CAA de PARIS, 7ème chambre, 2 mars 2018, 16PA01358, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7e ch., 2 mars 2018, n° 16PA01358
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 16PA01358
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 21 février 2016, N° 1401102
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036693488

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D… B… ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2010.

Par un jugement n° 1401102 du 22 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 20 avril 2016 et le 27 janvier 2017, M. et Mme B…, représentés par Me A…, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, mises à leur charge au titre de l’année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – la procédure d’imposition est irrégulière pour insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 29 mars 2013 ;

 – le supplément litigieux d’impôt sur le revenu ne pouvait légalement pas être fondé sur les dispositions de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts dès lors que M. B… n’était pas le véritable propriétaire de la résine de cannabis qu’il n’avait pas payée, mais achetée à crédit, de sorte que la présomption de disposition du revenu nécessaire à l’acquisition de produits illicites ne peut jouer ;

 – le supplément litigieux d’impôt sur le revenu taxé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est également mal fondé dès lors que le service n’a tenu compte ni de la perte de stock, ni de la saisie de sa trésorerie et la méthode de reconstitution employée par le service est excessivement sommaire faute pour ce dernier d’établir le prix de vente de la résine de cannabis et faute d’avoir pris en compte les charges exposées et, notamment, la confiscation de 16 kilogrammes d’une valeur d’achat de 41 253 euros, ce qui eût abouti à un résultat industriel et commercial déficitaire ;

 – l’administration ne pouvait pas, au titre d’une même année, les taxer à la fois sur le fondement de l’article 1649 quater-0 B bis et dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre d’une activité occulte ;

 – la majoration de 80 % prévue à l’article 1758 du code général des impôts ne pouvait leur être infligée dès lors que le recours à l’article 1649 quater-0 B bis de ce code était infondé ;

 – la majoration prévue au c) du 1 de l’article 1728 du même code au titre de l’activité illicite est mal fondée dès lors que la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires est viciée ;

 – ces majorations sont, en outre, mal fondées pour être incompatibles avec le principe non bis in idem posé à l’article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au paragraphe 7 de l’article 14 du pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques et à l’article 50 de la charte européenne des droits fondamentaux.

Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés respectivement le 12 décembre 2016 et le 21 mars 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête en toutes ses conclusions.

Il soutient qu’aucun moyen d’appel n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, notamment, son protocole additionnel n° 7 ;

- la charte européenne des droits fondamentaux ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

 – l’arrêt n° 16PA01358 du 27 avril 2017 par lequel la Cour a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B… ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Auvray, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que, dans le cadre de l’exercice de son droit de communication prévu à l’article L. 82 C du livre des procédures fiscales, l’administration fiscale a eu connaissance de pièces de procédure pénale se rapportant à la mise en examen de M. B… pour détention non autorisée de stupéfiants en récidive, transport non autorisé de stupéfiants en récidive, offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive et recel de bien provenant d’un vol en récidive ; que le service a alors notifié aux requérants une proposition de rectification en date du 29 mars 2013 les informant, d’une part, qu’en vertu de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, la valeur vénale des produits illicites et du véhicule volé où étaient stockés ces produits constituait un revenu imposable à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales, d’autre part, que le résultat de l’activité occulte d’achat-revente de ces produits était taxable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi qu’aux contributions sociales ; que les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2013 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 76 de ce livre : « Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d’office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 76 AA du même livre, inséré à la section V du titre II de ce livre intitulée « procédures d’imposition d’office » : « 1. Lorsque les agents des impôts sont informés pour un contribuable de la situation de fait mentionnée à l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, ils peuvent modifier la base d’imposition sur le fondement des présomptions établies par cet article (…) » ;

3. Considérant que M. et Mme B… soutiennent que la proposition de rectification du 29 mars 2013 n’est pas motivée dès lors que cet acte de procédure ne les a pas mis à même de présenter leurs observations en connaissance de cause faute de comporter des éléments de nature à justifier le barème du prix de la résine de cannabis retenu par le service et de préciser les termes de comparaison utilisés ;

4. Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 29 mars 2013 qu’après avoir cité les pièces de la procédure pénale concernant M. B…, le vérificateur y mentionne que la fouille du véhicule a permis de découvrir 16,501 kilogrammes de résine de cannabis, que la revente de cette substance illicite se pratiquait, en 2010, au prix de 5 euros le gramme conformément à l’estimation de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), que l’intéressé a déclaré au cours de la procédure suivie dans le cadre de sa mise en examen avoir acheté vingt kilogrammes de résine de cannabis au prix de 50 000 euros et que le véhicule ayant servi à commettre les infractions en cause a été évalué à 18 700 euros compte tenu de sa date d’immatriculation ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification en cause serait insuffisamment motivée manque en fait ; que, d’ailleurs, l’administration ayant en l’espèce fait application de la procédure de rectification contradictoire, M. et Mme B… ont présenté leurs observations par courrier du 20 juin 2013 et le service leur a apporté une réponse le 3 juillet suivant ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Quant aux rappels d’impôt sur le revenu et de contributions sociales fondés sur l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts :

5. Considérant qu’aux termes de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu’il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d’une des procédures prévues aux articles 53,75 et 79 du code de procédure pénale et que l’administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C,

L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu’une personne a eu la libre disposition d’un bien objet d’une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l’année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l’absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l’acquisition desdits biens à crédit./ Il en est de même des biens meubles qui ont servi à les commettre ou étaient destinés à les commettre. / Lorsqu’il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d’une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l’administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu’une personne a eu la libre disposition d’une somme d’argent, produit direct d’une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l’année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l’absence de libre disposition des sommes mentionnées au quatrième alinéa, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu’elles ont été imposées au titre d’une autre année. Lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition des biens ou de la somme mentionnés respectivement au premier et au quatrième alinéas, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes. / 2. Le 1 s’applique aux infractions suivantes : / a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une personne qui a eu la libre disposition d’un bien, objet d’infractions liées au trafic de stupéfiants prévues aux articles 222-34 à 222-39 du code pénal, est présumée avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale, d’une part, de ce bien au titre de l’année au cours de laquelle cette disposition a été constatée, d’autre part, conformément au troisième alinéa du 1 de l’article 1649 quater-0 B bis, des biens meubles ayant servi à commettre ces infractions ou qui étaient destinés à les commettre ; que, toutefois, ces mêmes dispositions prévoient que cette présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l’absence de libre disposition du bien ou de l’acquisition à crédit de ce dernier ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est du reste pas sérieusement contesté, que M. B… a acquis, au cours du mois de février 2010, vingt kilogrammes de résine de cannabis en vue de leur revente, que seuls 16,501 kilogrammes ont été retrouvés lors de la fouille du véhicule appartenant à l’intéressé, qui en avait ainsi déjà revendu la différence, soit 3,499 kilogrammes ; qu’enfin, il est constant que les autorités judiciaires ont saisi tant les 16,501 kilogrammes de résine de cannabis restants que le véhicule qui avait servi à l’intéressé pour la commission de ces infractions ;

7. Considérant que, pour combattre la présomption de perception d’un revenu imposable correspondant à la valeur vénale de vingt kilogrammes de résine de cannabis, M. B… soutient qu’il n’en était pas propriétaire au sens de l’article 544 du code civil et se prévaut de ce que le jugement du Tribunal correctionnel de Meaux rendu le 3 février 2012 mentionne que s’il a admis avoir acheté ces produits à un fournisseur, il restait redevable envers ce dernier de la somme de 50 000 euros, soit la valeur totale de la marchandise, pour en déduire que c’est à crédit qu’il s’est procuré ces produits illicites ;

8. Considérant, toutefois, que la seule circonstance que M. B… ait déclaré avoir acheté les vingt kilogrammes de résine de cannabis « à crédit » ne permet pas, à elle seule, de combattre utilement la présomption posée à l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, alors surtout qu’il résulte de l’instruction, et n’est du reste pas sérieusement contesté, que l’intéressé avait la libre disposition de ces produits illicites et qu’en fait de meubles, possession vaut titre selon l’article 2276 du code civil ;

9. Considérant que les requérants ne contestant utilement ni la valeur d’achat des 16,501 kilogrammes de résine de cannabis, soit 41 253 euros compte tenu du prix, égal à 2 500 euros le kilogramme, déclaré par M. B… lui-même dans les conditions susdites, ni la valeur vénale du véhicule estimée à 18 700 euros par le service, les intéressés ne sont pas fondés à demander la décharge du supplément d’impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de l’année 2010 sur le fondement des dispositions de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, ni la décharge du supplément de contributions sociales qui leur a été assigné par voie de conséquence sur le fondement des dispositions du a) du II de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale s’agissant de la contribution sociale généralisée (CSG) et du 2° du III de l’article 15 de l’ordonnance susvisée du 24 janvier 1996 s’agissant de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

