CJCE, n° C-407/85, Conclusions de l'avocat général de la Cour, 3 Glocken GmbH et Gertraud Kritzinger contre USL Centro-Sud et Provincia autonoma di Bolzano, 26 avril 1988

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 avr. 1988, 3 Glocken et Kritzinger, C-407/85
Numéro(s) : C-407/85
Conclusions jointes de l'Avocat général Mancini présentées le 26 avril 1988. # 3 Glocken GmbH et Gertraud Kritzinger contre USL Centro-Sud et Provincia autonoma di Bolzano. # Demande de décision préjudicielle: Pretura di Bolzano - Italie. # Affaire 407/85. # Procédure pénale contre Zoni. # Demande de décision préjudicielle: Pretura di Milano - Italie. # Affaire 90/86. # Libre circulation des marchandises - Pâtes alimentaires - Obligation de n'employer que du blé dur.
Date de dépôt : 9 décembre 1985
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61985CC0407
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1988:197
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61985C0407

Conclusions jointes de l’Avocat général Mancini présentées le 26 avril 1988. – 3 Glocken GmbH et Gertraud Kritzinger contre USL Centro-Sud et Provincia autonoma di Bolzano. – Demande de décision préjudicielle: Pretura di Bolzano – Italie. – Affaire 407/85. – Procédure pénale contre Zoni. – Demande de décision préjudicielle: Pretura di Milano – Italie. – Affaire 90/86. – Libre circulation des marchandises – Pâtes alimentaires – Obligation de n’employer que du blé dur.


Recueil de jurisprudence 1988 page 04233
édition spéciale suédoise page 00567
édition spéciale finnoise page 00577


Conclusions de l’avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Par ordonnance rendue le 31 octobre 1985 dans le cadre d’ une procédure engagée par l’ entreprise allemande 3 Glocken GmbH et par Mme Gertraud Kritzinger contre la province autonome de Bolzano qui les avait accusées d’ avoir enfreint certaines dispositions italiennes relatives au commerce des pâtes alimentaires, le pretore di Bolzano vous a posé, en application de l’ article 177, alinéa 2, du traité CEE, les questions suivantes :

a ) L’ interdiction … énoncée à l’ article 30 du traité CEE doit-elle être interprétée en ce sens qu’ elle exclut, en cas d’ importation de pâtes alimentaires, l’ application des dispositions italiennes … qui interdisent l’ emploi de farine de blé tendre dans la fabrication des pâtes alimentaires lorsque celles-ci ont été légalement produites et commercialisées dans un autre État membre …?

b ) En tout état de cause, l’ interdiction de discriminations arbitraires ou de restrictions déguisées dans le commerce entre les États membres visée à l’ article 36 …, doit-elle être interprétée en ce sens qu’ elle exclut l’ application des dispositions nationales précitées?

Le 19 mars 1986, appelé à statuer sur une infraction identique reprochée à M . Giorgio Zoni, le pretore di Milano a soulevé un problème analogue, mais en le formulant en des termes inverses . Il souhaite en effet savoir :

« si l’ article 30 et l’ article 36 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens que l’ obligation imposée par la législation d’ un État membre d’ employer exclusivement du blé dur dans la fabrication de pâtes alimentaires sèches destinées à être commercialisées à l’ intérieur du territoire de cet État membre doit être considérée comme légale, lorsqu’ il est constaté et prouvé que cette obligation :

a ) n’ a été imposée qu’ en vue de protéger les qualités supérieures des pâtes alimentaires fabriquées uniquement avec du blé dur;

b ) n’ entraîne aucune discrimination au détriment des produits, présentant les mêmes caractéristiques, provenant des autres pays membres ainsi qu’ à l’ égard des fabricants communautaires des mêmes produits étant donné que les fabricants nationaux sont eux aussi assujettis aux mêmes limitations;

c ) n’ a pas été introduite en vue de poursuivre des objectifs protectionnistes en faveur du produit national et au détriment du produit communautaire présentant les mêmes caractéristiques ."

Au cours des procédures devant la Cour ( 407/85 et 90/86 ), des observations écrites ont été présentées par les demanderesses au principal ( 3 Glocken, Kritzinger et Zoni ); la province autonome de Bolzano, partie défenderesse dans l’ affaire pendante devant le premier pretore; les parties civiles qui se sont constituées devant le deuxième pretore, c’ est-à-dire neuf entreprises italiennes productrices de pâtes, quatre associations d’ industriels en pâtes alimentaires dont une internationale ( le Durum Club ) avec la Fratelli Barilla SpA ( ci-après « Unipi et autres »), les confédérations nationales des cultivateurs directs, des cultivateurs et de l’ agriculture; les gouvernements français, italien et néerlandais; la Commission des Communautés européennes . A l’ audience, le gouvernement hellénique est intervenu avec les sujets que nous venons de citer, alors que la province autonome de Bolzano ne s’ y est pas présentée .

2 . L’ identité des questions que les deux juges posent nous conduit à les examiner conjointement . Il nous paraît cependant utile d’ exposer préalablement à cette analyse quelques considérations visant à la fois à libérer le litige qui vous est soumis de l’ image banalisante que certains observateurs en donnent et à mettre en évidence les réalités économiques et politiques sur lesquelles votre arrêt est destiné à avoir une incidence .

L’ image que nous évoquons est rapidement décrite . Le hasard a voulu que la législation italienne sur les pâtes alimentaires affrontât à Bolzano l’ examen de sa compatibilité avec l’ article 30 du traité de Rome à un moment assez peu propice, c’ est-à-dire alors que les médias retentissaient des protestations par lesquelles les brasseurs et les consommateurs allemands réagissaient au « défi » que la Commission avait osé lancer contre la qualité supérieure de la bière nationale en attaquant devant la Cour des règles de pureté remontant à l’ époque de Martin Luther . Il est inutile de vous rappeler comment cette rencontre s’ est achevée . L’ arrêt rendu le 12 mars 1987 dans l’ affaire 178/84 ( Rec . p . 1193 ) a affirmé, en application d’ une jurisprudence considérée désormais comme traditionnelle, que « en interdisant la commercialisation de bières légalement fabriquées et mises sur le marché dans un autre État membre ( mais ) … pas conformes ( aux dispositions du Biersteuergesetz relatif à la fabrication et à la dénomination de ce produit ) », la République fédérale avait manqué aux obligations que lui impose le traité .

L’ opération à laquelle nous avons fait allusion découle de ces circonstances . Sur le plan des intérêts en jeu et des deux imaginaires collectifs – ont considéré beaucoup de gens -, la bière est à l’ Allemagne ce que les spaghettis sont à l’ Italie, tant il est vrai qu’ on a semblé entendre dans les protestations avec lesquelles les Italiens ont accueilli l’ ordonnance du pretore di Bolzano l’ écho des allemandes . L’ affaire des pâtes est donc la réplique de l’ affaire de la bière et, une fois transférée du cadre judiciaire national à Luxembourg, elle ne peut qu’ aboutir au même résultat . Or, s’ il ne fait pas de doute qu’ il existe des analogies entre les deux affaires, elles présentent cependant également des différences, et il ne nous semble pas que les premières l’ emportent sur les secondes .

Observons d’ abord que nous nous situons ici dans le cadre d’ un renvoi préjudiciel pour l’ interprétation d’ une disposition communautaire, c’ est-à-dire – faut-il le rappeler – dans le cadre d’ une procédure différente de celle de l’ affaire 178/84 surtout en ce qui concerne l’ aspect des preuves et les effets que produit dans l’ un et l’ autre cas la chose jugée . Il est certain cependant que, même lorsqu’ elle intervient sur la base de l’ article 177, la Cour doit savoir sur quoi elle est en train de statuer . L’ application que le juge au principal fera de la disposition que la Cour a interprétée peut en effet avoir, et a souvent, une profonde influence réformatrice non seulement sur le système national considéré, mais également, comme ce pourrait être le cas en l’ espèce, sur celui d’ autres États membres, voire sur l’ ordre juridique communautaire .

D’ habitude, la Commission illustre pour la Cour, dans l’ accomplissement d’ une tâche qui a été définie comme celle de l’ amicus curiae, le contexte des problèmes juridiques et « métajuridiques » par rapport auquel elle devra apprécier la compatibilité communautaire de la disposition nationale litigieuse . Or, en l’ espèce, cette tâche est restée en substance inaccomplie . En vérité, il y a encore quelques semaines, l’ exécutif a fait savoir qu’ il n’ avait pas « attaqué l’ Italie devant la Cour tout en expliquant à la Cour elle-même, dans une affaire préjudicielle », qu’ à son avis, l’ interdiction italienne d’ importer des pâtes de blé tendre constitue « une restriction incompatible avec l’ article 30 CEE » ( Agence Europe, 19.3.1988, n° 4747, p . 11 ). Mais les choses ne se sont pas passées ainsi . Nous regrettons de devoir dire que, outre qu’ elle nous a tu les raisons pour lesquelles elle n’ a pas voulu emprunter comme dans l’ affaire de la bière la voie royale de l’ article 169, la Commission a été un mauvais amicus curiae . Trois adjectifs qualifient en effet ses explications : contradictoires, inexactes, lacunaires .

3 . Commençons par les contradictions . Intervenant dans l’ affaire 407/85, la Commission affirme que « l’ abandon total des réglementations » en la matière « en Italie, ( en ) France et ( en ) Grèce aurait comme conséquence une certaine substitution du blé dur par le blé tendre dans la fabrication des pâtes alimentaires dans ces pays » et, partant, « une augmentation des dépenses budgétaires communautaires dans ce secteur ». Elle n’ est donc nullement favorable « à l’ abandon total des réglementations dont il s’ agit » et souhaite que les États concernés n’ envisagent pas « une telle mesure radicale » ( souligné par nous ). En revanche, dans l’ affaire 90/86, l’ exécutif vous propose de statuer en ce sens que « l’ article 30 … s’ oppose à l’ extension par un État membre de l’ application aux produits légalement fabriqués et commercialisés dans un autre État membre de l’ obligation … d’ employer exclusivement du blé dur dans la fabrication de pâtes alimentaires sèches destinées à être commercialisées à l’ intérieur … de cet État ».

Or, de deux choses l’ une . L’ Italie, la France et la Grèce s’ inclinent devant l’ éventuelle décision d’ incompatibilité de la Cour, mais, se conformant au souhait de la Commission, laissent survivre à l’ égard des fabricants nationaux l’ obligation d’ utiliser uniquement du blé dur . Dans ce cas, il est évident que ces derniers feront l’ objet d’ une discrimination par rapport aux fabricants étrangers ou aux fabricants-importateurs parallèles de pâtes de blé tendre avec cette conséquence qu’ ils subiront, impuissants, la concurrence de ces pâtes . Ou bien, pour éviter un effet aussi inique, ces mêmes États suppriment l’ obligation précitée pour tous les fabricants, et nous assisterons alors à cette « certaine substitution » progressive du blé tendre au blé dur que la Commission prévoit – ou mieux, exorcise – dans la première des observations citées .

