Cour de cassation, Chambre sociale, 1 juillet 2020, 19-10.107, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 1er juill. 2020, n° 19-10.107
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-10.107
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Guéret, 10 décembre 2018
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042113291
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00552
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 552 F-D

Pourvoi n° D 19-10.107

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

Le centre hospitalier de […], établissement public, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° D 19-10.107 contre l’ordonnance rendue en la forme des référés le 11 décembre 2018 par le président du tribunal de grande instance de […], dans le litige l’opposant :

1°/ au CHSCT du centre hospitalier de […], dont le siège est […] ,

2°/ au cabinet Institut de recherche conseil audit formation LR, dont le siège est […] (IRCAF Réseau santé et sécurité au travail), société coopérative à responsabilité limitée à capital variable,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du Centre hospitalier de […], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du CHSCT du centre hospitalier de […], du cabinet Institut de recherche conseil audit formation LR, après débats en l’audience publique du 20 mai 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de […], 11 décembre 2018), rendue en la forme des référés, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de […] (le CHSCT) a, par délibération du 18 mai 2018, voté le recours à un expert agréé sur le fondement des dispositions de l’article L. 4614-12 du code du travail. Le CHSCT a désigné le cabinet Institut recherche conseil audit formation (l’Ircaf réseau) qui a fait connaître au chef d’établissement du centre hospitalier le 18 juin 2018 sa proposition d’intervention et son coût prévisionnel.

2. Les 3 et 4 juillet 2018, le centre hospitalier de […], contestant le périmètre d’intervention de l’expert et le coût de l’expertise, a fait assigner le CHSCT et l’Ircaf réseau devant le président du tribunal de grande instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le centre hospitalier fait grief à l’ordonnance de le débouter de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à payer au CHSCT une somme au titre des frais et honoraires de son conseil ainsi qu’à payer une somme à l’IRCAF réseau au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que l’expertise décidée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le fondement de l’article L. 4614-12 du code du travail, qui ne doit pas servir de prétexte à une analyse globale de l’organisation du travail dans l’établissement, doit se cantonner à l’analyse et à la prévention du risque constaté ; qu’en l’espèce, le président du tribunal a constaté que, dans sa délibération du 18 mai 2018, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de […] avait décidé du recours à l’expertise à raison d’un risque grave, constitué au regard d’un manque de personnel, d’un absentéisme important qui grève la charge de travail, d’un turn-over notable, d’un temps de travail empiété par la nécessité de former les nouveaux agents, de rappels fréquents en période de repos et de plannings non conformes ; que le problème identifié par le CHSCT était donc exclusivement un problème de ressources humaines au regard de la charge de travail du personnel ; que le président du tribunal a par ailleurs constaté que la proposition d’expertise établie par l’IRCAF répondait au contraire à une mission globale, correspondant à un dysfonctionnement général de l’ensemble des services du centre hospitalier, ce qui dépassait très largement le problème identifié par le CHSCT ; qu’en validant néanmoins l’étendue de l’expertise globale proposée par l’IRCAF, qui excédait le champ du risque identifié par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le président du tribunal a violé l’article L. 4614-13 du code du travail ;

2°/ que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, le centre hospitalier de […] faisait valoir dans ses conclusions que le coût prévisionnel de l’expertise proposée par le cabinet IRCAF était excessif en ce qu’il prévoyait une durée facturée de 162 jours, qui dépasse le délai maximal d’expertise de 45 jours fixé par l’article R. 4614-18 du code du travail ; qu’en omettant de répondre à ce moyen, le président du tribunal a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ en tout état de cause que le juge doit respecter l’objet du litige ; qu’en l’espèce, le centre hospitalier de […] faisait valoir dans ses conclusions qu’il employait 854,59 agents en équivalents temps plein (ETP) ; que le CHSCT et l’IRCAF soutenaient dans leurs conclusions que le centre hospitalier employait 978 agents actifs ; qu’en affirmant, pour valider l’étendue et le coût de l’expertise, que le centre hospitalier avait plus de 1 100 agents en fonction, le président du tribunal a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Le président du tribunal de grande instance a constaté, d’une part que la mission décrite par la délibération du CHSCT correspondait au risque grave relevé au sein du centre hospitalier, d’autre part que cette mission visait à analyser le fonctionnement de dix services de soins, de la résidence […] qui regroupe trois services différents, ainsi que six autres services du centre hospitalier, au moyen d’analyses documentaires, d’entretiens individuels ou collectifs fixés à 172, d’observations de situation de travail à hauteur de 16 jours, puis de traitement et d’analyse des données aux fins de restitution et de rédaction du rapport d’expertise.

