CEDH, ASSOCIATION CONFRATERNELLE DE LA PRESSE JUDICIAIRE c. FRANCE et 11 autre affaires, 26 avril 2017, 49526/15 et autres

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Cet article se penche sur la conformité au droit de la Convention européenne des droits de l'homme de la législation anti-terroriste française. Au terme d'un examen approfondi, il apparaît que si les garanties procédurales de la Convention sont globalement respectées – du fait notamment de l'abaissement récent du standard conventionnel – plusieurs difficultés pourraient apparaître sur le terrain des droits substantiels, plus particulièrement concernant la conciliation entre les mesures de surveillance et le droit au respect de la vie privée. Laure Milano, Professeur à l'Université de …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 26 avr. 2017, n° 49526/15 et autres
Numéro(s) : 49526/15, 49615/15, 49616/15, 49617/15, 49618/15, 49619/15, 49620/15, 49621/15, 55058/15, 55061/15, 59602/15, 59621/15
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Affaire communiquée
Identifiant HUDOC : 001-173634
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Sur les parties

Texte intégral

Communiquée le 26 avril 2017

CINQUIÈME SECTION

Requête no 49526/15
ASSOCIATION CONFRATERNELLE DE LA PRESSE JUDICIAIRE contre la France
et 11 autres requêtes
(voir liste en annexe)

Les données personnelles des parties requérantes et les informations relatives à leurs affaires figurent en annexe.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

À la suite d’une réflexion ouverte par l’Assemblée nationale en 2013, faisant apparaître des carences et des insuffisances dans l’encadrement juridique des activités de renseignement, un projet de loi fut examiné à partir de 2015, afin de définir les missions des services de renseignement, de doter les services de moyens adaptés et d’assurer un contrôle de légalité et de proportionnalité de la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignements (rapport fait au nom de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, no 2697, enregistré le 2 avril 2015, sur le projet de loi relatif au renseignement).

Le 24 juillet 2015, le président de la République promulgua la loi no 2015‑912 du 24 juillet 2015 (« la loi du 24 juillet 2015 ») relative au renseignement. Les dispositions contestées par les requérants sont entrées en vigueur le 3 octobre 2015, au lendemain de la publication au Journal officiel du décret du 1er octobre 2015 relatif à la composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

La loi du 24 juillet 2015 étend le domaine et les moyens d’interception des communications par voie électronique, qui étaient déjà réglementés, et élargit les accès administratifs aux données de connexion. Elle accorde aux services de renseignement le droit d’user de moyens d’investigation qui relevaient auparavant du monopole des autorités judiciaires : la géolocalisation, la sonorisation et la captation d’images dans des lieux privés et des véhicules, deux mesures qui impliquent, pour leur application pratique, des atteintes à l’inviolabilité du domicile.

Les requérants se concentrent plus particulièrement aux nouveaux articles suivants : articles L. 851-1 à L. 851-7 du code de la sécurité intérieure (« CSI »), qui permettent le recueil « en temps réel » sur les réseaux des opérateurs des informations ou documents relatifs à une personne préalablement identifiée comme présentant une menace, d’imposer aux opérateurs de mettre en œuvre sur leurs réseaux des traitements automatisés destinés à détecter des connexions, ainsi que la pose de balises (pour localiser en temps réel une personne, un véhicule ou un objet) et d’« IMSI catchers » ; article L. 852-1 du CSI, aux termes duquel toute autorisation donnée par le Premier ministre pour un individu peut être étendue à des individus de l’entourage de cette personne dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire que ces personnes « sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l’autorisation », avec une période de conservation des données étendue et la possibilité de recourir à un dispositif de type IMSI catcher ; aux articles L. 853-1 à L. 853-3 du CSI, relatifs à la sonorisation de certains lieux et véhicules et la captation d’images et de données informatiques, à l’instar de ce qui était prévu en matière de criminalité et de délinquance organisées ; enfin, l’article L. 821-7 du CSI qui concerne les membres de certaines professions, en particulier les avocats et les journalistes.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

1.  Le code de la sécurité intérieure (CSI)

Les dispositions pertinentes du CSI se lisent comme suit :

Article L. 811-2

« Les services spécialisés de renseignement sont désignés par décret en Conseil d’État. Ils ont pour missions, en France et à l’étranger, la recherche, la collecte, l’exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu’aux menaces et aux risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation. Ils contribuent à la connaissance et à l’anticipation de ces enjeux ainsi qu’à la prévention et à l’entrave de ces risques et de ces menaces.

