CEDH, Note d’information sur l'affaire 65993/16, 10 novembre 2020, 65993/16

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CEDH

Communiqué de presse sur l'affaire 65993/16

 

CEDH

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 10 nov. 2020, n° 65993/16
Numéro(s) : 65993/16
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable (Art. 35) Conditions de recevabilité ; (Art. 35-1) Délai de six mois ; Violation de l'article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion (Article 9 - Obligations positives ; Article 9-1 - Changer de religion ou de conviction ; Liberté de religion ; Manifester sa religion ou sa conviction) ; Dommage matériel - demande rejetée (Article 41 - Dommage matériel ; Satisfaction équitable) ; Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral ; Satisfaction équitable)
Identifiant HUDOC : 002-12994
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 245

Novembre 2020

Saran c. Roumanie - 65993/16

Arrêt 10.11.2020 [Section IV]

Article 9

Obligations positives

Article 9-1

Changer de religion ou de conviction

Liberté de religion

Manifester sa religion ou sa conviction

Prisonnier devant prouver, par un document provenant du nouveau culte, sa conversion religieuse durant la détention pour recevoir des repas conformes à son culte : violation

[Ce résumé concerne également l'arrêt Neagu c. Roumanie, n° 21969/15, 10 novembre 2020]

En fait – Dans l’affaire Neagu, le requérant, placé en détention provisoire en 2009, se déclara chrétien orthodoxe. En 2012, alors qu’il était incarcéré en prison, il informa la direction de l’établissement qu’il s’était converti à la religion musulmane et demanda à bénéficier de repas sans porc, ce qui lui fut refusé. Le requérant fut ensuite transféré dans une autre prison où il réitéra plusieurs fois sa demande. Elles furent toutes rejetées, au motif qu’il n’avait pas produit d’attestation prouvant sa conversion, délivrée par les représentants du culte concerné. Ses recours furent tous rejetés. Il en fut de même en 2016 lorsqu’il demanda à bénéficier de repas conformes aux préceptes du culte adventiste dans une autre prison.

Dans l’affaire Saran, le requérant a purgé une peine de prison dans plusieurs établissements pénitentiaires. Il indique s’être déclaré musulman lorsqu’il a été incarcéré, en avril 2016. Le Gouvernement soutient qu’il s’est déclaré chrétien orthodoxe. Le requérant n’a pas bénéficié de repas conformes à la religion musulmane dans l’une des prisons dans laquelle il a été détenu.

En droit – Article 9 :

La Cour a récemment précisé, dans un contexte relatif à l’exemption du service militaire, que si un individu demande une dérogation spéciale qui lui est accordée en raison de ses croyances ou convictions religieuses, il n’est pas excessif ou en conflit fondamental avec la liberté de conscience d’exiger un certain niveau de justification de la croyance authentique et, si cette justification n’est pas fournie, de parvenir à une conclusion négative (Dyagilev c. Russie, 49972/16, 10 mars 2020, Note d’information 238).

La réglementation pertinente a introduit une distinction entre la déclaration initiale de la religion, que le détenu peut faire librement et sans formalités particulières au moment de son incarcération, et le changement de religion, survenu au cours de la détention, que le détenu doit prouver par un document provenant du nouveau culte. Pour la Cour, une telle réglementation avec une exigence stricte de preuve documentaire d’appartenance à un culte spécifique dépasse le niveau de justification qui peut être exigé concernant une croyance authentique. Cela est d’autant plus vrai dans un cas où, comme en l’espèce, il existe la liberté initiale pour un détenu de déclarer la religion sans aucune preuve nécessaire.

Dans l’affaire Neagu, tant le juge chargé du contrôle de la privation de liberté que le tribunal de première instance ont rejeté le recours de l’intéressé sans avoir examiné le contexte factuel de sa demande, au motif qu’il n’avait pas fourni l’attestation écrite exigée par la réglementation. Ils n’ont pas examiné non plus si le requérant aurait eu une possibilité réelle de se faire produire une preuve écrite ou une autre confirmation de l’appartenance au culte respectif, en particulier compte tenu des restrictions auxquelles il était soumis en tant que prisonnier.

