Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 6 mars 2009, 307764, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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www.revuedlf.com · 22 juin 2020

Alors que la protection accordée aux femmes voilées en France apparaît insuffisante, les obstacles auxquels se heurtent les différents contrôles juridictionnels exercés sur les réglementations conduisant à restreindre le port de ce signe religieux doivent être mis en évidence avant d'envisager les pistes d'amélioration du droit positif. Situé à la croisée du droit des discriminations et du droit des libertés, le voile islamique pourrait être appréhendé par ses défenseurs comme un vecteur d'identité et au prisme d'une analyse intersectionnelle. Par Julie Arroyo, Maître de conférences à …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 6 mars 2009, n° 307764
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 307764
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nancy, 23 mai 2006
Identifiant Légifrance : CETATEXT000020377598
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2009:307764.20090306

Sur les parties

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juillet et 19 octobre 2007 et le 13 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mlle Myriam A, demeurant … ; Mlle A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 24 mai 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l’annulation, d’une part, du jugement du 25 juillet 2005 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation du règlement intérieur du lycée René Cassin de Strasbourg, de la décision du conseil de discipline du 6 novembre 2004 prononçant son exclusion définitive de l’établissement, de la décision du 15 décembre 2004 du recteur de l’académie de Strasbourg confirmant l’exclusion définitive et à enjoindre sous astreinte au proviseur du lycée ou au recteur d’académie de l’accueillir au sein dudit établissement dans les mêmes conditions que les autres élèves et, d’autre part, desdites décisions ;

2°) statuant au fond, de constater qu’elle était recevable à critiquer le règlement intérieur, d’annuler la disposition qui prohibe le port de tout couvre-chef dans l’ensemble des bâtiments scolaires ainsi que la sanction prononcée, et de faire droit aux conclusions à fin d’injonction présentées devant la cour administrative d’appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’éducation, notamment son article L. 141-5-1 ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 ;

Vu le décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Gaëlle Dumortier, Maître des Requêtes,

— les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mlle A,

— les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,

— la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mlle A ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 6 novembre 2004, le conseil de discipline du lycée René Cassin de Strasbourg a prononcé l’exclusion définitive de l’établissement de Mlle A, élève de terminale, qui s’était présentée à la rentrée scolaire la tête couverte d’un foulard islamique, qu’elle a ensuite remplacé par un autre couvre-chef, estimant que ce comportement était contraire à la loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux à l’école ; que la sanction a été confirmée par une décision du 15 décembre 2004 du recteur de l’académie de Strasbourg ; que, Mlle A ayant demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler ces deux décisions ainsi que la disposition du règlement intérieur du lycée qui prévoit l’interdiction du port de tout couvre-chef, ce tribunal, par un jugement du 25 juillet 2005, a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la sanction et annulé la disposition contestée du règlement intérieur en tant qu’elle s’applique dans tout l’établissement et non seulement à l’intérieur des bâtiments scolaires ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 24 mai 2006 dont Mlle A demande l’annulation ;

Sur les conclusions du pourvoi relatives au règlement intérieur :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle A a demandé à titre principal au tribunal administratif de Strasbourg l’annulation de la disposition du règlement intérieur du lycée René Cassin relative à la tenue des élèves prévoyant que le port de tout couvre-chef est interdit ; que le tribunal a annulé cette disposition en tant qu’elle s’applique dans tout l’établissement et non seulement à l’intérieur des bâtiments scolaires ; qu’ainsi, il n’a fait que partiellement droit à la demande principale de Mlle A qui conservait un intérêt à demander devant la cour l’annulation de la disposition interdisant le port de tout couvre-chef en tant qu’elle s’applique également à l’intérieur des bâtiments ; que, dès lors, en estimant que le tribunal administratif avait accueilli la demande de Mlle A, la cour a inexactement interprété le jugement ; qu’en en déduisant que l’appel sur cette partie du jugement était irrecevable car dirigée contre les motifs du jugement et non contre son dispositif, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, Mlle A est fondée à en demander l’annulation en tant qu’il statue sur les conclusions d’appel dirigées contre le règlement intérieur de l’établissement ;

Sur les conclusions relatives à la décision d’exclusion :

Considérant qu’aux termes de l’article 31-1 du décret du 30 août 1985 : « Toute décision du conseil de discipline de l’établissement ou du conseil de discipline départemental peut être déférée au recteur de l’académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification, soit par le représentant légal de l’élève, ou par ce dernier s’il est majeur, soit par le chef d’établissement. Le recteur d’académie décide après avis d’une commission académique. / La juridiction administrative ne peut être régulièrement saisie qu’après mise en oeuvre des dispositions de l’alinéa précédent » ; qu’ainsi la cour administrative d’appel n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que, la décision du recteur s’étant substituée à celle du conseil de discipline, les conclusions dirigées contre la décision du conseil étaient irrecevables ;

Considérant que la cour a souverainement constaté, sans dénaturation, que la décision du recteur était suffisamment motivée ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation issu de la loi du 15 mars 2004 : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève » ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d’une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d’autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève ;

Considérant que la cour administrative d’appel a souverainement constaté, sans dénaturation, que Mlle A qui, après avoir revêtu un foulard islamique, l’avait remplacé par d’autres couvre-chefs, a refusé de façon déterminée de les retirer malgré les demandes de l’administration ; qu’elle a pu, dès lors, déduire de ces constatations, sans méconnaître les dispositions précitées, que les conditions dans lesquelles ces coiffures étaient portées étaient de nature à faire regarder l’intéressée comme ayant manifesté ostensiblement son appartenance religieuse ;

Considérant que, compte tenu de l’intérêt qui s’attache au principe de laïcité dans les établissements scolaires publics, une sanction d’exclusion définitive prononcée à l’égard d’un élève qui ne se conforme pas à l’interdiction légale du port de signes extérieurs d’appartenance religieuse n’entraîne une atteinte ni à la dignité humaine et au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de cette même convention ; qu’elle ne porte pas davantage une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l’article 9 de cette convention ; qu’en outre, une telle sanction qui est prise, sans discrimination entre les confessions des élèves, ne méconnaît pas le principe de non discrimination édicté par les stipulations de l’article 14 de cette convention ; que c’est donc sans commettre d’erreur de droit que la cour a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8, 9, 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mlle A n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du recteur de l’académie de Strasbourg prononçant son exclusion définitive du lycée René Cassin de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 24 mai 2006 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de Mlle A tendant à l’annulation du jugement du 25 juillet 2005 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu’il n’a annulé que partiellement le règlement intérieur du lycée.

Article 2 : L’affaire est renvoyée dans la limite de la cassation ainsi prononcée devant la cour administrative d’appel de Nancy.


Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mlle A est rejeté.


Article 4 : L’Etat versera à Mlle A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.


Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Myriam A et au ministre de l’éducation nationale.

Copie en sera adressée pour information au proviseur du lycée René Cassin et au président de la cour administrative d’appel de Nancy.

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