Ils agissent dans le respect de la loi, sous l’autorité du Gouvernement et conformément aux orientations déterminées par le Conseil national du renseignement.

La mise en œuvre sur le territoire national du chapitre II du titre II et des chapitres Ier à III du titre V du présent livre est effectuée sans préjudice du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale. »

a)  L’autorisation et les renseignements collectés

Article L. 821-1

« La mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil de renseignement mentionnées au titre V du présent livre est soumise à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Ces techniques ne peuvent être mises en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités. (...) »

Article L. 822-1

« Les procédures prévues au présent chapitre sont mises en œuvre sous l’autorité du Premier ministre dans des conditions qu’il définit après consultation de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Le Premier ministre organise la traçabilité de l’exécution des techniques autorisées en application du chapitre Ier du présent titre et définit les modalités de la centralisation des renseignements collectés.

À cet effet, un relevé de chaque mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement est établi. Il mentionne les dates de début et de fin de cette mise en œuvre ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition de la commission, qui peut y accéder de manière permanente, complète et directe, quel que soit son degré d’achèvement. »

Article L. 822-2

« I.- Les renseignements collectés par la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement autorisée en application du chapitre Ier du présent titre sont détruits à l’issue d’une durée de :

1o Trente jours à compter de leur recueil pour les correspondances interceptées en application de l’article L. 852-1 et pour les paroles captées en application de l’article L. 853-1 ;

2o Cent vingt jours à compter de leur recueil pour les renseignements collectés par la mise en œuvre des techniques mentionnées au chapitre III du titre V du présent livre, à l’exception des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 ;

3o Quatre ans à compter de leur recueil pour les informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1.

Pour ceux des renseignements qui sont chiffrés, le délai court à compter de leur déchiffrement. Ils ne peuvent être conservés plus de six ans à compter de leur recueil.

Dans une mesure strictement nécessaire aux besoins de l’analyse technique et à l’exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées, les renseignements collectés qui contiennent des éléments de cyberattaque ou qui sont chiffrés, ainsi que les renseignements déchiffrés associés à ces derniers, peuvent être conservés au-delà des durées mentionnées au présent I.

II.- Par dérogation au I, les renseignements qui concernent une requête dont le Conseil d’État a été saisi ne peuvent être détruits. À l’expiration des délais prévus au même I, ils sont conservés pour les seuls besoins de la procédure devant le Conseil d’État. »

Article L. 822-3

« Les renseignements ne peuvent être collectés, transcrits ou extraits pour d’autres finalités que celles mentionnées à l’article L. 811-3. Ces opérations sont soumises au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Les transcriptions ou les extractions doivent être détruites dès que leur conservation n’est plus indispensable à la poursuite de ces finalités. (...) »

b)  Les avocats et les journalistes

Article L. 821-7

« Un parlementaire, un magistrat, un avocat ou un journaliste ne peut être l’objet d’une demande de mise en œuvre, sur le territoire national, d’une technique de recueil de renseignement mentionnée au titre V du présent livre à raison de l’exercice de son mandat ou de sa profession. Lorsqu’une telle demande concerne l’une de ces personnes ou ses véhicules, ses bureaux ou ses domiciles, l’avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est examiné en formation plénière. L’article L. 821-5 n’est pas applicable.

La commission est informée des modalités d’exécution des autorisations délivrées en application du présent article.

Les transcriptions des renseignements collectés en application du présent article sont transmises à la commission, qui veille au caractère nécessaire et proportionné des atteintes, le cas échéant, portées aux garanties attachées à l’exercice de ces activités professionnelles ou mandats. (...) »

c)  La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

Article L. 831-1

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est une autorité administrative indépendante.

Elle est composée de neuf membres :

1o Deux députés et deux sénateurs, désignés, respectivement, pour la durée de la législature par l’Assemblée nationale et pour la durée de leur mandat par le Sénat, de manière à assurer une représentation pluraliste du Parlement ;

2o Deux membres du Conseil d’État, d’un grade au moins égal à celui de conseiller d’État, nommés par le vice-président du Conseil d’État ;

3o Deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, nommés conjointement par le premier président et par le procureur général de la Cour de cassation ;

4o Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques, nommée sur proposition du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Les modalités de désignation ou de nomination des membres mentionnés aux 1o à 3o assurent l’égale représentation des hommes et des femmes.

Le président de la commission est nommé par décret du Président de la République parmi les membres mentionnés aux 2o et 3o.