Passons aux inexactitudes . Dans ses observations dans l’ affaire 407/85, la Commission déclare qu’ entre le mois de juin de l’ année 1969 et le mois de février de l’ année 1970, le Comité économique et social et le Parlement ont rejeté sa proposition de directive relative au rapprochement des législations nationales concernant les pâtes alimentaires . La réalité est autre . Tout en suggérant certaines modifications et, en particulier, la prévision d’ un régime transitoire, le Comité a approuvé le projet, notamment – a-t-il souligné – parce que « les variétés actuellement connues de blé dur permettent d’ obtenir des pâtes dont les qualités techniques et organoleptiques sont reconnues supérieures » ( avis du 25 juin 1969, JO C 100, p . 11, deuxième considérant ). Le Parlement, en revanche, s’ est exprimé négativement, mais – et c’ est ce qui importe – par une appréciation limitée à la « forme actuelle » du projet et en demandant « avec insistance » un texte meilleur ( résolution du 2 février 1970, JO C 25, p . 14 ). La responsabilité pour l’ absence d’ une directive qui aurait éliminé le problème dont nous traitons ici ne peut donc pas être imputée à d’ autres organes, alors qu’ il y a lieu de reconnaître, comme nous le verrons par la suite ( point 10 ), que c’ est la Commission qui a, à un certain moment, abandonné l’ entreprise .

En outre, dans un autre passage des mêmes observations, l’ exécutif nous déclare que ses services sont en train de réexaminer « l’ introduction éventuelle d’ une ( nouvelle ) proposition de législation communautaire », compte tenu de l’ autosuffisance que la Communauté a atteinte dans le secteur du blé dur avec l’ adhésion de l’ Espagne et du Portugal . En réalité, il ressort des rapports de la Commission sur la situation de l’ agriculture européenne que, en ce qui concerne le blé dur, la Communauté a atteint l’ autosuffisance dès 1980-1981 . Ajoutons qu’ au cours de l’ année 1985-1986 ( la dernière pour laquelle on possède des statistiques ) le degré d’ auto-approvisionnement pour notre produit s’ est élevé à 122 %, après avoir atteint en 1984-1985 ( et donc à une époque antérieure à l’ adhésion des deux États ibériques ) le taux maximal de 133 %.

Venons en enfin aux lacunes . L’ institution n’ a fourni à la Cour aucune donnée statistique soit sur la production et sur le commerce communautaire, soit sur les exportations vers des pays tiers des pâtes alimentaires préparées respectivement avec du blé dur, du blé tendre ou un mélange des deux . Pourtant, il aurait été utile de savoir si la production communautaire des pâtes de blé tendre est en augmentation ou en diminution, quels États produisent cet aliment et s’ ils le destinent à la seule consommation intérieure ou également aux échanges intracommunautaires . Mais il y a plus . La Commission ne nous a pas rappelé que le 7 août 1987 – c’ est-à-dire trois mois avant l’ audience devant la Cour – le Conseil a approuvé ce qu’ il est convenu d’ appeler l’ arrangement CEE-USA sur les exportations de pâtes alimentaires communautaires aux États-Unis et a ainsi mis fin à la guerre commerciale que les États-Unis nous avaient déclarée en juin 1985 en mettant l’ embargo sur ces produits .

Cette réticence est particulièrement grave si on considère que l’ arrangement avait pour objet les pâtes produites uniquement avec du blé dur : étant donné, en effet, que la libéralisation sans discernement du commerce intracommunautaire des pâtes de blé tendre entraînerait une « certaine substitution » de ce dernier produit au blé dur, il faut se demander si cette conséquence peut mettre en péril le respect des obligations internationales que la CEE a prises à l’ égard de son plus important partenaire commercial . Il faut se le demander, en particulier, dans le cadre d’ une affaire qui a pour objet la loi italienne de pureté . En effet, l’ Italie – et la Commission n’ a pas non plus estimé utile de mentionner ce détail important – satisfait 99,9 % ( 1987 ) de la demande américaine de pâtes européennes .

Une quatrième et non moins cruciale omission vicie l’ analyse que la Commission consacre à la politique communautaire la plus récente en matière de blé dur . Pour en comprendre la portée, il est cependant nécessaire d’ émettre une remarque préliminaire d’ ordre général qui, d’ ailleurs, nous sera également utile par la suite .

Le rapport 1987 dresse de l’ agriculture européenne un tableau proprement catastrophique . Au cours des douze dernières années, affirme-t-on, les dépenses du FEOGA-Garantie ont augmenté de 122 %, alors que l’ accroissement de la production agricole n’ a été que de 22 %. En même temps, la pression que l’ accumulation des excédents exerce sur les prix à la production a fait diminuer la valeur ajoutée nette globale du secteur, empêchant ainsi que l’ impact positif des transferts budgétaires et des progrès de la productivité soit proportionnel à leur accroissement dans le temps . Loin de profiter aux agriculteurs, une proportion croissante des ressources allouées à l’ agriculture est en effet répercutée aux consommateurs, aux industries de transformation et, sous forme de restitutions, aux pays tiers importateurs . Le jeu combiné de ces facteurs – conclut le passage que nous citons ici – « a fait que le montant global des fonds publics octroyés à l’ agriculture … a atteint un niveau qui … est désormais pratiquement équivalent au revenu net du secteur » ( p . 15 ).

Or, la situation ainsi décrite a amené la Communauté à « revoir son approche » à l’ égard de l’ agriculture qui, dans ses grandes lignes, a « une politique rigoureuse des prix ». Sur notre plan – nous affirme la Commission – cette politique s’ est traduite, d’ une part, par la proposition qu’ elle a faite de rapprocher, pour la campagne 1986-1987, les prix d’ intervention du blé dur et du blé tendre en réduisant le premier de 4 %, d’ autre part, par l’ accueil positif que le Conseil a réservé à cette proposition . Ainsi, alors que le prix du blé tendre est resté inchangé aux environs de 180 écus par tonne, celui du blé dur a été abaissé à 299,60 écus ( règlement n° 1584/86, du 23 mai 1986, JO L 139, p . 42 ) puis réduit ultérieurement à 291,59 écus ( règlement n° 1901/87, du 2 juillet 1987, JO L 182, p . 42 ).

Mais – et c’ est sur ce point que la Commission se tait – le Conseil a fait beaucoup plus que réaliser un meilleur rapport de prix entre les deux types de froment . Ayant compris que les mesures en question auraient entraîné des problèmes graves et urgents ( concrètement, une réduction de revenu ) pour certaines catégories de producteurs ou pour certaines régions, il a décidé de les rendre acceptables par une mesure de signe opposé et d’ importance plus considérable encore . Le blé dur, comme on le sait, fait l’ objet d’ une aide communautaire dont la finalité est actuellement de « garantir un niveau de vie équitable pour les exploitants des régions … où cette ( culture ) constitue une partie traditionnelle et importante de la production agricole » ( règlement n° 1586/86, du 23 mai 1986, JO L 139, p . 45 ). De fait, le législateur de la Communauté a augmenté l’ aide d’ environ 20 %, en la portant de 101,31 écus par hectare en 1985 ( décision 85/329/CEE, du 28 juin 1985, JO L 169, p . 94 ) à 121,80 écus en 1987 ( règlement n° 1904/87, du 2 juillet 1987, JO L 182, p . 47 ).

Que dire après tout cela ? Nous sommes, semble-t-il, parvenu à un premier résultat . L’ affaire des pâtes est beaucoup plus complexe qu’ on ne l’ a fait apparaître à force de comparaisons hâtives, d’ imprécisions grossières et de silences énigmatiques . Disons plus : elle se distingue de toute autre affaire précédente en matière de libre circulation des marchandises, parce que la législation nationale litigieuse est le fondement sur lequel la Communauté édifie depuis vingt ans un aspect significatif de sa politique agricole et joue une partie de grande importance dans le cadre de son action commerciale extérieure . De tels éléments ne suffisent évidemment pas à rendre cette législation compatible avec l’ article 30 du traité . Mais il est également certain qu’ on ne pourra pas aboutir à un jugement d’ incompatibilité sans avoir soigneusement apprécié toutes les conséquences d’ ordre interne ( dans le double sens de national et d’ « endocommunautaire ») et international qu’ il engendrerait .

4 . Ces considérations générales étant faites, il est temps d’ examiner la législation en cause sans cependant entrer – les rapports d’ audience le font d’ une manière remarquable – dans ses détails multiples et complexes . Nous dirons alors que la loi n° 580 du 4 juillet 1967 est non pas du tout, comme la Commission l’ a définie à l’ audience, une simple « loi-recette », mais un large texte organique dans lequel est contenue toute la réglementation relative à « la transformation et ( au ) commerce des céréales, des farines, du pain et des pâtes alimentaires ». En particulier, les pâtes sont régies par des dispositions qui figurent au titre IV, des articles 28 à 36, et par certaines dispositions transitoires : l’ article 50, dont l’ alinéa 1 contient l’ interdiction qui fait l’ objet des deux questions préjudicielles, et l’ article 51 .

Aux termes de l’ article 28, on entend par « pasta di semola … di grano duro » ( pâtes de semoule … de blé dur ) les produits résultant de « l’ étirage, du laminage puis du séchage de pâtes préparées … exclusivement … avec de la semoule de blé dur et de l’ eau ». Les aliments dont on détermine ainsi la composition et la dénomination obligatoire sont les pâtes « sèches » que nous définirons comme standard; elles n’ épuisent donc pas la gamme des pâtes susceptibles d’ être légalement fabriquées . En particulier est autorisée la fabrication de a ) « paste speciali contenenti vari ingredienti » ( pâtes spéciales contenant divers ingrédients ) ( article 30 ); b ) « paste con l’ impiego di uova » ( pâtes préparées avec des oeufs ) ( article 31 ); c ) « paste dietetiche » ( pâtes diététiques ) ( article 32 ); d ) « paste alimentari fresche » ( pâtes alimentaires fraîches ) ( article 33 ).

Parmi ces produits, les deux premiers sont également secs : au moins en ce qui concerne la fabrication intérieure, ils doivent en effet être préparés uniquement avec de la semoule de blé dur et être commercialisés sous les dénominations « pasta di semola di grano duro » ( pâtes de semoule de blé dur ), suivie de la liste des ingrédients ajoutés ( par exemple, épinards ou artichauts : article 30, alinéa 2 ), et « pasta all’ uovo » ( pâtes aux oeufs ) ( article 31, alinéa 2 ). Pour la préparation des autres types, il est en revanche permis d’ utiliser des farines de blé tendre ( article 33, alinéa 3 ), et le gouvernement italien nous a fourni des éclaircissements de divers ordres sur les motifs de cette exception singulière . Le plus valable, à notre avis, est celui qui se fonde sur la multiplicité des lieux dans lesquels les pâtes fraîches sont préparées et sur la difficulté qui en résulte de vérifier si elles contiennent du blé tendre . En vérité, lorsque la loi n° 580 a été adoptée, l’ industrie des pâtes sèches et le réseau de distribution correspondant étaient encore limités . Dans les familles, dans les auberges de campagne et jusque dans les restaurants des villes, les pâtes – qui doivent être consommées dans la journée – étaient essentiellement « faites maison ». On utilisait pour ces fabrications domestiques ou artisanales la farine disponible sur les marchés qui, spécialement au nord, n’ était pas toujours tirée du blé dur .

