CAA de PARIS, 2ème chambre, 13 avril 2022, 21PA01535, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 2e ch., 13 avr. 2022, n° 21PA01535
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA01535
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 3 février 2021, N° 1802941/3
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045580159

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Realnet a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1802941/3 du 4 février 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2021, la SARL Realnet, représentée par

Me Jean-Noël Sanchez, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1802941/3 du 4 février 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros hors taxes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’administration fiscale ne peut remettre en cause des déficits qu’elle n’a jamais examinés autrement que sur le papier ; ces déficits ne correspondent à aucune écriture comptable vérifiée à l’occasion de la vérification de comptabilité mais remontent à des exercices atteints par la prescription ; la déclaration rectificative déposée au titre de l’année 2004 ainsi que les liasses fiscales produites, notamment, au titre des exercices prescrits, et pour lesquels l’administration fiscale ne lui a jamais adressé de mises en demeure, sont de nature à corriger les erreurs comptables, qui remontent à plus de sept ans, et à mettre en cohérence les exercices prescrits avec ceux non prescrits ;

— l’administration fiscale avait l’obligation de démontrer que les reports déficitaires n’étaient pas justifiés, tout en respectant le droit à l’oubli ; le report déficitaire repose sur des erreurs antérieures au délai de sept ans prévu à l’article 38-4 bis du code général des impôts ;

— la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales dès lors que, contrairement à ce que soutient l’administration, les fichiers remis étaient exploitables ; le tribunal a méconnu les stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ignorant cette irrégularité de procédure au seul motif d’une taxation d’office ;

— c’est à tort que les premiers juges ont estimé, en application de l’article 209 du code général des impôts, que les reports déficitaires étaient constitutifs de charges propres aux exercices non prescrits ; la charge ayant concouru à la génération d’un déficit sur un exercice prescrit reste propre à cet exercice ; un déficit reportable n’est donc pas une charge au sens de l’article 39-1 du code général des impôts compte tenu de l’indépendance des exercices ; l’administration fiscale ne pouvait appliquer l’article 38-2 du code général des impôts sans avoir contesté l’existence des charges constatées sur un exercice prescrit ; les pièces produites (liasses fiscales, rapports de gestion d’assemblées, procès-verbaux d’affectation des bénéfices) permettent de justifier des déficits reportables, lesquels ont été validés par les assemblées générales.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la SARL Realnet ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 24 novembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

— les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

— et les observations de Me Sanchez, avocat de la SARL Realnet.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Realnet, créée le 10 avril 2000, exerce l’activité de pré-presse, qui consiste à proposer à une clientèle professionnelle un service d’impression sur tous supports, réalisés ensuite par des sous-traitants. A l’issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet pour la période courant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, l’administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification du 5 août 2014 aux termes de laquelle lui ont été notifiés des rectifications en matière d’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de taxation d’office. Par une ordonnance du 9 janvier 2018, le président de la

3ème chambre du Tribunal administratif de Melun a, en application de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative, ordonné qu’il soit donné acte du désistement de la SARL Realnet de sa demande tendant à être déchargée des impositions mises à sa charge en conséquence. Par un arrêt du 11 avril 2018, devenu définitif, le pourvoi formé par le ministre de l’action et des comptes publics contre cet arrêt ayant été rejeté par une décision du Conseil d’Etat du 12 décembre 2020, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé cette ordonnance et renvoyé l’affaire devant le Tribunal administratif de Melun. Par un jugement du 4 février 2021, dont la SARL Realnet relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du paragraphe 1. de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. () ». Ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l’impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. En l’espèce, le litige soumis au tribunal ne portait que sur les impositions supplémentaires établies à l’issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Realnet a été l’objet au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1. de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées pour critiquer la régularité de la procédure de première instance.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

3. Lorsque l’administration fiscale est en mesure d’établir, par d’autres moyens que les constatations qu’elle a effectuées au cours de la vérification de la comptabilité d’un contribuable, que celui-ci encourait une imposition par voie de taxation d’office, en particulier pour ne pas avoir souscrit dans les délais impartis les déclarations auxquelles il était astreint, les irrégularités qui ont pu entacher la vérification de comptabilité demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition alors même que l’administration, pour déterminer les bases d’imposition, a utilisé des éléments recueillis au cours de cette vérification.

4. Il est constant, ainsi que l’a relevé le tribunal, que l’administration fiscale a taxé d’office la SARL Realnet, qui n’a déposé aucune déclaration de chiffre d’affaires et de résultats qu’elle était tenue de déposer en dépit des mises en demeure régulièrement notifiées avant le début de la vérification de comptabilité. Il suit de là que les situations de taxation d’office ont été révélées non par la vérification de comptabilité mais par l’absence de dépôt des déclarations dans les délais impartis. Dès lors l’irrégularité qui, selon la SARL Realnet, entacherait cette vérification, en raison de ce que l’administration n’aurait pas respecté la durée légale des opérations de vérification définie par les dispositions de l’article L. 52 du livre des procédures fiscales est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur la charge de la preuve :

5. Aux termes de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition ». Aux termes de l’article R. 193-1 du même livre : « Dans le cas prévu à l’article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ». Il appartient à la SARL Realnet, qui a régulièrement fait l’objet d’une taxation d’office en application des dispositions de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales à défaut d’avoir déposé ses déclarations de résultat en dépit de mises en demeure, d’apporter la preuve de l’exagération des impositions mises à sa charge.