Le mandat des membres, à l’exception de ceux mentionnés au 1o, est de six ans. Il n’est pas renouvelable.

Les membres du Conseil d’État ou de la Cour de cassation sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

La commission peut suspendre le mandat d’un de ses membres ou y mettre fin si elle constate, à la majorité des trois quarts des autres membres, qu’il se trouve dans une situation d’incompatibilité, qu’il est empêché d’exercer ses fonctions ou qu’il a manqué à ses obligations.

En cas de vacance d’un siège de membre, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à la désignation ou à la nomination d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois. (...) »

Article L. 833-1

« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille à ce que les techniques de recueil de renseignement soient mises en œuvre sur le territoire national conformément au présent livre. »

Article L. 833-2

« Pour l’accomplissement de ses missions, la commission :

1o Reçoit communication de toutes demandes et autorisations mentionnées au présent livre ;

2o Dispose d’un accès permanent, complet et direct aux relevés, registres, renseignements collectés, transcriptions et extractions mentionnés au présent livre, ainsi qu’aux dispositifs de traçabilité des renseignements collectés et aux locaux où sont centralisés ces renseignements en application de l’article L. 822-1 ;

3o Est informée à tout moment, à sa demande, des modalités d’exécution des autorisations en cours ;

4o Peut solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de ses missions, y compris lorsque la technique de recueil de renseignement mise en œuvre n’a fait l’objet ni d’une demande, ni d’une autorisation ou ne répond pas aux conditions de traçabilité, à l’exclusion des éléments communiqués par des services étrangers ou par des organismes internationaux ou qui pourraient donner connaissance à la commission, directement ou indirectement, de l’identité des sources des services spécialisés de renseignement ;

5o Peut solliciter du Premier ministre tout ou partie des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services qui relèvent de leur compétence, en lien avec les missions de la commission. »

Article L. 833-3

« Les ministres, les autorités publiques et les agents publics prennent toutes mesures utiles pour faciliter l’action de la commission.

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’entraver l’action de la commission :

1o Soit en refusant de communiquer à la commission les documents et les renseignements qu’elle a sollicités en application de l’article L. 833-2 ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;

2o Soit en communiquant des transcriptions ou des extractions qui ne sont pas conformes au contenu des renseignements collectés tel qu’il était au moment où la demande a été formulée ;

3o Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application de l’article L. 832-5. »

Article L. 833-4

« De sa propre initiative ou lorsqu’elle est saisie d’une réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, la commission procède au contrôle de la ou des techniques invoquées en vue de vérifier qu’elles ont été ou sont mises en œuvre dans le respect du présent livre. Elle notifie à l’auteur de la réclamation qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer leur mise en œuvre. »

Article L. 833-5

« Lorsqu’elle rend un avis sur la demande d’autorisation pour la mise en œuvre d’une technique de renseignement prévue aux chapitres Ier à III du titre V du présent livre ou qu’elle en contrôle la mise en œuvre, la commission vérifie que la mesure respecte l’article L. 801-1. »

Article L. 833-6

« La commission peut adresser, à tout moment, au Premier ministre, au ministre responsable de son exécution et au service concerné une recommandation tendant à ce que la mise en œuvre d’une technique soit interrompue et les renseignements collectés détruits lorsqu’elle estime que :

1o Une autorisation a été accordée en méconnaissance du présent livre ;

2o Une technique a été mise en œuvre en méconnaissance du présent livre ;

3o La collecte, la transcription, l’extraction, la conservation ou la destruction des renseignements collectés est effectuée en méconnaissance du chapitre II du titre II du présent livre. »

Article L. 833-7

« Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations. »

Article L. 833-8

« Le Conseil d’État peut être saisi d’un recours prévu au 2o de l’article L. 841-1 soit par le président de la commission lorsque le Premier ministre ne donne pas suite aux avis ou aux recommandations de la commission ou que les suites qui y sont données sont estimées insuffisantes, soit par au moins trois membres de la commission. »

Article L. 833-9

« La commission établit chaque année un rapport public dressant le bilan de son activité.

Dans le respect du secret de la défense nationale et sans révéler des procédures ou des méthodes opérationnelles, le rapport public de la commission fait état du nombre :

1o De demandes dont elle a été saisie et d’avis qu’elle a rendus ;

2o De réclamations dont elle a été saisie ;

3o De recommandations qu’elle a adressées au Premier ministre et de suites favorables données à ces recommandations ;

4o D’observations qu’elle a adressées au Premier ministre et d’avis qu’elle a rendus sur demande ;

5o D’utilisation des procédures d’urgence définies aux articles L. 821-5 ;

6o De recours dont elle a saisi le Conseil d’État et de recours pour lesquels elle a produit des observations devant lui. »

Article L. 833-10

« La commission peut adresser au Premier ministre, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.

