Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 mai 2003, 02-84.307, Publié au bulletin

  • Dirigeant ayant commis intentionnellement une infraction·
  • Responsabilité pénale du chef d'entreprise·
  • Action contre le dirigeant d'une société·
  • Relaxe du prévenu en première instance·
  • Pouvoirs de la juridiction d'appel·
  • Appel correctionnel ou de police·
  • Autorité du pénal sur le civil·
  • Appel de la partie civile·
  • Action en responsabilité·
  • Délégation de pouvoirs

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

Le chef d’entreprise qui a personnellement participé à la réalisation de l’infraction ne saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de ses pouvoirs (1).

Statuant sur le seul appel de la partie civile d’un jugement de relaxe, la cour d’appel ne peut prononcer aucune peine contre le prévenu. Elle est cependant tenue de rechercher si le fait qui lui est déféré constitue ou non une infraction pénale et de se prononcer sur l’action civile en application des articles 464, alinéa 2, et 2 du Code de procédure pénale. L’absence de prononcé d’une condamnation pénale n’a donc pas d’incidence sur l’examen, par la cour d’appel, de la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction (2).

La qualité de président du conseil d’administration d’une société est exclusive de celle de préposé d’où découlerait la responsabilité mise à la charge des commettants par l’article 1384, alinéa 5, du Code civil (3).

Le dirigeant d’une personne morale, qui a intentionnellement commis une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci (4).

Commentaires9

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CMS Bureau Francis Lefebvre · 12 janvier 2021

La Cour de cassation décide pour la première fois le 25 novembre 2020 que l'employeur peut déléguer la présidence du comité d'entreprise à un salarié mis à disposition si celui-ci dispose de la qualité et du pouvoir nécessaires à l'information et à la consultation, de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives du comité. Pour mémoire, un salarié peut, s'il est d'accord, être mis à disposition par son employeur au profit d'une autre société (article L.8241-2 du Code du travail). Dans cette hypothèse, il reste salarié de sa société d'origine. Rappel des faits En …

 

Gaël Collin · LegaVox · 18 novembre 2015
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 20 mai 2003, n° 02-84.307, Bull. crim., 2003 N° 101 p. 404
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 02-84307
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 2003 N° 101 p. 404
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 15 mai 2002
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°).
(1)

(2°).
(2)

(3°).
(3)

(4°).
(4) Dans le
arrêt n° 2 rejet
arrêt n° 3 cassation partielle
arrêt n° 4 cassation
arrêt n° 5 cassation).
Chambre criminelle, 11/03/1993, Bulletin criminel 1993, n° 112, p. 270 (arrêt n° 1 rejet
Chambre criminelle, 27/05/1999, Bulletin criminel 1999, n° 109 (2°), p. 290 (cassation partielle), et les arrêts cités.
Dans le même sens :
: Assemblée plénière, 14/12/2001, Bulletin criminel 2001, n° 269, p. 884 (rejet).
A rapprocher :
Chambre criminelle, 30/06/1987, Bulletin criminel 1987, n° 278 (1°), p. 751 (rejet), et les arrêts cités.
Textes appliqués :
1° : 2° : 4° :

Code civil 1384, al. 5

Code de procédure pénale 2, 464 al. 2

Code du travail L431-5, L432-1, L483-1

Code pénal 121-1

Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007071459
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt mai deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

— X… Jean-Marie,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 16 mai 2002, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui pour entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 431-5, L. 432-1, L. 483-1 du Code du travail, 121-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a retenu, à l’encontre de Jean-Marie X…, les éléments constitutifs du délit d’entrave au fonctionnement régulier du Comité central d’entreprise de la société CGE (nouvellement Vivendi) ;

« aux motifs que, même lorsqu’il confie à un représentant le soin de présider le Comité d’entreprise, le chef d’entreprise doit, lorsqu’il prend une mesure entrant dans les prévisions de l’article L. 432-1 du Code du travail, s’assurer de la consultation du Comité, sans pouvoir opposer l’argument pris d’une délégation de pouvoirs ;

qu’en l’espèce, c’est donc à Jean-Marie X…, président de la société Vivendi, qu’il appartenait de s’assurer de la consultation du Comité central d’entreprise, dès lors qu’il n’a jamais délégué de façon permanente, ni son rôle de chef d’entreprise, ni sa fonction de Président du Comité central d’entreprise, comme le démontrent ses prises de position personnelles sur l’aménagement du temps de travail et ses déclarations lors de la séance du Comité central d’entreprise du 16 septembre 1997 relatives au calendrier qui sera suivi sur les phases de la consultation envisagée ; qu’il est ainsi démontré que, quelles que soient les délégations de pouvoir que Jean-Marie X… a pu consentir à des membres de la direction, pour présider ponctuellement le Comité central d’entreprise ou signer l’accord du 20 janvier 1998, celui-ci a volontairement pris la décision de ne pas consulter le Comité central d’entreprise, préalablement à la signature de l’accord collectif, en estimant que cet organisme ne devait être consulté que sur « les conséquences de l’accord », alors que la direction avait été avisée par M. Y…, secrétaire du Comité central d’entreprise, de la nécessité de consulter celui-ci avant la signature de l’accord ;