Quant au supplément d’impôt sur le revenu taxé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et au supplément de contributions sociales s’y rapportant :

10. Considérant qu’il résulte de l’instruction et, notamment des procès-verbaux des

2 et 3 février 2012 ainsi que du jugement du Tribunal correctionnel de Meaux rendu le

3 février 2012, que M. B… exerce une activité occulte de revendeur de résine de cannabis ; que, pour évaluer le montant du bénéfice industriel et commercial procédant de la revente, par l’intéressé, des 3,499 kilogrammes de produits illicites, le service a retenu un prix de revente de 5 euros le gramme et un prix d’achat de 2,50 euros le gramme, pour en déduire un bénéfice industriel et commercial de 8 747 euros, correspondant à la différence entre le prix de revente et le prix d’achat de la résine de cannabis ;

11. Considérant, en premier lieu, que les requérants contestent le droit, pour l’administration fiscale, d’imposer l’activité d’achat-revente de M. B… à la fois sur le fondement de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts et sur celui des articles 34 et suivants de ce code relatifs à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux ; qu’en particulier, les intéressés soutiennent que, pour procéder à la reconstitution du bénéfice industriel et commercial réalisé par M. B… au titre de l’année 2010, le service devait faire application des règles relatives à cette catégorie de revenus, ce qui eût dû le conduire à regarder les 16,501 kilogrammes saisis par l’autorité judiciaire comme une perte de stock ayant, à due concurrence de leur valeur d’acquisition, minoré l’actif de son exploitation individuelle à la clôture du bilan de l’année 2010 ;

12. Mais considérant, d’une part, que le régime d’imposition prévu par les dispositions de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ne vise pas à imposer les profits issus de la revente de produits illicites, mais à taxer le revenu imposable qui, correspondant à la valeur vénale des biens visés par ces dispositions, est présumé avoir été perçu par les personnes qui les détiennent et sont coupables des infractions qu’elles mentionnent, d’autre part, que ce régime spécifique de présomption de revenus ne fait pas obstacle à l’application des règles de taxation propres à la catégorie de revenus ou de profits procédant de l’exercice d’une activité d’achat-revente portant sur les produits illicites en cause dès lors que, comme tel est le cas en l’espèce, l’administration taxe le revenu issu de cette activité d’achat-revente au cours d’une année donnée sur une assiette déterminée par application des règles spécifiques à la catégorie de revenus concernée, en l’espèce celle des bénéfices industriels et commerciaux, sans avoir en outre taxé le revenu présumé perçu pour l’achat de cette marchandise ainsi revendue sur le fondement de l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ; qu’il suit de là que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que le service ne pouvait pas légalement déterminer leur revenu imposable en faisant application, au titre de la même année, à la fois des dispositions de l’article 1649 quater-0 B bis et de celles des articles 34 et suivants du code général des impôts à raison, respectivement, de la libre disposition de 16,501 kilogrammes de résine de cannabis et du véhicule où ils étaient stockés, biens qui ont été confisqués par l’autorité judiciaire, et du profit ayant résulté de l’achat- revente de 3,499 kilogrammes de ces produits illicites ; qu’ainsi, c’est à juste titre que, pour déterminer le montant du bénéfice industriel et commercial réalisé par M. B…, l’administration n’a pas tenu compte de la minoration de « stock » revendiquée par les requérants ;

13. Considérant, en second lieu, que M. et Mme B… contestent la valeur de revente dont le service a fait application, soit 5 euros le gramme ; qu’il appartient toujours à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition, d’établir le montant des produits sur lesquels elle fonde ses rectifications ;

14. Considérant que si l’administration soutient qu’elle s’est fondée sur l’estimation faite en la matière par l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), soit un prix de revente de 5 euros le gramme, elle ne produit toutefois pas l’étude dont elle se prévaut, tandis que M. B… conteste ce prix de revente et qu’il résulte de l’instruction et, en particulier, du procès-verbal de synthèse dressé le 3 février 2012, qu’il a déclaré un bénéfice au kilogramme de 200 euros, soit 0,20 euro par gramme, acheté

2,50 euros par l’intéressé ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de fixer ce prix de revente à 4 euros ;

15. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que les requérants sont seulement fondés à soutenir que le bénéfice industriel et commercial réalisé par M. B… doit être ramené de 10 934 euros à 6 561 euros compte tenu de l’application de la majoration de 25 % prévue au 1° du 7 de l’article 158 du code général des impôts ; qu’il y a par suite lieu de prononcer la décharge des droits et pénalités correspondant à cette réduction de base, égale à 4 373 euros, au titre du supplément d’impôt sur le revenu qui leur a été assigné pour l’année 2010 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison du profit qu’a tiré M. B… de la revente de 3,499 kilogrammes de résine de cannabis et au titre du supplément de CSG et de CRDS auquel ils ont été assujettis en vertu, respectivement, du f) du I de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et du I de l’article 15 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 ;

En ce qui concerne les majorations de 80 % :

16. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 1758 du code général des impôts : « En cas d’application des dispositions prévues à l’article 1649 quater-0 B bis, le montant des droits est assorti d’une majoration de 80% » ; qu’il est constant que cette majoration a assorti les droits supplémentaires procédant de la taxation du revenu présumé perçu en application de l’article 1649 quater-0 B bis ;

17. Considérant qu’aux termes de l’article 1728 du même code : « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration (…) comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt entraîne l’application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable (…) d’une majoration de : / (…) c. 80% en cas de découverte d’une activité occulte » ;

18. Considérant qu’il est constant que les droits supplémentaires procédant de la taxation du revenu présumé perçu en application de l’article 1649 quater-0 B bis ont été assortis de la majoration de 80 % prévue à l’article 1758 et que ceux procédant de la taxation, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, du revenu issu de l’activité occulte d’achat-revente de résine de cannabis, l’ont été de la majoration de 80 % prévue au c. de l’article 1728 ;

19. Considérant qu’aux termes de l’article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. 2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu. 3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention » ; qu’aux termes du paragraphe 7 de l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 19 décembre 1966 : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays » ; qu’aux termes de l’article 50 de la charte européenne des droits fondamentaux : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi » ;

20. Considérant que les requérants soutiennent que, M. B… ayant déjà été condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans par jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal correctionnel de Meaux pour détention, acquisition et transport non autorisés de stupéfiants, l’application des majorations de 80 % prévues respectivement aux articles 1728 et 1758 du code général des impôts méconnaît le principe « non bis in idem » prohibé par les stipulations citées au point précédent dès lors que ces majorations lui ont été appliquées à raison des mêmes faits délictuels ;

21. Considérant que la majoration prévue à l’article 1758 du code général des impôts sanctionne le défaut de déclaration du revenu présumé perçu et correspondant à la valeur vénale des produits illicites détenus par un contribuable et celle prévue à l’article 1728 de ce code sanctionne un manquement grave à l’obligation de déclarer non seulement des revenus, mais encore l’activité elle-même ; que si M. B… a été condamné à quatre ans d’emprisonnement par jugement du Tribunal correctionnel de Meaux, cette peine a été prononcée pour détention, acquisition, transport et revente de produits stupéfiants ; que compte tenu de l’absence d’identité des faits à raison desquels les sanctions fiscales ont été infligées et la peine d’emprisonnement prononcée par la juridiction répressive, les requérants ne peuvent soutenir que l’application de ces majorations méconnaîtrait le principe « non bis in idem » qui, en tant qu’il résulte des stipulations citées au point 19 dont ils se prévalent, ne trouve en toute hypothèse à s’appliquer qu’en matière de poursuites pénales ou de sanctions revêtant un caractère pénal, ce qui n’est pas le cas des majorations contestées ;

22. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande à hauteur de la réduction de base définie au point 15 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1401102 du 22 février 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La base de l’impôt sur le revenu assigné à M. et Mme B… au titre de l’année 2010 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est réduite de 4 373 euros.

Article 3 : M. et Mme B… sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de base définie à l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : La base des contributions sociales assignées à M. et Mme B… au titre de l’année 2010 est réduite de 4 373 euros.

Article 5 : M. et Mme B… sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de base définie à l’article 4 ci-dessus.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C… B… et au ministre de l’action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l’audience du 2 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 mars 2018.

Le rapporteur,

M. AUVRAYLe président,

M. HEERSLe greffier,


C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

2

N° 16PA01358

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CAA de PARIS, 7ème chambre, 2 mars 2018, 16PA01358, Inédit au recueil Lebon