Ces observations sont communiquées par le Premier ministre à la délégation parlementaire au renseignement, sous réserve du respect du dernier alinéa du I et du premier alinéa du IV de l’article 6 nonies de l’ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »

Article L. 833-11

« La commission répond aux demandes d’avis du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat et de la délégation parlementaire au renseignement.

Dans le respect du secret de la défense nationale, la commission peut consulter l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou répondre aux demandes de celle-ci. »

d)  Recours relatifs à la mise en œuvre des techniques de renseignement

Article L. 841-1

« Sous réserve des dispositions particulières prévues à l’article L. 854-9 du présent code, le Conseil d’État est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du présent livre.

Il peut être saisi par :

1o Toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure prévue à l’article L. 833-4 ;

2o La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues à l’article L. 833-8.

Lorsqu’une juridiction administrative ou une autorité judiciaire est saisie d’une procédure ou d’un litige dont la solution dépend de l’examen de la régularité d’une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement, elle peut, d’office ou sur demande de l’une des parties, saisir le Conseil d’État à titre préjudiciel. Il statue dans le délai d’un mois à compter de sa saisine. »

Article L. 841-2

« Le Conseil d’État est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre de l’article 41 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’État dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État. »

e)  Techniques de renseignements

i.  Des accès administratifs aux données de connexion

Article L. 851-1

« (...) peut être autorisé le recueil, auprès des opérateurs de communications électroniques et des personnes mentionnées (...), des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu’aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.

Par dérogation à l’article L. 821-2, les demandes écrites et motivées portant sur les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, ou au recensement de l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée sont directement transmises à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement par les agents individuellement désignés et habilités des services de renseignement (...). La commission rend son avis dans les conditions prévues à l’article L. 821-3.

Un service du Premier ministre est chargé de recueillir les informations ou documents auprès des opérateurs et des personnes mentionnés au premier alinéa du présent article. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou documents collectés.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

Article L. 851-2

« (...) pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, peut être individuellement autorisé le recueil en temps réel, sur les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnés à l’article L. 851-1, des informations ou documents mentionnés au même article L. 851-1 relatifs à une personne préalablement identifiée susceptible d’être en lien avec une menace. Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage de la personne concernée par l’autorisation sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l’autorisation, celle-ci peut être également accordée individuellement pour chacune de ces personnes. (...) »

Article L. 851-3

« (...) pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, il peut être imposé aux opérateurs et aux personnes mentionnés à l’article L. 851-1la mise en œuvre sur leurs réseaux de traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l’autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

Ces traitements automatisés utilisent exclusivement les informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1, sans recueillir d’autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l’identification des personnes auxquelles les informations ou documents se rapportent.

Dans le respect du principe de proportionnalité, l’autorisation du Premier ministre précise le champ technique de la mise en œuvre de ces traitements.

II.- La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement émet un avis sur la demande d’autorisation relative aux traitements automatisés et les paramètres de détection retenus. Elle dispose d’un accès permanent, complet et direct à ces traitements ainsi qu’aux informations et données recueillies. Elle est informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres et peut émettre des recommandations.

La première autorisation de mise en œuvre des traitements automatisés prévue au I du présent article est délivrée pour une durée de deux mois. L’autorisation est renouvelable dans les conditions de durée prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre. La demande de renouvellement comporte un relevé du nombre d’identifiants signalés par le traitement automatisé et une analyse de la pertinence de ces signalements.

III.- Les conditions prévues à l’article L. 871-6 sont applicables aux opérations matérielles effectuées pour cette mise en œuvre par les opérateurs et les personnes mentionnés à l’article L. 851-1.

IV.- Lorsque les traitements mentionnés au I du présent article détectent des données susceptibles de caractériser l’existence d’une menace à caractère terroriste, le Premier ministre ou l’une des personnes déléguées par lui peut autoriser, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement donné dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre, l’identification de la ou des personnes concernées et le recueil des données y afférentes. Ces données sont exploitées dans un délai de soixante jours à compter de ce recueil et sont détruites à l’expiration de ce délai, sauf en cas d’éléments sérieux confirmant l’existence d’une menace terroriste attachée à une ou plusieurs des personnes concernées.

