Cour de cassation, Chambre sociale, 1 juillet 2020, 18-24.011, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.mayerprezioso.com · 30 avril 2021

Les cadres prisent la mobilité internationale offerte par l'employeur. Ce dernier fonde son marketing RH sur la possibilité offerte à ses talents en soif de grand large de goûter à une carrière internationale. Mais si l'affectation d'un salarié à un poste à l'étranger présente toujours les attributs d'une promotion pour celui-ci, elle représente aussi une prise de risque pour l'employeur. S'agissant de la relation juridique entre le salarié et l'employeur, la mobilité peut prendre deux formes : Le salarié conserve son contrat de travail de droit français et se voit détacher …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 1er juill. 2020, n° 18-24.011
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-24.011
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 4 septembre 2018
Textes appliqués :
Article L. 1231-5, premier alinéa, du code du travail.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042113288
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00549
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 549 F-D

Pourvoi n° W 18-24.011

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

M. P… Z…, domicilié chez Mme Z…, […] , a formé le pourvoi n° W 18-24.011 contre l’arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant à la société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. Z…, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société […], et après débats en l’audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2018), M. Z… a été engagé par la société BDF Nivéa, devenue par la suite la société […], suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1986, en qualité de chef de secteur. Par avenant signé le 21 août 2002, le salarié a été détaché auprès de la société […] pour la période comprise entre le 1er septembre 2002 et le 31 août 2005, en qualité de « middle east Nivéa beauté marketing and sales manager ». Par un second avenant signé le 22 août 2002, il était précisé que ce détachement pourrait être prolongé pour une durée de deux ans. Par avenant signé le 29 juin 2005, le détachement du salarié auprès de la société […] a été prolongé pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 31 août 2007. Informé, le 2 janvier 2006, des intentions de la société […] de le promouvoir en qualité de « marketing director BDFME », le salarié a, par courriel du 31 octobre 2006, exprimé à la société […] le souhait de mettre fin à son contrat de travail. Le 25 juin 2009, il a signé un contrat de travail avec la société […], avec prise d’effet au 1er septembre 2006, pour le poste de ''marketing director''. Par lettre du 28 mai 2013, il a été licencié par la société […] avec laquelle il a conclu, le 18 mars 2014, un protocole transactionnel.

2. Revendiquant une continuité de son contrat de travail avec la société […] jusqu’au 28 mai 2013, l’intéressé a saisi, le 2 août 2013, la juridiction prud’homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

3. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors « que, à peine de nullité, tout jugement doit être motivé en langue française ; qu’en l’espèce, après avoir reproduit le courriel, rédigé en langue étrangère, adressé par M. Z… à la société […], le 31 octobre 2006, la cour d’appel a qualifié les termes employés dans ce courriel de ''clairs et non équivoques'' et a considéré qu’il en résultait que son envoi mettait fin au contrat de travail conclu avec la société […] ; qu’en se déterminant ainsi, sans procéder à la traduction de ce courriel, dont elle a déduit la démission du salarié, la cour d’appel a méconnu les articles 455 et 458 du code de procédure civile, 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 et 2 de la Constitution de 1958. »

Réponse de la Cour

4. Tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé en langue française. Lorsque le juge retient un document rédigé en langue étrangère, il n’est tenu que d’en préciser la signification en français.

5. La cour d’appel, après avoir cité le courriel du 31 octobre 2006, libellé en anglais, par lequel le salarié avait exprimé son souhait de mettre fin à son contrat de travail, a souligné que les termes employés étaient clairs et non équivoques et qu’il ressortait de ce courriel que son envoi mettait fin au contrat de travail conclu avec la société […].

6. Il en résulte que le moyen n’est pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de toutes ses demandes alors « que, en application de l’article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié, mis, par la société au service de laquelle il était engagé, à la disposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère, ce texte ne subordonnant pas son application au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la société mère ; et qu’en qualifiant d’inopérants les moyens tirés de la violation par la société […] de l’obligation de reclassement impartie par

l’article L. 1231-5 du code du travail, sous prétexte de la démission du salarié intervenue le 31 octobre 2006, la cour d’appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La société […] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que

la critique invoque un moyen contraire aux conclusions d’appel du salarié, dans lesquelles il avait prétendu que sa démission du 31 octobre 2006 était équivoque et devait en tout état de cause être privée d’effet et qu’il était donc toujours employé par la société […] SA jusqu’au prononcé de son licenciement par la société […], en sorte que son licenciement aurait dû être prononcé par […], qui était au surplus tenue à une obligation de rapatriement qu’elle n’a pas respectée.