6. Il a pu en déduire, sans encourir les griefs de la troisième branche, que le coût prévisionnel global de l’expertise correspondait à l’ampleur de la mission définie par le CHSCT et à celle des dysfonctionnements constatés au sein du centre hospitalier.

7. Dès lors, le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n’est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le centre hospitalier de […] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le centre hospitalier de […] et le condamne à payer au cabinet Institut recherche conseil audit formation la somme de 1 000 euros ;

En application de l’article L. 4614-13 du code du travail, condamne le centre hospitalier de […] à payer à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés la somme de 2 832 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier de […].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR débouté le centre hospitalier de […] de l’ensemble de ses demandes, et d’AVOIR condamné le centre hospitalier de […] à payer au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de […] la somme de 6840 € au titre des frais et honoraires de son conseil, ainsi qu’à payer la somme de 500 € à l’IRCAF réseau au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Au terme des dispositions de l’article 10 de l’Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, les dispositions relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail demeurent applicables, dans leur rédaction antérieure à ladite ordonnance, en tant qu’elles s’appliquent aux établissements publics de santé, sociaux et médicosociaux, aux groupements de coopération sanitaire de droit public et aux agences régionales de santé. Dès lors, au regard du litige porté en référé devant le président de ce Tribunal, il convient de rappeler le cadre légal et ses applications. L’article L4614-12 du Code du travail, dans sa rédaction applicable en l’espèce (article 16 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 en vigueur au 20 août 2015) dispose que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1° Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8-1. L’article L4614-13 du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce (article 31 de la loi n°2016-l088 du 08 août 2016 en vigueur au 11 août 2016) précise que : « Lorsque l’expert a été désigné sur le fondement de l’article L.4614-12-1, toute contestation relative à l’expertise avant transmission de la demande de validation ou d’homologation prévue à l’article L. 1233-57-4 est adressée à l’autorité administrative, qui se prononce dans un délai de cinq jours. Cette décision peut être contestée dans les conditions prévues à l’article L. 1235-7-1. Dans les autres cas, l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel de l’expertise tel qu’il ressort, le cas échéant, du devis, l’étendue ou le délai de l’expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l’exécution de la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l’article L. 4612-8, jusqu’à la notification du jugement. Lorsque le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou l’instance de coordination mentionnée au même article L. 4616-1 ainsi que le comité d’entreprise sont consultés sur un même projet, cette saisine suspend également, jusqu’à la notification du jugement, les délais dans lesquels le comité d’entreprise est consulté en application de l’article L. 2323-3. Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur. Toutefois, en cas d’annulation définitive par le juge de la décision du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l’instance de coordination, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Le comité d’entreprise peut, à tout moment, décider de les prendre en charge dans les conditions prévues à l’article L. 2325-41-1. L’employeur ne peut s’opposer à l’entrée de l’expert dans l’établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. L’expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l’article L.4614-9. » Ainsi, ce n’est qu’au cas où un risque grave et actuel est constaté dans l’établissement qu’une expertise peut être ordonnée [Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-11.865]. En outre, il a été jugé que fait une exacte application des dispositions de l’article 236-9 (L4614-12 nouveau) du Code du travail la Cour d’appel qui estime que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit avoir une vision globale des questions relevant de sa compétence, ce qui implique l’étude par l’expert de l’ensemble des risques existant dans un atelier [Cass. Soc. 19 décembre 1990, n°89-16.091]. Par ailleurs, sauf abus manifeste, le juge n’a pas à contrôler le choix de l’expert auquel le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a décidé de faire appel [Cass. Soc. 26 juin 2001, n°99-11.563]. En l’espèce, le Centre Hospitalier de […] a indiqué qu’il ne contestait pas le principe de la nécessité d’une expertise déterminée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail lors de sa délibération du 18 mai 2018. Toutefois, malgré cette position de principe, il ne peut être fait l’économie de l’analyse du risque grave et actuel constaté par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l’établissement du Centre Hospitalier de […], en ce que de la délimitation de ce risque découle forcément la définition de la mission confiée à l’expert, sauf à lui ôter toute pertinence. La résolution votée le 18 mai 2018 par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du Centre Hospitalier de […] est née d’une préoccupation de ses membres quant à l’aggravation des conditions de travail et des risques pour la santé physique et mentale, la sécurité et l’hygiène des salariés, au regard, notamment, d’un manque de personnel et d’un absentéisme important qui grève la charge de travail des agents présents, d’un turn-over notable au sein des effectifs, d’un temps de travail empiété par la nécessité de former les nouveaux agents, des rappels fréquents en période de repos, des plannings non conformes. L’emploi de l’adverbe « notamment » renvoie à une liste non exhaustive des difficultés rencontrées, ce que confirme d’ailleurs les pièces apportées aux débats relatives au rapport dressé par l’inspection du Travail quant au fonctionnement de la blanchisserie, aux courriers émanant des organisations syndicales afin d’interpeller la direction