V.- L’article L. 821-5 n’est pas applicable à une autorisation délivrée en application du présent article. »

Article L. 851-4

« (...) les données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés mentionnées à l’article L. 851-1 peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs à un service du Premier ministre. »

Article L. 851-5

« (...) peut être autorisée l’utilisation d’un dispositif technique permettant la localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet.

Si la mise en œuvre de cette technique nécessite l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé, cette mesure s’effectue selon les modalités définies à l’article L. 853-3. »

Article L. 851-6

« (...) peuvent être directement recueillies, au moyen d’un appareil ou d’un dispositif technique mentionné au 1o de l’article 226-3 du code pénal, les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ainsi que les données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés.

Par dérogation à l’article L. 821-4 du présent code, l’autorisation est délivrée pour une durée de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions de durée.

II.- Les appareils ou dispositifs techniques mentionnés au I font l’objet d’une inscription dans un registre spécial tenu à la disposition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et ne peuvent être mis en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités.

III.- Un service du Premier ministre centralise les informations ou documents recueillis, qui sont :

1o Conservés dans les conditions prévues à l’article L. 822-2, s’ils se rapportent à l’autorisation de mise en œuvre ;

2o Détruits dès qu’il apparaît qu’ils ne sont pas en rapport avec l’autorisation de mise en œuvre, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours.

IV.- Le nombre maximal d’appareils ou de dispositifs techniques mentionnés au II du présent article pouvant être utilisés simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 est portée à la connaissance de la commission. »

Article L. 851-7

« Le présent chapitre est mis en œuvre dans le respect de l’article 226-15 du code pénal. »

ii.  Des interceptions de sécurité

Article L. 852-1

« (...) peuvent être autorisées les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques et susceptibles de révéler des renseignements relatifs aux finalités mentionnées à l’article L. 811-3. Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de croire qu’une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage d’une personne concernée par l’autorisation sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l’autorisation, celle-ci peut être également accordée pour ces personnes.

II.- Pour les seules finalités mentionnées aux 1o et 4o et a du 5o de l’article L. 811-3 du présent code, peut être autorisée, pour une durée de quarante-huit heures renouvelable, l’utilisation d’un appareil ou d’un dispositif technique mentionné au 1o de l’article 226-3 du code pénal afin d’intercepter des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal. Les correspondances interceptées par cet appareil ou ce dispositif technique sont détruites dès qu’il apparaît qu’elles sont sans lien avec l’autorisation délivrée, dans la limite du délai prévu au 1o du I de l’article L. 822-2 du présent code.

III.- L’autorisation vaut autorisation de recueil des informations ou documents mentionnés à l’article L. 851-1 associés à l’exécution de l’interception et à son exploitation.

IV.- Un service du Premier ministre organise la centralisation de l’exécution des interceptions mentionnées au I. Après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Premier ministre définit les modalités de la centralisation des correspondances interceptées en application du II.

V.- Les opérations de transcription et d’extraction des communications interceptées, auxquelles la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat, sont effectuées au sein d’un service du Premier ministre.

VI.- Le nombre maximal des autorisations d’interception en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 ainsi que le nombre d’autorisations d’interception délivrées sont portés à la connaissance de la commission. »

iii.  De la sonorisation de certains lieux et véhicules et de la captation d’images et de données informatiques

Article L. 853-1

« (...) peut être autorisée, lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d’images dans un lieu privé.

II.- Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation est délivrée pour une durée maximale de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions de durée.

III.- Les dispositifs techniques mentionnés au I du présent article ne peuvent être utilisés que par des agents appartenant à l’un des services (...) dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

IV.- Le service autorisé à recourir à la technique mentionnée au I du présent article rend compte à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de sa mise en œuvre. La commission peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que cette opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

V.- Si la mise en œuvre de cette technique nécessite l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé, cette mesure s’effectue selon les modalités définies à l’article L. 853-3. »

Article L. 853-2

« (...) peut être autorisée, lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’utilisation de dispositifs techniques permettant :

1o D’accéder à des données informatiques stockées dans un système informatique, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre ;

2o D’accéder à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels.

II.- Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au 1o du I du présent article est délivrée pour une durée maximale de trente jours et celle mentionnée au 2o du même I pour une durée maximale de deux mois. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée.

