CEDH, Cour (deuxième section), RADIO FRANCE et AUTRES c. la FRANCE, 23 septembre 2003, 53984/00

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Chronologie de l’affaire

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SW Avocats · 2 mai 2021

La saga judiciaire des emprunts structurés conclus par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux a été l'occasion pour la Cour de cassation d'affiner sa jurisprudence relative aux personnes morales de droit public habilitées à se prévaloir des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme (CESDH) Les décisions récentes en la matière ont pour point de départ un jugement du 8 février 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre (no 11/03780) annulant le taux conventionnel retenu dans un emprunt dit « toxique » pour défaut de mention …

 

SW Avocats · 2 mai 2021

La saga judiciaire des emprunts structurés conclus par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux a été l'occasion pour la Cour de cassation d'affiner sa jurisprudence relative aux personnes morales de droit public habilitées à se prévaloir des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme (CESDH) Les décisions récentes en la matière ont pour point de départ un jugement du 8 février 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre (no 11/03780) annulant le taux conventionnel retenu dans un emprunt dit « toxique » pour défaut de mention …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 23 sept. 2003, n° 53984/00
Numéro(s) : 53984/00
Publication : Recueil des arrêts et décisions 2003-X (extraits)
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 21 juillet 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A no 332, § 27
Agrotexim et autres c. Grèce, arrêt du 24 octobre 1995, série A no 330 A
Danderyds Kommun c. Suède (déc.), n° 52559/99, 7 juin 2001 Comm. Eur. D.H. No 13252/87, déc. 14.12.88, D.R. 59, p. 251
Faugyr Finances SA c. Luxembourg (déc.), 23 mars 2000
Ayuntamiento de Mula c. Espagne (déc.), no 55346/00, CEDH 2001-I
No 35216/97, déc. 8.9.97
Nos 26114/95, 26455/95, déc. 28.6.95
Province de Bari, Sorrentino et Messeni Nemagna c. Italie (déc.), n° 41877/98, 22 mars 2001
Saints monastères c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 301 A, § 49
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44448
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:0923DEC005398400
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 53984/00
présentée par RADIO FRANCE et autres
contre la France
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section),  siégeant le 23 septembre 2003 en une chambre composée de

MM.A.B. Baka, président,
Gaukur Jörundsson,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
M. Ugrekhelidze,
MmeA. Mularoni, juges,
M.P. Truche, juge ad hoc,
et de  M T.L. Early, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 21 juillet 1999,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1.  La première requérante, la société nationale de radiodiffusion Radio France, est une personne morale de droit français dont le siège social est à Paris. Les deux autres requérants, MM. Michel Boyon (« le deuxième requérant ») et Bertrand Gallicher (« le troisième requérant »), sont des ressortissants français, nés respectivement en 1946 et 1957. Les trois requérants sont représentés devant la Cour par Mes Basile Ader, avocat au barreau de Paris, et Arnaud de Chaisemartin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ronny Abraham, Directeur des Affaires juridiques au Ministère des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l’espèce

2.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

3.  Dans son numéro 1272, daté du 1er février 1997, l’hebdomadaire Le Point publia une « enquête » titrée « Vichy : autour du cas Papon ». Plusieurs pages sont consacrés à M. Michel Junot, sous le titre « révélations 1942-1943 : adjoint de Jacques Chirac à la mairie de Paris de 1977 à 1995, Michel Junot était sous-préfet à Pithiviers en 1942 et 1943. A ce titre, il veillait au maintien de l’ordre dans les deux camps d’internement de son arrondissement, Pithiviers et Beaune-la-Rolande » ; on y lit notamment ce qui suit :

« (...)  Jusqu’ici, [Michel Junot] a toujours affirmé que les camps d’internement de son arrondissement, celui de Pithiviers et celui, distant d’une vingtaine de kilomètres, de Beaune-la-Rolande, échappaient à son contrôle. Sa tâche principale consistait à inspecter les communes et à remplir des fiches de « renseignements généraux et confidentiels » sur les notables locaux. Le camp de Pithivier ? « il n’était pas dans mes attributions. Je n’y ai jamais mis les pieds », affirmait-il, en 1990, à l’Express.

Un démenti on ne peut plus formel, contredit, cependant, par plusieurs documents inédits, auxquels Le Point a pu avoir accès. Des pièces qui précisent son champ d’action.

(...) lorsqu’il est nommé sous-préfet à Pithivier le 9 juin 1942, (...) les camps de Pithiviers et de Beaune-la Rolande, conçus à l’orgine pour les prisonniers de guerre allemands, servent déjà de camps d’internement, avant la déportation de leurs pensionnaires, dont les premiers départs ont lieu le 8 mai 1942.

Michel Junot, qui restera un an, jour pour jour, à ce poste, prend ses fonctions à Pithiviers le 24 août 1942. Soit moins d’un mois avant le départ, le 20 septembre 1942, d’un nouveau convoi de déportés juifs.

Ce jour-là, un millier d’internés, dont 163 enfants de moins de 18 ans, raflés en région parisienne, sont embarqués dans le convoi no 35. Destination Auschwitz, via Drancy, le camp situé au nord de Paris.

La veille du départ, Michel Junot fait part au préfet de ses préoccupations pour assurer le maintien de l’ordre. « J’ai l’honneur de vous faire connaître que je viens d’être avisé qu’un embarquement de 1 000 israélites du camp de Pithiviers ayant lieu demain à partir de 17 h 00 à la gare de Pithivier, la totalité des gendarmes de mon arrondissement, à une exception près par brigade, son requis pour participer à cet embarquement (...) ».   (...)

Deux jours plus tard, le 2 septembre, Junot ne cache pas sa satisfaction au préfet : « La journée du 20 septembre 1942 s’est déroulée dans l’ensemble de mon arrondissement dans le plus grand calme. Le service d’ordre restreint dont j’avais envisagé et décidé la mise en place pour l’après-midi du 20 septembre n’a pu fonctionner (...) en raison de la réquisition de tous les gendarmes de la section, à une seule exception par brigade, pour l’embarquement des internés du camp des israélites de Pithiviers, dont le départ a été brusquement porté à ma connaissance le 19 septembre à 15 h 00. Cet embarquement s’effectuant entre 16 et 19 heures à la gare de Pithiviers, située à l’extrémité de l’avenue de la République sur laquelle les communistes avaient invité (...) les habitants de Pithiviers à manifester à 18 h 30, je nourrissais certaines craintes quant à la possibilité d’incidents pouvant avoir des répercussions sur le bon ordre de ce départ. Il n’en a rien été, et le plus grand calme n’a cessé de régner sur la ville. »   (...)

Puis, dans un « rapport mensuel » rédigé huit jours plus tard pour ses supérieurs, scrupuleusement, il revient sur ces opérations.

Le 30 septembre 1942, il fait un point détaillé de la situation dans les deux « camps d’internement », intitulé du troisième paragraphe de son rapport. « Le camp de Beaune-la-Rolande, vide depuis la fin août, a été nettoyé, précise Junot. Il se présente actuellement sous d’excellentes conditions. Deux convois de juifs y sont passés et y ont séjourné 24 heures avant de repartir pour Drancy. Il ne reste actuellement au camp qu’un vingtaine d’internés assurant les travaux d’entretien. »

Michel Junot poursuit : « Le camp de Pithiviers était occupé depuis la fin août par 1 800 internés israélites de toutes catégories. Français et étrangers, hommes, femmes, enfants, certains arrêtés lors des rafles d’août et de décembre 1941, d’autres à la suite de contraventions aux ordonnances des autorités d’occupation (ligne de démarcation, port de l’étoile, etc.). Tous, sauf ceux dont l’époux était de race aryenne et quelques femmes, mères d’enfants en bas âge, ont été embarqués le 20 septembre pour l’Allemagne. Enfin, les derniers internés ont quitté Pithiviers le 24 au soir pour Beaune-la-Rolande afin de libérer le camp qui devrait recevoir des internés communistes. Ce dernier convoi d’israélites n’a d’ailleurs séjourné que 24 heures à Beaune et est reparti de là sur Drancy en vertu d’instructions des autorités d’occupation. »

Drancy était la dernière halte en France avant le départ des déportés pour l’Allemagne, et la solution finale : leur élimination physique.  (...)

A la lecture de ces comptes-rendus, d’une sécheresse toute administrative, le préfet délégué du Loiret Jacques Marti-Sane exprime par écrit sa satisfaction. Il apprécie la diligence avec laquelle l’ordre a régné lors de l’embarquement des déportés entassés dans des baraques entourées de barbelés et balisées de miradors.

Dans une note interne du 1er octobre 1942, elle aussi inédite, le préfet délégué indique au chef de la première division à la préfecture, chargé de l’organisation et de la surveillance : « Monsieur le sous-préfet de Pithiviers peut être appelé à intervenir dans la question des camps lorsqu’il s’agit d’une affaire urgente et sur mes instructions formelles. De toute façon, en tant que représentant du gouvernement à Pithiviers, il a le droit de contrôle sur la bonne marche des camps. Dans ces conditions, il m’apparaît indispensable que, de toutes les instructions envoyées au commandant du camp, il soit adressé copie au sous-préfet de Pithiviers, de telle sorte qu’il ne soit pas court-circuité. »  (...)

Pas moins de sept convois partent des camps du Loiret de juin à septembre 1942, le dernier sous la responsabilité de Junot.

Au mois d’octobre, le sous-préfet s’inquiète, dans son rapport, des difficultés du maintien de l’ordre à Beaune-la-Rolande, où affluent « des israélites français ou étrangers ayant commis une infraction aux ordonnances des autorités d’occupation (en particulier, tentatives de franchissement de la ligne de démarcation) et qui ont été envoyés par les formations de police allemande au camp de Beaune ». En bon fonctionnaire, Michel Junot fait même une suggestion : « Si le nombre d’internés devait s’accroître encore, il y aurait lieu de prévoir un gardiennage plus solide. »

Dans ce même document, il souligne qu’à Pithiviers les communistes remplacent peu à peu les juifs. Toutefois, ils sont encore 1 574 au 30 octobre 1942, contre 1 798 le 26 septembre.