du centre hospitalier sur des dysfonctionnements précis mais aussi sur la souffrance au travail exprimée par les agents, ou à la demande de l’équipe des infirmiers diplômés d’état du service des urgences, qui alerte quant à son épuisement physique et psychologique, et demande la constitution d’une équipe de nuit, demande déjà formulée en 2016 sans aucune suite. Les fiches de dysfonctionnements établies par les agents font état également des dysfonctionnements pointés, et la lecture des comptes-rendus des séances du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail entre mars 2017 et mai 2018 fait apparaître qu’elles ne sont pas toujours traitées avec célérité par la direction afin d’apporter une réponse. Il apparaît par ailleurs que le médecin de prévention indiquait le 12 juillet 2018 qu’il intervenait depuis quinze mois, et qu’avant cette date, aucun service de médecine du travail n’était intervenu pendant plus de deux ans auprès des agents du Centre Hospitalier de […]. Il exposait qu’aucune transmission de données informatisées n’avait été faite à son entrée en fonction; et qu’il ne disposait pas d’une liste complète des agents par service et par catégorie professionnelle. Il précisait par ailleurs que depuis son intervention, une demande croissante de visites était constatée (+15%), à l’initiative des agents du centre hospitalier, notamment en lien avec un épuisement professionnel réel causé par un manque de personnel, un rappel sur les jours de repos, des demandes de soutien et d’intervention dans les autres services, mais également en lien avec un épuisement résultant du rythme de travail jour-nuit, du sentiment de ne pas être écoutés et entendus par les cadres. La simple lecture de ce document permet alors de constater que le médecin de prévention relève le même type de plaintes des agents du centre hospitalier que celles évoquées par les personnels eux-mêmes, par les organisations syndicales et par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ainsi, face à ces constats qui illustrent des risques présentant un caractère grave et actuel pour la santé et la sécurité des salariés dans le cadre d’une dégradation de leurs conditions de travail, la recherche de leurs causes, leur évaluation, leur détermination, et la recherche de solutions dépassent largement le cadre général de la mission du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que ses compétences au vu de l’ampleur de l’analyse à apporter, mais également de la multitude de facteurs à étudier, et doit, au travers des missions de l’expert choisi, pouvoir lui donner une vision globale des questions relevant de sa compétence. Dès lors, la définition de la mission de l’expert, telle que décrite par la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 18 mai 2018 correspond au risque grave relevé au sein du centre hospitalier en ce qu’elle demande à l’expert de répondre aux objectifs suivants: – analyse des modes de travail des salariés et recherche des facteurs de risques auxquels ils sent confrontés, – identification des causes organisationnelles et humaines de dégradation des conditions de travail et leurs conséquences sur la santé physique et morale des salariés, – aide à apporter au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail aux fins de formuler des propositions de prévention des risques professionnels et d’amélioration de travail, ainsi que de préservation de la santé physique et psychologique des salariés, – analyse des dispositions que devraient adopter la direction en vertu de ses obligations. Et la proposition d’expertise établie par l’IRCAF Réseau le 13 juin 2018 (transmise au demandeur le 18 juin suivant) répond à cette mission, qui, si elle peut être qualifiée de globale, ne fait que correspondre au dysfonctionnement général de l’ensemble des services du centre hospitalier. Aucun élément apporté par le demandeur ne permet de remettre en cause l’ampleur de la mission ainsi confiée puisque le Centre Hospitalier de […] n’évoque aucune décision émanant de sa direction, de son service de gestion des ressources humaines, ou de certains services précis permettant de répondre aux doléances de ses salariés ayant motivé la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Enfin, il ressort des pièces versées aux débats que l’IRCAF Réseau est un organisme indépendant agréé par le Ministère du Travail, et spécialisé clans l’analyse des situations et conditions de travail, des questions de santé et d’organisation, de prévention des risques professionnels, de formation et de management. Le Centre Hospitalier de […] n’apporte aucun élément constitutif d’un abus permettant de remettre en cause le choix de cet expert, dont l’expérience professionnelle au sein d’établissements de santé est prouvée. Ainsi, la lecture attentive de la proposition d’expertise de l’IRCAF Réseau permet de constater que les modalités d’intervention et le coût de l’expertise présentées répondent d’une part au bénéfice de cette expérience dans le domaine requis, et d’autre part et surtout à la définition de son cadre d’intervention visé dans la mission confiée. En effet, cette mission vise à analyser le fonctionnement de dix services de soins, de la Résidence […] qui regroupe trois services différents, ainsi que six autres services du centre hospitalier, au moyen d’analyse documentaire, d’entretiens individuels ou collectifs fixés à 172 pour plus de 1.100 agents en fonction, d’observations de situation de travail à hauteur de 16 jours, puis de traitement et d’analyse des données aux fins de restitution et de rédaction du rapport d’expertise. De plus, l’IRCAF Réseau détaille ses modalités d’intervention et justifie ainsi le temps passé et le coût retenu pour les opérations à mener. Ainsi, si le coût global de la mission fixé à 281.880€ peut être effectivement qualifié de conséquent, notamment en considération de l’état d’endettement du centre hospitalier, il correspond à l’ampleur de la mission définie par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui répond à l’ampleur des dysfonctionnements créant le risque grave la motivant. En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, le Centre Hospitalier de […] est débouté de ses demandes tendant à contester l’étendue et le coût de la mission d’expertise confiée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à l’IRCAF Réseau » ;

