CAA de NANTES, 5ème chambre, 3 novembre 2022, 21NT01649, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 3 nov. 2022, n° 21NT01649
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 21NT01649
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 13 juin 2021, N° 2012501
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046526997

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F B et Mme C I B ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler la décision du 15 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 février 2019 des autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte-d’Ivoire) refusant de délivrer à Mme C I B un visa de long séjour en qualité de membre de famille d’une bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2012501 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l’intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mmes F B et C Mariam B devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

— il ne peut être fait droit à une demande de réunification partielle alors qu’il n’est apporté aucune précision sur la situation de Guira Mohamed Cherif A, présenté comme un enfant de Mme F B ;

— l’accord du père de C Mariam B pour le départ de cette dernière n’est pas établi ;

— l’identité de la demandeuse de visa n’est pas établie ; le jugement supplétif mentionné dans l’extrait d’acte de naissance n’a pas été produit ; en méconnaissance de l’article 31 de la loi du 7 octobre 1964 l’extrait d’acte de naissance produit ne comporte pas les âges des parents allégués et l’heure de naissance de cette dernière ; elle a déclaré devant l’OFPRA que son enfant est née au Burkina Faso alors qu’elle présente désormais des documents selon lesquels elle est née en Côte d’Ivoire ;

— les éléments produits n’établissent pas la possession d’état alléguée ;

— par suite, il n’y a pas eu de méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 août 2021 et 4 mai 2022 (ce dernier non communiqué), Mme F B et Mme C I B, représentées par Le Verger, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l’intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

Mme F B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

— la convention internationale des droits de l’enfant ;

— le code civil ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. D a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F B, ressortissante burkinabé née le 17 mai 1981, est entrée en France en 2013 accompagnée de sa fille E née en 2009. Elle s’est vu reconnaitre le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 30 avril 2019 de la Cour nationale du droit d’asile. C Mariam B, née le 26 octobre 2000, se présentant comme la fille de Mme B, a déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale, qui a été rejetée le 12 février 2019 par les autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d’Ivoire). La commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté par une décision du 5 juin 2019 le recours formé par Mme F B contre cette décision. Par un jugement du 14 juin 2021, dont le ministre de l’intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 5 juin 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France et a enjoint au ministre de l’intérieur de délivrer à Mme C I B le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort de la décision contestée que pour rejeter la demande de visa litigieuse, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France s’est fondée sur le fait que l’acte de naissance de C Mariam B est dépourvu de la valeur authentique. Le ministre précise qu’outre le fait que le défaut de production du jugement supplétif mentionné par cet acte de naissance interdit sa vérification, les déclarations de Mme F B sont contradictoires sur le lieu de naissance de C Mariam B. Il ajoute qu’il y aura lieu de substituer à ce motif ceux tenant au fait que sauf à méconnaitre les articles L. 752-1, L. 414-3 et L. 411-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile il ne peut être fait droit à cette demande de regroupement partiel et alors que l’accord du père de l’enfant à son départ pour la France n’est pas établi.

3. D’une part aux termes de l’article L. 752-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur : « I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, le ressortissant étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / () 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / () II. – Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l’article L. 411-7 sont applicables. / Les membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l’application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l’état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l’absence d’acte de l’état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d’état définis à l’article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l’article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l’identité des demandeurs. Les éléments de possession d’état font foi jusqu’à preuve du contraire. () ». Aux termes de l’article L. 411-3 alors en vigueur du même code : « Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l’un ou l’autre, au titre de l’exercice de l’autorité parentale, en vertu d’une décision d’une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l’autorisation de l’autre parent de laisser le mineur venir en France. » et aux termes de l’article L. 411-4 de ce code : « () / Le regroupement familial est sollicité pour l’ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l’intérêt des enfants. ».

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile alors en vigueur : « La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil. () ». Aux termes de l’article 47 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ». Il résulte de ces dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties.

5. Enfin, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. En premier lieu, afin d’établir l’état-civil de C Mariam B, il a été produit un acte de naissance établi le 6 juin 2017, sur la base d’un jugement supplétif du 31 août 2009 du tribunal d’Abidjan-Plateau, mentionnant que l’intéressée est née le 26 octobre 2000 à Locodjro (Côte d’Ivoire) et qu’elle est la fille de M. G B et de Mme F B, ressortissante burkinabé. Il a également été produit une copie du passeport burkinabé de l’enfant, délivré en 2018, reprenant la même date de naissance. Pour la première fois devant la cour, il a également communiqué le jugement supplétif du tribunal de première instance d’Abidjan Plateau du 31 août 2009 mentionnant l’identité des parents de C Mariam B. Ce document n’a fait l’objet d’aucune observation du ministre chargé des visas. La seule circonstance que l’extrait d’acte de naissance produit ne comporte pas la mention de l’âge des parents de l’enfant et l’heure de naissance de cette dernière n’est pas de nature à ôter toute valeur probante à cet extrait d’acte de naissance, alors surtout que le jugement supplétif mentionne les dates de naissance des parents. Il ne peut enfin être déduit du formulaire de demande de protection internationale signé par Mme F B le 24 septembre 2013 qu’elle y aurait indiqué que sa fille C était née au Burkina Faso alors qu’en réponse à l’intitulé « Lieu de naissance » elle a indiqué « Burkina à Bobo-Dioulasso avec ma mère », manifestant ainsi seulement une confusion entre le lieu de naissance et le lieu de résidence de l’enfant. Dans ces conditions, c’est au terme d’une inexacte application des dispositions citées au point 3 que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté la demande de visa litigieuse au motif que l’identité de l’intéressée et son lien familial allégué avec Mme F B n’étaient pas établis.

7. En deuxième lieu, Mme F B expose qu’elle est la mère de quatre enfants, dont un fils dénommé H A né le 22 janvier 2004, qui réside au Burkina Faso chez son père, distinct de celui de C Mariam B qui est seule concernée par la demande de réunification familiale. Il ressort cependant des pièces du dossier que Mme F B cherche à obtenir la venue en France de C Mariam B afin d’éviter son excision. La décision de la Cour nationale du droit d’asile du 30 avril 2019 accordant le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme F B est notamment motivée par le fait qu’elle s’est opposée à la famille paternelle de C du fait de son refus de l’excision de cette dernière, et plus largement de toute excision. Dans ces conditions, le ministre de l’intérieur et des outre-mer n’est pas fondé à soutenir qu’il ne serait pas de l’intérêt de cette enfant de bénéficier d’une réunification partielle au sens des articles L. 752-1 et L. 411-4 alors en vigueur du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce moyen est donc écarté.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, C Mariam B était devenue majeure. Par suite, en admettant que l’accord de son père ait été requis dans les circonstances particulières de l’espèce où l’intéressée fuyait sa famille paternelle pour échapper à l’excision, la méconnaissance alléguée par le ministre des articles L. 752-1 et L. 411-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écartée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur et des outre-mer n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision la décision du 15 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 février 2019 des autorités consulaires françaises à Abidjan refusant de délivrer à Mme C I B un visa de long séjour en qualité de membre de famille d’une bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Sur les frais d’instance :

10. D’une part, Mme F B n’allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D’autre part, l’avocate de Mme F B n’a pas demandé que lui soit versée par l’Etat la somme correspondant aux frais exposés qu’elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n’avait pas bénéficié d’une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l’intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F B sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur et des outre-mer, à Mme F B et à Mme C I B.

Délibéré après l’audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Francfort, président de chambre,

— M. Rivas, président assesseur,

— M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

C. D

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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