« La présence de ce camp sur le territoire de mon arrondissement provoque l’arrivée, à la sous-préfecture, d’un certain nombre de lettres demandant des autorisations de visite ou même des libérations. J’ai fait préparer pour les réponses à ces lettres des formules indiquant à mes correspondants que je ne suis en rien compétent pour des mesures de ce genre et que seul le préfet ayant prononcé la décision d’internement avait autorité à cet égard. Aucun incident n’est à signaler au camp, où le service de gardiennage est assuré de façon fort satisfaisante par un détachement de gendarmes », écrit-il.   (...) ».

Une interview de Michel Junot était par ailleurs publiée dans le cadre de cette enquête.

4.  Le 31 janvier 1997 à 17 h, le troisième requérant, journaliste à France-Info (une chaîne dépendant de la société requérante) déclara ce qui suit sur les ondes :

« Selon l’hebdomadaire Le Point, un ancien maire adjoint de Paris a supervisé la déportation d’un millier de juifs français et étrangers en 1942. Michel Junot, aujourd’hui âgé de 80 ans, était alors sous-préfet de Pithiviers. Il reconnaît avoir organisé le départ d’un convoi de déportés vers Drancy. Révoqué par décret du général de Gaulle à la fin de la guerre, Michel Junot, qui affirme avoir été résistant, a ensuite repris du galon dans l’administration. Pour sa défense cet ancien adjoint au maire de Paris de 1977 à 1995 soutient, comme Maurice Papon, qu’il ne connaissait pas le sort des juifs déportés. Michel Junot ajoute que les crimes de cette époque doivent être recouverts du voile pudique de l’histoire ».

Selon le principe de fonctionnement de France-Info, le présentateur intervient toujours en direct et diffuse deux bulletins et deux flashes par demi-heure. Il s’arrête ensuite une heure pour actualiser son information avant de reprendre l’antenne. Le message d’information précité fut ainsi repris par le troisième requérant et par d’autres journalistes, soixante-deux fois, entre le 31 janvier, 18 heures, et le 1er février, 11 heures 04, soit sous cette forme, soit sous une forme quelque peu différente, mais soulignant systématiquement qu’il s’agissait d’une information publiée par l’hebdomadaire Le Point. A partir de 23 heures, un certain nombre de bulletins et flashes précisèrent notamment qu’ « à la différence de Maurice Papon », Michel Junot n’avait pas délivré d’ordres d’arrestation, d’internement et de transfert vers Drancy, ajoutant parfois que l’intéressé n’était « chargé que du maintien de l’ordre ».

Le 1er février 1997, à partir de 5 h 45, plusieurs flashs et bulletins (diffusés à 6 h 45, 7 h 00, 7 h 15, 8 h 00, 8 h 15, 8 h 23, 8 h 30, 8 h 45 et 9 h 33) précisèrent que Michel Junot réfutait les accusations du magazine Le Point. Selon les requérants, cette précision fut systématisée à partir de 11 heures 04.

5.  M. Junot cita, devant le tribunal correctionnel de Paris, le deuxième requérant, directeur de publication de la société requérante (société éditrice), le troisième requérant et la société requérante pour y répondre, respectivement en qualité d’auteur, de complice et de civilement responsable du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public, fait prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1 et 31 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En défense, les requérants arguèrent de l’irrecevabilité de la citation fondée sur l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881, M. Junot s’étant vu, selon eux, retirer rétroactivement sa qualité de fonctionnaire à la libération. Ils conclurent également à l’irrecevabilité des poursuites à l’égard du deuxième requérant : selon eux, le message incriminé ayant été diffusé en direct, il ne pouvait être considéré qu’il « avait fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public » au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982. Ils invoquaient en outre la bonne fois du troisième requérant ; à cet égard, ils faisaient valoir l’intérêt du public pour la période de l’occupation, ravivé par l’annonce du procès Papon, précisaient que le troisième requérant disposait de l’article du Point paru la veille ainsi que de trois dépêches d’agence, exposaient que le rapprochement des cas de MM Junot et Papon était fondé dans la mesure où les deux hommes avaient eu des responsabilités administratives importantes pendant l’occupation et avaient poursuivi une brillante carrière politique, ajoutaient que l’emploi du conditionnel et l’absence de commentaires sur la personnalité de M. Junot démontrait notamment la prudence du journaliste, et soulignaient que France Info avait, dès le 1er février à 6 heures, fait état des protestations de M. Junot.

6.  Par un jugement du 25 novembre 1997, la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris déclara le deuxième et le troisième requérants coupables, en qualité respectivement, d’auteur et complice, du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public. Il les condamna à une amende de 20 000 francs (« FRF ») ainsi que, solidairement, au payement de 50 000 FRF à titre de dommages-intérêts. Il déclara en outre la société requérante civilement responsable, et ordonna, à titre de réparation civile, la lecture sur France Info, toutes les 30 minutes, pendant 24 heures, dans le mois suivant la date à laquelle le jugement sera devenu définitif, d’un communiqué informant le public du contenu de son jugement.

Sur le caractère diffamatoire des propos incriminés, le jugement indique ce qui suit :

« (...)  Il est (...) imputé à M. Junot d’avoir eu, en sa qualité de sous-préfet de Pithiviers, un rôle personnel et actif dans la déportation de juifs. Cette allégation, incontestablement attentatoire à l’honneur de la partie civile, est en outre renforcée par le rapprochement entre la situation de M. Papon – renvoyé devant la cour d’assises de la Gironde pour complicité de crimes contre l’humanité –, et celle de M. Junot, celui-ci cherchant à fuir sa responsabilité dans les crimes commis à cette époque qui, selon le plaignant, « doivent être couverts du voile pudique de l’histoire ».

La précisions selon laquelle « à la différence de M. Maurice Papon, Michel Junot « n’a pas délivré d’ordres d’arrestation, d’internement et de transfert vers Drancy » n’atténue en rien la gravité de l’accusation portée à l’encontre de la partie civile ; il en est de même de l’emploi du conditionnel eu fil des communiqués.

Les propos poursuivis mettent également en doute la qualité de résistant de M. Junot, puisqu’il s’agirait d’une simple « affirmation » de sa part et qu’il a été révoqué à la fin de la guerre par le Général de Gaulle. Cette phrase porte également atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile ».

Le tribunal jugea ensuite que M. Junot n’avait jamais perdu la qualité de sous-préfet, et qu’il devait être considéré qu’il exerçait de telles fonctions à Pithiviers à l’époque des faits qui lui étaient imputés, et à ce titre, était dépositaire de l’autorité publique. Il en déduisit l’applicabilité de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Sur la bonne foi du troisième requérant, le tribunal retint ce qui suit :

« Les imputations diffamatoires étant présumées faites de mauvaise foi, il appartient aux prévenus de rapporter la preuve de leur bonne foi.

Il convient tout d’abord de rappeler que la reproduction d’informations diffamatoires déjà publiées dans un autre média ne saurait conférer une quelconque légitimité au reproducteur ; une telle méthode journalistique apparaît particulièrement répréhensible, puisqu’elle conduit à considérer comme réalité, certitude incontestable, un fait qui n’a nullement été vérifié par tous ceux qui en font état.

Tel est le cas pour M. Junot : en tenant pour acquise la fiabilité des diligences effectuées par ses confrères du Point, Bertrand Gallicher s’est en effet borné à reprendre, sans les vérifier, les accusations formulées à l’encontre de la partie civile dans cet hebdomadaire.

Pour justifier d’une enquête sérieuse, Bertrand Gallicher a déclaré à l’audience avoir eu en sa possession l’article du Point paru la veille, ainsi que trois communiqués d’agence ; or, ces dépêches – qui se limitaient à reproduire de très larges extraits de l’article publié dans le journal – ne sauraient, à elles seules, constituer pour le journaliste une excuse absolutoire.

Le journaliste produit également des documents mentionnés par l’hebdomadaire : la note du préfet du 1er octobre 1942, les notes de Michel Junot des 19 et 22 septembre 1942, les rapports mensuels de septembre et octobre 1942 ; mais ces pièces n’autorisaient pas le journaliste à affirmer que Michel Junot, sous-préfet de Pithiviers, avait supervisé la déportation d’un millier de juifs, ni que la partie civile aurait reconnu avoir organisé le départ d’un convoi de déportés juifs.

En effet, ni la note du Préfet du Loiret du 1er octobre 1942 précisant que le sous-préfet de Pithiviers doit être destinataire des instructions envoyées au commandant du camp, ni la note du 19 septembre 1942, signée par Michel Junot et adressée au Préfet, faisant état des inquiétudes du sous-préfet pour assurer le service d’ordre, le 20 septembre 1942, dans l’éventualité de manifestations communistes en raison de la réquisition de la totalité des gendarmes de son arrondissement pour participer à un « embarquement de 1000 israélites », ni le rapport établi par Michel Junot le 22 septembre 1942 sur le déroulement de la journée qui s’est passée « dans le plus grand calme », ne sont déterminants pour démontrer le rôle personnel de Michel Junot, sous-préfet, dans l’organisation et le départ de ce convoi à destination de Drancy puisqu’ils révèlent que celui-ci se plaint de n’avoir été avisé que tardivement de « l’embarquement de 1000 israélites », qu’il n’était pas destinataire de toutes les instructions envoyées au commandant de camp, une note du préfet étant nécessaire pour éviter que le sous-préfet ne soit « court-circuité » et que son souci était le maintien de l’ordre à l’extérieure des camps.