III.- Les dispositifs techniques mentionnés au I du présent article ne peuvent être utilisés que par des agents appartenant à l’un des services mentionnés (...) dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

IV.- Le service autorisé à recourir à la technique mentionnée au I rend compte à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de sa mise en œuvre. La commission peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que cette opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

V.- Si la mise en œuvre de cette technique nécessite l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé, cette mesure s’effectue selon les modalités définies à l’article L. 853-3. »

Article L. 853-3

« (...) lorsque les renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé à la seule fin de mettre en place, d’utiliser ou de retirer les dispositifs techniques mentionnés aux articles L. 851-5, L. 853-1 et L. 853-2 peut être autorisée. S’il s’agit d’un lieu d’habitation ou pour l’utilisation de la technique mentionnée au 1o du I de l’article L. 853-2, l’autorisation ne peut être donnée qu’après avis exprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, statuant en formation restreinte ou en formation plénière.

L’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé ne peut être effectuée que par des agents individuellement désignés et habilités appartenant à l’un des services (...) dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État.

II.- Lorsqu’il est fait application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 821-2, la demande mentionne, lorsqu’ils sont connus, toute indication permettant d’identifier le lieu, son usage, son propriétaire ou toute personne bénéficiant d’un droit, ainsi que la nature détaillée du dispositif envisagé.

III.- Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation, spécialement motivée, est délivrée pour une durée maximale de trente jours et est renouvelable dans les mêmes conditions de durée que l’autorisation initiale. Elle ne vaut que pour les actes d’installation, d’utilisation, de maintenance ou de retrait des dispositifs techniques.

Lorsque l’introduction mentionnée au I du présent article et portant sur un lieu privé à usage d’habitation est autorisée après avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Conseil d’État est immédiatement saisi par le président de la commission ou, à défaut, par l’un des membres de la commission parmi ceux mentionnés aux 2o et 3o de l’article L. 831-1 du présent code. La formation spécialisée mentionnée à l’article L. 773-2 du code de justice administrative, le président de la formation restreinte mentionnée au même article L. 773-2 ou le membre qu’il délègue statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de cette saisine. La décision d’autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d’État n’ait statué, sauf si elle a été délivrée au titre du 4o de l’article L. 811-3 du présent code et que le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate.

IV.- Le service autorisé à recourir à l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé rend compte à la commission de sa mise en œuvre. La commission peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que cette opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits. »

2.  Le Conseil constitutionnel

Dans sa décision no 2015-713-DC du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel, saisi pour examiner certaines dispositions créées par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015, a notamment considéré ce qui suit s’agissant de l’article L. 821-7 du CSI :

« 34. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées prévoient un examen systématique par la commission nationale de contrôle des techniques de recueil de renseignement siégeant en formation plénière d’une demande de mise en œuvre d’une technique de renseignement concernant un membre du Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou leurs véhicules, bureaux ou domiciles, laquelle ne peut intervenir à raison de l’exercice du mandat ou de la profession ; que la procédure dérogatoire prévue par l’article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure n’est pas applicable ; qu’il incombe à la commission, qui est destinataire de l’ensemble des transcriptions de renseignements collectés dans ce cadre, de veiller, sous le contrôle juridictionnel du Conseil d’État, à la proportionnalité tant des atteintes portées au droit au respect de la vie privée que des atteintes portées aux garanties attachées à l’exercice de ces activités professionnelles ou mandats ; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article L. 821-7 ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile et au secret des correspondances ; (...) »

Le 24 juillet 2015, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant des dispositions du CSI relative au recueil de données auprès notamment des opérateurs de communications électroniques, le Conseil constitutionnel s’est prononcé comme suit s’agissant de l’absence alléguée de garanties de nature à protéger le secret professionnel des avocats et des journalistes (décision no 2015-478 QPC du 24 juillet 2015) :

« 16. Considérant qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; qu’au nombre de ces derniers figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d’expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable, protégés par les articles 2, 4, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’en revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes ; (...) »

3.  Le Conseil d’État

La loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 a donné au Conseil d’État compétence pour juger directement des recours concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement. Il peut ainsi être saisi par toute personne souhaitant vérifier qu’aucune technique de renseignement n’est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, ainsi que par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, voire par un juge judiciaire ou administratif lorsque celui-ci s’interroge, dans le cadre d’un dossier qu’il traite, sur la régularité d’une ou de plusieurs techniques de recueil de renseignement.

Pour examiner les recours relatifs aux techniques de renseignement, la loi a créé au sein du Conseil d’État une formation de jugement spécialisée composée de cinq membres, outre deux rapporteurs publics. Tous sont habilités au secret de la défense nationale.

