CEDH, Arrêt de Grande Chambre Athanassoglou et autres c. Suisse 06.04.00, 6 avril 2000

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 6 avr. 2000
Type de document : Communiqués de presse
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-68821-69289
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Sur les parties

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

257

6.4.2000

Communiqué du Greffier

ARRÊT DANS L’AFFAIRE ATHANASSOGLOU ET AUTRES c. SUISSE

Par un arrêt rendu à Strasbourg le 6 avril 2000 dans l’affaire Athanassoglou et autres c. Suisse, la Cour européenne des Droits de l’Homme dit, par douze voix contre cinq, que les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des Droits de l’Homme ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce.

1.Principaux faits

Les requérants, Andy Athanassoglou, Ursula Athanassoglou, Martin Schlumpf, Antoinette Schweickhardt, Claudius Fischer, Pius Bessire, Katharina Bessire et Claudia Rüegsegger, tous des ressortissants suisses, résident dans les communes de Villigen, Würenlingen, Böttstein et Kleindöttingen, situées dans la zone 1 entourant la tranche II de la centrale nucléaire de Beznau (canton d’Argovie).

Le 18 décembre 1991, la société privée qui exploite la centrale nucléaire depuis 1971, les Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse (Nordostschweizerische Kraftwerke AG – la « NOK »), demanda au Conseil fédéral (gouvernement) de reconduire l’autorisation d'exploitation pour une durée illimitée.

Le 28 avril 1992, plus de 18 400 recours, dont un grand nombre en provenance d’Allemagne et d’Autriche, avaient été déposés à l’Office fédéral de l’énergie. Dans leurs recours, les plaignants invitaient le Conseil fédéral à rejeter la demande de prolongation du permis d’exploitation et à ordonner la fermeture immédiate et définitive de la centrale nucléaire. Ils s’opposaient à la demande en question, eu égard aux atteintes à leurs droits à la vie, à l’intégrité physique et au respect de leurs biens qu’une telle prolongation risquait d’occasionner. Ils alléguaient que la centrale ne remplissait pas les normes de sécurité les plus modernes en raison de graves et irrémédiables défauts de construction et que son état entraînait un risque d’accidents supérieur à la normale.

Le 12 décembre 1994, le Conseil fédéral rejeta l’ensemble des recours pour défaut de fondement et accorda à la NOK une autorisation d’exploitation jusqu’au 31 décembre 2004.

2.Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 9 juin 1995. Après l’avoir déclarée recevable, la Commission a adopté, le 15 avril 1998, un rapport formulant l’avis qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 (quinze voix contre quinze avec la voix prépondérante du président en exercice) et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 (seize voix contre quatorze). L’affaire a été transmise à la Cour européenne des Droits de l’Homme le 1er novembre 1998.


L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre composée de 17 juges, à savoir :

Elisabeth Palm (Suédoise), présidente,

Luzius Wildhaber (Suisse),
Antonio Pastor Ridruejo (Espagnol),
Jerzy Makarczyk (Polonais),
Pranas Kūris (Lituanien),
Riza Türmen (Turc),
Jean-Paul Costa (Français),
Françoise Tulkens (Belge),
Viera Strážnická (Slovaque),
Marc Fischbach (Luxembourgeois),
Volodymyr Butkevych (Ukrainien),
Josep Casadevall (Andorran),
Boštjan Zupančič (Slovène),
Hanne Sophie Greve (Norvégienne),
András Baka (Hongrois),
Rait Maruste (Estonien),
Snejana Botoucharova (Bulgare), juges,

ainsi que Paul Mahoney, greffier adjoint.

3.Résumé de l’arrêt[1]

Griefs

Les requérants se plaignent de n’avoir pas disposé d’un accès effectif à un tribunal, contrairement à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. En outre, ils allèguent la violation de l’article 13 de la Convention en ce que, s’agissant de la décision de renouveler l’autorisation d’exploitation de la centrale nucléaire de Beznau II, ils n’auraient disposé d’aucun recours effectif, en droit interne, qui leur eût permis de dénoncer la violation de leurs droits à la vie et au respect de leur intégrité physique garantis par les articles 2 et 8.

Décision de la Cour

L’exception préliminaire du Gouvernement

Le Gouvernement soulève une exception préliminaire de non-épuisement des voies de recours internes. Comme devant la Commission, il fait valoir que les requérants auraient pu intenter une action fondée sur les dispositions du code civil. Bien que les décisions de délivrer une autorisation d’exploitation d’une centrale nucléaire soient insusceptibles de recours, les actions civiles liées au droit de propriété et de voisinage auraient permis à un tribunal, si les conditions avaient été remplies, de protéger ces droits. Il aurait été possible, par exemple, d’ordonner l’arrêt de la centrale nucléaire, même si une telle décision n’annulait pas l’autorisation elle-même.

