Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 novembre 1971, 71-90.465, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
En matière d’infractions au Code des débits de boissons, la connaissance délictueuse se déduit nécessairement de la qualité d’exploitant, chargé d’assurer, dans son établissement la stricte observation des prescriptions de ce code (1).
Si les ligues antialcooliques, reconnues d’utilité publique, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, relativement aux faits contraires au Code des débits de boissons, par contre, leurs demandes de réparation ne peuvent être accueillies qu’autant qu’en dehors de l’atteinte portée à leur mission générale, il est justifié d’un préjudice directement causé à leur action (2).
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Sur la décision
Référence : | Cass. crim., 4 nov. 1971, n° 71-90.465, Bull. crim., N. 299 P. 735 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 71-90465 |
Importance : | Publié au bulletin |
Publication : | Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 299 P. 735 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Reims, 3 février 1971 |
Dispositif : | Cassation partielle REJET Cassation |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000007056329 |
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Sur les parties
- Président : PDT M. Rolland
- Rapporteur : RPR M. Hauss
- Avocat général : AV.GEN. M. Boucheron
Texte intégral
Cassation partielle sur le pourvoi forme par :
X… (roger), y… (genevieve) epouse z…, a… (josepha) epouse b…, contre un arret de la cour d’appel de reims du 4 fevrier 1971 qui, pour ouverture illicite d’un debit de boissons et complicite, les a condamnes a une amende de 5 000 francs chacun, en ordonnant la fermeture de l’etablissement et en allouant des dommages-interets au comite nationale de defense contre l’alcoolisme, partie civile la cour, vu les memoires produits en demande et en defense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris par x… et dame z… de la violation des articles l 42 du code des debits de boissons, des articles 2 et 3 du code de procedure penale, 593 du meme code, defaut de motifs et manque de base legale, en ce que l’arret attaque a condamne x… et dame z… pour ouverture d’un nouveau debit de boissons de 4e categorie en zone protegee ;
Aux motifs qu’ils avaient acquis et exploite ce debit a moins de 50 metres de la nouvelle faculte de medecine en violation des arretes du prefet de police des 20 mars 1947, 1er mars 1957 et 27 decembre 1961, qu’il y aurait eu infraction a ces reglements dont la mauvaise foi n’est pas un element constitutif et que d’ailleurs ils auraient agi en connaissance de cause sans faire de reserves sur les declarations d’ouverture quant a une derogation verbale qui aurait pu exister et qu’aucun acte administratif, a supposer qu’il ait existe, manifestement illegal, ne pouvait faire echec a des poursuites correctionnelles ;
Alors que, d’une part, les demandeurs ayant acquis regulierement un fonds de commerce muni de sa licence de debit de boissons de 4e categorie, n’avaient pas a faire de reserves sur l’existence d’une derogation aux arretes prefectoraux ;
Alors que, d’autre part, des derogations pouvant etre accordees, l’arret ne pouvait affirmer qu’un acte administratif, s’il avait existe, aurait ete manifestement illegal ;
Alors, au surplus, que l’appreciation de la legalite de l’acte ressortissait aux seuls tribunaux de l’ordre administratif ;
Qu’il resulte de ce qui precede qu’en toute hypothese les juges auraient du rechercher si, lors de leur acquisition, les demandeurs savaient ou non qu’il existait une derogation ;
Reuni au deuxieme moyen de cassation, pris par dame b… de la violation des articles 59 et 60 du code penal et 593 du code de procedure penale, defaut de motifs et manque de base legale, en ce que l’arret attaque a condamne dame b… pour complicite d’ouverture d’un debit de boisson de 4e categorie en zone protegee ;
Alors que le delit principal n’etant pas etabli, la demanderesse ne pouvait etre condamnee pour complicite ;
Attendu qu’il resulte de l’arret attaque que dame b… qui possedait a paris, rue des saints-peres, a une vingtaine de metres de l’entree de la nouvelle faculte de medecine, un fonds de commerce de patisserie, a transfere a cet endroit, le 25 juin 1957, un debit de boissons de la 4e categorie dont elle avait fait l’acquisition dans un autre arrondissement de la capitale ;
Que le 4 mars 1961, elle a cede son fonds a c… et que, le 11 decembre suivant, ce dernier l’a revendu a la societe en nom collectif x… et cie, dont x… roger et dame z… sont les associes ;
Que ceux-ci, apres l’avoir agrandi, l’ont exploite sous l’enseigne la faculte ;
Attendu, en cet etat, que pour retenir la culpabilite de c…, de x… et de dame z…, du chef d’ouverture illicite d’un debit de boissons, ainsi que celle de dame b…, pour s’etre rendue complice du delit reproche a c…, la cour d’appel a enonce que ces prevenus qui ne contestent pas la materialite des faits incrimines, ont transfere, ouvert et exploite un debit de boissons de la 4e categorie a l’interieur de la zone protegee de 50m, determinee par arrete prefectoral autour de l’etablissement d’enseignement susvise ;
Qu’elle releve, en outre, qu’ils ne sauraient se disculper, en excipant de leur bonne foi et que, d’ailleurs, ils ont agi avec connaissance, dame b… n’etant pas en mesure de justifier de l’obtention d’une pretendue derogation administrative a l’interdiction de transfert de son debit en zone protegee, et, chacun des prevenus, ayant certifie, en outre, contrairement a la realite et sans faire mention d’une telle derogation, sur la declaration de translation, de mutation ou d’ouverture qu’il a ete appele a souscrire, que le debit litigieux repondait aux dispositions legales et reglementaires concernant les zones protegees ;