La procédure suivie devant la formation spécialisée est particulière. D’une part, les membres de la formation spécialisée sont autorisés à connaître de toutes les pièces et renseignements dont ils auraient besoin pour exercer leur mission de contrôle, y compris ceux qui sont couverts par le secret de la défense nationale. Ils peuvent demander à accéder à tous les documents que détiennent les services de renseignement ainsi qu’à ceux que détient la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. D’autre part, par dérogation aux règles habituelles en vertu desquelles tous les éléments du dossier sont communiqués au requérant, ce dernier n’a pas accès aux éléments couverts par le secret de la défense nationale ; de la même façon, il n’est évoqué devant lui, à l’audience, aucun élément susceptible de porter sur des informations protégées par le secret de la défense nationale, de confirmer ou infirmer la mise en œuvre d’une technique de renseignement à l’égard du requérant, ou de révéler des éléments contenus dans un fichier informatique intéressant la sûreté de l’État.

Les décisions rendues par la formation spécialisée sont publiques mais elles ne peuvent en aucun cas révéler des éléments couverts par le secret.

Lorsque la formation spécialisée constate le respect des règles en matière de technique de renseignement, soit que la personne ne fasse l’objet d’aucune technique de renseignement ou d’aucune inscription dans un fichier, soit qu’elle en fasse l’objet mais dans des conditions régulières, la décision de la formation spécialisée se contente d’indiquer qu’aucune illégalité n’a été commise : elle ne confirme pas, et n’infirme pas non plus, la mise en œuvre d’une technique et ne révèle pas si le requérant figure ou non dans le fichier.

En revanche, lorsque la formation spécialisée constate une illégalité, elle peut annuler l’autorisation de recourir à la technique de renseignement, ordonner la destruction des renseignements collectés, ordonner la rectification ou l’effacement des données contenues dans un fichier et indemniser un préjudice. En ce cas sa décision mentionne l’illégalité, mais sans faire état d’aucun élément protégé par le secret de la défense nationale.

La formation spécialisée a rendu ses quatre premières décisions en la matière le 19 octobre 2016 (CE, M.D., no 396958, Mme A., no 397623, M.E., no 398354 et M.B., no 398356).

GRIEFS

1.  Invoquant les articles 8 et 10 combinés de la Convention, certains requérants (requêtes nos 49526/15, 49615/15, 49616/15, 49617/15, 49618/15, 49619/15, 49620/15 et 49621/15) allèguent que les techniques de renseignement prévues par la loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 ne satisfont pas aux exigences d’une base légale suffisante. Ils dénoncent en particulier l’absence de définition de la notion d’ « informations ou documents », ainsi qu’un manque de garanties procédurales afin de protéger le secret des sources et, en cas d’atteinte à ce dernier, l’absence de sanctions dissuasives a posteriori. Ils estiment en outre que le dispositif de surveillance prévu par la loi excède ce qui est « strictement nécessaire à la préservation des institutions démocratiques », dénonçant des finalités ni pertinentes ni suffisantes s’agissant de techniques dont certaines sont par ailleurs disproportionnées.

2.  Invoquant l’article 8 de la Convention, pris seul et combiné avec l’article 13, certains requérants (requêtes nos 55058/15, 55061/15, 59602/15 et 59621/15) allèguent que les techniques de renseignement prévues par la loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 ne satisfont pas aux exigences d’une base légale suffisante. Ils dénoncent en particulier l’absence de définition de la notion d’ « informations ou documents », ainsi qu’un manque d’explication sur la question de savoir « comment, à quelles conditions et par qui doit s’opérer le tri entre ce qui relève spécifiquement du mandat d’avocat et ce qui a trait à une activité qui n’est pas celle de conseil » (Kopp c. Suisse, 25 mars 1998, § 73, Recueil des arrêts et décisions 1998-II).

Ils estiment en outre que le dispositif de surveillance prévu par la loi excède ce qui est « strictement nécessaire à la préservation des institutions démocratiques », dénonçant des finalités ni pertinentes ni suffisantes s’agissant de techniques dont certaines sont par ailleurs disproportionnées. Ils soulignent l’absence de garanties suffisantes pour encadrer strictement les atteintes aux secrets des avocats, qu’il s’agisse des mesures autorisées par le Premier ministre a priori, de l’inapplicabilité des « garanties spéciales de procédure » protégeant les avocats et de l’absence de contrôle effectif a posteriori en cas d’atteinte à la confidentialité des échanges entre avocats et entre les avocats et leurs clients.