« Pasta, tipi di pasta, paste » ( pâte, types de pâte, pâtes ): tous des mots, dira celui qui ne connaît pas parfaitement l’ Italie et sa langue, qui se réfèrent à la même chose . Au contraire, il n’ en est pas ainsi . Selon le « Dizionario enciclopedico Treccani », on entend par « pasta » non seulement « la pâte de farine, correctement remuée jusqu’ à la rendre ferme et compacte », mais également la pâte de « farine de froment ou de semoule non fermentée, qui, travaillée sous des formes diverses et séchée, constitue les différents types de pâtes alimentaires ». 'Pasta’ – « au singulier – précise cependant cette source autorisée – a en général une valeur collective, alors que le pluriel (' paste’ ) est employé dans l’ usage commercial presque uniquement pour indiquer un ensemble de divers types ou formes de pâtes . »

Relisons alors, à la lumière de ces explications, les textes des dispositions précitées . Nous nous apercevrons que la « pasta » ( la pâte ) de l’ article 28 est une dénomination commerciale générique, alors que les « produits » dont parle la même disposition en en imposant la préparation avec la seule « semoule de blé dur » et les « paste » ( les pâtes ) des articles 30 à 33 sont des dénominations des types de la pâte, c’ est-à-dire de la matière ou des matières avec lesquelles elle est préparée . Ajoutons que la première est obligatoire sur tout conditionnement de notre aliment et doit toujours être suivie des secondes . En effet, aux termes de l’ article 35, « les emballages ou les récipients doivent porter, en italien, … la dénomination et le type de la pâte … en caractères indélébiles et parfaitement lisibles ». Pour leur part, lesdites dénominations doivent être celles que prévoient les articles 28 à 33, elles doivent être apposées d’ un seul tenant et ne peuvent pas être accompagnées d’ autres qualifications ou de symboles susceptibles d’ induire l’ acheteur en erreur .

Il reste à établir ici, en ce qui concerne en particulier les pâtes sèches, quelle signification technique possèdent les termes auxquels la loi ne fait pas allusion comme « spaghetti », « vermicelli », « bucatini », « maccheroni », « rigatoni », « fusilli », « penne », « linguine », « orecchiette », « malloreddus », etc . A notre avis, il s’ agit de certaines des innombrables dénominations spécifiques des formes que la pâte peut revêtir . La loi les ignore précisément, parce que – au moins en Italie ( mais pas dans d’ autres pays, comme nous le verrons par la suite ) – leur nombre est illimité ou susceptible d’ être limité seulement par le tarissement de l’ imagination des fabricants de pâtes . Il était en somme impossible ou carrément dangereux, compte tenu de la confusion qu’ une telle réglementation aurait engendré pour les consommateurs, d’ obliger ces derniers à préciser, pour toute forme de pâtes la matière dont elles sont faites . Le législateur a considéré qu’ il valait mieux alors offrir aux acheteurs une information générique sur la nature de chaque produit en contraignant les fabricants à utiliser la seule dénomination type qui soit commune à toutes les formes de pâtes alimentaires sèches : celle de l’ article 28, c’ est-à-dire « pâtes de semoule de blé dur ».

Encore deux mots au sujet des objectifs que la loi poursuit . Le premier, sur lequel aucun des intervenants n’ a émis de doutes, est de préserver la qualité des pâtes et, partant, l’ intérêt du consommateur . On sait en effet que seules les pâtes préparées avec du blé dur ne deviennent pas collantes à la cuisson et arrivent dans les assiettes comme les Italiens les préfèrent : « al dente » ( et donc – comme le disait André Gide, Journal, 22 juin 1942 – « glissant des deux côtés de la fourchette »). La deuxième finalité est d’ ordre social . Le législateur de 1967 a voulu promouvoir la culture du blé dur qui dans certaines zones du Mezzogiorno constitue l’ unique production possible . En d’ autres termes, en obligeant les fabricants de pâtes à utiliser uniquement ce type de froment, on a voulu assurer à celui qui le cultive un débouché commercial constant et, par là même, un revenu sûr . Il y a lieu de signaler à cet égard que le blé dur n’ est pas utilisable pour l’ alimentation des animaux et, sous réserve d’ une faible production de couscous, est destiné uniquement à l’ industrie des pâtes alimentaires .

5 . Les principaux aspects et les objectifs de la législation italienne étant ainsi mis en lumière, il nous paraît utile d’ examiner l’ impact qu’ elle a eu sur le marché européen et, d’ une manière plus générale, l’ évolution qui a marqué, au cours de ces dernières années, la production et le commerce intracommunautaire des pâtes de blé dur . A cet égard, nous utiliserons les documents produits par l’ Unipi ( annexes n°s 5, 10, 17 ) et les chiffres publiés annuellement par l’ Istituto centrale di statistica italiano ( Istat ).

Trois ordres de données nous semblent particulièrement intéressants . Le premier se réfère à la seule année 1985 . Au cours de cette année, a ) la production communautaire de pâtes ( en général ) s’ est élevée à 2 316 000 tonnes, dont 71 % ( 1 650 000 tonnes ) fabriquées en Italie; b ) parmi les États membres qui ne possèdent pas de loi de pureté analogue à l’ italienne, l’ Allemagne a produit 209 000 tonnes, les Pays-Bas 32 000 tonnes, la Belgique et le Luxembourg 22 000 tonnes; c ) les mêmes quatre pays ont importé de la péninsule, respectivement, 278 692, 37 441 et 75 758 quintaux de pâtes de blé dur . Le deuxième groupe de données concerne la période 1967-1987 : si dans sa première moitié, c’ est-à-dire jusqu’ en 1976, les exportations annuelles de notre type de pâtes d’ Italie vers le reste du marché commun sont passées de 102 182 à 684 808 quintaux, elles ont atteint dans la seconde moitié la cote 1 680 686 quintaux . En d’ autres termes, au cours des vingt premières années d’ application de la loi n° 580, la quantité de pâtes de semoule que l’ Italie a exportée dans la CEE s’ est accrue de 1 645 %.

Voyons, enfin, le tableau des exportations de pâtes, d’ Italie vers les quatre États membres dont nous avons parlé, au cours des années 1981 et 1987 :

Comme on l’ observera, alors que les exportations de pâtes aux oeufs ( dont il n’ est pas possible de savoir si du blé tendre a également été utilisé pour leur fabrication ) enregistrent une régression due surtout à l’ Allemagne, celles des pâtes de blé dur augmentent partout et dans une mesure considérable . Pourquoi ce phénomène? Parmi les parties intervenantes, les associations des fabricants italiens de pâtes alimentaires l’ expliquent par la qualité supérieure de notre aliment, et le gouvernement de La Haye leur répond que, au moins dans certaines limites, la qualité est « une notion subjective sur laquelle peuvent exister, et ( de fait ) existent, des conceptions différentes » dans chaque État membre . Les préférences du consommateur « nordique », par exemple, vont notoirement aux pâtes produites avec du blé tendre .

Dans la mesure où elle s’ appuie sur une expérience millénaire – de gustibus non est disputandum -, l’ observation des Pays-Bas est pertinente . Les chiffres que nous avons reproduits démontrent cependant que les goûts ( même au niveau de la masse et, en particulier, de la masse des consommateurs néerlandais ) peuvent évoluer . Il est somme toute incontestable que les pâtes de blé dur sont en train de s’ imposer dans toute l’ Europe, et le législateur communautaire en a pris acte en adoptant des dispositions qui mettent en évidence sinon la meilleure qualité proprement dite, du moins certainement la différence substantielle de ces pâtes par rapport à celles fabriquées avec du blé tendre . Nous faisons allusion aux critères que la Commission a fixés pour le paiement de l’ aide en faveur du blé dur et pour la fixation du prix d’ intervention par rapport à l’ autre type de blé .

Plus précisément, il est prévu, d’ une part, que pour bénéficier de l’ aide communautaire, le durum doit « présenter des caractéristiques qualitatives et technologiques prouvant le caractère non collant à la cuisson de la pâte provenant de sa transformation » ( règlement n° 2835/77, du 19 mars 1977, JO L 327, p . 9 ); d’ autre part, l’ intervention a lieu uniquement si « la pâte obtenue ( du ) froment ( tendre ) ne colle pas lors du travail mécanique » ( règlement n° 1580/86, du 23 mai 1986, JO L 139, p . 34 ).

Il s’ agit, nous semble-t-il, de dispositions assez significatives . Sur le plan du blé dur, en effet, l’ octroi de l’ aide est subordonné à une condition « gastronomique » qui se rattache directement au choix fait par le consommateur . Entre la matière première et le caractère du produit fini se trouve ainsi établi un rapport très étroit qui permet de distinguer les pâtes de blé dur non seulement des pâtes de blé tendre, mais également des pâtes hybrides ou, pourquoi pas, de celles qui, bien qu’ elles soient fabriquées avec du durum, sont collantes à la cuisson ( nous songeons au froment dur cultivé dans des zones comme l’ Europe centrale et septentrionale, qui ne sont pas favorables, pour des raisons climatiques, au développement de cette céréale ). En revanche, dans le cas du blé tendre, la condition du caractère non collant vise une phase industrielle du produit et n’ a donc aucun rapport avec la consommation humaine .

6 . Les références que nous venons de faire à l’ aide et au prix d’ intervention pour le froment dur et tendre nous ramènent au sujet de la politique communautaire et aux dispositions relatives à l’ organisation commune des marchés dans le secteur des céréales . En résumé, et compte tenu de ce qui est déjà exposé à cet égard dans les rapports d’ audience, la situation actuelle du blé dur dans la Communauté peut être décrite comme suit .

a ) L’ approvisionnement est autosuffisant depuis quelques années, et environ 75 % de la production se concentrent dans la partie centrale et méridionale de l’ Italie .

b ) Les quantités vendues à l’ intervention sont importantes et en continuelle augmentation ( de 588 000 tonnes en 1985-1986 à 668 000 tonnes en 1986-1987; mais pour être complet, rappelons qu’ au cours de cette dernière année, les tonnages correspondants de blé tendre ont été de 1 690 000 ).

c ) Bien que l’ offre de blé dur soit excédentaire, la céréale est importée, dans une mesure croissante, de pays tiers dont surtout les États-Unis . Selon la Commission, les responsables de ce phénomène sont, d’ une part, les États communautaires du Centre-Nord, et, d’ autre part, les fabricants italiens . Les premiers, dont on sait qu’ ils ne produisent pas de durum ou en produisent très peu, préfèrent s’ approvisionner de ce produit sur les marchés extra-européens; les seconds l’ achètent non pas en raison d’ un manque de matière première mais uniquement pour des raisons de qualité . Il semble, en effet, que mélangé au blé dur européen, le produit américain confère aux pâtes « certaines caractéristiques de présentation ( couleur notamment ) requises par les consommateurs … ( et qui ne peuvent pas être obtenues ) par l’ ajout d’ additifs ou de colorants interdits par la loi » ( réponse de la Commission à une question de la Cour, p . 4 ).

Nous devons ajouter que ces informations s’ accompagnent d’ une observation et d’ une omission qui suscitent de nouveaux doutes sur la manière dont notre amicus curiae interprète son rôle . La Commission, en effet, paraît craindre que les importations des fabricants italiens menacent les intérêts des agriculteurs travaillant dans ce secteur, alors qu’ il est évident que, dans la mesure où elles répondent à un besoin « uniquement » esthétique, leur capacité de faire concurrence à la production communautaire est inexistante . En revanche, la Commission ne consacre pas un mot aux motifs qui conduisent les pays nordiques à importer du blé dur de l’ extérieur de l’ Europe, et elle ne nous explique pas pourquoi la Communauté n’ adopte pas des mesures aptes à limiter ou, à tout le moins, à mettre sous contrôle ces flux commerciaux .

d ) Les décisions de réduire progressivement l’ écart entre les prix d’ intervention des deux types de blé et de rendre plus rigoureux les critères d’ octroi de l’ aide au durum ( le caractère non collant à la cuisson ) paraissent surtout destinées à éviter « une extension des surfaces cultivées ( avec du blé dur vers ) le Nord ( de la Communauté ) … au détriment du blé tendre » ( observations de la Commission dans l’ affaire 407/85 ). Nous savons, cependant, que le Conseil a également prévu une augmentation de l’ aide, et il est évident qu’ en intervenant dans une situation de marché caractérisé par une offre abondante du produit en question, cette mesure a été imposée uniquement par des raisons d’ ordre social . En d’ autres termes, l’ aide, qui a été instituée pour promouvoir une production chroniquement déficitaire, répond aujourd’ hui à une exigence à la fois hétérogène et prioritaire par rapport à tous les impératifs qui commandent l’ action de la Communauté dans le secteur : garantir en tout cas aux agriculteurs de l’ Europe méridionale un niveau de vie équitable . Mais cela implique que, malgré la formidable croissance commerciale enregistrée au cours des vingt dernières années, l’ industrie des pâtes alimentaires ne constitue pas encore pour ces agriculteurs un débouché économique suffisamment stable et rémunérateur .

