Conseil d'État, 21 juillet 2023, 476116, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 21 juill. 2023, n° 476116
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 476116
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Conseil d'État, 8 décembre 2022, N° 458440, 459332, 459387, 459398
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 janvier 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047963130
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2023:476116.20230721

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution du décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 relatif à l’obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est satisfaite ;

— d’une part, l’entrée en vigueur le 1er juillet 2023 du décret litigieux, qui précise l’obligation pour tout commerce de détail d’exposer à la vente les fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé de matière plastique, notamment en établissant la liste des fruits et légumes exemptés, préjudice aux intérêts des entreprises de la plasturgie en ne permettant pas aux entreprises productrices des emballages concernés de s’organiser en amont et en compromettant leur activité ainsi que de nombreux emplois, alors que les commandes ont été faites en anticipant que cette entrée en vigueur ne pourrait intervenir avant le 15 décembre 2023 ;

— d’autre part, l’entrée en vigueur du décret préjudicie à l’intérêt public et à la sécurité juridique, la Commission européenne ayant sollicité des autorités françaises qu’elles reportent son adoption jusqu’au 15 décembre 2023 ;

— il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

— ce décret est entaché d’un vice de procédure en ce que le texte soumis à la consultation publique en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement diffère du texte publié ;

— il a été adopté à l’issue d’une procédure irrégulière faute d’avoir été régulièrement notifié à la Commission européenne en application de l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;

— il méconnaît l’article 6 de la directive 2015/1535 faute de s’être conformé à l’obligation de report pendant douze mois.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’environnement ;

— la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;

— le code de justice administrative ;

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

3. Aux termes du seizième alinéa du III de l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement, créé par l’article 77 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire : « A compter du 1er janvier 2022, tout commerce de détail exposant à la vente des fruits et légumes frais non transformés est tenu de les exposer sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Cette obligation n’est pas applicable aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus ainsi qu’aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret ». Pris pour l’application de ces dispositions, après que, par une décision n°s 458440, 459332, 459387, 459398 du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, en a annulé une précédente version, le décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 relatif à l’obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, précise les conditions de mise en œuvre de cette obligation législative, notamment en établissant la liste des fruits et frais qui n’y sont pas soumis en raison du risque de détérioration lors de la vente en vrac.

4. Le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) a demandé l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret. Sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, il en demande la suspension de l’exécution.

5. Pour justifier de la condition d’urgence, l’organisation requérante fait valoir, de façon générale, le préjudice découlant de l’interdiction d’exposer à la vente, à compter du 1er juillet 2023, les fruits et légumes frais non transformés conditionnés sous emballages composés pour tout ou partie de matière plastique, en ce que les entreprises produisant de tels emballages seraient privées d’une part significative de leur activité dans des conditions les mettant en péril et compromettant de nombreux emplois. Toutefois, la seule production d’une attestation du président d’une entreprise, se bornant à faire état, sans l’étayer, des difficultés engendrées par l’entrée en vigueur du décret litigieux, et les quelques éléments chiffrés produits ne permettent pas d’apprécier l’impact pour les entreprises concernées de l’application du décret contesté, au-delà de ce qu’implique la loi elle-même, ni, en tout état de cause, la gravité des atteintes invoquées pour ce secteur d’activité. Par ailleurs, outre l’exemption prévue par la loi pour les fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme et autres, le II de l’article D. 541-337 du code de l’environnement, issu du décret attaqué, fixe une liste d’une trentaine de fruits et légumes, y compris de consommation courante, en plus des fruits mûrs à point et des graines germées, pour lesquels, en raison d’un risque de détérioration à la vente en vrac, une exemption est prévue. Enfin, si l’organisation requérante fait valoir que les entreprises concernées auraient anticipé que l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions ne pourrait intervenir avant le 15 décembre 2023 compte tenu d’une demande de report qui aurait été formulée par la Commission européenne, il résulte du III du même article D. 541-337 que les fruits et légumes qui ne sont pas exemptés en application du II peuvent être exposés à la vente avec un conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique jusqu’au 31 décembre 2023. Dans ces conditions, les éléments avancés par l’organisation requérante ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des entreprises qu’elle représente. L’invocation de l’intérêt public qui tiendrait à la prise en compte de l’intervention de la Commission européenne n’est pas davantage de nature à caractériser, à elle seule, une situation d’urgence justifiant que soit ordonnée en référé la suspension de l’exécution du décret attaqué sans attendre le jugement de la requête au fond.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué, que la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance), y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance).

Copie en sera adressée à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Fait à Paris, le 21 juillet 2023

Signé : Anne Courrèges

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