Les rapports mensuels de Michel Junot établis en septembre et octobre 1942 ne sont pas plus probants à cet égard ; si le premier fait état de « l’embarquement » du 20 septembre 1942 pour l’Allemagne de la plupart des israélites du camp de Pithiviers, s’ils font tous les deux le point sur le degrés d’occupation des deux camps d’internement situés dans la circonscription du sous-préfet et établissent donc une « responsabilité de principe » sur les camps, selon la formule de M. Serge Klarsfeld, s’ils informent le préfet des relations entretenues avec les autorités allemandes, des conditions d’application des lois antijuives et montrent certes que M . Junot exerçait ses fonctions de sous-préfet sous l’occupation avec zèle et détermination, sans scrupules particuliers, ils ne prouvent pas pour autant que celui-ci aurait eu un rôle personnel dans la déportation des juifs ou qu’il aurait organisé le départ d’un convoi de déportés juifs.

Quant aux autres documents invoqués par la défense : une lettre du conseiller d’Etat, secrétaire général, à la police du 19 septembre 1942 au préfet régional d’Orléans, la réponse à ce dernier en date du 21 septembre 1942, et une  note du 19 septembre 1942 du sous-préfet de Pithiviers adressée au capitaine de gendarmerie et commissaire de police, le tribunal ne peut leur accorder aucune valeur probante, seul leur résumé figurant sur une feuille blanche.

En résumé, les documents détenus par Bertrand Gallicher, ne l’autorisaient pas à imputer à M. Junot des faits de complicité de crimes contre l’humanité.

Ces éléments ne permettaient pas d’avantage aux présentateurs ayant tenu l’antenne le 1er février à partir de 0 heure 33, de réitérer l’allégation selon laquelle le plaignant aurait supervisé les camps d’internements de juifs de Pithiviers et Beaune la Rolande ainsi que le maintien de l’ordre dans ces deux camps.

Enfin, le témoignage de Mme Mouchard-Zay relatant les circonstances dramatiques des différentes rafles d’hommes, de femmes et d’enfants juifs, les conditions de leur transfert et de leur arrivée dans les deux camps de Pithiviers et de Beaune la Rolande, et le basculement de l’opinion publique précisément à l’occasion de ces événements, n’établissent pas le rôle de M. Junot dans l’organisation de ces déportations.

Sans méconnaître les contraintes professionnelles engendrées par la nécessité d’une information rapide, inhérente à la nature même de la radio, le tribunal relève que les journalistes, loin de se limiter à la relation objective d’une information à l’état brut, ont, en l’espèce, repris à leur compte l’interprétation livrée par certains de leurs collègues, en effectuant, de surcroît, un amalgame avec l’ « affaire Papon », motivé, à l’évidence, par la recherche du sensationnel.

Les messages incriminés étaient donc emprunts d’une particulière imprudence et ont contribué à faire enfler une rumeur en répandant les allégations diffamatoires.

En ce qui concerne l’imputation faite à M. Junot de ne pas avoir été un vrai résistant, le tribunal relève que les pièces produites par la défense sont insuffisantes pour remettre en cause l’activité de résistant de la partie civile, attestée au demeurant par le chef du réseau Masséna, Jean-Claude Aaron, par le colonel Rémy et par plusieurs personnes d’origine juive rappelant l’aide qui leur a été apportée par le plaignant pendant l’occupation.

Pour l’ensemble de ces motifs, le bénéfice de la bonne foi ne peut être retenu ».  

Sur la responsabilité du deuxième requérant en sa qualité de directeur de publication, le tribunal correctionnel conclut qu’il pouvait être exonéré de toute responsabilité à raison du premier communiqué, prononcé en direct, par le troisième requérant le 31 janvier à 18 heures. Il constata cependant que le message avait été repris dans son intégralité ou sous une forme condensé par les divers présentateur qui se succédèrent ensuite à l’antenne, et jugea que cette « répétition systématique des propos poursuivis » devait être assimilée à une « diffusion en boucle », entrant dans les prévisions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Le tribunal conclut comme il suit :

« [Le deuxième requérant], directeur de publication, dont le devoir est de contrôler ce qui est diffusé sur la chaîne qu’il dirige, est donc, de droit, responsable comme auteur principal du délit de diffamation ».

7.  Saisie par les requérants, la 11ème chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Paris confirma le jugement du 25 novembre 1997 par un arrêt du 17 juin 1998.

Elle souligna notamment que les documents produits par les requérants « montr[ai]ent un fonctionnaire assidu à accomplir sa tâche notamment de maintien de l’ordre public et de défense des intérêts politiques du gouvernement [ ;] ils ne permett[ai]ent pas d’écrire sans faire preuve d’excès que M. Junot aurait supervisé les camps et pris une part dans la déportation des juifs ».

Sur la responsabilité du deuxième requérant en vertu de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la cour d’appel souligna ce qui suit :

« (...) Le sens du texte est d’exonérer le directeur de publication d’un organe audiovisuel en cas d’émission en direct qu’il ne peut efficacement surveiller et contrôler quant à son contenu. Tel n’est pas le cas d’un bulletin d’information répétitif dont le contenu peut être surveillé et contrôlé pour peu que l’on prenne des dispositions à cette fin. Il est d’ailleurs convaincant d’observer que tel a été le cas à partir de la matinée du 1er février où le contenu du message querellé a été modifié. Aussi c’est ajouter à la notion de fixation préalable que de soutenir qu’il doit y avoir un enregistrement. La fixation peut aussi bien résulter d’un mode de communication fondé sur la répétition qui requiert effectivement une fixation du contenu de l’information mais pas nécessairement le recours à un procédé mécanique. Là réside la différence avec le « direct » où il n’y a pas de répétition ».    

Par ailleurs, la cour d’appel ordonna, à titre de réparation civile, la lecture sur France Info, toutes les deux heures pendant vingt-quatre heures, dans le mois suivant la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, du communiqué suivant :

« Par un arrêt de la cour d’appel de Paris (11ème chambre – section A), M. Bertrand Gallicher, journaliste, et M. Michel Boyon, directeur de publication de la société Radio-France, ont été condamnés à une amende de 20 000 FRF chacun et au payement de dommages-intérêts pour avoir diffamé M. Michel Junot, ancien sous-préfet de Pithiviers. Cette décision fait suite à la diffusion, les 31 janvier et 1er février 1997, de communiqués imputant faussement à M. Michel Junot d’avoir joué un rôle dans la déportation d’un millier de juifs et mettant en cause sans fondement sa qualité de résistant ».

Sur la question de la diffusion de ce message, l’arrêt indique ce qui suit :

« La Cour envisage de confirmer la diffusion d’un communiqué sur les ondes de France-Info qui paraît une mesure proportionnelle au dommage commis mais que la défense considère comme contraire aux dispositions des articles 6 et 10 de la Convention (...).

Telle n’est pas l’analyse de la Cour. En effet, la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la Convention (...) peut faire l’objet des restrictions nécessaires à la réputation d’autrui ce qui est le cas en l’espèce. Sans doute la mesure aura pour effet, comme l’indique la défense, de réduire « la surface éditoriale » de France-Info, mais telle est déjà la situation des organes de presse écrite et on ne voit pas, sur ce point, ce qui peut justifier une distinction entre les supports d’information.

Enfin, on ne saurait justifier au regard du justiciable, dont les droits sont également éminents, le refus d’une réparation concrète que constitue la publication d’un communiqué par la seule raison que le support technique – audiovisuel – est différent du support classique de l’écrit.

En outre, rien dans la décision de diffuser un communiqué ne peut être considéré comme contraire au droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention (...). »  

8.  Les requérants se pourvurent en cassation. Ils soutenaient notamment que la cour d’appel avait méconnu le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale en étendant la présomption instituée par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 faisant du directeur de publication l’auteur de l’infraction lorsque « le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public », à l’hypothèse « d’un mode de communication fondé sur la répétition ». Invoquant en particulier les articles 6 et 10 de la Convention, ils se plaignaient en outre de ce que l’arrêt attaqué avait ordonné la diffusion sur France-Info du communiqué suscité ; ils exposaient essentiellement que la « publication d’un communiqué judiciaire, qui constitue une véritable peine civile, n’est prévue par aucun texte ».

La chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi par un arrêt du 8 juin 1999. Elle retint notamment les motifs suivants :

« (...)   Attendu que pour déclarer le directeur de publication, auteur principal de l’infraction visée à la prévention, en application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la cour d’appel retient par des motifs propres ou adoptés que les émissions ayant reproduit les propos litigieux avaient été effectuées, à l’exception du premier communiqué, selon des modes de diffusion répétitive de textes repris systématiquement dans leur intégralité ou sous forme condensée durant vingt-quatre heures ;

Qu’elle ajoute que le mode de diffusion des messages permettait au directeur de publication d’exercer un contrôle sur l’information avant sa diffusion au public ;

Attendu qu’en se prononçant ainsi les juges ont fait l’exacte application de la loi ;

Qu’en effet doit être considéré comme ayant fait l’objet d’une fixation préalable la communication au public au sens de l’article 93-3 [précité], le message qui est diffusé de façon répétitive sur les ondes ;   (...)

(...) si les juridictions répressives ne peuvent ordonner la publication de leurs décisions à titre de peine qu’en vertu d’une disposition expresse de la loi, elles peuvent la prescrire à titre de réparation de la demande de la partie civile ; que cette réparation, qui est prescrite selon les modalités adaptées aux exigences du support technique concerné par la publication, [n’est] pas contraire[] aux dispositions conventionnelles visées au moyen ». 

9.  Le communiqué cité au paragraphe 7 ci-dessus fut lu sur France Info, entre le 31 juillet et le 1er août 1999.

B.  Le droit interne pertinent

1.Dispositions répressives

10.  Les dispositions pertinentes du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (modifiée) sont les suivantes  :

Article 29

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

Article 31

« Sera punie [d’une amende de 45 000 euros], la diffamation commise [soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle], à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.

La diffamation contre les mêmes personnes concernant la vie privée relève de l’article 32 ci-après. »

Article 41

« Seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l’ordre ci-après, savoir :

1o Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations (...) ».

11.  L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle est ainsi rédigé :

« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication (...) sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.   (...)

Lorsque le directeur (...) de la publication sera mis en cause, l’auteur sera poursuivi comme complice.   (...) ».

2.La loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 (modifiée), relative à la liberté de communication

a)La liberté de communication audiovisuelle

12.  L’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 garantit la liberté de communication audiovisuelle en ces termes :

« La communication audiovisuelle est libre.