A la lumière de ces données, examinons les conséquences que comporterait, selon la Commission, une éventuelle révision des législations nationales de pureté sur le rapport durum-pâtes et sur le budget de la Communauté . L’ institution admet, en premier lieu, que l’ interdiction de commercialiser des pâtes contenant du blé tendre revêt une certaine importance tant pour l’ écoulement de la production de blé dur ( et donc pour les producteurs ) que, surtout, pour les dépenses grevant l’ organisation commune dans le secteur des céréales . En vérité, affirme-t-elle, « si la diminution de la consommation de blé dur ne se fait pas au détriment des importations, la partie de la production communautaire non utilisée devrait être exportée vers les pays tiers ( soit ) après un passage via les stocks d’ intervention, ( soit ) directement à partir du marché . Or, les possibilités d’ écoulement sur le marché mondial sont très limitées . Dans l’ hypothèse d’ une vente sur ce marché, les coûts budgétaires y afférents, calculés à partir des coûts d’ intervention et d’ exportation retenus pour le budget 1985, peuvent être estimés à environ 39 millions d’ écus ( si on admettait ) 10 % de blé tendre dans les pâtes et à environ 195 millions d’ écus dans l’ hypothèse d’ une incorporation de 50 % de blé tendre dans les pâtes » ( observations précitées, p . 9 ).

Ce sont, nous semble-t-il, des chiffres qui alarmeraient même le ministre des Finances du pays de Cocagne . Oubliant les propositions d’ assainissement exprimées dans le rapport de 1987 ( ci-dessus point 3 ), notre exécutif s’ empresse au contraire d’ observer que les producteurs de blé dur n’ ont rien à craindre de la suppression de l’ interdiction litigieuse, parce qu’ ils seront en tout cas protégés par l’ organisation commune au moyen de l’ aide et parce que ses services étudient des propositions législatives et des mesures structurelles nouvelles . Le fait est – ajoute-t-on cependant – que ces dernières ne verront pas le jour à brève échéance; c’ est pourquoi il sera utile qu’ en attendant leur adoption les États intéressés continuent d’ exiger des fabricants nationaux de pâtes le respect des règles de pureté .

Nous avons déjà relevé la contradiction que comporte cette manière de raisonner . Ajoutons ici qu’ elle révèle une ingénuité déconcertante : tout en étant consciente des ennuis qu’ elle risque de s’ attirer, la Commission invoque l’ application de l’ article 30, puis espère que quelque saint – une approbation rapide du Conseil et la bienveillance des États membres – intervienne pour lui tirer les marrons du feu . Mais les choses du monde se déroulent autrement . Ce qui compte dans des cas comme le nôtre, ce ne sont pas les bonnes intentions : ce sont les lois du marché et de la concurrence, surtout lorsque le produit que l’ on entend libérer est un produit de large consommation quotidienne et a une composition sur la nature effective de laquelle l’ acheteur peut être facilement induit en erreur .

Cherchons donc à ne pas nous cacher la tête dans le sable . Si le commerce communautaire des pâtes était libéré, nous aurions, d’ une part, d’ importants phénomènes d’ excédents et, par conséquent, des dépenses beaucoup plus considérables pour les fonds communautaires et, d’ autre part, dans les régions méridionales qui produisent la majeure partie du durum européen, la disparition du seul débouché commercial sur lequel les cultivateurs de ce froment peuvent compter . Ce dernier effet serait décisif : la politique communautaire du blé dur, construite et développée par le Conseil sur la base de l’ étroite interdépendance économique qui marque le rapport durum-pâtes, s’ en trouverait bouleversée comme à la suite d’ un tremblement de terre soudain et dévastateur .

Or, nous ne nions absolument pas qu’ une décision de cette portée – apte, répétons-le, à mettre sens dessus dessous le fonctionnement d’ un secteur agrico-commercial commun, un secteur qui, de surcroît, dans les années de la coexistence entre les législations nationales de pureté et les dispositions communautaires, a vu la CEE se transformer d’ importatrice en exportatrice nette de blé dur – puisse être justifiée au titre de valeurs plus élevées . Mais nous disons qu’ elle ne peut pas, comme le voudrait la Commission, être seulement « suivie » ou « accompagnée » de dispositions d’ adaptation ou de soutien . Une décision de ce genre doit être précédée d’ une réforme législative de grande envergure, ou s’ inscrire dans une telle réforme, qui pèse tous les intérêts en présence sur le marché du froment . Nous verrons par la suite selon quelles modalités et avec quel contenu .

7 . Le récent accord conclu entre la CEE et les États-Unis sur les exportations communautaires de pâtes vers ce pays fait également partie de la politique et de la réglementation communautaire en matière de blé dur . L’ événement trouve son origine en 1985 . Pour des raisons qu’ il est superflu d’ examiner ici, les Américains ont décidé, en violation des engagements pris dans le cadre du GATT, d’ appliquer des droits de douane additionnels à l’ importation des pâtes européennes . Et, « considérant que ces mesures causent un dommage considérable aux producteurs communautaires concernés » ( c’ est-à-dire les cultivateurs de blé dur et les fabricants de pâtes alimentaires ), le Conseil a réagi en augmentant les droits applicables aux exportations américaines d’ agrumes et de noix ( règlement n° 3068/85, du 27 juin 1985, JO L 292, p . 1 ). Les négociations ont duré plus d’ un an et ont été très difficiles . Finalement, soucieux de mettre un terme à un litige préjudiciable pour tous et dans le but « d’ éviter un nouveau conflit … à un moment particulièrement critique pour le régime des échanges internationaux », les parties ont conclu l’ arrangement le 15 septembre 1987 ( JO L 275 du 29.9.1987, p . 38 ).

En résumé, l’ accord prévoit que la Communauté exporte vers les États-Unis 50 % des pâtes dans le cadre de ce qu’ il est convenu d’ appeler le régime de « perfectionnement actif » ( règlement n° 1999/85, du 16 juillet 1985, JO L 188, p . 1 ) et sans verser de restitutions; en échange, une quantité proportionnelle de blé dur américain est admise en Europe en franchise de droits . Les 50 % restants sont exportés outre-Atlantique avec une restitution réduite d’ un pourcentage ( 27,5 %) que les parties s’ engagent à réexaminer en fonction des résultats obtenus par les clauses sur le perfectionnement actif ( articles 1er à 5 ). Enfin, « au cas où l’ une des parties prendrait des mesures contrecarrant les effets ou le fonctionnement ( de l’ )arrangement ou ne prendrait pas les mesures appropriées pour l’ application ( correcte ) de ce dernier, l’ autre partie aura le droit de mettre fin à l’ arrangement » ( article 11 ).

Or, nous ne pouvons pas savoir si nos partenaires américains verraient dans la libération sans discernement du commerce communautaire des pâtes une mesure apte à « ( contrecarrer ) les effets ou le fonctionnement » de l’ accord . Mais le bon sens nous conduit à estimer que, contraint d’ affronter dans leurs pays respectifs la concurrence des pâtes contenant du blé tendre et circulant aux seules conditions prévues par la directive sur l’ étiquetage, les producteurs européens de pâtes de blé dur n’ en resteraient pas là . Et il ne nous paraît pas déraisonnable de supposer que leur première réaction consisterait à réduire les coûts de fabrication en éliminant ou en diminuant l’ utilisation du durum américain, c’ est-à-dire d’ un ingrédient dont l’ unique finalité est de donner à la pâte une certaine couleur . D’ autre part, ils ne cesseraient certainement pas d’ exporter vers les États-Unis et, à ce stade, les termes de l’ échange qui est au centre de l’ arrangement se trouvant modifiés, la Communauté se verrait probablement reprocher la violation de ses engagements internationaux .

Une dernière observation d’ importance non négligeable, comme nous l’ avons dit au point 3, s’ impose . En 1986 et 1987, les exportations communautaires de pâtes vers les États-Unis se sont élevées, respectivement, à 534 680 et à 602 770 quintaux; sur ces exportations 526 992 et 600 021 quintaux étaient made in Italy .

8 . Nous venons de mentionner la directive du Conseil du 18 décembre 1978, 79/112, relative au rapprochement des législations concernant l’ étiquetage des denrées alimentaires destinées au consommateur final ( JO L 33, p . 1 ), et nous nous proposons d’ en examiner ici certains aspects . Disons d’ emblée que le sujet revêt une grande importance . Les règles par lesquelles cette source de droit garantit aux acheteurs la possibilité de connaître la nature et la composition des denrées en question se sont en effet révélées déterminantes sous un double aspect . D’ une part, c’ est sur la base de ces règles que la Cour a résolu toutes les affaires récentes de compatibilité communautaire des législations nationales sur la dénomination des aliments qui entravaient la circulation de produits analogues et légalement commercialisés dans d’ autres États membres . D’ autre part, ces règles ont permis à la Commission d’ affirmer que dans la mesure où elles apportent aux consommateurs une protection suffisante, une harmonisation des réglementations nationales en matière de composition et de fabrication des aliments n’ est plus nécessaire sauf pour des raisons de protection de la santé . En particulier, une nouvelle réglementation relative aux pâtes serait superflue, tant il est vrai que notre directive oblige déjà d’ informer le consommateur sur la nature des matières premières utilisées pour la fabrication du produit en les énumérant sur l’ étiquette (( communication au Conseil du 19 mars 1979, COM(79)128 final )).

Ce dernier point de vue ne nous convainc pas . Rappelons que, selon les intentions du législateur, l’ acte en question a seulement pour objet « d’ édicter les règles communautaires, à caractère général et horizontal, applicables à l’ ensemble des denrées alimentaires mises dans le commerce »; en revanche, « les règles à caractère spécifique et vertical, visant certaines denrées alimentaires …, doivent être arrêtées dans le cadre des dispositions régissant ces produits » ( troisième et quatrième considérants ). En ce qui concerne l’ objectif ainsi précisé, la règle générale commune est que « l’ étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas … être de nature à induire l’ acheteur en erreur, notamment … sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment sur la nature, l’ identité, les qualités, la composition … ( et ) le mode de fabrication » ( article 2 ). Les mêmes restrictions s’ appliquent en outre « à la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l’ aspect donnés à celles-ci ou à leur emballage, aux matériaux d’ emballage utilisés, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu’ à l’ environnement dans lequel elles sont exposées » ( souligné par nous ).

Parmi les mentions que l’ étiquette doit contenir figurent d’ abord la dénomination de vente et la liste des ingrédients ( article 3 ). La dénomination d’ une denrée alimentaire est celle « prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives qui lui sont applicables … ou une description de la denrée alimentaire … suffisamment précise pour permettre à l’ acheteur d’ en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue » ( article 5, paragraphe 1 ). Pour leur part, les ingrédients sont énumérés un par un « dans l’ ordre décroissant de leur importance pondérale au moment de leur mise en oeuvre » (( article 6, paragraphe 5, sous a ) )). Cette obligation – précise-t-on cependant au paragraphe 2, sous c ) – n’ est pas imposée si le produit est constitué « d’ un seul ingrédient ».