9. Cependant, l’application des dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail, évoquée à titre subsidiaire par le salarié dans ses conclusions d’appel, n’est pas contraire à ses écritures et se trouvait incluse dans le débat.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article L. 1231-5, premier alinéa, du code du travail :

11. Aux termes de ce texte, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. Ce texte ne subordonne pas son application au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la société-mère.

12. Pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d’appel retient que la démission de celui-ci a produit tous ses effets, ce qui rend inopérants les moyens tirés de la violation par la société d’une obligation de reclassement dans le cadre d’un détachement.

13. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la prolongation du contrat d’expatriation du salarié avait été signée par les parties le 29 juin 2005, dans le contexte de discussions sur la création d’une filiale de la société […] à Dubaï, puis que, dans le cadre de la création de cette filiale, le salarié avait été promu au poste de ''middle east marketing director'' à compter de janvier 2006 au sein de la société […] et que cette promotion s’était concrétisée par la conclusion d’un contrat local, ce dont elle aurait dû déduire que le salarié avait été mis à la disposition d’une filiale étrangère par la société […] et que les dispositions de l’article L. 1231-5, premier alinéa, du code du travail étaient applicables, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen, pris en sa troisième branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société […] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société […] et la condamne à payer à M. Z… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Z…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. Z… de toutes ses demandes ;

Aux motifs que « le courriel daté du 31 octobre 2006 par lequel M. Z… a exprimé son souhait de mettre fin à son contrat de travail est ainsi libellé : « Further to my new assignement as Marketing Director, […] FZCO, I would like to confirm that it has been agreed to localize my existing expatriation contract with […] SA France. I will now be fully integrated into […] FZCO organization and as a result my employment relationship with […] SA should be ended. By this letter, I would like to officially terminate my existing employment contract with […]. For the good sake of the records, I would kindly ask you to confirm the termination of the employment relationship between […] SA France and myself. Can I also kindly request a reference letter directly from D… Q… for the 20 years service at […] SA"; que les termes employés sont clairs et non équivoques. Bien qu’aucune date de prise d’effet n’ait été mentionnée et que l’employeur ait, dans les faits, fixé une date de fin de contrat antérieure, il ressort de ce courrier que son envoi mettait fin au contrat de travail conclu avec la société […] (« By this letter, I would like to officialy terminate my existing employment contract with […] SA, France »), nonobstant d’une part, l’emploi du conditionnel, utilisé non pour exprimer un doute ou une incertitude, mais tantôt par politesse («would like », « would kindly ask »), tantôt en propos introductif (« should be ended »), d’autre part, la confirmation visée dans la dernière phrase qui, au regard de l’échange qu’il a eu avec F… U… le 7 novembre 2006, consistait en la formulation d’un certificat de travail et de la lettre de référence mentionnée expressément. M. Z… ne démontre pas qu’en langue anglaise, seul le terme « resignation » désigne une démission, ni que l’emploi du terme « termination » était ainsi incompatible avec la démission litigieuse. Il résulte d’un courriel daté du 8 décembre 2005, intervenu quelques mois après la prolongation du contrat d’expatriation de M. Z… signée par les parties le 29 juin 2005, dans le contexte de discussions sur la création d’une filiale de la société […] à Dubaï amorcée dès le 16 juin 2005, dont le salarié était informé, notamment : que, dans le cadre de la création de cette filiale, deux responsables de la société […], MM. I… C… et K… V…, ont proposé de promouvoir M. Z… au poste de « middle cast marketing director » à compter de janvier 2006 ; que la promotion pouvait être concrétisée soit par une renégociation du contrat d’expatriation de M. Z…, à laquelle la société […] n’était pas favorable, soit par la conclusion d’un contrat local, à laquelle MM. C… et V… étaient favorables ; que la société […] allait recommander avec M. C… une évolution du salaire de M. Z… dans le cadre de son contrat d’expatriation, ainsi que la mise en route rapide des discussions relatives à un contrat local. M. Z… était destinataire en copie de ce courriel. Il était donc informé de ces éléments, contre lesquels il ne s’est jamais manifesté, et ne peut, dès lors, soutenir que son employeur était l’instigateur de la rupture de son contrat de travail, étant relevé que ce dernier n’était pas à l’initiative de la promotion proposée par la société […] et n’avait aucune obligation de donner suite à la promotion. Dans ces conditions, la cour considère que M. Z…, qui exerçait des fonctions de responsabilité et disposait ainsi des capacités lui permettant de comprendre les conséquences de ses actes, a présenté en toute connaissance de cause sa démission à la société […], étant observé par ailleurs : d’une part, que l’appelant n’établit aucun lien entre les contributions effectuées en son nom au fonds de pension entre décembre 2005 et juillet 2010 et la qualité d’expatrié ou de permanent des salariés de la société […], de sorte qu’il ne peut être tiré aucune conséquence utile de la cessation de ses contributions en 2010 sur la nature de sa relation contractuelle avec cette société ; d’autre part, que les manquements invoqués contre les deux employeurs successifs, la société […] ne démontrant pas avoir remis le certificat de travail annoncé le 7 novembre 2006, la société […] n’ayant formalisé un contrat de travail que le 25 juin 2009, avec effet rétroactif au 1er septembre 2006, ce que le salarié a d’ailleurs accepté, et ayant établi, en 2011, sans en préciser le cadre, un certificat de travail évoquant la qualité d’expatrié de M. Z… et le caractère temporaire de son contrat, ce qui entrait en contradiction avec le contrat susvisé, ne sont pas suffisants à établir que la démission litigieuse n’était pas claire et non équivoque au moment où elle a été exprimée ; (

