Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 janvier 2021, 19-86.509, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.actu-juridique.fr · 5 septembre 2023
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 13 janv. 2021, n° 19-86.509
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-86.509
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 septembre 2019
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043045864
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CR00065
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Texte intégral

N° Z 19-86.509 F-D

N° 00065

GM

13 JANVIER 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 13 JANVIER 2021

MM. J… T…, K… B… et T… B…, parties civiles, ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 26 septembre 2019, qui, dans l’information suivie pour agressions sexuelles aggravées contre M. C… L…, a constaté la prescription de l’action publique.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit, commun aux demandeurs, ainsi qu’un mémoire en défense.

Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. J… T…, M. K… B…, M. T… B…, parties civiles, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. C… L…, et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 2 décembre 2020 où étaient présents, M. Soulard président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. K… B… et M. T… B…, ainsi que M. J… T…, ont porté plainte, en 2017, contre M. C… L…, prêtre du diocèse de Nice, pour des attouchements sexuels, qui auraient été commis, jusqu’en 1989, à l’occasion de camps de vacances.

3. Par ordonnance du 20 mars 2019, le juge d’instruction a constaté la prescription de l’action publique.

4. M. K… B…, M. T… B… et M. J… T…, parties civiles, ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen

Enoncé des moyens

5. Le premier moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance ayant constaté la prescription de l’action publique quant aux faits d’agressions sexuelles aggravées sur les personnes de MM. B… et J…, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles 6 dans sa rédaction antérieure à la loi n°99-515 du 23 juin 1999, 7 dans sa rédaction issue de la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989, 8 dans sa rédaction antérieure à la loi n°95-116 du 4 février 1995 du Code de procédure pénale, 9-1 et 9-3 du Code de procédure pénale, tels qu’interprétés par la Cour de cassation, dont il résulte que les délits de nature sexuelle commis sur des mineurs se prescrivent par trois ans à compter de la commission des faits, y compris lorsque les victimes souffrent d’amnésie traumatique, celle-ci n’étant considérée ni comme une cause de suspension de la prescription ni comme une cause de report du point de départ de celle-ci, méconnaissent le principe constitutionnel selon lequel, en matière pénale, il appartient au législateur, afin de tenir compte des conséquences attachées à l’écoulement du temps, de fixer des règles relatives à la prescription de l’action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions, tel qu’il résulte du principe de nécessité des peines et de la garantie des droits respectivement garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; que consécutivement à la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, l’arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;

2°/ qu’avant l’entrée en vigueur de la loi n°2017-242 du 27 février 2017, la Chambre criminelle jugeait que la prescription est suspendue en cas d’obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites (Ass. Plén. 7 novembre 2014, n° 14-83.739, Bull. ass. plén.n°1), sans exiger que l’obstacle réponde par ailleurs aux critères de la force majeure tenant à l’imprévisibilité et à l’extériorité ; que c’est l’article 9-3 du code de procédure pénale, créé par cette loi, qui a inséré cette condition supplémentaire en prévoyant que tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription ; que, dès lors, en se fondant, pour retenir que l’amnésie traumatique invoquée par les victimes n’avait pas suspendu la prescription de l’action publique et que celle-ci était acquise depuis le 15 mai 1997 s’agissant de MM. B… et depuis le 5 avril 1990 s’agissant de M. T…, sur le fait que ce traumatisme est inhérent à la qualité de victime et qu’il n’est donc pas assimilable à la force majeure (arrêt, p. 9), lorsqu’il lui appartenait uniquement de rechercher si l’amnésie traumatique invoquée avait constitué pour les exposants un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n°95-116 du 4 février 1995 et de l’article 112-2 du code pénal ;

3°/ qu’en considération de la décision du Conseil constitutionnel (Cons. constit. Déc. n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019) il appartient à la Chambre criminelle de faire évoluer sa jurisprudence antérieure (Crim. 17 oct. 2018, n° 17-86.161) en retenant que l’amnésie traumatique constitue bien un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ; qu’en retenant le contraire pour refuser d’attacher à ce traumatisme un effet suspensif de prescription et déclarer l’action publique prescrite, la chambre de l’instruction a violé les articles 8 dans sa rédaction antérieure à la loi n°95-116 du 4 février 1995 et 9-3 du code de procédure pénale ;

4°/ que tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription, y compris en matière d’infractions sexuelles ; que, dès lors, en déduisant du fait que l’amnésie traumatique des victimes d’infractions sexuelles avait déjà été prise en compte par le législateur pour reporter le point de départ et la durée de la prescription qu’elle ne pouvait constituer dans le même temps une cause de suspension de cette prescription, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée de l’article 9-3 du code de procédure pénale.»