Voilà une première donnée qui plaide contre la thèse avancée par l’ exécutif dans la communication de 1979 . Le paragraphe 2, en effet, est applicable à toutes sortes de spaghettis, qu’ ils soient préparés avec du blé dur, du blé tendre ou du soja . Et, s’ il en est ainsi, la directive est bien loin de protéger le consommateur, au moins en ce qui concerne certains types de pâtes . Au contraire, elle risque de le laisser dans l’ incertitude ou carrément de l’ exposer à des fraudes sur la nature et l’ identité du produit . Nous songeons, par exemple, à M . van Dijk qui, comme nous l’ a expliqué le gouvernement de La Haye, préfère les pâtes fabriquées avec du blé tendre : un paquet de pâtes italiennes fabriquées uniquement avec du blé dur et portant sur la face principale de l’ emballage la dénomination de vente « spaghetti » ou « vermicelli », sans autres indications, serait conforme à la réglementation communautaire, mais, à moins que M . van Dijk soit un expert, trahirait son attente .

C’ est peut-être la raison pour laquelle le paragraphe 6 du même article 6 dispose que « les dispositions communautaires et, en leur absence, les dispositions nationales peuvent prévoir pour certaines denrées alimentaires que la mention d’ un ou plusieurs ingrédients déterminés doit accompagner la dénomination de vente » ( souligné par nous ). Reste cependant le fait qu’ une faculté (« peuvent ») n’ est pas une obligation, et c’ est au contraire d’ obligations – donc d’ une réglementation communautaire spécifique et rigide sur les dénominations – que notre secteur a besoin si l’ on veut que des produits à la fois similaires et différents comme le sont les pâtes de blé dur et de blé tendre circulent librement dans le marché commun, sans porter atteinte aux intérêts des consommateurs ou à d’ autres exigences impératives de caractère national ou international . D’ ailleurs, dans d’ autres secteurs et face à des problèmes analogues, une réglementation de ce genre a déjà été adoptée . Nous songeons en particulier à un produit européen aussi connu que les spaghettis italiens : le champagne français .

9 . En matière de champagne, il existe en effet un acte communautaire – le règlement du Conseil n° 3309/85, du 18 novembre 1985 ( JO L 320, p . 9 ) – qui permet au consommateur de ne pas confondre ce vin avec les vins mousseux produits en appliquant la même méthode, mais dans des zones de la Communauté différentes de la région homonyme de France . Les experts ont compris que, en ce qui concerne les désignations de ces boissons, il y avait lieu de distinguer « entre les indications obligatoires nécessaires pour l’ identification d’ un vin mousseux … et les indications facultatives tendant plutôt … à l’ individualiser suffisamment par rapport aux autres produits de la même catégorie qui entrent en compétition sur le marché » ( troisième considérant ). A cette fin, les producteurs qui n’ opèrent pas en Champagne se sont vus imposer une interdiction de se référer directement ou indirectement à la méthode d’ élaboration dite « méthode champenoise », bien que cette mention soit utilisée depuis longtemps et qu’ elle soit même réglementée dans certains États membres ( Italie, République fédérale d’ Allemagne ). Ajoutons que, précisément pour cette dernière raison, l’ interdiction a été rendue applicable à partir de 1994, c’ est-à-dire à l’ issue d’ une période correspondant à « huit campagnes viticoles » ( article 6, paragraphe 5, alinéa 3 ).

Un mois environ après l’ adoption du règlement, la disposition que nous venons de citer a été attaquée comme étant « discriminatoire » par une entreprise allemande de vin mousseux ( affaire 26/86, Deutz/Conseil, tranchée par arrêt du 24 février 1987, Rec . p . 941 ). La Commission, intervenue dans la procédure au soutien du Conseil, a cherché à défendre la disposition en affirmant que « il aurait été difficile de s’ accorder pour laisser un grand nombre de producteurs de vin mousseux de la Communauté utiliser ( la mention ) 'méthode champenoise’ … Ainsi, même si … l’ utilisation de ( cette ) expression … n’ avait juridiquement pas présenté d’ inconvénients jusqu’ à présent, des raisons d’ intérêt général suffisantes militent en faveur de l’ entrée en vigueur de l’ interdiction à partir de 1994 » ( mémoire d’ intervention, p . 9, souligné par nous ).

Il s’ agit d’ expressions ambiguës dans la mesure où elles ne permettent pas de comprendre s’ il est fait allusion aux « raisons d’ intérêt général » pour justifier l’ interdiction de faire référence à la « méthode champenoise » ou pour expliquer le renvoi de son entrée en vigueur au terme d’ une longue période transitoire . Nous dirons alors que ce délai a répondu à la double exigence de permettre l’ écoulement des vins mousseux déjà étiquetés avec les mentions proscrites et d’ habituer les acheteurs aux nouvelles désignations . Quant, ensuite, à l’ interdiction, les raisons qui ont conduit à l’ imposer ont été de trois ordres : empêcher, comme nous l’ avons déjà dit, que les consommateurs soient induits en erreur, protéger les viticulteurs de la Champagne et – voir le neuvième considérant – assurer le respect des « obligations internationales de la Communauté et des États membres en matière de protection des appellations d’ origine ou d’ indications de provenance géographique des vins ».

Malheureusement, dans l’ affaire 26/86, le Conseil et la Commission n’ ont pas précisé le contenu de ces « obligations », et nous ne sommes pas parvenus à en trouver trace dans la législation en vigueur . Mais aux fins de l’ espèce présente, ce contenu est sans intérêt . Ce qui revêt en revanche de l’ intérêt c’ est que la Communauté invoque ses engagements internationaux pour aller au-delà des règles générales d’ une directive « horizontale », comme l’ est l’ acte du 18 décembre 1979, et arrêter une réglementation fondée sur une interdiction spécifique et très incisive . Nous savons en effet que des obligations analogues existent également dans notre secteur, et s’ il est vrai qu’ elles ne concernent pas, au moins directement, la désignation des pâtes, il n’ en est pas moins vrai que leur présence et les raisons pour lesquelles elles ont été assumées devraient conduire le législateur de Bruxelles à accomplir, mutatis mutandis, un saut de qualité analogue .

La raison en est évidente . Nous avons déjà dit que, dans la mesure où elle est de nature à modifier considérablement le rapport de concurrence actuel entre les pâtes de blé dur et les pâtes de blé tendre, une éventuelle abrogation des lois de pureté pourrait avoir des effets négatifs sur les échanges communautaires ( concrètement, italiens ) en provenance et à destination des États-Unis, avec cette conséquence supplémentaire de faire éclater – ou à tout le moins, aurait dit M . Foster Dulles, d’ exposer à une « agonizing reappraisal » – un accord que la CEE a imposé aux Américains pour défendre les producteurs de blé dur et de pâtes . Or, comment éviter un tel malheur sinon en réglementant l’ ensemble du secteur des pâtes, de la matière première au produit fini, par des règles qui associent la protection des opérateurs intéressés et des consommateurs avec la liberté de circulation des marchandises?

On objectera qu’ on ne saurait envisager une analogie entre pâtes et vins mousseux ou entre les problématiques correspondantes en matière de désignation . « méthode champenoise », a soutenu la Commission dans l’ affaire 26/86, est une dénomination de provenance géographique, alors que « spaghetti » ne l’ est pas . En outre, « spaghetti », a-t-elle expliqué en intervenant dans l’ affaire Zoni, est un terme d’ utilisation courante dans la langue allemande et n’ évoque donc pas l’ idée d’ un produit d’ origine italienne . Il est facile de répliquer a ) que, au sens du règlement n° 3309/85, « méthode champenoise » est non pas une appellation d’ origine, mais une « mention relative à une méthode d’ élaboration » des vins mousseux; b ) que « spaghetti », terme italianissime, a été repris par le lexique allemand et par celui de toute autre langue communautaire, simplement parce que, comme « champagne », il exprime une réalité intraduisible . D’ autre part, nous sommes convaincu que, en le lisant sur un quelconque paquet de pâtes, MM . Schmidt et van Dijk l’ associent non pas à l’ image d’ une « Bierstube » ou d’ un moulin à vent, mais plutôt au brouhaha d’ un restaurant romain ou au son d’ une guitare sur fond de Vésuve .

Nous n’ entendons pas, en tout cas, nous étendre sur une question discutable et d’ importance mineure . Pour conclure sur ce point, il nous importe, en revanche, de souligner deux circonstances : a ) en ce qui concerne la désignation des vins mousseux, le Conseil s’ est substitué aux États membres en décidant, compte tenu également des obligations internationales contractées par la Communauté, de fermer définitivement le marché commun aux vins mousseux produits au moyen de la « méthode champenoise » et, par conséquent, d’ interdire l’ utilisation de cette mention aux nombreux fabricants communautaires qui y recourent traditionnellement; b ) en prenant cette décision, il a jugé indispensable d’ accorder aux législateurs nationaux un long laps de temps pour modifier leurs dispositions en la matière .

Or, dans l’ espèce présente, la Commission se propose d’ obtenir immédiatement le résultat opposé . Plus précisément, elle veut libérer deux activités économiques ( la production et le commerce des pâtes ) qui sont régies par des dispositions nationales de pureté que la Communauté accepte depuis vingt ans, et, ce qui importe le plus, elle prétend le faire sans adopter les contre-mesures nécessaires en vue a ) de protéger les consommateurs, les cultivateurs de blé dur et les fabricants de pâtes qui emploient uniquement ce genre de céréales; b ) d’ éviter que les ressources financières de la Communauté soient épuisées par les contrecoups de la réforme; c ) de garantir l’ exécution des engagements que la Communauté a pris à l’ égard des États-Unis . Quels qu’ en soient les motifs, il est difficile de concevoir une ligne plus éloignée de la politique qui a été suivie dans le cas des vins mousseux .

10 . Avant de conclure les propos que nous avons développés jusqu’ ici, il reste à examiner un argument connexe à celui dont nous venons de traiter : le contenu et le sort de la proposition de directive en matière de pâtes alimentaires que la Commission a présentée le 7 novembre 1968 ( JO C 136, p . 16 ).

L’ initiative, rappelons-le, a eu pour origine une raison unique et bien précise : les différences entre les législations nationales en matière de composition, de dénomination, d’ étiquetage et d’ emballage des pâtes qui – a affirmé l’ exécutif dans le deuxième considérant – « entravent la libre circulation ( de ces produits, parce qu’ elles ) créent ( sur le marché ) des conditions de concurrence inégales ». Il était donc nécessaire de les harmoniser . A cette fin, ont été fixés deux critères – « la nature et la qualité des semoules » et « le choix de dénominations différenciées en fonction de la composition des pâtes » – sur la base desquels la Commission a proposé de garantir la libre circulation aux seules pâtes fabriquées avec du blé dur en leur réservant cinq dénominations (« pâtes alimentaires de qualité supérieure », « pâtes alimentaires », etc .). Les autres pâtes, en revanche, pouvaient être produites et commercialisées, mais seulement à l’ intérieur des États membres intéressés .