6. En outre, aux termes de l’article 209 du code général des impôts dans sa rédaction alors en applicable : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis (). / Sous réserve de l’option prévue à l’article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant (). Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. () ».

7. En vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci. Pour l’application des dispositions de l’article 209 du code général des impôts citées au point 6., il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l’existence d’un déficit reportable et son montant. Il s’acquitte de cette obligation par la production d’une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l’administration, si elle s’y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d’un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l’impôt d’apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l’administration.

Sur les déficits reportables :

8. A l’issue de la vérification de comptabilité dont a fait l’objet la SARL Realnet, l’administration fiscale a refusé, pour déterminer les résultats des exercices 2011 et 2012, le report des déficits nés au cours des exercices précédents, et plus particulièrement au cours de l’exercice 2001, dont le montant cumulé s’élevait à la clôture de l’exercice 2010 à 62 899 euros sans cependant remettre en cause le caractère sincère et probant de la comptabilité tenue par la société.

9. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient la SARL Realnet, il résulte des dispositions précitées de l’article 209 du code général des impôts que le report des déficits peut constituer une charge déductible du bénéfice imposable d’un exercice non prescrit et concourt, alors, à la détermination des résultats imposables de cet exercice non prescrit. Dans ces conditions, en permettant à une société de retrancher des bénéfices imposables d’un exercice non couvert par la prescription les déficits d’exercices précédents même couverts par la prescription, ces dispositions conduisent nécessairement à autoriser l’administration fiscale à vérifier l’existence et le montant de ces déficits et à remettre en cause, le cas échéant, les résultats prétendument déficitaires d’exercices prescrits.

10. En deuxième lieu, le déficit d’un exercice étant la résultante de l’ensemble de charges et de produits de l’exercice, si sa justification ne peut être apportée que par la production de l’ensemble des éléments de la comptabilité, les éléments produits par la SARL Realnet au cours des opérations de contrôle et devant le juge de l’impôt, se rapportant à la période 2004 à 2010, dont les liasses fiscales des exercices clos en 2004, 2005 à 2007 et 2009 à 2010, ne permettent pas de justifier du déficit reportable figurant au bilan de clôture de l’exercice 2010 dès lors qu’il est constant que cette société n’avait pas déposé toutes les déclarations de résultats des exercices antérieurs et que les éléments qu’elle produit, reconstitués a posteriori, comportent des incohérences et des erreurs, notamment, dans le report déficitaire entre les exercices 2004 et 2005 et 2005 et 2006. Si, par ailleurs, la SARL Realnet produit des liasses fiscales des exercices 2004 à 2013 « permettant de corriger les erreurs comptables, tout en redonnant une cohérence à ce dossier » et « de remettre les exercices prescrits en cohérence avec les exercices non prescrits » ainsi que les rapports de gestion 2011 et 2012, les procès-verbaux des assemblées ordinaires relatives à l’affectation des résultats des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et les preuves de dépôt des comptes annuels et rapport des exercices de 2005 à 2013, ces pièces, et plus particulièrement les liasses fiscales, établies postérieurement aux opérations de contrôle, ne permettent pas davantage de justifier de l’existence et du montant du déficit reportable. Il en va de même de la déclaration rectificative à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 2004 que la SARL Realnet a déposée hors délai, soit le 22 janvier 2015. Dès lors, l’administration fiscale qui n’a pas inversé la charge de la preuve, était fondée à remettre en cause ces déficits et à modifier en conséquence le résultat de la SARL Realnet des exercices clos en 2011 et 2012.

11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article 38 du code général des impôts : « 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. (). / 4 bis. Pour l’application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, l’actif net d’ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas lorsque l’entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit. / () ».

12. En vertu des dispositions du 4 bis de cet article, une erreur ou omission affectant l’évaluation d’un élément quelconque de l’actif ou du passif du bilan d’un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d’un exercice clos plus de sept ans avant l’ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d’ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d’ouverture du premier d’entre eux.

13. La SARL Realnet ne peut utilement invoquer ces dispositions dès lors que le rehaussement de ses résultats ne résulte pas de la correction d’une erreur ou d’une omission mais du défaut de justification de l’existence et du montant des déficits reportés à l’ouverture du bilan des exercices contrôlés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Realnet, qui ne peut utilement invoquer sa situation financière, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête y compris les conclusions qu’elle a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Realnet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Realnet et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l’audience du 30 mars 2022 à laquelle siégeaient :

— M. Brotons, président de chambre,

— M. Platillero, président assesseur,

— Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL’AVA

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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