Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2020, 18-16.771, Inédit

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CMS · 17 mars 2020

La prescription peut constituer un outil juridique redoutable pour les plaideurs. Mais elle peut également être à l'origine de nuits cauchemardesques. Il est acquis en effet que lorsque le délai pour entreprendre une action judiciaire s'est écoulé, le demandeur à l'instance - souvent le salarié – ne peut plus saisir le juge. S'il prend une telle initiative au-delà des délais requis pour ce faire, il s'expose à ce que le juge le déclare irrecevable en ses demandes, en application de l'article 122 du Code de procédure civile. Il est donc précieux, pour les parties au contrat de travail et …

 

CMS Bureau Francis Lefebvre · 16 mars 2020

La prescription peut constituer un outil juridique redoutable pour les plaideurs. Mais elle peut également être à l'origine de nuits cauchemardesques. Il est acquis en effet que lorsque le délai pour entreprendre une action judiciaire s'est écoulé, le demandeur à l'instance – souvent le salarié – ne peut plus saisir le juge. S'il prend une telle initiative au-delà des délais requis pour ce faire, il s'expose à ce que le juge le déclare irrecevable en ses demandes, en application de l'article 122 du Code de procédure civile. Il est donc précieux, pour les parties au contrat de travail …

 

Fany Lalanne · Actualités du Droit · 24 janvier 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 15 janv. 2020, n° 18-16.771
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-16.771
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 21 mars 2018
Textes appliqués :
Article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Article 26, II, de cette même loi.

Article 2224 du code civil.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041490490
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00054
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 janvier 2020

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 54 F-D

Pourvoi n° B 18-16.771

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Rhodia opérations, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , ayant un établissement secondaire […] ,

contre l’arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. K… C…, domicilié […] ,

2°/ à M. E… R…, domicilié […] ,

3°/ au syndicat CGT du site chimique du Pont-de-Claix, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation ;

MM. C… et R… et le syndicat CGT du site chimique du Pont-de-Claix ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 3 décembre 2019, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Rhodia opérations, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. C… et R… et du syndicat CGT du site chimique du Pont-de-Claix, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que MM. R… et C… ont été engagés, respectivement en 1983 et 1990, par la société Rhône Poulenc Chimie, aux droits de laquelle vient la société Rhodia opérations ; que, par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l’établissement de Pont-de-Claix, au sein duquel ils ont travaillé, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) pour la période 1916-2001 ; que par un arrêté ministériel du 23 août 2013, cette période a été étendue jusqu’en 2005 ; que, le 15 avril 2015, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir réparation notamment d’un préjudice d’anxiété ; que le syndicat CGT des personnels du site chimique de Pont-de-Claix est intervenu à l’instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l’article 26, II, de cette même loi et l’article 2224 du code civil ;

Attendu que pour déclarer recevable l’action des salariés, l’arrêt retient que par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l’employeur a été classé sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante pour les périodes allant de 1916 à 1996 et de 1997 à 2001, qu’un second arrêté ministériel du 23 août 2013 est venu étendre la période d’exposition de 2002 à 2005, que c’est donc seulement à cette date que les salariés ont eu pleinement connaissance de la période pendant laquelle ils ont été exposés, qu’ils ont alors eu un délai de cinq ans, en application de l’article 2224 du code civil, pour engager une action en vue de voir réparer leur préjudice d’anxiété, que dès lors, leur action n’est pas prescrite ;

Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que les salariés avaient eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété dès l’arrêté ministériel du 30 septembre 2005 ayant inscrit l’établissement sur la liste permettant la mise en œuvre du régime légal de l’ACAATA, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif à la recevabilité de l’action entraîne, par voie de conséquence, la cassation d’une part des dispositions condamnant la société à payer des dommages-intérêts aux salariés et au syndicat, d’autre part des dispositions rejetant les demandes des salariés en réparation au titre de l’obligation de sécurité et de loyauté ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi principal de l’employeur :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable, comme non prescrite, l’action des défendeurs au pourvoi, d’avoir condamné la société Rhodia Chimie aux salariés défendeurs au pourvoi une somme de 15 000 € chacun en réparation du préjudice d’anxiété et d’avoir condamné la société Rhodia Opérations à verser au syndicat CGT du site de Pont-de-Claix une somme de 1 000 € de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes des salariés : Le salarié bénéficiaire de l’ACAATA n’a connaissance du risque à l’origine de son anxiété qu’à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit l’activité de son employeur sur la liste des établissements permettant la mise en 'uvre du dispositif de la loi du 23 décembre 1998. En l’espèce, les demandeurs ont travaillé sur le site de la plateforme chimique du Pont de Claix entre 2002 et 2005. Or, par arrêté ministériel du 30 septembre 2005, les sociétés CHLORE LIQUIDE, PROGIL, RHONE POULENC puis CHLORALP ont été classées sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante pour les périodes allant de 1916 à 1996 et de 1997 à 2001. Un second arrêté ministériel en date du 23 août 2013, publié au journal officiel du 4 septembre suivant, est venu étendre la période d’exposition de 2002 à 2005. C’est donc seulement à cette date que les salariés ont eu pleinement connaissance de la période pendant laquelle ils ont été exposés, soit jusqu’à la fin de l’année 2005. Les salariés avaient alors un délai de cinq ans, en application de l’article 2224 du code civil, pour engager une action en vue de voir réparer leur préjudice d’anxiété. Or, ils ont agi entre le 31 décembre 2014 et le 26 juin 2015 » ;

AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « Sur la prescription : que par arrêt du 19 novembre 2014 n° 13-19273 confirmé par l’arrêt du 22 mars 2016 n° 14-24399 à 14-24432, la Cour de cassation a dit que c’est à compter de la publication de l’arrêté classant l’établissement que commence à courir le délai de prescription du préjudice ; que c’est par arrêté ministériel du 30 septembre 2005 les société Chlore Liquide, Progil, Rhône Progil, Rhône-Poulenc puis Chloralp ont été classées sur la liste des établissements de fabrication des matériaux contenant de l’amiante pour la période du 1er janvier 1916 au 31 décembre 1996, puis de 1997 à 2001 ; qu’un second et nouvel arrêté ministériel du 23 août 2013 publié au journal officiel du 4 septembre suivant est venu étendre la période d’exposition de 2002 à 2005, période durant laquelle l’utilisation de l’amiante était strictement interdite ; que si la société Chloralp, qui a bénéficié d’une dérogation d’utilisation de l’amiante pour la période 1997 à 2001, société aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société RHODIA Opérations, avait respecté la loi et avait cessé toute utilisation de l’amiante au 1er janvier 2002, il n’aurait pu être établi ce nouvel arrêté ministériel ; Que sur demande du Conseil, le secrétaire du syndicat CGT a précisé que deux demandes de classement distinctes ont été faites par le syndicat CGT qui ont abouti aux deux arrêtés ministériels des 30 septembre 2005 et 4 septembre 2013 et non une simple demande d’extension de l’arrêté du 30 septembre 2005 ; que Monsieur E… R… a été embauché le 1er août 1983, qu’à ce jour il est en poste sur la plateforme chimique au bénéfice de la SAS VENCOREX ; que Monsieur K… C… a été embauché le 2 mai 1990, qu’à ce jour il est en poste sur la plateforme chimique au bénéfice de la SAS VENCOREX ; Qu’ils étaient donc en activité sur la plateforme chimique pour la période 2002/2005 ; que ce n’est que le 4 septembre 2013, date de la publication du décret concernant la période de 2002 à 2005 que Messieurs R… et C… ont eu la connaissance pleine et entière de l’utilisation illicite de l’amiante par la société RHODIA Opérations ; Qu’en conséquence le 4 septembre 2013 est la date de départ du délai de prescription à retenir ; qu’ils sont donc parfaitement recevables à exercer leur action dans le délai de 5 ans ; Que c’est le même raisonnement qu’a tenu le Conseil de Prud’hommes de Grenoble dans les jugements du 29 janvier 2016 RG n° F 14/01483 concernant 36 salariés, du 10 juin 2016 RG n° F 15/01496 concernant 2 salariés, contre la SAS RHODIA Opérations » ;

1. ALORS QUE selon l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par l’amiante mais est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l’arrêté ministériel d’inscription de l’établissement sur les liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’allocation de cessation anticipée (ACAATA) ; qu’au cas présent, il résulte des constatations de l’arrêt que, d’une part, les deux salariés demandeurs ont été engagés, respectivement en 1983 et 1990, par la société Rhône-Poulenc et ont travaillé successivement pour cette société et les différentes sociétés ayant exploité le site chimique de Pont-de-Claix, aux droits desquelles vient désormais la société Rhodia Opérations, et que, d’autre part, l’établissement de Pont-de-Claix a été classé sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’ACAATA par arrêté ministériel du 30 septembre 2005 pour les périodes allant « de 1916 à 1998 » et « de 1997 à 2001 » ; que, dès lors, qu’ils avaient travaillé au sein de l’établissement au cours de ces périodes, le préjudice d’anxiété est né et s’est réalisé à la date de publication de l’arrêt du 30 septembre 2005, au Journal officiel du 14 octobre 2005, de sorte que leur action introduite entre le 31 décembre 2014 et le 26 juin 2015, soit plus de neuf ans après la publication de l’arrêté de classement de l’établissement et plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soumettant les actions personnelles à la prescription quinquennale, était irrecevable comme prescrite ; qu’en déclarant néanmoins ces actions recevables, la cour d’appel a méconnu les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations en violation de l’article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