Comme nous l’ avons mis en évidence au point 3, la proposition a été approuvée par le Comité économique et social – qui a d’ ailleurs suggéré à la Commission d’ instituer un régime transitoire comportant « des normes relatives à la dénomination et à l’ étiquetage, en vue de garantir au consommateur une information correcte » – et rejetée par le Parlement . L’ Assemblée a justifié sa décision en observant que le projet ne tenait compte ni de la donnée essentielle qu’ est la protection des acheteurs, ni des goûts des populations qui consomment des pâtes obtenues uniquement à partir du blé tendre . Sa commission juridique a renchéri en affirmant que le texte qui lui était soumis ne faisait pas clairement apparaître si, outre les cinq que nous avons mentionnées, « les dénominations d’ usage courant dans le commerce telles que spaghetti, macaroni, pâtes à potage, etc . » étaient protégées . Elle a donc recommandé à l’ exécutif de clarifier ce point « et éventuellement de modifier ( sa ) formulation ».

Ce rejet et celui du Conseil qui en est résulté ( novembre 1970 ) a été suivi de neuf années de silence, dont la Commission est sortie ( mars 1979 ) pour retirer la proposition en constatant « qu’ il était irréaliste de s’ attendre à ce qu’ une solution intervienne notamment en ce qui concerne le choix des matières premières » ( observations dans l’ affaire 407/85, p . 6 ). Dans sa communication, l’ institution a en outre précisé que « le secteur des pâtes … est ( en tout cas ) régi par les nouvelles dispositions relatives à l’ étiquetage des denrées alimentaires en général . En vertu de celles-ci, les pâtes … destinées au consommateur final devront … comporter une liste des ingrédients qui permettra à l’ acheteur de connaître la nature des matières premières utilisées ». Or, nous connaissons cet argument et nous avons déjà mis en évidence sa fragilité . Cependant, il y a lieu d’ ajouter ici qu’ en l’ avançant, l’ exécutif a oublié non seulement l’ article 6, paragraphe 2, de la directive 79/112 (( selon lequel, comme on s’ en souviendra, l’ indication des ingrédients n’ est pas obligatoire lorsque les produits sont « constitués d’ un ( seul ) ingrédient »)), mais également la critique que lui a adressée la commission juridique du Parlement en ce qui concerne les « dénominations d’ usage courant des pâtes », et même le texte de son ancien projet .

Lisons en effet l’ article 5 de ce dernier . Les États membres – dispose le paragraphe 1 – « prennent toutes dispositions utiles pour que les produits énumérés à l’ annexe ne puissent être commercialisés que si leur emballage porte les indications suivantes, bien visibles, clairement lisibles et indélébiles : la dénomination qui leur est réservée ( comme »pâtes alimentaires de qualité supérieure« , évidemment fabriquées uniquement avec du blé dur ) suivie ou non de l’ indication du format ( par exemple, spaghetti ou vermicelles ), à l’ exclusion de tout autre, en caractères de dimensions au moins égales aux autres indications ». Les mêmes États – poursuit le paragraphe 2 – « peuvent interdire le commerce des produits énumérés à l’ annexe si les indications obligatoires prévues au paragraphe 1, sous a ), … ne figurent pas dans leurs langues nationales sur l’ une des faces principales de l’ emballage » ( souligné par nous ).

Comme on le voit, la Commission de 1968 avait compris, au moins in nuce, que le commerce intracommunautaire des pâtes comporte une exigence à laquelle on ne saurait renoncer : la dénomination générique « pâtes alimentaires de qualité supérieure » ( qui indique la matière première, le blé dur ) et la dénomination spécifique « spaghetti » ou « vermicelles » ( qui se réfère à la forme des pâtes ) doivent figurer conjointement sur les emballages . En outre, elle avait exigé que ces indications obligatoires fussent apposées sur la face la plus visible de l’ emballage, en habilitant les autorités nationales à interdire l’ entrée de produits répondant aux conditions communautaires requises en matière de composition, mais n’ étant présentés de la manière précitée . Tout cela, au contraire, n’ a pas été compris ou a été oublié par la Commission de 1987 . Pourtant – nous nous en rendrons compte sous peu – il s’ agit d’ un point crucial qui devra, plus que tout autre, constituer le fondement de votre réponse aux deux juges au principal .

11 . Une remarque préalable à l’ examen au fond . Les questions qui vous sont posées trouvent leur origine dans le fait qu’ à Bolzano et Milan les autorités de contrôle ont trouvé dans le commerce de Mme Kritzinger et chez M . Zoni des pâtes importées de la République fédérale d’ Allemagne, mais fabriquées à partir d’ un mélange de blé tendre et de durum et ne pouvant donc pas être commercialisées en Italie conformément à la loi n° 580 . Il ressort des dossiers des deux affaires que les pâtes du fabricant 3 Glocken ( affaire 407/85 ) sont contenues dans des sachets de matière transparente et incolore . Sur la face antérieure figure l’ inscription bilingue "Nudelmeister’ s Nudeln aus Weichweizen + Hartweizen / Pasta di grano tenero + grano duro ". Sont en outre indiqués le poids net, le temps de cuisson, le nom et le siège du fabricant . La liste des ingrédients est reportée sur la face postérieure de l’ emballage . Selon les parties demanderesses au principal, cette présentation satisfait aux dispositions de la directive 79/112 .

L’ étiquette examinée par le pretore di Milano ( affaire 90/86 ) est en revanche rédigée uniquement en allemand, et on peut y lire les mots « Attraktiv und preiswert . Frischei-Teigwaren . Spaghetti mit hohem Eigehalt » ( Intéressant et bon marché . Pâtes alimentaires aux oeufs frais . Spaghetti à haute teneur en oeufs ). La Commission estime que cet emballage n’ est pas conforme à la directive 79/112 : en effet, la langue dans laquelle l’ étiquette est rédigée « n’ est pas facilement comprise par les acheteurs de Milan » et « la liste des ingrédients, qui se borne à indiquer »farines de blé et oeufs frais« , pourrait être considérée comme insuffisante pour informer le consommateur sur la nature du produit dans un pays où les pâtes alimentaires sèches sont fabriquées exclusivement avec du blé dur ». Toutefois, on ne sait pas si la mention « pâtes aux oeufs frais » – et nous soulignons « frais » – est conforme aux dispositions allemandes sur la dénomination des pâtes alimentaires .

12 . Nous en arrivons ainsi au fond . Disons d’ emblée que Mme Gertraud Kritzinger, la société 3 Glocken, Giorgio Zoni, le gouvernement néerlandais et la Commission vous proposent de répondre comme suit aux questions des deux pretori : l’ article 30 du traité CEE ne permet pas à un État membre d’ imposer l’ obligation d’ utiliser uniquement du blé dur dans la fabrication des pâtes alimentaires sèches destinées à être commercialisées dans cet État et cela, même si cette obligation a été imposée dans le seul but de protéger la qualité supérieure des pâtes de blé dur, n’ entraîne pas de discriminations et ne poursuit pas des objectifs protectionnistes . La province autonome de Bolzano, les parties civiles qui se sont constituées devant le pretore di Milano, les gouvernements italien, français et hellénique se prononcent dans le sens contraire . A leur avis, les exigences de protection des consommateurs et de loyauté des échanges commerciaux conduisent à exclure l’ incompatibilité de l’ obligation précitée avec l’ article 30 .

Nous estimons que les deux conclusions se heurtent à des obstacles insurmontables . La première part de la conviction que les dispositions de la directive 79/112 satisfont déjà à l’ exigence de protection du consommateur : en vérité, elles fourniraient à l’ acheteur italien toutes les informations qui lui sont nécessaires sans entraver, comme le fait au contraire la loi n° 580, la circulation des pâtes légalement fabriquées dans d’ autres États selon des recettes différentes de celle qui est prescrite en Italie . Mais, cette thèse est-elle fondée?

Nous savons que le noeud du problème est d’ établir quelles sont les dénominations dont le consommateur a besoin pour reconnaître facilement l’ identité et la nature des pâtes que l’ on peut trouver sur le marché, et il n’ est pas inutile à cet égard de rappeler l’ arrêt rendu le 10 décembre 1980 dans l’ affaire 27/80, Fietje, Rec . p . 3839 : « Si, affirme-t-il, une réglementation nationale concernant un produit déterminé comprend l’ obligation d’ utiliser une dénomination suffisamment précise pour permettre à l’ acheteur de connaître la nature du produit et de le distinguer des produits avec lesquels il pourrait être confondu, il peut … être nécessaire, pour donner aux consommateurs une protection efficace, d’ étendre cette obligation … aux produits importés, même de manière à imposer la modification des étiquettes originaires de certains ( d’ entre-eux ) …. Cependant, la nécessité d’ une telle protection n’ existe plus lorsque les indications portées sur l’ étiquette originaire du produit importé ont un contenu informatif, quant à ( sa ) nature …, qui comporte au moins les mêmes informations et qui est aussi compréhensible pour les consommateurs de l’ État importateur » ( souligné par nous ).

Or, voilà précisément le point qui importe . Pour nous exprimer avec les termes que nous venons de citer, la difficulté du cas considéré consiste à établir ce que les adversaires de la loi n° 580 tiennent pour acquis : c’ est-à-dire qu’ il s’ agit de savoir si la directive 79/112 garantit effectivement aux consommateurs italiens et communautaires un « contenu informatif » quant à la nature et à l’ identité du produit qui lui permette d’ effectuer, en ce qui concerne des pâtes de compositions différentes, un choix en pleine connaissance de cause . Ainsi que cela ressort des résultats auxquels nous sommes parvenu sous le point 8, et comme nous le verrons mieux par la suite, la réponse ne peut être que négative .

Une erreur plus grave encore doit ensuite être reprochée aux partisans des dispositions italiennes, à savoir celle d’ être partis de l’ idée que les pâtes de blé dur sont de qualité supérieure et doivent donc être protégées, également sur le plan communautaire, par le seul moyen approprié à l’ objectif, c’ est-à-dire en interdisant l’ utilisation d’ autres céréales . Certes, sous l’ angle social et économique, les niveaux atteints par le commerce mondial des pâtes de blé dur confèrent à la thèse en question un incontestable air de vérité . Mais le juge travaille sur la base des dispositions et, à ses yeux, tant que le droit communautaire n’ aura pas sanctionné la supériorité de ces pâtes, les autres bénéficieront également du droit de cité et de circulation .

Si ces observations sont exactes, il nous paraît superflu d’ exposer les arguments avancés pour démontrer la compatibilité communautaire de la loi n° 580 . L’ arrêt sur la bière allemande les a en effet rendus obsolètes . Ou mieux, les a tous écartés, sauf un : celui qui sauve la loi précitée en la présentant comme essentielle à la politique commune en matière de blé dur . L’ interdiction d’ employer d’ autres céréales – dit-on – répond à une exigence péremptoire de caractère communautaire, et son abrogation anéantirait tous les progrès que la Communauté a accomplis au cours des vingt dernières années tant en ce qui concerne la production du durum qu’ en faveur des agriculteurs qui le cultivent . Sur le plan financier, ensuite, la disparition d’ un débouché commercial sûr pour notre type de froment entraînerait un important accroissement d’ excédents dont les coûts d’ absorption grèveraient lourdement les ressources de la Communauté .