6. Le second moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance ayant constaté la prescription de l’action publique quant aux faits d’agressions sexuelles aggravées sur les personnes de MM. B… et J…, alors « qu’en cas d’amnésie traumatique d’une victime d’agression sexuelle, qui est de ce fait placée dans l’impossibilité d’agir, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où l’infraction lui apparaît dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique ; que, dès lors, en se bornant à constater, pour dire prescrits les faits d’agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur eux, que l’amnésie traumatique invoquée ne constituait pas un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure de sorte qu’elle ne pouvait suspendre la prescription, sans rechercher concrètement la date à laquelle les agressions sexuelles dénoncées étaient apparues aux victimes dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 du code de procédure pénale et méconnu le principe contra non valentem agere non currit praescriptio. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Sur le premier moyen pris en sa première branche

8. Le grief, qui soutient que la déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions législatives critiquées par la question prioritaire de constitutionnalité posée par les demandeurs privera l’arrêt attaqué de base légale est devenu sans objet, la Cour de cassation ayant dit, par arrêt du 25 mars 2020, n’y avoir lieu de transmettre cette question au Conseil constitutionnel.

Sur les autres branches du premier moyen, et sur le second moyen

9. Pour confirmer l’ordonnance entreprise, la chambre de l’instruction relève, d’une part, que, s’agissant des faits dénoncés par M. J… T…, né le […] , faits qu’il date de 1983, l’action publique était éteinte par prescription à la date à laquelle il a porté plainte, en 2017. Elle retient, d’autre part, que, s’agissant les faits dénoncés, en 2017, par MM. K… B… et T… B…, tous deux nés le […] , faits qu’ils datent de 1988, l’action publique est éteinte par prescription depuis le 15 mai 1997, soit trois ans après leur majorité.

10. Devant la chambre de l’instruction, les parties civiles ont soutenu, dans leurs mémoires, qu’en application de l’article 9-3 du code de procédure pénale, résultant de la loi n°2017-242 du 27 février 2017, l’amnésie traumatique résultant des faits dont elles ont été victimes doit être considérée comme un obstacle insurmontable et assimilable à la force majeure, ayant rendu impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, qui a suspendu la prescription, par application de l’article 9-3 du code de procédure pénale.

11. Pour écarter cette argumentation, la chambre de l’instruction énonce que le traumatisme des victimes a été pris en compte par le législateur, à l’occasion des lois qui ont reporté le point de départ et étendu la durée du délai de prescription pour les infractions de violences sexuelles commises sur des mineurs, que le traumatisme invoqué, inhérent à la qualité de victime, ne peut être assimilé à la force majeure, faute d’être extérieur aux parties qui l’ont subi, et que l’expiration de ses effets ne peut être traduite de manière objective, alors qu’il ne peut être admis de faire dépendre le point de départ de la prescription des seules déclarations de la victime.

12. En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen et a justifié sa décision.

13. En effet, d’une part, la chambre de l’instruction a exactement relevé qu’en application des lois de prescription applicables au regard de la date et de la nature des faits, l’action publique était éteinte par prescription aux dates auxquelles les plaintes ont été déposées par les victimes de M. L….

14. D’autre part, faute d’être extérieure à la partie qui l’invoque, l’amnésie traumatique ne constitue pas un obstacle de fait assimilable à la force majeure, pouvant suspendre la prescription dans les conditions prévues par l’article 9-3 du code de procédure pénale, ni retarder son point de départ.

15. Les moyens ne peuvent donc être admis.

16. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize janvier deux mille vingt et un.

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