Sauf dans des cas très exceptionnels, le droit à la liberté de religion exclut toute appréciation de la part de l’État sur la légitimité des croyances religieuses ou sur les modalités d’expression de celles-ci. Au vu de l’importance du caractère sérieux et sincère que doit avoir une conversion religieuse, le devoir de neutralité des autorités nationales ne saurait faire obstacle à un examen des éléments factuels qui caractérisent la manifestation d’une religion. Or il ne ressort pas des décisions rendues en l’espèce que les juridictions nationales se soient efforcées d’établir la manière dont l’intéressé manifestait ou entendait manifester sa nouvelle religion.

Selon le Gouvernement, l’obligation découlant de l’arrêté vise à prévenir l’abus de droit et à protéger les religions. Toutefois les juridictions internes qui ont examiné la demande du requérant de repas conformes aux préceptes du culte adventiste, suite à son second changement de religion, n’ont pas jugé cette demande constitutive d’un abus de sa part.

Dans l’affaire Saran, le tribunal de première instance a rejeté le recours du requérant au motif que celui-ci s’était déclaré chrétien orthodoxe au moment de son incarcération et n’avait pas prouvé ensuite son appartenance à la religion musulmane. Toutefois ces conclusions factuelles ne concordent pas avec la fiche d’assistance morale et religieuse remplie à la prison litigieuse au moment de son transfert, où il est indiqué que le requérant est musulman. Qui plus est, le requérant avait reçu des repas conformes aux préceptes de la religion musulmane dans une première prison et il était également inscrit en tant que musulman dans le dossier d’éducation et d’assistance psychosociale de deux autres établissements pénitentiaires. Il ne ressort pas que le tribunal ait essayé de contrôler les données factuelles enregistrées par l’administration pénitentiaire quant à l’appartenance religieuse du requérant. Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas expliqué les divergences quant à l’appartenance religieuse du requérant qui ponctuent les différents documents délivrés par les autorités nationales. Or les autorités doivent s’organiser et se coordonner entre elles de manière à assurer une circulation et un partage adéquats de l’information.

Compte tenu des dispositions pertinentes, les autorités nationales ont rompu le juste équilibre qu’elles devaient ménager entre les intérêts de l’établissement pénitentiaire, ceux des autres prisonniers et les intérêts particuliers du détenu concerné. À cet égard, la Cour n’est pas convaincue que les demandes du requérant, dans l’affaire Neagu, de se voir offrir un régime alimentaire conforme à sa religion aurait causé un dysfonctionnement dans la gestion de la prison ou entrainé des conséquences négatives sur le régime alimentaire offert aux autres détenus. La Cour note aussi que le requérant, dans l’affaire Saran, a bénéficié de repas conformes à sa religion dans trois établissements pénitentiaires, ce qui indique que le système pénitentiaire roumain pouvait accommoder de telles demandes.

Quant à la durée de la procédure relative aux repas servis à la prison litigieuse, dans l’affaire Saran, le jugement du tribunal de première instance a été rendu en mars 2017, alors que le requérant avait été transféré dans une autre prison en décembre 2016. Le Gouvernement n’a pas expliqué les raisons du retard pris dans cette procédure.

À la lumière de ce qui précède et malgré la marge d’appréciation dont l’État défendeur jouit en la matière, les autorités nationales n’ont pas satisfait, à un degré raisonnable, aux obligations positives découlant pour elles de l’article 9.

Conclusion : violation (cinq voix contre deux dans l’affaire Neagu ; unanimité dans l’affaire Saran).

Article 41 : 5 000 EUR pour préjudice moral pour chacun des deux requérants ; demande de dommage matériel rejeté dans l’affaire Saran

(Voir aussi Jakóbski c. Pologne, 18429/06, 7 décembre 2010, Note d’information 136 ; Dyagilev c. Russie, 49972/16, 10 mars 2020, Note d’information 238 ; Erlich et Kastro c. Roumanie, 23735/16 et 23740/16, 9 juin 2020, Note d’information 241).

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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