Il s’ agit, comme nous l’ avons vu, de considérations sacro-saintes partagées de surcroît par les experts de la Commission . Toutefois, il y a lieu d’ exclure qu’ elles suffisent à rendre l’ obligation de pureté compatible avec le principe de l’ article 30 . A propos des excédents, notamment, on peut rappeler ce que la Cour a affirmé en réponse à un moyen analogue que le gouvernement français avait soulevé en matière de succédanés du lait : « … les produits laitiers sont soumis à une organisation commune de marché, destinée à stabiliser le marché laitier notamment par le recours à des mesures d’ intervention . Il ressort d’ une jurisprudence constante … que, dès lors que la Communauté a établi une ( telle ) organisation … dans un secteur déterminé, les États membres sont tenus de s’ abstenir de toute mesure unilatérale qui rentre de ce chef dans la compétence de la Communauté . Il incombe donc à la Communauté et non à un État membre de rechercher une solution à ce problème dans le cadre de la politique agricole commune » ( arrêt du 23 février 1988 dans l’ affaire 216/84, Commission/République française, Rec . p . 0000, point 18 des motifs, souligné par nous ).

S’ il ne suffit pas à atteindre l’ objectif pour lequel il a été avancé, l’ argument tiré de la supériorité des pâtes préparées avec du blé dur peut cependant servir une fin différente . En d’ autres termes, il peut mettre en évidence le fait que si elle entend réellement libérer le commerce des pâtes, la Communauté doit fixer les conditions juridiques d’ un régime apte à protéger la désignation et la présentation de ces produits . Ce n’ est en effet que sur la base de telles dispositions que les consommateurs communautaires pourront continuer de préférer les pâtes de blé dur; tous les consommateurs, et donc également ceux du Nord qui, tout en ayant démontré qu’ ils s’ orientent de plus en plus vers ces pâtes, sont pour d’ évidentes raisons les moins préparés à les reconnaître .

13 . Nous avons évoqué précédemment l’ arrêt sur la bière . Et ne fût-ce que parce qu’ il constitue une synthèse magistrale de votre jurisprudence en la matière, nous entendons engager sur la base de celui-ci le discours qui nous amènera à vous proposer comment répondre aux questions des juges a quibus . Le gouvernement allemand – on s’ en souviendra – avait soutenu que l’ obligation de pureté imposée par l’ article 10 du Biersteuergesetz est indispensable à la protection du consommateur national, parce que dans l’ esprit de celui-ci, la dénomination « Bier » est indissociable de l’ image d’ une boisson fabriquée avec les seuls ingrédients prescrits par la loi . La Cour lui a répliqué en des termes qu’ il est utile de reproduire intégralement :

« En premier lieu, a-t-elle observé, les représentations des consommateurs qui peuvent varier d’ un État membre à l’ autre sont aussi susceptibles d’ évoluer au fil du temps à l’ intérieur d’ un même État membre . L’ institution du marché commun est d’ ailleurs un des facteurs essentiels ( de ) … cette évolution . Alors qu’ un régime de protection des consommateurs contre la tromperie permet de tenir compte de cette évolution, une législation du type … du Biersteuergesetz l’ empêche de se produire . Ainsi que la Cour a déjà eu l’ occasion de le souligner … il ne faut pas que la législation d’ un État membre 'serve à cristalliser des habitudes de consommation données et à stabiliser un avantage acquis par les industries nationales qui s’ attachent à les satisfaire’ .

En second lieu, dans les autres États membres … les dénominations correspondant à la dénomination allemande 'Bier’ ( bière ) ont un caractère générique pour désigner une boisson fermentée fabriquée à base de malt d’ orge, que celui-ci soit utilisé exclusivement ou concurremment avec du riz ou du maïs . Il en est de même en droit communautaire, ainsi qu’ il ressort de la position 22.03 du tarif douanier commun …

La dénomination allemande 'Bier’ … et les dénominations correspondantes dans les langues des autres États membres … ne sauraient donc être réservées aux bières fabriquées selon les règles en vigueur en République fédérale d’ Allemagne .

Il est certes légitime de vouloir donner aux consommateurs qui attribuent des qualités particulières aux bières fabriquées à partir de matières premières déterminées la possibilité d’ opérer leur choix en fonction de cet élément . Cependant, ainsi que la Cour l’ a déjà souligné …, pareille possibilité peut être assurée par des moyens qui n’ entravent pas l’ importation de produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’ autres États membres, et notamment 'par l’ apposition obligatoire d’ un étiquetage adéquat concernant la nature du produit vendu’ . En indiquant les matières premières utilisées dans la fabrication de la bière, 'un tel procédé permettrait au consommateur de fixer son choix en toute connaissance de cause et assurerait la transparence des transactions commerciales et des offres au public’ …

( A la différence de ce qu’ a soutenu le ) gouvernement allemand, pareil système d’ information peut parfaitement fonctionner, même pour un produit qui, comme la bière, n’ est pas ( nécessairement ) livré aux consommateurs en bouteilles ou en boîtes pouvant être pourvues des mentions appropriées . Cela est … confirmé par la réglementation allemande elle-même ( qui ) … prévoit un système d’ information du consommateur pour certaines bières, même lorsqu’ elles sont débitées à la pression . Les informations requises doivent alors figurer sur les fûts ou les siphons" ( points 32 à 36 des motifs, souligné par nous ).

Les éléments qui méritent d’ être mis en évidence dans ce passage nous paraissent être au nombre de deux . Pour la Cour, d’ abord, la dénomination allemande « Bier » et les dénominations correspondantes dans les autres langues communautaires, sont génériques et ne peuvent donc pas être réservées à un type de bière donné . En outre, avant de libérer le marché allemand de la bière, les juges ont voulu vérifier jusque dans les détails si les informations fournies au consommateur étaient effectivement adéquates . Peut-on dire alors que les mêmes conclusions – c’ est-à-dire, « pasta » constitue une dénomination générique et l’ acheteur est efficacement protégé – s’ appliquent dans l’ espèce présente? La Commission estime que c’ est le cas . Pour que les consommateurs ne soient pas induits en erreur – a-t-elle affirmé – il suffit que le produit porte, indiqués sur l’ emballage, son identité « pasta » ( pâtes ) et les ingrédients avec lesquels il est préparé ( blé dur, blé tendre ou autres ). Pour notre part, au contraire, nous répondons non . En d’ autres termes, nous disons que tout cela est sans doute conforme à la directive 79/112, mais ne suffit pas encore pour protéger le consommateur .

Voyons pourquoi . Il y a lieu de répéter en premier lieu que les pâtes de blé dur et les pâtes de blé tendre sont des produits différents . Elles le sont, de toute évidence, sur le plan naturel . Mais elles le sont également du point de vue commercial tant il est vrai que : a ) le tarif douanier commun les classe dans des sous-positions distinctes; b ) dans le cadre du rapport matière première-produit fini, les unes sont à la base du critère ( le caractère non collant à la cuisson ) conformément auquel est accordée une aide et les autres représentent le fondement de la condition ( le caractère non collant au travail mécanique ) posée pour la fixation d’ un prix d’ intervention; c ) seules les pâtes de blé dur font l’ objet d’ une protection dans les rapports commerciaux entre la CEE et les États-Unis .

Cela dit, venons-en, en les résumant en trois points, aux lignes maîtresses du système italien : a ) « pasta di semola di grano duro » ( pâtes de semoule de blé dur ) est une dénomination obligatoire, réservée aux aliments produits avec cette céréale, et générique; elle doit en outre figurer sur l’ emballage quelles que soient les formes des pâtes qu’ il contient; b ) l’ étiquetage ainsi prescrit garantit la nécessaire clarté quant à l’ identité ( pâtes ) et à la nature ( semoule de blé dur ) du produit, mais laisse les fabricants libres d’ indiquer par les noms les plus variés ( spaghetti, vermicelles, etc .) la forme des pâtes qu’ ils commercialisent; c ) les fabricants jouissent de cette liberté par crainte des confusions auxquelles aurait donné lieu l’ obligation de spécifier pour chaque forme les ingrédients utilisés dans sa préparation ( par exemple, spaghetti de semoule de blé dur, spaghetti aux oeufs, spaghetti de semoule de blé dur aux épinards, etc .). « Spaghetti », « vermicelles », etc . sont donc des mentions spécifiques et distinctes de la mention « pâtes de semoule de blé dur », elles indiquent la forme des pâtes et ne font en aucune manière allusion à leur nature .

Or, cette séparation nette entre la dénomination « pasta » ( pâtes ) et les désignations de leurs multiples formes n’ existe, à notre connaissance, qu’ en Italie . Dans le reste du monde, si « pasta » ( pâtes ) reste une dénomination générique, « spaghetti » n’ est plus une dénomination spécifique . Au contraire, comme le relève le gouvernement néerlandais ( observations dans l’ affaire Zoni, p . 5 ), ce terme – et avec lui, peut-être, « macaroni » – a fini par se transformer en un synonyme de pâtes ou, mieux encore, par prendre la signification de pâtes par antonomase . Il en résulte, nous semble-t-il, que « spaghetti » ( ou « macaroni ») ne peut pas être placé sur le plan des dénominations certainement spécifiques comme yoghourt ou, pour citer deux produits dont la Cour devra s’ occuper sous peu, saucisson et « Edam ». « Edam », en effet, n’ est pas synonyme de fromage, pas même dans sa petite ville d’ origine ou sur le célèbre marché d’ Alkmaar .

Faites une expérience : demandez au consommateur communautaire moyen ce qu’ est le fromage; vous pouvez parier qu’ il ne vous sera pas répondu « Edam ». Aussitôt après demandez lui ce que sont les pâtes : il y a de très fortes chances qu’ il réponde « spaghetti » ( alors que, répétons-le, à Naples ou à Milan l’ homme de la rue vous réciterait au moins une douzaine de noms ). D’ autre part, la position 1902 du tarif douanier commun est depuis toujours libellée comme suit : « Pâtes alimentaires … telles que spaghetti, macaroni, nouilles, lasagnes, gnocchi, ravioli, cannelloni ». Que l’ on ne nous dise pas que le fait que les premières pâtes mentionnées dans cette liste soient précisément les spaghettis et les macaronis, est purement fortuit!

En définitive, nous pouvons dire que si, à la différence de « Bier » ( bière ), « pasta » ( pâtes ) est une dénomination générique, elle n’ est pas dotée de la même signification générique dans tous les États de la Communauté . En Italie, elle indique surtout la composition à partir de laquelle sont obtenues, au moyen d’ un procédé traditionnel, les différentes pâtes . En dehors de l’ Italie, elle est cela et, en même temps, un aliment long, fin et non évidé ( spaghetti ) ou, parfois, fait de tubes creux de différentes longueurs et épaisseurs ( macaroni ). Vice versa, alors qu’ en Italie « spaghetti » ou « maccheroni » sont des mentions spécifiques qui indiquent deux des multiples formes sous lesquelles les pâtes sont présentées, en dehors de l’ Italie elles constituent des dénominations génériques d’ usage courant .

14 . Compte tenu de ces données, imaginons alors que nous nous trouvons au rayon « pâtes alimentaires » d’ un supermarché à Luxembourg ( où, soit dit en passant et métaphoriquement, la Commission aurait dû nous conduire; mais nous savons désormais que dans notre procédure, la Commission, comme le pêcheur Santiago dans Le vieil homme et la mer de Hemingway, s’ est souvent « assoupie en rêvant des lions »). Devant nous sont exposés quatre paquets de pâtes dont la face visible se présente de la manière suivante(1 ).

