Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 décembre 2017, 17-84.574, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 20 déc. 2017, n° 17-84.574
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-84.574
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 23 avril 2017
Textes appliqués :
Article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036344046
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR03267
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Sur les parties

Texte intégral

N° E 17-84.574 F-D

N° 3267

VD1

20 DÉCEMBRE 2017

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

M. X… Z…,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 2e section, en date du 24 avril 2017, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de corruption passive et blanchiment aggravé, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 28 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Ascensi, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE, l’avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date

du 6 octobre 2017, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, à la suite de la diffusion, en décembre 2014, d’un reportage télévisé révélant des manquements aux règles relatives à la lutte contre le dopage commis principalement par des athlètes russes, ainsi que des allégations de corruption au sein de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) aux fins de couvrir ces violations, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a formé une Commission indépendante chargée d’enquêter sur ces faits ; que, dans le cadre de sa mission, cette commission a notamment mis en évidence des faits de corruption susceptibles d’être imputés à M. X… Z…, président de l’IAAF jusqu’à l’été 2015 ; que le parquet national financier a ouvert une enquête confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) le 18 août 2015 ; que des renseignements financiers complémentaires contenus dans une note du 7 septembre 2015 de la cellule TRACFIN ont été joints à l’enquête ; qu’une information judiciaire a été ouverte le 1er octobre 2015 ; que M. Z… a été mis en examen le 3 novembre 2015 des chefs de corruption passive par une personne n’exerçant pas une activité publique et blanchiment aggravé, faits commis à Paris, sur le territoire national et sur les territoires de la Fédération de Russie, de la Turquie, de Monaco et du Sénégal au préjudice de personnes morales de droit étranger ; que M. Z… a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’actes de la procédure ;

En cet état ;

Sur les premier et troisième moyens de cassation ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention des droits de l’homme, du préambule et des articles 29 et suivants et 39 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 publiée par le décret n° 71-284 du 29 mars 1971 (JO 17 avril 1971), de l’article préliminaire et des articles 137, 138, 142, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la chambre de l’instruction a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l’immunité dont bénéficiait ès-qualités le requérant lors de son interpellation en France le 1er novembre 2015 ;

« aux motifs que sur le moyen tiré de l’immunité de juridiction, qu’il ressort de la procédure qu’au moment de son interpellation le 1er novembre 2015, M. X… Z… était détenteur d’un passeport diplomatique délivré par la République sénégalaise en sa qualité de président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) ; que M. Z… n’exerce plus cette fonction depuis le mois d’août 2015 ; qu’il ne fait état d’aucune fonction qu’il occuperait ou mission qu’il remplirait au service de l’Etat sénégalais depuis au moins l’année 1999 et les décorations et distinctions qu’il a reçues dans son pays et à l’étranger n’ont pas eu pour effet de lui transférer quelques missions ou prérogatives étatiques que ce soit ; que dans ces conditions, il ne saurait bénéficier de l’immunité conférée par la coutume internationale aux organes et entités qui constituent l’émanation d’un Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné ; que pour sa part, le ministère des affaires étrangères a fait savoir que M. Z… ne faisait pas l’objet en France d’une protection diplomatique particulière ; que la détention d’un passeport diplomatique ne suffit pas en soi à entraîner une immunité absolue de juridiction, ni à conférer le statut d’agent diplomatique au sens de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 ; que la validité du passeport n’est pas remise en cause mais que ses effets relèvent de l’appréciation souveraine de l’autorité judiciaire à laquelle il est opposé dans le respect de la coutume internationale ; que M. Z… ne bénéficiait pas d’une quelconque immunité de juridiction au moment où il a été interpellé et que le moyen est rejeté ;

« 1°) alors que l’immunité diplomatique, relevant de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, confiée par un Etat à l’un de ses ressortissants auquel il a délivré un passeport diplomatique opposable ne peut faire l’objet d’une contestation par les autorités d’un Etat étranger sans interrogation préalable de l’Etat de délivrance ; qu’en se reconnaissant néanmoins un pouvoir direct d’appréciation sans égard pour la position des autorités sénégalaises qui n’ont pas été préalablement interrogées à cette fin, la chambre de l’instruction a derechef excédé ses pouvoirs en violation de l’ordre public international ;

« 2°) alors que les faits pour lesquels le requérant a été mis en examen étant situés durant sa période officielle d’activité qu’il venait seulement de quitter quelques mois plus tôt, tandis qu’il s’était rendu en France ès qualités d’ancien président de l’Iaaf pour y faire une conférence à l’invitation du Comité national olympique et sportif, le passeport diplomatique de M. Z…, lors des actes coercitifs réalisés en France sur sa personne, n’encourait manifestement aucune caducité au regard des dispositions de l’article 39 al. 2 de la Convention de Vienne ; que sur ce point également, l’Etat de délivrance n’a pas été consulté par les autorités françaises ; qu’ainsi, l’excès de pouvoir reproché à la chambre de l’instruction s’est encore doublé d’une violation de la Convention susvisée et des règles et principes gouvernant l’ordre public international" ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le grief n’est pas de nature à être admis ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que pour écarter l’exception tirée de l’immunité qui résulterait de la détention par M. Z… d’un passeport diplomatique à lui délivré par la République du Sénégal en sa qualité de président de l’IAAF, l’arrêt relève notamment que si, au moment de son interpellation le 1er novembre 2015, M. Z… était détenteur d’un passeport diplomatique délivré par la République sénégalaise en sa qualité de président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), il n’exerce plus cette fonction depuis le mois d’août 2015 et ne fait état d’aucune fonction qu’il occuperait ou mission qu’il remplirait au service de l’Etat sénégalais depuis au moins l’année 1999, ce dont il résulte que l’intéressé ne saurait bénéficier de l’immunité conférée par la coutume internationale aux organes et entités qui constituent l’émanation d’un Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné ; que les juges ajoutent que, pour sa part, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que M. Z… ne faisait pas l’objet en France d’une protection diplomatique particulière ; qu’ils énoncent enfin que la détention d’un passeport diplomatique ne suffit pas, en soi, à entraîner une immunité absolue de juridiction, ni à conférer le statut d’agent diplomatique au sens de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, et que, si la validité du passeport n’est pas remise en cause, ses effets relèvent de l’appréciation souveraine de l’autorité judiciaire à laquelle il est opposé dans le respect de la coutume internationale ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction, qui n’était pas tenue d’interroger les autorités sénégalaises, qui n’ont de plus pas fait valoir que le demandeur aurait bénéficié d’un statut diplomatique, après que l’ambassadeur du Sénégal en France eut été informé du placement en garde à vue de l’intéressé (D103), a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention des droits de l’homme, 113-2, 113-6, 113-7 et 113-8 du code pénal, 132-1, 224-1, 224-2, 445-1, 445-2, 445-3 du même code, des articles préliminaires, 80, 80-1 et s., 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la chambre de l’instruction a rejeté le moyen de nullité portant sur la mise en examen du requérant ;

