Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 juin 2019, 18-20.914, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 5 juin 2019, n° 18-20.914
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-20.914
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 6 juin 2018
Textes appliqués :
Article 2251 du code civil.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038629652
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100542
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 5 juin 2019

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 542 F-D

Pourvoi n° E 18-20.914

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE,

a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Salvatore E…,

2°/ Mme Martine U…, épouse E…,

domiciliés tous deux […]

contre l’arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d’appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige les opposant à Mme I… D…, domiciliée […] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 7 mai 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme E…, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme D…, l’avis de M. Chaumont, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article 2251 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, soutenant leur avoir prêté diverses sommes entre 2004 et 2007, Mme D… a, par acte du 20 février 2015, assigné M. et Mme E… en remboursement ; que ceux-ci ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Attendu que, pour déclarer partiellement recevable l’action en remboursement, l’arrêt retient qu’en réponse à la mise en demeure adressée par le conseil de Mme D…, M. et Mme E… avaient reconnu, dans une lettre du 8 août 2014, l’existence de deux dettes à hauteur de 50 000 et 30 000 euros, sollicitant uniquement des délais pour rembourser ces sommes et manifestant ainsi par écrit le souci de faire face à leurs engagements dans cette limite ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. et Mme E… avaient connaissance de la prescription des créances et avaient renoncé à s’en prévaloir en connaissance de cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare recevable l’action engagée par Mme D… à l’encontre de M. et Mme E… en remboursement de la somme de 80 000 euros et en ce qu’il les condamne solidairement à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2015, l’arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Condamne Mme D… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR, confirmant le jugement, déclaré recevable l’action en remboursement de la somme de 80 000 euros intentée par Mme D… à l’encontre des époux E…, d’AVOIR condamné solidairement les époux E… à verser cette somme à Mme D…, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 20 février 2015, d’AVOIR dit que les époux E… seraient autorisés à se libérer de cette dette en 23 versements mensuels de 500 euros, le premier versement devant intervenir le 5 du mois suivant la signification de la décision, puis tous les cinq de chaque mois, et en une 24e et dernière échéance le solde de la dette en principal, intérêts et frais, d’AVOIR dit que le non-paiement d’une échéance au terme convenu suivi d’une mise en demeure d’avoir à régulariser demeurée infructueuse pendant 8 jours rendait l’intégralité du solde immédiatement exigible et d’AVOIR dit que le règlement des sommes correspondant aux échéances reportées s’imputeraient d’abord sur le capital ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer ; que cette prescription de droit commun résulte de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 dont les dispositions transitoires énoncent que lorsque la durée de prescription est réduite, ce qui est le cas en l’espèce pour une action en paiement de sommes entre particuliers, la nouvelle durée de prescription s’applique à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale ainsi calculée ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu’après une mise en demeure de payer du 28 juillet 2014, madame I… D… a saisi le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, par acte du 20 février 2015, ce qui au regard de la prescription en dehors d’un acte interruptif admis, est tardif, puisque l’action aurait dû être entreprise le 20 juin 2013 au plus tard, comme l’a déjà retenu le premier juge ; que toutefois, il convient de retenir que par courrier du 28 juillet 2014, le conseil de madame D…, a mis en demeure les époux E… de lui adresser paiement d’une somme de 116 500 € dont il rappelait le prêt en différents versements, à hauteur de 60 000 €, 30 000 €, 16 500 € et 10 000 € ; qu’à défaut de paiement, il précisait qu’il serait dans l’obligation de « poursuivre » ; qu’en réponse à ce courrier, dans un contexte manifestement pré contentieux, et à ce professionnel du droit, monsieur et madame E… ont répondu, le 8 août 2014, qu’à leur connaissance il n’existait que deux reconnaissances de dette pour 50 000 € et 30 000 €, sans aucun délai pour rembourser, considérant les autres montants comme des dons purs et simples, et poursuivaient « conscient d’honorer le remboursement des dettes évoquées