L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité de développer une industrie nationale de production audiovisuelle.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité indépendante, garantit l’exercice de cette liberté dans les conditions définies par la présente loi.

Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes.

Il peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française. »

b) Les sociétés nationales de programme et la société Radio France

13.  Aux termes de l’article 43-11 de la loi, les sociétés nationales de programmes :

« (...) poursuivent, dans l’intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d’innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis.

Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l’information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l’insertion sociale et la citoyenneté. Elles assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu’à l’éducation à l’audiovisuel et aux médias.

Elles favorisent, par des dispositifs adaptés, l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu’elles diffusent.

Elles assurent l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, pour l’exercice de leurs missions, contribuent à l’action audiovisuelle extérieure, au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue françaises dans le monde. Ils s’attachent à développer les nouveaux services susceptibles d’enrichir ou de compléter leur offre de programmes ainsi que les nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication audiovisuelle.

Chaque année, un rapport est déposé au Parlement afin de faire l’état de l’application des dispositions du présent article. »

S’agissant plus particulièrement de la société nationale de programme Radio France, l’article 44-III de la loi précise qu’elle est chargée de concevoir et de programmer des émissions de radiodiffusion sonore à caractère national et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain, favorise l’expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l’ensemble du territoire, et valorise le patrimoine et la création artistique, notamment grâce aux formations musicales dont elle assure la gestion et le développement.

Un cahier des charges fixé par décret définit les obligations des sociétés nationales de programme – notamment celles qui sont liées à leurs missions éducative, culturelle et sociale – et précise en particulier les modalités de programmation de leurs émissions publicitaires (article 48 de la loi).

Des contrats d’objectifs et de moyens – d’une durée de trois à cinq ans – sont en outre conclus entre l’Etat et chacune des sociétés. Ils déterminent notamment, dans le respect des missions de service public définies à l’article 43-11 : les axes prioritaires de son développement, dont les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ; le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus ; le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ; le montant du produit attendu des recettes propres, notamment celles issues de la publicité de marques et du parrainage ; les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix (article 53 I. de la loi).

14.  Chaque année, à l’occasion du vote de la loi de finances, le Parlement autorise la perception de la taxe dénommée redevance pour droit d’usage, assise sur les appareils récepteurs de télévision, et approuve la répartition des ressources publiques affectées au compte d’emploi de la redevance entre les sociétés France Télévision, Radio France, Radio France Internationale, Réseau France Outre-mer, la société ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel (article 53 III. de la loi).

15.  Le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (« CSA ») est chargé de veiller à ce que lesdites sociétés respectent les obligations qui leurs sont imposées par les textes législatifs et réglementaires; il dispose d’un pouvoir coercitif en la matière (articles 48-1 et suivants de la loi).

16.  La société Radio France, dont l’Etat  détient la totalité du capital, est en principe soumise à la législation sur les sociétés anonyme, et ses statuts sont approuvés par décret (article 47 de la loi). Son conseil d’administration est composé de douze membres dont le mandat est de cinq ans : deux parlementaires désignés respectivement par l’assemblée nationale et le Sénat, quatre représentants de l’Etat, quatre « personnalités qualifiées » nommées par le CSA et deux représentants du personnel ; il est présidé par l’un de ses membres, désigné par le CSA (articles 47-2 et 47-3 de la loi).

c) Les radios dites privées

17.  Pour exercer leur activité, les radios privées dites « permanentes » utilisant la voie hertzienne doivent être titulaires d’une autorisation préalable d’émission, délivrée par le CSA (article 22 de la loi). La procédure d’autorisation comporte plusieurs étapes : le CSA publie un appel aux candidatures qui précise les zones géographiques et les catégories de radios concernées (la définition de cinq catégories pour les radios privées vise à garantir la diversité et l’équilibre du paysage radiophonique dans chaque région) ; au terme de cet appel, il arrête la liste des candidats recevables puis procède à leur présélection ; au vu des déclarations de candidatures, le CSA établit la liste des fréquences pouvant être attribuées ; enfin, après avoir signé une convention avec chaque opérateur, il délivre les autorisations de diffusion pour une durée maximale de cinq ans – ces autorisations peuvent être reconduites hors appel aux candidatures dans la limite de deux fois et pour une durée de cinq ans à chaque fois.

Le CSA accorde les autorisation « en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence » (article 29 de la loi).

Aux termes de l’article 28 de la loi, la Convention précitée « fixe les règles particulières applicable au service, compte tenu de l’étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l’égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrences propre à chacun d’eux ». Elle contient notamment les règles déontologiques ainsi que des engagements particuliers relatifs aux programmes : les quotas de chanson d’expression française (au minimum 40 % en principe) et la part consacrée aux « nouveaux talents » (au minimum 20 % en principe), les modalités d’insertion des messages publicitaires et la durée maximale de ceux-ci, le programme d’intérêt local (au minimum 3 heures par jour), la durée quotidienne des messages de publicité locale.

18.  Le CSA est chargé de veiller à ce que les programmateurs respectent les obligations qui leurs sont imposées par les textes législatifs et réglementaires ; il dispose d’un pouvoir coercitif en la matière (articles 42 et suivants de la loi).

C.La Recommandation no R (96) 10 du Comité des Ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe

19.  Le 11 septembre 1996, lors de la 573ème réunion des Délégués des Ministres, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation (no R (96) 10) « concernant la garantie de l’indépendance du service public de la radiodiffusion », dont le préambule rappelle que « l’indépendance des médias, y compris ceux du secteur de la radiodiffusion, est essentielle au fonctionnement d’une société démocratique » et souligne « l’importance qu[e le Comité des Ministre] attache au respect de cette indépendance, en particulier de la part des gouvernements ». 

Le Comité des Ministre recommande aux gouvernements des Etats membres « d’inclure dans leur législation nationale ou dans les textes régissant les organismes de radiodiffusion de service public des dispositions garantissant l’indépendance de ceux-ci », conformément à des lignes directrices annexées. Celles-ci précisent notamment que le cadre juridique régissant les organismes de radiodiffusion de service public devrait clairement affirmer leur indépendance éditoriale et leur autonomie institutionnelle, en particulier dans des domaines tels que la définition de la programmation, la conception et la production des programmes, l’édition et la présentation des programmes d’information et d’actualité, l’organisation des activités du service, le recrutement, l’emploi et la gestion du personnel utilisé dans le cadre du service, l’achat, la location, la vente et l’emploi de biens ou de services, la gestion des ressources financières, la préparation et l’exécution du budget du service, la négociation, la préparation et la signature des actes juridiques liés au fonctionnement du service, et la représentation du service en justice et avec les tiers. Elles ajoutent, en particulier, que « les activités de programmation des organismes de radiodiffusion de service public ne peuvent faire l’objet d’aucune forme de censure » et qu’ « aucun contrôle a priori des activités des organismes de radiodiffusion de service public ne peut être exercé par des personnes ou des instances extérieures en dehors des cas exceptionnels prévus par la loi ».

Les « lignes directrices » indiquent en outre (notamment) que les règles régissant le statut des organes de gestion et des organes de surveillance des organismes de radiodiffusion de service public devraient être définies de manière à éviter que ces organes puissent faire l’objet d’ingérences politiques ou autres. 

Elles ajoutent que les règles régissant le financement des organismes de radiodiffusion de service public devraient être fondées sur le principe selon lequel les Etats membres s’engagent à maintenir et, si nécessaire, à établir un cadre de financement sûr, approprié et transparent garantissant auxdits organismes les moyens nécessaires à l’exécution de leurs missions. Elles précisent en particulier que, dans le cas où le financement est assuré en totalité ou en partie par une contribution régulière ou exceptionnelle du budget de l’Etat ou par la redevance, le pouvoir de décision détenu par des autorités extérieures à l’organisme de radiodiffusion de service public concerné en ce qui concerne le financement de cet organisme ne devrait pas être utilisé par ces autorités pour exercer, directement ou indirectement, une influence sur l’indépendance éditoriale et l’autonomie institutionnelle de cet organisme.

GRIEFS

20.  Invoquant l’article 7 § 1 de la Convention, les requérants dénoncent une application extensive de la loi pénale : en retenant que le « message incriminé [avait] fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public » alors que tous les bulletins d’information et flashes litigieux avaient été diffusés en direct, les juridictions internes auraient fondé la responsabilité pénale des deuxième et troisième requérants sur une interprétation « par analogie » de l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

21.  Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention et le droit à la présomption d’innocence, les requérants soutiennent que l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle créée une présomption irréfragable de responsabilité à l’encontre du directeur de publication : sa responsabilité serait automatiquement et nécessairement déduite de sa fonction, sans qu’il puisse invoquer des preuves contraires, tenant à son comportement ou aux conditions de réalisation de la publication ou de la diffusion des informations. Les juridictions internes auraient ainsi déduit la responsabilité pénale du deuxième requérant de l’existence d’un message répété et de sa qualité de directeur de publication.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent que, tel qu’interprété par les juridictions internes, l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 conduit à une rupture de l’égalité des armes : la culpabilité du directeur de la publication serait automatiquement déduite du seul fait matériel de la diffusion de messages répétés – la partie poursuivante n’étant pas tenue de prouver son intention délictuelle –, alors que le prévenu se trouverait privé de la possibilité d’établir des faits « de nature à exonérer sa responsabilité ».

22.  Invoquant les articles 7 et 10 de la Convention combinés, les requérants se plaignent de ce que la société requérante a été condamnée, au titre de la réparation du préjudice causé à la partie civile, à la diffusion d’un communiqué. Selon eux, une telle condamnation s’analyse en une « peine » non prévue par la loi et créée par le juge ; en conséquence, elle méconnaîtrait le principe de légalité des peines et constituerait une « ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’information et d’expression ».

23.  Invoquant l’article 10 de la Convention, les requérants dénoncent une violation de leur droit à la liberté de « communiquer des informations » résultant des sanctions et mesures prononcées contre eux par les juridictions internes. 