« aux motifs que sur le moyen tiré de l’absence d’indices suffisants, qu’il résulte de l’article 80-1 du code de procédure pénale que le juge d’instruction ne peut mettre en examen que les personnes à Vencontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi ; que les indices s’entendent comme des éléments laissant présumer que la personne a pu participer de manière directe ou indirecte aux faits objet de l’information judiciaire ; que M. Z… a été mis en examen le 3 novembre 2015 des chefs de corruption passive et blanchiment de crime ou délit de corruption en bande organisée ; qu’à cette date, le dossier fait ressortir, à travers le rapport d’enquête de la Commission Indépendante de l’Ama et la note de Tracfin du 7 septembre 2015, que M. Habib Y…, conseiller juridique personnel de M. Z…, a été imposé en novembre 2011 pour assurer la gestion et le suivi des affaires de passeports biologiques des athlètes (PBA) alors même que l’Iaaf dispose d’un service juridique, qu’il s’est procuré auprès du service médical de l’Iaaf les listes des athlètes russes suspects de dopage et s’est rendu à Moscou juste après, que l’athlète russe suspectée de dopage Lilya A… a fait allusion à l’entremise d’un avocat dans les négociations tendant à régler une somme d’argent pour retarder les sanctions, M. Y… étant avocat de son état, que celui-ci a encaissé sur ses comptes bancaires des sommes perçues en espèces provenant de la Fédération russe d’athlétisme ainsi d’ailleurs que de la Fédération marocaine, que selon M. E… B…, juriste de l’Iaaf, M. Z… lui a fait savoir le 8 janvier 2013 qu’un accord avait été pris avec les autorités russes afin de ne pas poursuivre les six cas avérés de dopage, que M. Khalil Z…, fils de M. Z…, est susceptible d’être impliqué dans les faits comme ayant indiqué à la Fédération turque d’athlétisme qu’il pouvait faire en sorte, si de l’argent était versé de manière à atteindre les plus hauts responsables, que l’Iaaf ne fasse pas appel d’une décision ayant refusé de sanctionner une athlète turque dont le PBA était anormal, que Papa C… Z…, autre fils de M. Z…, en charge à titre exclusif du marketing au sein de l’IAAF, a été mis en cause par un entraîneur russe comme ayant remporté le contrat sur les droits télévisuels du championnat d’athlétisme de Moscou de 2013 en échange de la « mise en sourdine » des cas de dopage russes, que ce témoignage a été étayé par les constatations de Tracfin selon lesquelles il a bénéficié de sommes payées pour son compte par une société Black Tidings qui est elle-même intervenue dans le remboursement de sommes à l’athlète russe Lilya A… ; qu’un courriel du 29 juillet 2013 de Papa C… Z… à M. Z… a été découvert dans l’ordinateur de ce dernier et évoque directement des négociations avec Valentin D… pour la gestion des cas russes de dopage ; que lors de ses auditions de garde à vue, M. Z… a admis que de concert avec M. Valentin D…, ex-président de la Fédération russe d’athlétisme mais également trésorier de l’Iaaf, il avait accepté de retarder le processus de sanction des athlètes russes convaincus de dopage moyennant la participation financière de la Russie à ses actions en faveur de l’élection d’un autre président au Sénégal ; que l’existence de cet accord pour retarder les sanctions des athlètes russes a été confirmé par M. Y… lors de sa garde à vue ; que l’ensemble de ces éléments, qui comprennent des éléments matériels comme le courriel de son fils du 29 juillet 2013, constituent de multiples indices graves et concordants en faveur de la possible commission par M. Z… des infractions de corruption passive et blanchiment du produit de corruption pour lesquelles il a été mis en examen ; que le moyen d’insuffisance d’indices graves ou concordants est rejeté ;

«  alors, qu’est nulle la mise en examen prononcée en l’absence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en cause ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction dont le juge d’instruction est saisi ; que cependant les éléments rappelés par la cour, procédant essentiellement de déclarations de personnes mises en cause, non corroborées par d’éventuels témoignages ou des éléments matériels complémentaires, n’étaient pas de nature à justifier la mise en examen du requérant à titre d’auteur ou de complice ; que par suite l’annulation est encourue" ;

Attendu que pour rejeter le moyen pris de la nullité de la mise en examen de M. Z…, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits, dont elle a déduit qu’il existait des indices graves ou concordants contre M. Z… qu’il ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission de faits de corruption passive et de blanchiment aggravé, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt décembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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