Attendu qu’au regard de ces constatations et enonciations, et abstraction faite de motifs surabondants voire errones, la cour d’appel a caracterise, a la charge de x… et de dame z…, comme aussi de c… les elements constitutifs du delit prevu et reprime par les articles l 34, l 42 et l 49 du code des debits de boissons et, plus particulierement, la connaissance delictueuse qui se deduit necessairement de la qualite d’exploitants des susnommes, charges d’assurer, pour ce qui est de leur etablissement, la stricte observation des prescriptions du code des debits de boissons, et tenus, de ce fait, de se renseigner sur l’etendue de leurs obligations legales ;
Qu’il n’importe, des lors, que x… et dame z… eussent acquis, comme ils l’alleguent, le fonds de debit de boissons litigieux, muni de sa licence, d’un precedent proprietaire, lui-meme en situation irreguliere ;
Qu’ils ne sauraient davantage prendre pretexte, pour critiquer l’arret, de l’existence d’une pretendue autorisation administrative, derogatoire a l’interdiction de transfert du debit en zone protegee, la cour d’appel ayant releve que les prevenus ne peuvent se prevaloir, au cas de l’espece, d’aucun acte ou autorisation administrative, leur permettant de s’opposer aux poursuites dont ils font l’objet ;
Attendu, d’autre part, qu’il resulte de la decision des juges d’appel que dame b… a ete poursuivie et condamnee pour avoir, courant 1961, en vendant son fonds de debit de boissons de la 4e categorie a c…, procure a celui-ci le moyen de commettre le delit d’ouverture illicite ;
Attendu que pour retenir, au regard des faits de la cause, souverainement apprecies, la culpabilite de dame b…, en meme temps que, statuant par defaut, ils constataient, a l’encontre de c…, l’existence des elements constitutifs du delit principal, les juges d’appel ont enonce, plus particulierement que la prevenue a cede son fonds de commerce, sis dans le rayon de protection de la faculte de medecine, alors qu’elle savait que l’acheteur allait l’exploiter sous licence de 4e categorie ;
Qu’ainsi se trouvent etablis, a la fois, le fait principal punissable et la complicite de dame b… ;
D’ou il suit que les moyens doivent etre ecartes ;
Mais sur le troisieme moyen de cassation, pris par x…, dame z… et dame b… de la violation des articles l 96 du code des boissons, des articles 2 et 3 du code de procedure penale, et 1382 du code civil, ensemble violation de l’article 593 du code de procedure penale, defaut de motifs et manque de base legale, en ce que l’arret attaque a condamne les demandeurs a payer 10 000 francs d dommages-interets au comite national de defense contre l’alcoolisme ;
Au motif que cette association reconnue d’utilite publique intervient sous de multiples formes pour lutter contre l’alcoolisme et proteger la jeunesse, qu’elle engage de grosses depenses dans ce but et que la cour estime que les agissements des prevenus lui ont cause un prejudice qui pourrait etre evalue a 10 000 francs de dommages-interets ;
Alors d’une part qu’aucune condamnation ne pouvait etre prononcee au profit du comite dont s’agit, le dommage resultant des infractions aux dispositions legales et administratives relatives aux zones protegees etant entierement repare par l’exercice meme de l’action du ministere public ;
Alors d’autre part, qu’en declarant que le prejudice subi par ledit comite pourrait etre evalue a 10 000 francs, la cour d’appel s’est fondee sur un motif hypothetique pour l’evaluation d’un prejudice qu’elle n’a pas constate et n’a donc pas legalement justifie sa decision ;
En ce qui concerne la premiere branche du moyen ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 2 et 3 du code de procedure penale ;
Attendu que si les ligues anti-alcooliques, reconnues d’utilite publique, tiennent des dispositions de l’article l 96 du code des debits de boissons le pouvoir d’exercer les droits reconnus a la partie civile, relativement aux faits, contraires aux dispositions dudit code, par contre les demandes en reparation du dommage cause par ces infractions ne sauraient etre accueillies que lorsqu’il est justifie d’un prejudice direct ;
Attendu que, pour condamner c…, x… et dames z… et b… a payer solidairement au comite national de defense contre l’alcoolisme 10 000 francs de dommages-interets, l’arret attaque se borne a enonce qu’en tant qu’association reconnue d’utilite publique, cet organisme intervient sous de multiples formes et engage d’importantes depenses, pour lutter contre l’alcoolisme et en proteger la jeunesse ;
Mais attendu qu’il ne ressort pas de ces seules constatations quelle est, en dehors de l’atteinte portee a sa mission generale et qui ne saurait justifier des reparations civiles, la nature du prejudice directement cause, par l’ouverture illicite du debit litigieux, a l’action du susdit comite ;
Qu’ainsi la cour de cassation, n’etant pas mise en mesure d’exercer le controle qui lui appartient sur la legalite de la decision deferee, l’arret doit etre censure de ce chef, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la deuxieme branche du moyen, ainsi que sur le quatrieme moyen, relatifs, tous deux, a l’allocation de dommages-interets a la partie civile ;
Par ces motifs : casse et annule l’arret de la cour d’appel de reims du 4 fevrier 1971, mais seulement en ce qu’il a statue sur la demande de dommages-interets, formee par le comite national de defense contre l’alcoolisme a l’encontre de x… et de dames z… et b…, toutes autres dispositions demeurant expressement maintenues, et, pour etre statue a nouveau, dans les limites de la cassation ainsi prononcee ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de rouen
Textes cités dans la décision