EN DROIT

1.Sur la qualité de la société nationale de radiodiffusion Radio France à agir devant la Cour

24.  Le Gouvernement soutient qu’en raison de son rattachement au secteur public, la société nationale de radiodiffusion Radio France n’a pas qualité pour saisir la Cour en application de l’article 34 de la Convention.

Il rappelle qu’aux termes de cette disposition, seuls peuvent se porter requérants les personnes physiques, les organisations non gouvernementales et les groupes de particuliers. A l’évidence, la société Radio France ne serait ni une personne physique ni un groupe de particuliers ; elle ne serait pas davantage une organisation non gouvernementale.

Sur ce dernier point, le Gouvernement se réfère à l’arrêt Les saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994 (série A no 301-A), dans lequel la Cour aurait déterminé les critères permettant de qualifier une entité d’organisation non gouvernementale au sens de l’article 34 de la Convention ; seraient ainsi pertinents l’origine, les statuts, les missions, les prérogatives et  l’indépendance de ladite entité.

Le Gouvernement expose en premier lieu que l’existence et les statuts de la société Radio France sont directement prévus par la loi. Sa création résulterait de l’article 37 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (abrogé). Son existence serait maintenant consacrée par la loi no 86-4067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, laquelle lui confierait la mission de concevoir et programmer des émissions de radiodiffusion (article 44 III) et prévoirait qu’un décret approuve ses statuts (article 47) et fixe un cahier des charges définissant ses obligations (article 48). « Par parallélisme des formes », la fusion et la dissolution de cette société relèveraient également de la loi.

Le Gouvernement ajoute que l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 indique expressément que la société Radio France poursuit, « dans l’intérêt général, des missions de service public », lesquelles seraient précisées par cette même disposition ainsi que par l’article 44 III de la même loi ; le cahier des charges – approuvé par un décret du 13 novembre 1987 – comprendrait quant à lui plus d’une centaine d’articles concernant ses obligations, en particulier celles liées à ses missions éducative, culturelle et sociale. L’action de la société Radio France ne serait donc pas commandée par des considérations d’ordre commercial, mais par la nécessité d’assurer la qualité, l’équilibre et le pluralisme de l’information sur tout le territoire national, y compris dans les zones mal desservies par les autres médias ; elle ne serait pas soumise à la loi de la rentabilité. Au demeurant, diverses stations de diffusion radiophonique regroupées en son sein n’auraient qu’un faible taux d’écoute ; leur existence se justifierait essentiellement par l’a poursuite d’un objectif d’intérêt général et leur fonctionnement ne pourrait perdurer que par leur appartenance au secteur public. Le Gouvernement en déduit que la société Radio France assure une mission de service public et poursuit des « objectifs d’administration publique » au sens de la jurisprudence de la Cour.

Troisièmement, la société Radio France relèverait de la tutelle de l’Etat. Son appellation officielle – société nationale de programme Radio France – en attesterait, comme le fait qu’en vertu de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986, l’Etat détient la totalité de son capital. Par ailleurs, ses organes décisionnels seraient composés de manière à assurer la représentation des intérêts de l’Etat : parmi les douze membres de son conseil d’administration, siégeraient deux parlementaires désignés par l’Assemblée nationale et le Sénat, quatre représentants de l’Etat et quatre personnalités qualifiées nommées par le CSA, lui-même composé de neuf membres désignés par le président de la République et les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ; son président serait pareillement nommé et démis par le CSA (articles 47-2 et 47-3 de la loi du 30 septembre 1986). De surcroît, sa politique serait déterminée par l’Etat : l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoirait en effet qu’elle conclut avec lui des « contrats d’objectifs », lesquels déterminent les « axes prioritaires de son développement » ; son cahier des charges lui imposerait des obligations de programme. Enfin, son activité serait contrôlée par les autorités étatiques. D’une part, chaque année, le Parlement déciderait de l’attribution de ressources la société Radio France ; à cette occasion, un rapport du gouvernement présentant un bilan de l’exécution des contrats d’objectifs et un document retraçant l’activité des opérateurs dont Radio France détient plus de la moitié du capital serait annexés au projet de loi de finances. D’autre part, la société Radio France serait tenue d’adresser au Ministre chargé de la communication et au CSA un rapport annuel sur l’exécution du cahier des missions et charges.  

Quatrièmement, la société Radio France serait financée par l’impôt (article 53 de la loi du 30 septembre 1986) ou, pour le moins, par  un prélèvement obligatoire présentant, au regard de la question de recevabilité que soulève la présente affaire, des caractères qui ne sont pas substantiellement différents de ceux de l’impôt.

Cinquièmement, la société Radio France supporterait des sujétions propres au service public, exorbitantes du droit commun : le statut de son personnel serait soumis à certaines obligations fondées sur l’exigence de continuité du service public (article 57 III de la loi du 30 septembre 1986) ; elle serait tenue d’assurer gracieusement certaines prestations (article 101 du cahier des charges) et de participer au financement de certaines structures (articles 99, 102 et 104 du cahier des charges) ; elle ne pourrait recourir aux publicités et aux opérations de parrainage que dans des conditions limitées (article 48 de la loi du 30 septembre 1986 et 46 du cahier des charges) ; les cahiers des charges des sociétés nationales auxquelles elle participe devraient se conformer aux principes fondamentaux du service public, notamment au principe d’égalité et de neutralité (Conseil constitutionnel, DC no 86-217 du 18 septembre 1986).

Enfin, la soumission de Radio France à la loi sur les sociétés anonymes (article 47 de la loi du 30 septembre 1986) ne lui conférerait pas pour autant la qualité d’« organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention. La société Radio France ayant déjà l’avantage de ne pas être tributaire de ressources publicitaires du fait de son financement par l’Etat, le choix de ne pas lui appliquer le régime du droit public s’expliquerait par le souci de ne pas fausser outre mesure la concurrence avec les radios privées. Il ne mettrait aucunement en cause son appartenance au service public. Le droit français distinguerait d’ailleurs une notion organique et une notion fonctionnelle de service publique : ainsi, une institution publique pourrait se voir confier une activité dépourvue de caractère de service public, et une institution privée, une mission de service publique. Au demeurant, la loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés anonymes ne s’appliquerait pas sans dérogation à la société Radio France.

25.  Les requérants exposent que la société Radio France, qui exploite un certain nombre de chaînes radiophoniques – dont France Info – est une société anonyme, enregistrée au registre du commerce et des sociétés et, à ce titre, un organisme de droit privé et non de droit public.

Ceci étant, il ressortirait de l’arrêt Les saints monastères cité par le Gouvernement qu’une personne morale est une « organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention dès lors qu’elle n’exercer pas de prorogatives de puissance publique, ne poursuit pas des objectifs d’administration publique et n’est pas soumise à la tutelle de l’Etat. Tel serait le cas de la société Radio France.

Sur le premier point, les requérants soutiennent  que le Gouvernement entretient une confusion entre « puissance publique » et « exercice d’une activité de service public ». Ils exposent que, d’après le Professeur Chapus (Droit administratif général, tome 1, Montchrestien 2001, p. 469 et s.), auteur faisant autorité en droit administratif français, « les prérogatives de puissance publique se décomposent en prérogatives d’actions, qui s’analysent dans le pouvoir général d’agir unilatéralement à l’encontre des personnes et des biens en vue de l’intérêt général, et en prérogatives de protection, constituées par le bénéfice d’un monopole légal, l’insaisissabilité des biens, et les règles protectrices de la comptabilité publique ». Or la société Radio France n’exercerait aucune prérogative de cette nature : elle n’aurait pas le pouvoir de prendre unilatéralement des décisions s’imposant à leurs destinataires (elle n’aurait pas même celui d’édicter des règlements pour l’organisation interne du service public qu’elle gère), ne bénéficierait pas d’un monopole légal (puisqu’elle exercerait son activité dans un secteur concurrentiel), ne pourrait recouvrer ses créances par voie d’état exécutoire, et ne pourrait conclure des contrats administratifs comportant des clauses exorbitantes du droit commun à son bénéfice. Par ailleurs, les contentieux dans lesquels elle est en cause ne seraient pas de la compétence des juridictions administratives mais de celle, exclusive, des juridictions judiciaires.

Les requérants soulignent ensuite que la société Radio France n’a aucune fonction administrative. Premièrement, aux termes de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986, le secteur de l’audiovisuel serait régi par la libre concurrence et le secteur public, soumis aux principes d’indépendance et d’impartialité. Deuxièmement, la loi précitée aurait déchargé la société Radio France de la mission de mettre en place la décentralisation du service public de radiodiffusion ; la thèse qu’aurait développée le Gouvernement, selon laquelle elle participe au désenclavement de certaines zones géographiques et poursuit en conséquence des objectifs d’administration publique, serait dès lors erronée. Troisièmement, bien que qualifiées « missions de service public », les missions confiées à la société Radio France par l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 n’auraient aucune finalité d’administration publique. Le fait que l’action de la société Radio France est encadrée par une abondante réglementation étatique n’y changerait rien, dans la mesure où les chaînes du secteur privé seraient soumises à des contraintes réglementaires similaires. L’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 prévoirait en effet que les radios privées doivent obtenir une autorisation préalablement à leur entrée en service, laquelle serait subordonnée à la conclusion d’une convention avec le CSA. Or cette convention serait susceptible de comporter nombre d’obligations portant notamment sur les caractéristiques des programmes, la proportion d’œuvres d’expression française, la diffusion de programmes éducatifs et culturels, les temps de publicité, le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie, le développement de l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes diffusés, etc.

En d’autres termes, la société Radio France ne serait pas dédiée à la gestion proprement dite d’un service public : elle se bornerait à assurer des missions de service public dans le cadre de ses activités industrielles et commerciales. Elle se définirait ainsi en référence à une éthique dans l’exploitation de son activité industrielle et commerciale, fixée par son cahier des missions et des charges et dont la philosophie générale serait de rester au service des citoyens auditeurs, ceci sous le contrôle du CSA, autorité indépendante du Gouvernement.   