La Cour estime que la thèse du Gouvernement est si étroitement liée à la substance des griefs des requérants sur le terrain de l’article 6 § 1 qu’il y a lieu de joindre l’exception au fond.

Article 6 § 1 de la Convention

La Cour estime que les faits ne permettent pas de distinguer le cas d’espèce de l’affaire Balmer-Schafroth et autres (arrêt du 26 août 1997, Recueil des arrêts et décisions, 1997-IV, p. 1346). On ne saurait affirmer que le nouveau rapport de l’Institut d’écologie appliquée (Öko-Institut – Institut für angewandte Ökologie e. V) de Darmstadt (Allemagne) soumis en l’espèce montre davantage que les avis d’experts présentés par les plaignants dans l’affaire Balmer-Schafroth qu’à l’époque des faits l’exploitation de la centrale de Beznau II exposait personnellement les intéressés à une menace non seulement sérieuse, mais également précise et surtout imminente. Les documents relatifs à la livraison ultérieure de combustible nucléaire à la centrale, que les requérants ont déposés de leur propre chef après la clôture de la procédure écrite, n’établissent pas, eux non plus, l’existence d’une telle menace. En conséquence, eu égard aux faits, la même conclusion s’impose en l’espèce à la Cour que dans l’affaire Balmer-Schafroth : le lien entre la décision du Conseil fédéral et les droits reconnus par l’ordre juridique interne et revendiqués par les requérants était trop ténu et lointain. La Cour a toujours considéré qu’un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu l’article 6 § 1.

D’ailleurs, dans leurs observations à la Cour, les requérants semblent admettre qu’ils ne se plaignent pas tant d’une menace précise et imminente les concernant personnellement que du danger général que présentent toutes les centrales nucléaires, et un grand nombre des arguments invoqués avaient trait à des aspects inhérents à l’utilisation de l’énergie nucléaire, tels que la sûreté, l’environnement et la technique. La Cour estime toutefois que c’est à chaque Etat contractant de décider, selon son processus démocratique, comment réglementer au mieux l’utilisation de l’énergie nucléaire. L’article 6 § 1 exige que toute personne ait accès à un tribunal lorsqu’elle a un grief défendable relatif à une ingérence prétendument illégale dans l’exercice de l’un de ses droits (de caractère civil) reconnus dans l’ordre juridique interne. En revanche, quant à la prolongation du permis et à l’exploitation de la centrale à l’avenir, il ne leur conférait aucun droit en dehors de ceux prévus par le code civil en matière de nuisances et d’expropriation de fait. Il n’appartient pas à la Cour d’examiner la question hypothétique de savoir si les recours prévus par le code civil auraient été suffisants pour répondre à ces exigences de l’article 6 § 1, comme le prétend le Gouvernement dans son exception préliminaire, dans le cas où les requérants auraient pu démontrer qu’ils se trouvaient personnellement exposés à une menace sérieuse, précise et imminente du fait du fonctionnement de la centrale nucléaire de Beznau II.

Dans ces conditions, il n’y a pas non plus lieu de statuer sur l’exception préliminaire du Gouvernement.

En résumé, l’issue de la procédure devant le Conseil fédéral était déterminante pour la question générale relative au renouvellement de l’autorisation d’exploitation de la centrale, mais cette procédure n’a pas « décidé » d’une contestation sur des « droits de caractère civil » – par exemple les droit à la vie, à l’intégrité physique et au respect des biens – que l’ordre juridique suisse conférait à chacun des requérants. Partant, l’article 6 § 1 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.


Article 13 de la Convention

La Cour vient de conclure que le lien entre la décision du Conseil fédéral et les droits à la protection de la vie, de l’intégrité physique et de la propriété reconnus par le droit interne et revendiqués par les requérants était trop ténu et lointain pour appeler l’application de l’article 6 § 1. Les raisons de ce constat amènent également à conclure, du fait d’un lien trop lointain, que les requérants n’ont démontré, quant à la décision du Conseil fédéral en tant que telle, l’existence d’aucun grief défendable de violation des articles 2 et 8 de la Convention et, en conséquence, d’aucun droit à un recours au titre de l’article 13. En résumé, comme dans l’affaire Balmer-Schafroth, la Cour estime que l’article 13 ne trouve pas à s’appliquer.

Les juges Costa, Tulkens, Fischbach, Casadevall et Maruste ont exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt.

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
Contacts :Roderick Liddell (téléphone : (0)3 88 41 24 92)
Emma Hellyer (téléphone : (0)3 90 21 42 15)
Télécopieur : (0)3 88 41 27 91

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée en 1959 à Strasbourg pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Le 1er novembre 1998 elle est devenue permanente, mettant fin au système initial où deux organes fonctionnant à temps partiel, la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme, examinaient successivement les affaires.


[1] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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