2. ALORS QU’il résulte des constatations de l’arrêt que, d’une part, les deux salariés demandeurs ont été engagés par la société Rhône-Poulenc, respectivement en 1983 et 1990 et ont travaillé successivement pour cette société et les différentes sociétés ayant exploité le site chimique de Pont-de-Claix, aux droits desquelles vient désormais la société Rhodia Opérations, et que, d’autre part, l’établissement de Pont-de-Claix a été classé sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’ACAATA par arrêté ministériel du 30 septembre 2005 pour les périodes allant « de 1916 à 1998 » et « de 1997 à 2001 » ; que, dès lors qu’ils avaient travaillé au sein de l’établissement au cours de ces périodes, le préjudice d’anxiété est né et s’est réalisé à la date de publication de l’arrêt du 30 septembre 2005, au Journal officiel du 14 octobre 2005 ; que la publication d’un arrêté ministériel modificatif du 23 août 2013 étendant la période de travail susceptible de donner droit à l’ACAATA de 2002 à 2005 était sans aucun effet sur l’existence et la substance du préjudice d’anxiété des salariés ayant travaillé au sein de l’établissement antérieurement à cette période et ne pouvait donc, pour ses salariés, avoir pour effet de faire renaître le droit d’agir en réparation de ce préjudice ; qu’en jugeant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, pour les salariés ayant travaillé au sein de l’établissement au cours de la période couverte par l’arrêté du 30 septembre 2005, à compter de l’arrêté du 23 août 2013, la cour d’appel a violé les articles 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l’article 2224 du code civil, ensembles les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Rhodia Chimie aux salariés défendeurs au pourvoi une somme de 15 000 € en réparation du préjudice d’anxiété et d’avoir condamné la société Rhodia Opérations à verser au syndicat CGT du site de Pont-de-Claix une somme de 2 000 € de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le préjudice d’anxiété': Le salarié qui a travaillé dans un établissement figurant sur la liste des établissements répertoriés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités des produits contenant de l’amiante, peut demander réparation du préjudice d’anxiété résultant de la situation d’inquiétude permanente dans laquelle il se trouve, du fait de son employeur, face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. L’indemnisation n’est pas subordonnée à la preuve que le salarié se soumette à des contrôles et des examens médicaux réguliers et elle répare l’ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés aux bouleversements dans les conditions d’existence. Par ailleurs, l’arrêté de classement de l’établissement de Pont de Claix n’a pas limité le bénéfice du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante à quelques catégories de travailleurs. Il en résulte que tous les salariés qui ont été affectés dans cet établissement entre 1916 et 2005 ont été exposés à l’amiante et sont susceptibles de développer une des maladies liées à l’amiante. Il est constant que les salariés ont travaillé sur le site de Pont de Claix pendant la période fixée par l’arrêté de classement de l’établissement sur la liste des établissements ouvrant droit aux dispositions de l’article 41 sus visé pour la période allant de 1916 à 2005 et ont par conséquent été exposés à l’amiante par la faute de leur employeur. Ils sont donc fondés à demander réparation de leur préjudice d’anxiété. Il sera en conséquence alloué à chacun d’eux la somme de 15 000 € en réparation de ce préjudice important » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur le préjudice d’anxiété : que l’article L.4121-1 du Code du travail fait obligation à l’employeur d’assurer la sécurité physique et mentale des salariés, que ces dispositions sont complétées par les articles R.4412-94 et suivants du Code du travail, concernant les risques d’exposition à l’amiante ; que l’arrêt du 11 mai 2010 n° 09-42241 de la Cour de cassation définit le préjudice d’anxiété comme étant une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l’amiante ; que par une série d’arrêts du 25 septembre 2013 (n° 1579, 1585, 1588), la Cour de cassation dit que le préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques ; que l’arrêt du 5 mars 2014 n° 12-19050 de la Cour de cassation dit que les salariés qui ont travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 suffit à caractériser un préjudice spécifique d’anxiété lié à l’amiante ; que tel est le cas en l’espèce ; que vu la jurisprudence de la Cour d’appel de Grenoble : – RG n° 14/03010 du 28 avril 2016 RHODIA Opérations contre 180 intimés ; – RG n° 14/04555 du 30 juin 2016 RHODIA Opérations contre 107 intimés, – RG n° 14/05980 du 05 janvier 2017 RHODIA Opérations contre 108 intimés ; que le Conseil accorde à chaque demandeur : 15 000 € en réparation de leur préjudice d’anxiété » ;

ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu’il invoque en faisant état d’éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu’il ait travaillé dans un établissement susceptible d’ouvrir droit à l’ACAATA ne dispense pas l’intéressé, qui sollicite l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu’en dispensant les défendeurs au pourvoi den justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés pour leur allouer à chacun une somme forfaitaire de 15 000 € en réparation du préjudice d’anxiété pour avoir travaillé au sein de l’établissement de Pont-de-Claix, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et du principe de la réparation intégrale du préjudice.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour MM. C… et R… et syndicat CGT du site chimique du Pont-de-Claix

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir débouté MM. C… et R… de leur demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l’employeur à son obligation de loyauté ;

AUX MOTIFS QUE les salariés ne démontrent pas que l’employeur ait refusé de leur délivrer une attestation d’exposition à l’amiante ni qu’ils n’aient pu bénéficier du suivi médical post-professionnel de ce fait ;

Que par ailleurs, le décret n°96 – 1133 du 24 décembre 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation édicte, au titre de la protection des travailleurs, que sont interdites, en application de l’article L.231-7 du code du travail (devenu les articles L.4411-1 et suivants du code du travail), la fabrication, la transformation, la vente, l’importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d’amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs et ce à compter du 1er janvier 1997 ;

Que la société Chloralp a bénéficié d’une dérogation jusqu’au 31 décembre 2001 pour continuer à utiliser de l’amiante ;

Qu’en l’espèce, il ressort du rapport d’enquête de l’inspection du travail du 23 novembre 2012 suite à la demande formée par syndicat CGT du site chimique du Pont de Claix en modification de l’arrêté du 30 septembre 2005 portant inscription dans la liste des établissements ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante de l’établissement Chloralp que cette société a continué à utiliser de l’amiante entre les années 2002 et 2005 alors qu’elle n’était plus titulaire d’aucune autorisation ;

Que par ailleurs, les rapports techniques des médecins du travail de cette société pour les années 2003 à 2005 mentionnent l’exposition à l’amiante de plus d’une quarantaine de salariés de la société ;

Qu’il en résulte ainsi clairement que la société Rhodia opérations, malgré la cessation de la dérogation qui lui avait été accordée, a poursuivi en toute illégalité, à utiliser de l’amiante pendant une période de quatre années et exposé un nombre significatif de salariés à ce produit, manquant ainsi à l’égard de ses salariés à son obligation d’exécution de bonne foi de son contrat de travail ainsi qu’à son obligation de sécurité ;

Que cependant, les salariés ne justifient pas d’un préjudice distinct du préjudice d’anxiété subi en raison de leur exposition à l’amiante ; que le jugement déféré, en ce qu’il a fait droit à leur demande en dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence infirmé ;

1) ALORS QUE l’indemnisation du préjudice d’anxiété propre aux salariés bénéficiaires de l’ACAATA n’exclut pas l’indemnisation d’un préjudice autre qui trouve sa source dans un manquement spécifique de l’employeur aux obligations résultant de l’exécution du contrat de travail ; que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que caractérise un tel manquement le fait, par l’employeur, de laisser perdurer, en toute illégalité, un risque d’exposition à une substance nocive, et en affirmant, y compris aux institution représentatives du personnel, que le risque n’existe plus ; que la cour d’appel a constaté que la société Rhodia opérations, malgré la cessation de la dérogation qui lui avait été accordée, a poursuivi en toute illégalité, à utiliser de l’amiante pendant une période de quatre années et exposé un nombre significatif de salariés à ce produit, manquant ainsi à l’égard de ses salariés à son obligation d’exécution de bonne foi de son contrat de travail ; qu’en refusant de faire droit à la demande indemnitaire des salariés, au motif que les salariés ne justifieraient pas d’un préjudice distinct du préjudice d’anxiété qu’elle avait accepté d’indemniser, quand le manquement de l’employeur à l’exécution de bonne foi du contrat de travail causait aux salariés un préjudice distinct, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 1147 ancien du code civil, devenu l’article 1231-1 de ce code ;

2) ALORS QUE les salariés avaient fait valoir qu’il résultait d’un procès-verbal de réunion du CHSCT en date du 27 octobre 2006 que onze ans après la première alerte des salariés en 1995, aucun suivi médical des personnes exposées et/ou contaminées n’avait été mis en oeuvre par l’employeur, ce dernier les informant qu’aucune attestation d’exposition à l’amiante ne leur serait remise, les salariés ayant été faussement informés de la situation (conclusions, p. 28 et 30) ; qu’en déboutant les salariés de leur demande indemnitaire sans s’expliquer sur ce moyen, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

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