En vérité, le fait qu’une personne morale comme la société Radio France déploie son activité dans le secteur concurrentiel lui conférerait à lui seul la qualité d’« organisation non gouvernemental » au sens de l’article 34 de la Convention ; tel aurait d’ailleurs été le point de vue développé par l’actuel agent du Gouvernement alors qu’il était maître des requêtes au Conseil d’Etat (R. Abraham, in Convention européenne des Droits de l’Homme article par article, Economica 1995, pp. 585 s.). Au demeurant, la société Radio France aurait mis en œuvre depuis plusieurs années une pratique de gestion d’entreprise privée ; ainsi notamment, à l’instar de ses concurrents, elle ferait des mesures d’audiences un critère essentiel de sa stratégie.

Les requérants ajoutent que les circonstances que l’Etat détient la totalité du capital de la société Radio France, que les ressources de celle-ci sont publiques et qu’elle est soumise à un contrôle parlementaire ne suffiraient pas à caractériser une tutelle étatique. Ils soulignent à cet égard que, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, la politique de la société Radio France n’est pas déterminée par l’Etat. La loi du 30 septembre 1986 consacrerait en effet son indépendance organique ; aux termes des articles 47-2 et 47-3, d’une part, seuls quatre des douze membres de son conseil d’administration seraient nommés par le Gouvernement ; d’autre part, son président serait désigné par le CSA, autorité administrative indépendante, ce qui, selon le Conseil constitutionnel, viserait précisément à assurer l’indépendance de la société et à concourir à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (Conseil constitutionnel, no 89-259, DC 26 juillet 1989, Recueil p. 66). Il serait paradoxal qu’une société de droit privé dont l’indépendance par rapport au Gouvernement est garantie par la Constitution soit qualifiée d’organisation gouvernementale. Les requérants contestent en outre l’affirmation du Gouvernement selon laquelle la société Radio France « est financée par l’impôt, donc par l’exercice de la puissance publique ». Elle serait en réalité financée par la redevance pour droit d’usage – dite « redevance de l’audiovisuel » – prévue par l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 ; or, d’après une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, cette redevance ne serait pas une imposition mais une taxe parafiscale, c’est-à-dire un prélèvement obligatoire échappant en totalité ou partie aux règles de législation budgétaire et fiscale pour ce qui concerne la détermination de la recette et de l’assiette des taux, de la procédure de recouvrement et du contrôle.  Une telle taxe serait perçue dans un intérêt économique ou social au profit d’une personne morale de droit privé ou public – autre que l’Etat – les collectivités territoriales et leurs établissements ; à la différence de l’impôt – qui serait retenu sans contrepartie – elle serait perçue lors de la fourniture d’un service.

26.  La Cour rappelle qu’une personne morale « qui se prétend victime d’une violation par l’une des hautes parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles » peut se porter requérante devant elle (voir, par exemple, Agrotexim Hellas et autres c. Grèce, arrêt du 24 octobre 1995, série A no 330-A, ainsi que Faugyr Finances SA c. Luxembourg (déc.), 23 mars 2000), pour peu qu’elle ait la qualité d’« organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention.

Doivent être qualifiées d’« organisations gouvernementales », par opposition à « organisations non gouvernementales » au sens de l’article 34, non seulement les organes centraux de l’Etat, mais aussi les autorités décentralisées qui exercent des « fonctions publiques », quel que soit leur degré d’autonomie par rapport auxdits organes ; il en va ainsi des collectivités territoriales (voir, essentiellement, Commune de Rothenthurm c. Suisse, no 13252/87, Décision de la Commission du 14 décembre 1988, Décisions et rapports (DR) 59, p. 251, Section de commune d’Antilly c. France (déc.), no 45129/98, 23 novembre 1999, The Province of Bari, Sorrentino and Messeni Nemagna v. Italy, (déc.), no 41877/98, 22 mars 2001, Ayuntamiento de Mula c. Espagne (déc.), no 55346/00, 1er février 2001 et Danderyds Kommun c. Suède (déc.) no 52559/99, 7 juin 2001).

La Commission européenne des Droits de l’Homme est parvenue à la même conclusion dans le cas de personnes morales de droit public autres que des collectivités territoriales : le conseil général des ordres officiels d’économiste d’Espagne, au motif qu’il exerçait « des fonctions officielles (...) attribuées par la Constitution et par la loi » (Consejo General de Colejos Ociciales de Economista de España c. Espagne, nos 26114/95 et 26455/95, décision du 28 juin 1995), et la société nationale de chemins de fer espagnols, aux motifs, essentiellement, qu’elle était sous la tutelle du gouvernement et bénéficiait d’un monopole d’exploitation (RENFE c. Espagne, no 35216/97, décision du 8 septembre 1997).

Par ailleurs, dans l’arrêt Les saints monastères précité (§ 49), la Cour a reconnu la qualité d’« organisation non gouvernementale » à des personnes morales de droit public au motif qu’elles n’exerçaient pas de prérogatives de « puissance publique », ne poursuivaient pas des « objectifs d’administration publique » et jouissaient d’une « autonomie complète » à l’égard de l’Etat.

Il ressort des décisions et de l’arrêt susvisés, qu’entrent dans la catégorie des « organisations gouvernementales », les personnes morales qui participent à l’exercice de la puissance publique ou qui gèrent un service public sous le contrôle des autorités. Pour déterminer si tel est le cas d’une personne morale donnée autre qu’une collectivité territoriale, il y a lieu de prendre en considération son statut juridique et, le cas échéant, les prérogatives qu’il lui donne, la nature de l’activité qu’elle exerce et le contexte dans lequel s’inscrit celle-ci, et son degré d’indépendance par rapport aux autorités politiques.

Il résulte de la loi du 30 septembre 1986 (modifiée), relative à la liberté de communication (ci-après « la loi » ; paragraphes 13-16 ci-dessus) que l’Etat détient la totalité du capital de la société Radio France, que les statuts de cette dernière sont approuvés par décret, que ses ressources sont très essentiellement publiques, qu’elle poursuit « dans l’intérêt général, des missions de service public » (précisées par la loi), et qu’elle se trouve astreinte au respect d’un cahier des charges et à la conclusion avec l’Etat d’un contrat d’objectifs et de moyens.

D’un autre côté, l’article 1er de la loi garantit – dans la limite notamment des exigences du service public – la liberté de la communication audiovisuelle. Ainsi, d’une part, la société Radio France ne se trouve pas placée sous la tutelle de l’Etat, mais sous le contrôle du CSA, qualifié d’ « autorité indépendante » par la loi, lequel a en particulier pour mission de « garanti[r] l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion sonore » ; en témoigne également le fait que seulement quatre des douze membres de son conseil d’administration représentent l’Etat et que le président de celui-ci est désigné par le CSA. D’autre part, la société Radio France ne détient pas un monopole de la radiodiffusion sonore ; elle opère dans un secteur ouvert à la concurrence, la loi permettant notamment, dans certaines conditions et sous le contrôle du CSA, l’utilisation de la voie hertzienne par des sociétés privées ou des associations ; elle est au demeurant, pour l’essentiel, soumise à la législation sur les sociétés anonymes, ne dispose pas de prérogatives exorbitantes du droit commun dans le cadre de l’exercice de son activité et relève non des juridictions administratives mais des juridictions judiciaires. 

Ainsi, si la société Radio France s’est vue assigner des missions de service public et si elle dépend pour beaucoup de l’Etat pour son financement,  le législateur a mis en place un régime dont l’objectif est sans aucun doute de garantir son indépendance éditoriale et son autonomie institutionnelle (ce qui, au demeurant, s’inscrit dans la ligne de la recommandation no R (96) 10 du Comité des Ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe concernant la garantie de l’indépendance du service public de la radiodiffusion, dont le préambule rappelle que l’indépendance des médias est essentielle au fonctionnement d’une société démocratique ; paragraphe 19 ci-dessus). Sur ce point, la société Radio France diffère peu des sociétés exploitant des radios dites privées – lesquelles sont d’ailleurs également soumises à diverses contraintes légales et réglementaires (paragraphes 17-18 ci-dessus). Par ailleurs, la loi, qui inscrit clairement la radiodiffusion sonore dans un contexte concurrentiel, ne confère pas à la société Radio France une position dominante dans ce secteur.

La Cour en déduit que la société nationale Radio France est une « organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 de la Convention et qu’il y a lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

2.Sur la recevabilité du grief tiré de l’article 7 § 1 de la Convention

27.  Les requérants dénoncent une application extensive de la loi pénale : en retenant que le « message incriminé [avait] fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public » alors que tous les bulletins d’information et flashes litigieux avaient été diffusés en direct, les juridictions internes auraient fondé la responsabilité pénale des deuxième et troisième requérants sur une interprétation « par analogie » de l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Ils invoquent l’article 7 § 1 de la Convention, lequel est ainsi libellé :

«  Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».

28.  Le Gouvernement expose que, dans le domaine de la communication audiovisuelle, la présomption de responsabilité du directeur de publication établie par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ne s’applique qu’aux cas dans lesquels un message diffamatoire a fait l’objet d’une « fixation préalable » à sa communication au public, cette « fixation préalable » du message permettant audit directeur d’en surveiller le contenu avant sa diffusion. Lorsqu’il s’agit d’une émission en direct, cette présomption est en principe écartée : conformément aux règles du droit commun, le ministère public doit apporter la preuve d’un fait personnel de participation du directeur à la diffusion du message.