de 30 000 € et 50 000 €, il conviendra de valider un délai raisonnable et cohérent en vue de l’appuration [sic] de la dette… » ; que cette reconnaissance de la dette a été à juste titre admise par le premier juge comme une renonciation à la prescription, le rédacteur manifestant par son écrit le souci de faire face à ses engagements mail dans la seule limite admise ; que la prescription ne sera écartée que dans cette proportion avec donc, confirmation de la décision de première instance ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’aux termes de l’article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; que l’article 2224 précise que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer ; que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, prévoit en son article 26, les dispositions transitoires suivantes : « I. Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. II est alors tenu compte du délai déjà écoulé. II. Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. III. Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation » ; que la loi précitée est entrée en vigueur le 19 juin 2008 ; que l’article 2251 du code civil édicte pour sa part que la renonciation à la prescription est expresse ou tacite ; que la renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ; que la jurisprudence précise que la renonciation à une prescription acquise n’est subordonnée dans sa forme à aucune condition substantielle, et peut résulter de tout acte et de tout fait qui, implicitement ou explicitement, manifeste de la part du débiteur la volonté de renoncer à une prescription acquise ; que les tribunaux sont investis à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté par Madame D… que les quatre prêts, dont elle demande le remboursement, ont été accordés avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; que le paragraphe II de l’article 26 prévu par celle-ci s’applique donc au présent cas d’espèce ; que Madame D… était par conséquent tenue d’intenter une action avant le 20 juin 2013 pour échapper à la prescription quinquennale, sous réserve toutefois des renonciations prononcées par les époux E… à l’égard de celle-ci ; qu’or, il résulte du courrier adressé par les époux E… au conseil de Madame D… le 08 août 2014 (pièce n° 7 de Mme D…) qu’en reconnaissant être redevables des sommes de 30 000 euros et 50 000 euros au profit de Madame D…, les époux E… ont implicitement manifesté leur volonté de renoncer à une prescription acquise ; qu’il y a donc lieu de déduire de cette renonciation que la prescription extinctive est acquise pour la somme de 36.490 euros ; qu’il conviendra par conséquent de constater la prescription de l’action engagée par Madame D… à l’encontre des époux E… en remboursement de la somme de 36.490 euros ; que cette action sera donc déclarée irrecevable a hauteur dudit montant ; qu’elle sera en revanche déclarée recevable pour le surplus, soit la somme de 80 000 euros ; que sur la demande en remboursement de sommes prêtées, aux termes de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016, entrée en vigueur le octobre 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; que l’article 1354 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance susvisée, prévoit que l’aveu qui est oppose à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire ; que la jurisprudence précise que la déclaration d’une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit, sachant que l’aveu par lequel une personne reconnait qu’elle doit encore une certaine somme à son créancier ne porte pas sur un point de droit mais un point de fait, à savoir le montant de la somme restant due ; qu’en l’espèce, la lettre établie au nom des époux E… le 08 aout 2014 (pièce n° 7 de Mme D…) constitue un aveu extrajudiciaire par lequel ils reconnaissent être redevables des sommes de 30 000 euros et 50 000 euros, soit la somme globale de 80 000 euros, sollicitant d’ailleurs un délai pour apurer ladite dette ; qu’au vu des éléments composant cet aveu, il y a lieu de dire que celui-ci présente la force probante nécessaire pour pouvoir retenir, même partiellement, la demande de remboursement de prêts sollicitée par madame D…, et ce à hauteur de 80.000 euros ; que les époux E… seront donc condamnes solidairement à verser à Madame D… la somme de 80 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, soit le 20 février 2015 ;

ALORS QUE la renonciation tacite ne se présume pas et ne peut résulter que de circonstances établissant sans équivoque la volonté du débiteur de ne pas se prévaloir de la prescription ; qu’en se bornant à affirmer, pour dire que les époux E… avaient renoncé à se prévaloir de la prescription, qu’ils avaient reconnu l’existence d’une partie des créances invoquées par Mme D…, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (conclusions, p. 5, al. 4 à p. 6, al. 3), si les époux E… avaient connaissance de la prescription des créances et avaient ainsi renoncé à s’en prévaloir en connaissance de cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2251 du code civil.

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