« alors que la délégation de pouvoir qui a été formellement acceptée par une personne dotée des moyens matériels de l’exercer a pour effet d’exonérer le chef d’entreprise de toute responsabilité ; que Jean-Marie X…, dans ses conclusions régulièrement déposées, a fait valoir qu’il avait, le 1er juin 1997, délégué à M. Z… l’ensemble de ses pouvoirs, et non pas uniquement ses fonctions de présidence du Comité central d’entreprise, pour assumer en France la direction de l’activité Eau et Assainissement de la société CGE et, plus particulièrement, « pour mettre en place et diriger (…) l’organisation de l’activité dans les domaines commercial, social, financier, comptable, administratif et juridique » ; qu’en l’état de cette délégation, M. Z… a donc eu seul la responsabilité de la négociation et de la signature de l’accord cadre sur la réduction du temps de travail au sein du Pôle Eau du groupe Générale des Eaux ; que l’arrêt attaqué, en se bornant à se fonder, pour imputer la responsabilité des faits reprochés à Jean-Marie X…, sur les seules délégations ponctuelles qu’il avait pu consentir à des membres de la direction pour présider le Comité Central d’entreprise ou signer l’accord du 28 janvier 1998, sans s’expliquer sur la délégation de pouvoirs faite à M. Z… par Jean-Marie X… le 1er juin 1997, n’a donc pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, dans le cadre d’une réorganisation de son « pôle-eau », la Compagnie Générale des Eaux, devenue société Vivendi, a signé, le 20 janvier 1998, avec deux organisations syndicales, un « accord-cadre sur la réduction, l’aménagement et l’organisation du temps de travail et sur l’emploi » et qu’en méconnaissance des dispositions des articles L.431-5 et L.432-1 du Code du travail, le comité central d’entreprise, n’a pas été consulté avant la signature de cet accord collectif ;

Attendu que, pour dire que les éléments constitutifs du délit d’entrave au fonctionnement régulier du Comité central d’entreprise étaient établis à la charge de Jean-Marie X…, alors président du conseil d’administration de la société précitée, la juridiction du second degré relève que celui-ci n’a délégué, de façon permanente, ni son rôle de chef d’entreprise ni sa fonction de président du comité central d’entreprise comme le démontrent ses prises de position personnelle sur l’aménagement du temps de travail et ses déclarations sur le calendrier des phases de la consultation à envisager, lors de la séance du comité central du 16 septembre 1997 ; que les juges retiennent que, bien que le secrétaire du comité ait averti la direction de la nécessité de cette consultation, Jean-Marie X… a volontairement pris la décision de ne pas consulter le comité central d’entreprise préalablement à la signature de l’accord ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Qu’en effet, le chef d’entreprise qui a personnellement participé à la réalisation de l’infraction ne saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de ses pouvoirs ;

D’où il suit que le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1384, alinéa 5, du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie X… personnellement responsable des conséquences dommageables de l’infraction d’entrave au fonctionnement régulier du Comité central d’entreprise de la société CGE (nouvellement Vivendi) et l’a condamné à verser à la partie civile la somme de 0,15 euros de dommages et intérêts ;

« aux motifs que, sur la responsabilité personnelle de Jean-Marie X… à l’égard de la partie civile, il y a lieu, ainsi que cela a été mentionné plus haut, de considérer qu’alors même que la faute qu’il a commise n’est pas séparable de ses fonctions de dirigeant de la société Vivendi, Jean-Marie X… a engagé sa responsabilité personnelle dès lors qu’à été reconnue par la Cour, la réunion, à son encontre, des éléments constitutifs d’une infraction intentionnelle ;

« alors, d’une part, que le dirigeant d’une entreprise poursuivi du chef d’entrave au fonctionnement d’une institution, et qui a agi dans l’exercice de ses fonctions, ne saurait engager sa responsabilité civile à l’égard de cette institution dès lors qu’il a bénéficié d’une relaxe ; que seule l’entreprise, dont il est le préposé dès lors qu’il a agi en son nom et pour son compte, pourra, le cas échéant, voir sa responsabilité civile engagée ; qu’en l’espèce, en déclarant Jean-Marie X… personnellement responsable à l’égard de la partie civile du seul fait que les éléments constitutifs du délit d’entrave avaient été reconnus à son encontre, alors pourtant qu’il n’avait pas été condamné pénalement de ce chef, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

« alors, d’autre part, que la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions qui lui soit personnellement imputable ; qu’en l’espèce, en déclarant Jean-Marie X… personnellement responsable à l’égard de la partie civile, tout en reconnaissant que la faute qu’il avait commise n’était pas séparable de ses fonctions de dirigeant de la société Vivendi, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil" ;

Attendu que, pour condamner Jean-Marie X… à indemniser le comité central d’entreprise, partie civile, du préjudice découlant de l’entrave à son fonctionnement, les juges d’appel, après avoir déclaré réunis à son encontre les éléments constitutifs de ce délit, prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que, d’une part, la qualité de président du conseil d’administration d’une société est exclusive de celle de préposé d’où découlerait la responsabilité mise à la charge des commettants en application de l’article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Que, d’autre part, le dirigeant d’une personne morale, qui a intentionnellement commis une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ce qu’il se prévaut de l’absence de prononcé d’une peine à l’encontre de Jean-Marie X…, ne saurait êre accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Jean-Marie X… à payer au comité central d’entreprise de la société Vivendi la somme de 3 000 euros au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 mai 2003, 02-84.307, Publié au bulletin