1) ALORS QUE l’expertise décidée par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le fondement de l’article L.4614-12 du code du travail, qui ne doit pas servir de prétexte à une analyse globale de l’organisation du travail dans l’établissement, doit se cantonner à l’analyse et à la prévention du risque constaté ; qu’en l’espèce, le président du tribunal a constaté que, dans sa délibération du 18 mai 2018, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de […] avait décidé du recours à l’expertise à raison d’un risque grave, constitué au regard d’un manque de personnel, d’un absentéisme important qui grève la charge de travail, d’un turn-over notable, d’un temps de travail empiété par la nécessité de former les nouveaux agents, de rappels fréquents en période de repos et de plannings non conformes ; que le problème identifié par le CHSCT était donc exclusivement un problème de ressources humaines au regard de la charge de travail du personnel ; que le président du tribunal a par ailleurs constaté que la proposition d’expertise établie par l’IRCAF répondait au contraire à une mission globale, correspondant à un dysfonctionnement général de l’ensemble des services du centre hospitalier, ce qui dépassait très largement le problème identifié par le CHSCT ; qu’en validant néanmoins l’étendue de l’expertise globale proposée par l’IRCAF, qui excédait le champ du risque identifié par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le président du tribunal a violé l’article L.4614-13 du code du travail.

2) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, le centre hospitalier de […] faisait valoir dans ses conclusions (pages 5 et 6) que le coût prévisionnel de l’expertise proposée par le cabinet IRCAF était excessif en ce qu’il prévoyait une durée facturée de 162 jours, qui dépasse le délai maximal d’expertise de 45 jours fixé par l’article R.4614-18 du code du travail ; qu’en omettant de répondre à ce moyen, le président du tribunal a violé l’article 455 du code de procédure civile.

3) ALORS en tout état de cause QUE le juge doit respecter l’objet du litige ; qu’en l’espèce, le centre hospitalier de […] faisait valoir dans ses conclusions (page 6) qu’il employait 854,59 agents en équivalents temps plein (ETP) ; que le CHSCT et l’IRCAF soutenaient dans leurs conclusions (page 19) que le centre hospitalier employait 978 agents actifs ; qu’en affirmant, pour valider l’étendue et le coût de l’expertise, que le centre hospitalier avait plus de 1100 agents en fonction, le président du tribunal a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR condamné le centre hospitalier de […] à payer au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de […] la somme de 6840 € au titre des frais et honoraires de son conseil.

AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes accessoires : Alors qu’il appartient à l’employeur de supporter les frais d’expertise et les frais de contestation éventuelle relatifs aux honoraires d’avocat [Cass. Soc. 12 janvier 1999, n°97-12.794], en considération de la note d’honoraire produite à l’appui de la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il y a lieu de condamner le Centre Hospitalier de […] à lui verser la somme de 6.840€ TTC. Alors que l’IRCAF Réseau est partie à la présente instance des suites de l’assignation que lui a fait délivrer le Centre Hospitalier de […] le 04 juillet 2018, l’équité commande de condamner le demandeur, succombant en ses demandes principales, à lui verser la somme de 500€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile » ;

ALORS QU’en cas de contestation, il incombe au juge de fixer le montant des frais et honoraires d’avocat exposés par le CHSCT, qui seront mis à la charge de l’employeur en application de l’article L.4614-13 du code du travail, au regard des diligences accomplies ; qu’en l’espèce, le CHSCT demandait la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 6840 euros au titre des frais d’avocat exposés ; que le centre hospitalier de […] faisait valoir que, conformément aux règles de comptabilité publique auxquelles il est soumis, il ne prendrait en charge que les frais d’avocat du CHSCT dûment justifiés ; qu’en fixant à la somme de 6840 euros le montant des frais et honoraires exposés par le CHSCT mis à la charge de l’employeur, sans caractériser que cette somme était due au regard des diligences accomplies par le conseil du CHSCT, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.4614-13 du Code du travail.

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