance du 9 octobre 2013. Enfin, la requérante met en avant le fait que le moyen tiré de la violation de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’expression offerte aux lanceurs d’alerte constitue un élément nouveau dont le conseil de discipline n’a pu débattre. Il n’est toutefois pas établi qu’elle n’aurait pas été en mesure de faire valoir cet argument dès 2013.

8. Il suit de ce qui vient d’être dit aux points 4 à 7, que le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des formalités prévues au deuxième alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée, qui prévoit la consultation du conseil de discipline, ne peut qu’être écarté dans toutes ses branches.

9. En deuxième lieu, un délai de huit jours à compter de la réception de la lettre du 26 mai 2017 a été laissé à Mme A… pour faire valoir ses observations. Compte tenu du fait qu’elle avait déjà pu prendre connaissance de son dossier et avait pu s’exprimer devant le conseil de discipline en présence de son conseil lors de la séance du 9 octobre 2014, la requérante a disposé d’un délai suffisant au sens de l’article 4 du décret du 18 septembre 1989 pour assurer sa défense à l’occasion de la seconde sanction disciplinaire prise à son encontre.

10. En troisième lieu, l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l’article 31 de la loi du 6 août 2019 limite la sanction disciplinaire d’abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent. Dans l’ordonnance du 3 décembre 2020, devenue définitive, le président de la 6èmechambre de la cour a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme A… tirée de la méconnaissance par ces dispositions de l’article 8 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et des principes de nécessité des peines et de rétroactivité de la loi pénale plus douce. Cette ordonnance rappelle en effet que le législateur n’a pas entendu donné une portée rétroactive à ces dispositions et que la légalité de la décision contestée s’apprécie à la date à laquelle elle est intervenue. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la sanction litigieuse, qui consiste en un abaissement de deux échelons, serait dépourvue de base légale en raison de ces nouvelles dispositions qui lui sont postérieures.

11. Mme A… soutient, en dernier lieu, que l’administration a procédé à une qualification juridique des faits erronée en méconnaissance de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Alors qu’elle est soumise, comme tout fonctionnaire, à un devoir de réserve et de loyauté tant envers sa hiérarchie qu’envers les élus de la collectivité qui l’emploie, l’intéressée a notamment contesté, sans apporter aucun élément de preuve, l’impartialité du directeur général des services, dont elle dépendait hiérarchiquement, dans le cadre d’une procédure de marché public. Par suite le comportement répété de Mme A…, agent territorial de catégorie A, qui a exercé les fonctions de secrétaire de mairie, constitue une attitude fautive qui ne peut être assimilée à celle d’un lanceur d’alerte. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors qu’être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mauves-sur-Loire, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A… C… la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A… le versement à la commune de Mauves-sur-Loire d’une somme au titre des mêmes frais.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Mauves-sur-Loire tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A… et à la commune de Mauves-sur-Loire.

Délibéré après l’audience du 3 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

 – M. Coiffet, président,

 – Mme Gélard, première conseillère

 – Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I .PETTON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20NT02291

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