En jugeant qu’il y a « fixation préalable » lorsqu’un message est diffusé de manière répétitive sur les ondes, les juridictions se seraient bornées à interpréter cette notion ; elles n’auraient aucunement procédé à un raisonnement par analogie in malam partem. Selon le Gouvernement, la thèse des requérants revient à assimiler la notion de « fixation préalable » à celle d’ « enregistrement », seul un « enregistrement » préalable étant alors de nature à permettre au directeur de publication d’exercer son pouvoir de contrôle. Or en l’espèce, les juridictions répressives auraient exonéré le deuxième requérant, directeur de publication de la société Radio France, de toute responsabilité au titre du premier communiqué, diffusé en direct sur France Info ; seuls les communiqués ultérieurs auraient fondé la condamnation des requérants. Ce faisant, elles se seraient livrées à une interprétation raisonnable de la notion de « fixation préalable », adaptant la jurisprudence aux changements de situation, par un raisonnement purement téléologique, dépourvu de toute analogie. Le Gouvernement souligne ensuite que  le texte de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ne fait pas de distinction entre diffusion en direct et diffusion en différé ; dès lors, les juridictions internes n’auraient pas étendu le cadre normal d’application de cette disposition à une situation non prévue par la loi. Le législateur aurait en fait volontairement utilisé le concept de « fixation préalable » plutôt que celui d’ « enregistrement préalable », le premier étant plus large que le second, la « fixation » étant dans la langue française « ce qui est déterminé à l’avance » et qui peut donc être contrôlé. En bref, les juridictions n’auraient pas créé par voie d’analogie une incrimination nouvelle ou une infraction autonome.

Le Gouvernement ajoute que l’interprétation faite en l’espèce de la notion de « fixation préalable » est « cohérente avec la substance de l’infraction ». Premièrement, elle viserait à adapter le texte à des « circonstances nouvelles »,  France Info, première radio européenne d’information continue, n’ayant été créée qu’en 1987, soit bien après l’adoption de la loi du 29 juillet 1982. Deuxièmement, elle rentrerait raisonnablement dans la conception originelle de l’infraction puisqu’elle reposerait sur la possibilité d’un contrôle du directeur de la publication dès lors qu’un message est répété, que ce soit en direct ou non.  

Enfin, le Gouvernement précise que l’interprétation litigieuse était prévisible. Il souligne à cet égard que, juriste et professionnel des médias, le deuxième requérant ne pouvait ignorer les dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ; en s’entourant autant que de besoin des conseils appropriés, il aurait raisonnablement pu prévoir l’interprétation litigieuse.

29.  Les requérants répliquent que, unanimement, la doctrine spécialisée assimile la notion de « fixation préalable » d’un message, au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, à son « enregistrement préalable », et exclut les émissions en direct du champ de cette disposition. Ils se réfèrent à cet égard aux deux publications suivantes : J. Francillon et B. Delcros, Communication audiovisuelle, Jurisclasseur pénal, Annexe Vo communication audiovisuelle, fascicule no 2, 1990, §§ 47-48 ; Droit des médias, sous la direction de C. Debbasch, 1999, no 2509. Ainsi, en appliquant l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 dans le contexte de la répétition en direct d’un message, alors que dans de telles circonstances le présentateur reste entièrement maître du contenu et de l’opportunité de la répétition ou de l’adaptation, les juridictions internes auraient rompu avec la logique du législateur – renforcée par la « doctrine dominante » – et crée « par analogie » une nouvelle catégorie d’infraction. 

30.  La Cour estime que cette partie de la requête soulève des questions de fait et de droit au regard de la Convention, qui nécessitent un examen au fond. Elle conclut en conséquence qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour estime qu’il y a lieu de la déclarer recevable.

3.Sur la recevabilité du grief tiré des articles 6 §§ 1 et 2 de la Convention

31.  Les requérants affirment que l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle créée une présomption irréfragable de responsabilité à l’encontre du directeur de publication : sa responsabilité serait automatiquement et nécessairement déduite de sa fonction, sans qu’il puisse invoquer des preuves contraires, tenant à son comportement ou aux conditions de réalisation de la publication ou de la diffusion des informations. Les juridictions internes auraient ainsi déduit la responsabilité pénale du deuxième requérant de l’existence d’un message répété et de sa qualité de directeur de publication. Les requérant voient là une méconnaissance du droit à la présomption d’innocence, garanti par l’article 6 § 2 de la Convention en ces termes :

« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

Les requérants ajoutent que, tel qu’interprété par les juridictions internes, l’article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 conduit à une rupture de l’égalité des armes : la culpabilité du directeur de la publication serait automatiquement déduite du seul fait matériel de la diffusion de messages répétés – la partie poursuivante n’étant pas tenue de prouver son intention délictuelle –, alors que le prévenu se trouverait privé de la possibilité d’établir des faits « de nature à exonérer sa responsabilité ». Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, lequel est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

32.  Le Gouvernement soutient à titre principal que les requérants ont omis de soulever ce grief devant les juridictions internes ; se référant par ailleurs à la décision de la Commission européenne des Droits de l’homme du 15 janvier 1996 sur la recevabilité de l’affaire Botta c. Italie (requête no 21439/96), il affirme qu’un recours interne doit être tenté même s’il existe un doute quant à son efficacité. Il en déduit qu’ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention.

A titre subsidiaire, le Gouvernement soutient que l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ne créée pas une présomption irréfragable de responsabilité du directeur de publication. Premièrement, le ministère public ne se trouverait pas dispensé d’apporter la preuve de l’élément matériel de l’infraction, à savoir la diffusion d’un message diffamatoire ; il ne serait dispensé que de faire la démonstration de l’élément moral de celle-ci. Deuxièmement, les prévenus conserveraient la possibilité de contester la réalité ou la qualification des faits. Troisièmement, une fois la réalité des faits établie, cette présomption n’empêcherait pas les prévenus, auteur principal ou complice, de s’exonérer de leur responsabilité. Sur ce dernier point, le Gouvernement reconnaît qu’en vertu de l’article 35 de la loi de 1881, les prévenus ne peuvent chercher à établir « la preuve de la vérité du fait diffamatoire » lorsque, comme en l’espèce, il remonte à plus de dix ans. Ils pourraient cependant invoquer le fait justificatif de bonne foi, ce qui exclurait leur responsabilité pénale ; les deuxième et troisième requérants auraient d’ailleurs développés des moyens de cette teneur devant les juridictions répressives, et le fait qu’ils n’ont pas été retenus n’établirait pas que la preuve de la bonne foi était impossible. Les prévenus auraient en outre la possibilité d’invoquer « l’ordre de la loi » ou la « force majeure », faits justificatifs de droit commun. Le Gouvernement en déduit que le deuxième requérant pouvait développer d’autres moyens juridiques que son absence de qualité de directeur de publication pour contester sa responsabilité de manière effective.

Le Gouvernement expose ensuite que la Convention ne prohibe pas les présomptions de faits ou de droit pour peu qu’elles soient insérées dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense. Or la présomption de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 respecterait de telles limites. D’une part, elle n’entrerait en jeu que pour les infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881, relatif aux délits de diffamation et d’injure. D’autre part, la responsabilité juridique des « intervenants » serait déterminée de manière strictement proportionnée au rôle concret de chacun, la loi faisant une distinction selon qu’il s’agit ou non d’une information ayant fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public : en l’absence d’une telle fixation, le directeur de publication, n’ayant pas été en mesure d’intervenir pour empêcher la diffusion, ne pourrait être poursuivi comme auteur principal. Enfin, le Gouvernement juge compatible avec la présomption d’innocence la manière dont il a été fait application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 en l’espèce. Premièrement, les juridictions internes auraient parfaitement démontré le caractère diffamatoire des messages diffusés. Deuxièmement, elles auraient clairement établi l’existence d’un élément intentionnel en ce qui concerne le troisième requérant, après avoir minutieusement examiné les documents et témoignages produits par celui-ci pour prouver sa bonne foi. Troisièmement, la condamnation du deuxième requérant comme auteur principal ne porterait pas atteinte au « principe de la responsabilité individuelle », la responsabilité pénale mise en œuvre par l’article 93-3 touchant non à la confection du message en cause, mais à sa publication ou diffusion, ce qui relèverait des attribution du directeur de publication ; surtout, en l’espèce, en soulignant qu’ « un bulletin d’information répétitif peut être surveillé et contrôlé (...) pour peu que l’on prenne des dispositions à cette fin », la cour d’appel de Paris aurait établi à l’égard du deuxième requérant un certain « élément intentionnel », alors même qu’elle n’en avait pas juridiquement besoin pour aboutir à une condamnation.

33.  Les requérants concluent au rejet de l’exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement. Ils affirment à cet égard que « la question de l’absence de responsabilité de M. Boyon en qualité de directeur de la publication a bien été soulevée devant la [Cour de cassation] ». Ils ajoutent qu’une constante jurisprudence de la haute juridiction consacre la conformité de la présomption de responsabilité de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 – sur laquelle la présomption de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 serait calquée – aux exigences de l’article 6 de la Convention (ils se réfèrent à cet égard aux arrêts suivants : Cass. Crim., 17 décembre 1991, Bulletin no 481, p. 1231 ; Cass. Crim, 23 février 2000, Bulletin no 85, p. 247) ; un moyen de cassation fondé sur une violation de l’article 6 aurait en conséquence été voué à l’échec.

Sur le fond, les requérants réfutent la thèse du Gouvernement selon laquelle le directeur de la publication peut s’affranchir de sa responsabilité par la preuve de sa bonne foi ; une constante jurisprudence – tirant au demeurant les conséquences de la responsabilité de plein droit mise en œuvre par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 – démontrerait le contraire (ils se réfèrent à cet égard aux arrêts suivants : Cass. Crim., 22 décembre 1976, Bulletin no 379, p. 961 ; Cass. Crim., 8 juillet 1986, Bulletin no 233, p. 596).  La présomption de responsabilité mise en œuvre par ledit article serait donc bien irréfragable.  Ils rappellent que, d’après la jurisprudence de la Cour, l’article 6 § 2 de la Convention commande aux Etats d’enserrer les présomptions de fait ou de droit dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense ; or aucun enjeu répressif d’une gravité particulière ne militerait en faveur de la présomption dont il est question en l’espèce. Par ailleurs, si les requérant ne nient pas que la force majeur constitue un fait justificatif de droit commun susceptible de tempérer le caractère irréfragable d’une présomption de responsabilité, ils déclarent ne pas voir ce qui pourrait constituer un fait de force majeure déliant le directeur de publication de la responsabilité mise en œuvre par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.