3.  Invoquant l’article 13 de la Convention, combiné avec les articles 8 et 10, les requérants se plaignent d’une insuffisance des garanties procédurales.


QUESTIONS

1.  Requêtes nos 49526/15, 49615/15, 49616/15, 49617/15, 49618/15, 49619/15, 49620/15 et 49621/15

1.  La loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement porte-t-elle atteinte au droit au respect de la vie privée des requérants, reconnu par l’article 8 de la Convention, au droit à la protection de leurs sources journalistiques au sens de l’article 10 de la Convention et, enfin, à leur droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention ?

2.  En particulier, la loi est-elle suffisamment prévisible, s’agissant notamment, d’une part, de la définition de l’étendue et des modalités d’exercice du pouvoir de surveillance et, d’autre part, de la distinction entre ce qui relève ou non « de l’exercice de [leur] mandat ou de [leur] profession » selon l’article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure ? Quelles sont les garanties destinées à faire obstacle à la révélation et à l’identification des sources des journalistes et, en cas de violations du secret de ces dernières, à les sanctionner ?

2.  Requêtes nos 55058/15, 55061/15, 59602/15, et 59621/15

1.  La loi no 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement porte-t-elle atteinte au droit au respect de la vie privée des requérants et à la protection de la confidentialité des échanges entre, d’une part, les avocats et, d’autre part, les avocats et leurs clients, au sens de l’article 8 de la Convention, ainsi qu’à leur droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention ?

2.  En particulier, la loi est-elle suffisamment prévisible, s’agissant notamment de la définition de l’étendue et des modalités d’exercice du pouvoir de surveillance, en particulier, d’une part, pour la notion d’informations ou documents et, d’autre part, pour distinguer ce qui relève ou non « de l’exercice de [leur] mandat ou de [leur] profession » ? Quelles sont les garanties destinées à s’appliquer aux mesures susceptibles de viser les avocats et, en cas d’atteinte au secret de leurs échanges avec leurs confrères ou leurs clients, à les sanctionner ?

3.  Requêtes nos 49526/15, 49615/15, 49616/15, 49617/15, 49618/15, 49619/15, 49620/15, 49621/15, 55058/15, 55061/15, 59602/15, et 59621/15

Les parties sont en outre invitées à présenter leurs observations :

-  d’une part, sur les finalités des différentes techniques de surveillance et la prise en compte de leur proportionnalité au regard du but poursuivi, à la lumière des exigences des articles 8 et 10 de la Convention ;

-  d’autre part, dans les cas où les techniques prévues par la loi seraient néanmoins appliquées à des avocats et à des journalistes es-qualités, sur la portée des avis et recommandations de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;

-  enfin, sur les moyens matériels dont cette dernière dispose au regard des missions qui lui sont confiées, ainsi que sur la portée et l’effectivité du contrôle exercé par le Conseil d’État.


ANNEXE

No

No de requête

Date d’introduction

Nom du requérant

Date de naissance/Date d’enregistrement

Lieu de résidence

Représentant

  1.                   

49526/15

03/10/2015

ASSOCIATION CONFRATERNELLE DE LA PRESSE JUDICIAIRE

25/10/1993

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49615/15

03/10/2015

Helene LECOMTE

23/07/1975

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49616/15

03/10/2015

Anne-Sophie MARTIN

29/07/1964

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49617/15

03/10/2015

Marine BABONNEAU

06/07/1973

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49618/15

03/10/2015

Pierre Antoine SOUCHARD

08/11/1964

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49619/15

03/10/2015

Cloé TRIOMPHE

24/10/1975

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49620/15

03/10/2015

Pascale EGRE

11/04/1971

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                   

49621/15

03/10/2015

Jean-Philippe DENIAU

12/10/1966

Malakoff

Patrice SPINOSI

  1.                   

55058/15

29/10/2015

ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE PARIS

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                

55061/15

29/10/2015

Pierre Olivier SUR

19/07/1963

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                

59602/15

27/11/2015

Pascal EYDOUX

26/02/1953

Paris

Patrice SPINOSI

  1.                

59621/15

27/11/2015

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

Paris

Patrice SPINOSI

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CEDH, ASSOCIATION CONFRATERNELLE DE LA PRESSE JUDICIAIRE c. FRANCE et 11 autre affaires, 26 avril 2017, 49526/15 et autres