) qu’au regard de l’ensemble des éléments ainsi recueillis, la cour considère que l’appelant ne fait pas la démonstration du vice du consentement qu’il allègue, consistant en des manoeuvres dolosives de l’employeur, seul de nature à permettre l’annulation de sa démission ; qu’en conséquence de tout ce qui précède, la démission de M. Z… a produit tous ses effets ce qui rend inopérants les moyens tirés de la violation par l’intimé d’une obligation de reclassement dans le cadre d’un détachement, et l’ensemble des demandes qu’il a présentées doit être rejeté, en ce compris la demande d’indemnité complémentaire au titre du préavis non visée par le jugement, qui est donc confirmé dans toutes ses dispositions » ;

1°) Alors, d’une part, que, à peine de nullité, tout jugement doit être motivé en langue française ; qu’en l’espèce, après avoir reproduit le courriel, rédigé en langue étrangère, adressé par M. Z… à la société […], le 31 octobre 2006, la cour d’appel a qualifié les termes employés dans ce courriel de « clairs et non équivoques » et a considéré qu’il en résultait que son envoi mettait fin au contrat de travail conclu avec la société […] ; qu’en se déterminant ainsi, sans procéder à la traduction de ce courriel, dont elle a déduit la démission du salarié, la cour d’appel a méconnu les articles 455 et 458 du code de procédure civile, 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 et 2 de la Constitution de 1958 ;

2°) Alors, d’autre part, que , en application de l’article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié, mis, par la société au service de laquelle il était engagé, à la disposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère, ce texte ne subordonnant pas son application au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la société mère ; et qu’en qualifiant d’inopérants les moyens tirés de la violation par la société […] de l’obligation de reclassement impartie par l’article L. 1231-5 du code du travail, sous prétexte de la démission du salarié intervenue le 31 octobre 2006, la cour d’appel a violé ce texte ;

3°) Alors, enfin, que la cour d’appel qui a constaté que M. Z…, salarié de la société […] depuis le 1er septembre 1986, avait été détaché par son employeur à Dubaï, auprès de la société […], avec laquelle il avait conclu un contrat d’emploi daté du 16 avril 2002, prenant effet au 1er septembre 2002, puis un contrat de travail, avec prise d’effet au 1er septembre 2006, pour le poste de marketing director, ne pouvait, au seul motif que le 31 octobre 2006, le salarié avait exprimé le souhait de mettre fin au contrat de travail qui le liait à la société […], s’abstenir de vérifier si cette société n’était pas toujours tenue par l’obligation de rapatriement et de reclassement prévue par l’article L. 1231-5 du code du travail, à la suite du licenciement de l’intéressé par […] intervenu le 28 mai 2013 ; et qu’ainsi, elle privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 1231-5 du code du travail.

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