34.   La Cour relève avec le Gouvernement que les requérants n’ont pas soulevé le présent grief dans le cadre de leur pourvoi en cassation. Il ressort cependant de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 décembre 1991 auquel se réfèrent les requérants (confirmé ensuite par l’arrêt – également cité par les requérants – du 23 février 2000) qu’antérieurement à l’introduction du pourvoi de ceux-ci, la haute juridiction avait jugé la présomption de responsabilité du directeur de publication prévue par l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 conforme au principe de la présomption d’innocence tel que consacré par l’article 6 de la Convention ; cet arrêt s’inscrit au demeurant dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle le directeur de publication est de droit pénalement responsable comme auteur principal, de tout article publié dans le journal qu’il dirige et dont le caractère diffamatoire est démontré (voir en particulier les arrêts de la chambre criminelle des 22 décembre 1976 et 8 juillet 1986, Bulletin 1976 no 379, p. 379 et Bulletin 1986, no 233, p. 596, respectivement). Or, le Gouvernement le souligne lui-même dans ses observations, s’agissant de la responsabilité pénale du directeur de publication, l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 « reproduit (...) un mécanisme juridique analogue à celui de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1981 » et met en œuvre la même présomption. Les requérants pouvaient donc légitimement déduire de la jurisprudence de la chambre criminelle qu’en l’espèce, un moyen de cassation fondé sur l’article 6 de la Convention  eût été voué à l’échec.

Rappelant que l’article 35 § 1 de la Convention exige l’épuisement des seules voies de recours effectives et propres à redresser la violation alléguée (voir, par exemple, Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A no 332, § 27), la Cour estime qu’il ne peut être reproché aux requérants de ne pas avoir préalablement soulevé le présent grief devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Partant, il y a lieu de rejeter l’exception.

Ceci étant, la Cour estime que cette partie de la requête soulève des questions de fait et de droit au regard de la Convention, qui nécessitent un examen au fond. Elle conclut en conséquence qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour estime qu’il y a lieu de la déclarer recevable.

4.Sur la recevabilité du grief tiré des articles 7 et 10 de la Convention combinés

35.  Invoquant les articles 7 (précité) et 10 (cité ci-après) de la Convention combinés, les requérants se plaignent de ce que la société requérante a été condamnée, au titre de la réparation du préjudice causé à la partie civile, à la diffusion d’un communiqué. Selon eux, une telle condamnation s’analyse en une « peine » non prévue par la loi et créée par le juge ; en conséquence, elle méconnaîtrait le principe de légalité des peines et constituerait une « ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’information et d’expression ».

36.  La Cour constate que la société requérante n’a pas fait l’objet d’une condamnation pénale, mais a été déclarée civilement responsable et condamnée à la diffusion du communiqué litigieux à titre de réparation civile. Il est clair que cette mesure n’a pas un objet punitif ; elle vise exclusivement à réparer le préjudice de la partie civile. Il ne s’agit donc pas d’une peine au sens de l’article 7 de la Convention, de sorte que cette disposition n’est applicable ni isolément ni en combinaison avec un autre article de la Convention ou des Protocoles.

Quant à la question de la compatibilité de cette mesure avec les exigences de l’article 10, la Cour entend la considérer dans le cadre de l’examen du grief développé par les requérants sur le terrain de cette disposition prise isolément.

Il résulte de ce qui précède que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5.Sur la recevabilité du grief tiré de l’article 10 de la Convention

37.  Les requérants dénoncent une violation de leur droit à la liberté de « communiquer des informations » résultant des sanctions et mesures prononcées contre eux par les juridictions internes. Ils invoquent l’article 10 de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

38.  Le Gouvernement convient qu’il y a eu en l’espèce « ingérence d’autorités publiques » dans l’exercice de la liberté d’expression des requérants. Il soutient en revanche que cette ingérence répondait au exigences du second paragraphe de l’article 10.

Il expose en premier qu’elle était « prévue par la loi ». La condamnation pénale des deuxième et troisième requérants se fonderait en effet sur les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 et l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982. Quant à la condamnation de la société requérante à la diffusion d’un communiqué au titre de la réparation du préjudice causé à la partie civile, elle découlerait de l’article 1382 du code civil relatif à la responsabilité délictuelle et d’une jurisprudence établie consacrant le pouvoir souverain des juges du fond quant au choix de la forme de la réparation, ceux-ci pouvant opter pour la réparation en nature ou la réparation pécuniaire (le Gouvernement se réfère aux arrêts suivants : Cass. 1ère civ., 14 mai 1962, Bulletin no 241 ; Cass. 2ème civ., 17 février 1972, Bulletin civ. II no 50 ; Cass. crim.  9 avril 1976, Bulletin no 108 ; Cass 3ème civ., 9 décembre 1981, Bulletin civ. II, no 209 ; Cass. 2ème civ., 11 octobre 1989, Bulletin no 177, Cass. soc., 25 janvier 1989, Bulletin civ., no 64, Cass. com., 5 décembre 1989) ; le Gouvernement soutient que ce type de mesure avait déjà été utilisée par les juridictions comme moyen de réparation dans le contexte de l’audiovisuel, faisant état d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 juin 1983 – dont il ne fournit cependant ni la copie ni les références – obligeant une chaîne de télévision à diffuser un communiqué.

Le Gouvernement ajoute que l’ingérence dénoncée visait à sanctionner et réparer un comportement attentatoire à la réputation et à l’honneur d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Il en déduit qu’elle poursuivait deux des buts légitimes énumérés au second paragraphe de l’article 10 : la protection de la réputation ou des droits d’autrui et la défense de l’ordre.

Le Gouvernement plaide enfin que, dans le chef des trois requérants, l’ingérence litigieuse était « nécessaire dans une société démocratique » : elle reposerait sur des motifs « suffisants et pertinents » au vu des buts poursuivis et serait proportionnée à ceux-ci. Sur le premier point, le Gouvernement expose que c’est à l’issu d’un examen minutieux de l’affaire et des arguments des parties que les juridictions internes ont conclu que les informations diffusées sur France Info portaient atteinte à l’honneur et à la considération de M. Junot ; en particulier, la condamnation de la société Radio France à diffuser un communiqué à titre de réparation civile serait adaptée aux circonstances de la cause et adéquate. Sur le second point, le Gouvernement déduit la proportionnalité des condamnations prononcées à l’encontre des deuxième et troisième requérant de la particulière gravité de l’atteinte portée à l’honneur et à la considération de M. Junot – le communiqué litigieux ayant été diffusé un grand nombre de fois sur une station très écoutée, et évoquant imprudemment des faits bruts non vérifiés et faisant le parallèle avec l’affaire Papon (ce qui démontrerait une prise de position) – et du caractère modéré des peines d’amende et dommages et intérêts prononcés. La condamnation de Radio France ne serait pas non plus exagérée : les juridictions internes auraient limité son obligation à la diffusion du communiqué litigieux toutes les deux heures pendant vingt-quatre heures (soit une douzaine de diffusions, à mettre en rapport avec la soixantaine de diffusions du message diffamatoire) ; le contenu dudit communiqué répondrait trait pour trait aux imputations diffamatoires diffusées sur les ondes de France Info. L’argument des requérants selon laquelle cette mesure aurait indûment réduit la surface éditoriale de France Info serait inopérante, l’information étant diffusée en continue sur France Info ; du reste, le fonctionnement de France Info dépendant de fonds publics, il ne saurait se trouver atteint par la diffusion d’une douzaine de messages sur vingt-quatre heures.

39.  Les requérants soulignent en particulier que dans l’arrêt Thoma c. Luxembourg du 29 mars 2001 (no 38432/97, CEDH 2001-III, § 64 ; également cité par le Gouvernement), la Cour a jugé qu’exiger de manière générale que les journalistes se distancient systématiquement et formellement du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers, les provoquer ou porter atteinte à leur honneur, ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un moment donné.

Ils exposent que les bulletins diffusés sur France Info précisaient que l’information qu’ils contenaient trouvait sa source dans l’hebdomadaire Le Point, et qu’à partir du 1er février 1997 11 h 04, ils indiquaient que M. Junot démentait les faits qui lui étaient imputés. Ils ajoutent que la question du rôle de l’Etat français dans les opérations de déportation pendant l’occupation de 1939 à 1944 est une question de société, d’intérêt général, qui se trouve « au cœur des débats contemporains », et soulignent que les bulletin litigieux ne visaient pas à porter préjudice à la réputation de M. Junot, mais à apporter un éclairage supplémentaire sur une période de l’histoire intéressant le public. Ils mettent en outre l’accent sur le fait que l’article publié dans Le Point auquel se référaient lesdits bulletins, s’appuyait sur une documentation sérieuse constituée par des notes de service rédigées par M. Junot, « qui faisaient ressortir sa participation aux opérations de maintien de l’ordre autour des camps au moment de la formation des convois de déportation ». Selon eux, dans ces circonstances, « la chaîne n’avait nulle obligation d’opérer une quelconque « distanciation » à l’égard de l’article du journal Le Point ».

Par ailleurs, les requérants contestent que la condamnation de la société Radio France à diffuser des messages relatant la condamnation des deuxième et troisième d’entre eux  était « prévue par la loi ». Ils soulignent que le pouvoir souverain des juges du fond quant au choix de la forme de réparation a pour corollaire l’absence de contrôle de la Cour de cassation, de sorte que les modalités d’une telle condamnation échapperaient à toute prévisibilité.

40.  La Cour estime que cette partie de la requête soulève des questions de fait et de droit au regard de la Convention, qui nécessitent un examen au fond. Elle conclut en conséquence qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour estime qu’il y a lieu de la déclarer recevable.

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs des requérants tirés des articles 7 § 1, 6 §§ 1 et 2 et 10 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

T.L. EarlyA.B. Baka
Greffier adjointPrésident

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CEDH, Cour (deuxième section), RADIO FRANCE et AUTRES c. la FRANCE, 23 septembre 2003, 53984/00