Les quatre paquets ont été fabriqués, dans l’ ordre en Italie, en Belgique, en Allemagne, en Suisse et, comme vous l’ observerez, ils portent tous, clairement lisible, la mention « spaghetti ». Or, de quoi sont faits ces spaghettis? La seule face antérieure qui nous dise quelque chose de concret à cet égard, et ce en trois langues dont deux parlées au Grand-Duché, est la dernière : les matières premières du produit contenu dans le paquet sont du blé « complet » ( un adjectif au demeurant peu compréhensible ) et du soja . Les autres paquets – sauf le premier sur lequel est écrit, mais uniquement en italien, « pasta di semola di grano duro » ( pâtes de semoule de blé dur ) – sont muets . Pour en savoir davantage, il faut lire les indications qui apparaissent, en lettres microscopiques, sur la face postérieure . Nous apprendrons alors que le deuxième paquet est préparé avec du blé dur et le troisième avec un mélange de blé dur et de blé tendre auquel s’ ajoutent 150 grammes d’ oeufs – bien entendu « frais » – par kilogramme .

Or, eu égard à ce qui a été dit au point 8, les présentations ainsi analysées répondent toutes aux conditions de la directive horizontale 79/112 . En les lisant donc attentivement, le consommateur luxembourgeois ( et il faut le plaindre ) devrait pouvoir choisir les pâtes, ou plutôt les spaghettis, qu’ il préfère . Mais – voilà la difficulté – les acheteurs italiens, français et grecs le pourraient-ils? Non, a répondu la Commission dans l’ affaire Zoni . Dès lors que, en Italie, en France et en Grèce, les pâtes sèches sont fabriquées uniquement avec de la farine de blé dur, des étiquettes comme celles du deuxième et du troisième paquet seraient certainement « insuffisantes » pour informer le consommateur sur les ingrédients et sur la nature des produits en question ( point 11 ).

En somme, il est facile de dire : une étiquette appropriée, ça suffit . En pratique, comme on vient de le mettre en évidence, le commerce quotidien des pâtes pose des problèmes que les étiquettes prescrites par la directive ne sont absolument pas en mesure de résoudre . Ainsi revient à l’ esprit l’ observation de la commission juridique du Parlement qui a suggéré aux experts de Bruxelles de réglementer également les « dénominations d’ usage courant dans le commerce, comme spaghetti ou macaroni ». Mais c’ est surtout l’ article 5, paragraphe 2, de la proposition d’ une directive concernant les pâtes alimentaires qui redevient actuel . Vous vous souvenez de son libellé : « Si – y lit-on – les indications obligatoires ( c’ est-à-dire les dénominations réservées et les indications des formats des pâtes ) … ne figurent pas dans ( les ) langues nationales », les États membres « peuvent interdire le commerce des produits » auxquels elles se réfèrent .

15 . D’ aucuns objecteront que les problèmes précités peuvent être résolus également sans contraindre le Conseil à lancer une grande réforme . Plus précisément, pour protéger ses consommateurs mieux que ne le fait la directive 79/112, le législateur italien, après avoir abrogé l’ actuelle obligation de pureté qui empêche les importations de pâtes de blé tendre, pourrait imposer aux fabricants communautaires de spaghettis l’ obligation d’ apposer sur la face principale de l’ emballage la dénomination « pâtes de farine de blé tendre ». Nous doutons cependant qu’ un tel expédient suffise, comme l’ exige l’ arrêt sur la bière, à instaurer un « système d’ information » pouvant « parfaitement fonctionner ».

Encore une fois, la difficulté réside dans l’ utilisation de la dénomination « spaghetti ». Pour celui qui achète et qui consomme depuis des années ( mais dans le Mezzogiorno depuis toujours ) uniquement des spaghettis de blé dur, l’ inscription « pâtes de blé tendre » ne peut pas être considérée comme apportant des informations suffisantes tant que se détache au-dessus d’ elle, en gros caractères, le mot « spaghetti ». Le consommateur habituel de champagne auquel est proposée une bouteille de « vin mousseux – méthode champenoise » est aujourd’ hui certainement plus informé que le consommateur habituel de spaghettis ne le serait dans l’ hypothèse envisagée . Pourtant, nous savons que la Communauté l’ a protégé en allant jusqu’ à interdire l’ utilisation de cette indication . En somme, il est possible de dire, sans craindre de tomber dans l’ exagération, que le fait de concéder aux fabricants non italiens la faculté d’ utiliser la même dénomination spécifique ( spaghetti ) pour des produits préparés avec des farines différentes reviendrait à exposer les acheteurs nationaux à une véritable tromperie et les fabricants nationaux à une forme non négligeable de concurrence déloyale .

Alors? Alors il ne resterait, nous semble-t-il, qu’ une voie ouverte au législateur italien ( ou français ou grec ) qui entend instituer un système d’ information vraiment parfait : celle d’ imposer aux fabricants étrangers l’ utilisation de la dénomination « spaghetti de blé tendre » ( ou « vermicelles de blé tendre », etc .) qui doit être imprimée toujours et uniquement sur la face principale de l’ emballage . Mais une disposition de ce genre serait-elle licite? Là encore notre réponse est négative . Si la première solution est trop souple, la seconde est trop rigoureuse; rigoureuse, nous le craignons, au point de constituer une mesure d’ effet équivalent .

Expliquons-nous par un exemple . Supposons qu’ un fabricant néerlandais produit uniquement des pâtes de blé tendre . Puisque « spaghetti » est un terme compréhensible dans toute la Communauté, l’ entreprise aura un évident intérêt à faire apparaître sur la face antérieure de l’ emballage uniquement cette indication et à réserver la face postérieure à la liste des ingrédients exprimée dans différentes langues . En effet, en agissant ainsi, elle emploiera pour son commerce communautaire, en réalisant d’ importantes économies sur les frais, un seul type d’ emballage . Mais selon la disposition que nous avons envisagée, une telle présentation ne serait pas suffisante, et notre fabricant de pâtes devrait la modifier pour les expéditions vers l’ Italie, la France et la Grèce en y ajoutant les indications « spaghetti di grano tenero », « spaghetti de blé tendre », « spagéta apó malakó sitári ».

Cela dit, lisons le point 15 des motifs de l’ arrêt Fietje précité : l’ extension – y affirme-t-on – d’ une disposition nationale « prohibant la vente de boissons alcooliques déterminées sous une dénomination autre que celle prescrite par la législation nationale, aux boissons importées d’ autres États membres », et de manière à rendre « nécessaire une modification de l’ étiquette sous laquelle la boisson importée est légalement commercialisée dans l’ État membre exportateur, est à considérer comme mesure d’ effet équivalent … dans la mesure où les indications portées sur l’ étiquette originaire ont, pour les consommateurs, en ce qui concerne la nature du produit en cause, un contenu informatif équivalant à celui de la dénomination légalement prescrite » ( souligné par nous ). Or, dans notre exemple, le contenu de l’ information lisible sur la face postérieure de l’ emballage équivaut sans aucun doute à celui que prescrivent les dispositions italiennes, françaises ou grecques, relatives à la présentation des pâtes . S’ il était obligé de modifier son étiquette « spaghetti » en « spaghetti de blé tendre », le fabricant néerlandais serait donc tout à fait fondé à invoquer l’ article 30 du traité .

16 . Arrivés à ce stade, une conclusion nous paraît évidente : des astuces nationales ne peuvent pas être proposées et risquent en définitive d’ être pernicieuses . En effet, le fait de libérer le commerce communautaire des pâtes pour ensuite l’ abandonner aux mains des États membres ne mettrait pas seulement leurs organes législatifs dans l’ impossibilité de concevoir des mesures qui protègent convenablement les intérêts des fabricants et des consommateurs . Une manoeuvre aussi boiteuse ferait pire : elle inciterait les différents fabricants, conscients de pouvoir compter sur des règles de désignation et de présentation inadéquates, à s’ emparer de nouveaux marchés en fabriquant des produits de moins en moins coûteux, mais toujours plus équivoques quant à leur identité et à leur nature .

Devant une telle perspective, la seule issue qui nous paraisse praticable a été indiquée dans l’ arrêt du 23 février 1988 : la recherche d’ une solution incombe « à la Communauté et non à un État membre ». En d’ autres termes, si elle entend mettre en oeuvre la libre circulation de toutes les pâtes fabriquées dans les divers États en évitant en même temps les inconvénients que nous avons évoqués, la Communauté doit intervenir en personne et doit le faire avec l’ instrument qui n’ est peut-être ni le plus simple ni le plus rapide, mais qui est certainement le plus adapté à notre objectif et que le traité met à sa disposition : la directive . D’ ailleurs, la Cour lui a également suggéré d’ adopter une directive précisément dans le secteur des pâtes et pour résoudre des problèmes qui ne sont pas très éloignés de ceux dont nous traitons aujourd’ hui . Nous renvoyons à l’ arrêt rendu le 17 décembre 1981 dans les affaires jointes 197 à 200, 243, 245 et 247/80, Ludwigshafener Walzmoehle Erling KG et autres/Conseil et Commission, Rec . 1981, p . 3211 : « Seule une harmonisation des législations nationales – affirme le point 54 des motifs – serait de nature à remédier à la difficulté signalée … »

Quel contenu devrait avoir un tel acte? Voyons l’ expérience américaine . En vertu du « Federal Food, Drug and Cosmetic Act », la « Food and Drug Administration » a adopté, en 1964, une série de dispositions en matière de « macaroni and noodle products ». Après avoir disposé sous a ) que les « Macaroni products ( c’ est-à-dire les pâtes ) are the class of food each of which is prepared by drying formed units of dough made from semolina, durum flour, farina, flour or any combination of two or more of these, with water and with or without one or more of the optional ingredients … », la section 16.1 indique sous b ), c ) et d ) les dénominations et les critères d’ identité de certaines formes typiques : « The name of each food for which a definition and standard of identity is prescribed » – dispose la lettre e ) – « is 'Macaroni product’ or alternatively the name is 'Macaroni’ , 'Spaghetti’ or 'Vermicelli’ , as the case may be . » Enfin, les sections 16.2 à 16.5 régissent dans l’ ordre les « milk macaroni », les « whole wheat macaroni », les « wheat and soy macaroni » et les « vegetable macaroni ». Selon la forme et la matière première employée dans la fabrication, chacun de ces produits porte une dénomination obligatoire comme « whole wheat spaghetti », « wheat and soy spaghetti », « spinach spaghetti », etc .

Il s’ agit manifestement d’ une réglementation très soucieuse des intérêts des acheteurs, et le législateur communautaire ferait bien de s’ en inspirer . Mais nous nous estimerions satisfaits s’ il se limitait à réglementer les dénominations en tenant compte, naturellement, non seulement des conditions dans lesquelles se trouvent les différents marchés nationaux et des législations qui les régissent, mais également des nombreux facteurs – politique agricole, politique commerciale, protection des consommateurs et des cultivateurs de blé dur – sur lesquels nous nous sommes penchés dans les pages qui précèdent . Nous serions satisfaits d’ une solution de ce genre pour de nombreuses raisons et parmi celles-ci la possibilité qu’ elle offrirait d’ établir si une loi semblable à la loi n° 580 est ou non compatible avec l’ article 30 du traité, serait non pas la dernière, mais – dans un cadre comme le nôtre – la première .

17 . Pour l’ heure, en effet, la question que les juges a quibus vous posent n’ est pas susceptible d’ une réponse nette ou elle ne l’ est qu’ aux yeux de celui qui est disposé à vivre avec une situation en tout cas non satisfaisante . Regardons en face les conséquences des solutions qui s’ offrent à nous . Un jugement de compatibilité compromettrait d’ une manière peut-être définitive la circulation des pâtes légalement fabriquées dans huit des douze États membres et menacerait par là même la solidité d’ un des piliers sur lesquels repose la construction communautaire . D’ autre part, une décision d’ incompatibilité a ) laisserait sans défense appropriée non seulement le consommateur italien de pâtes de blé dur, mais également l’ acheteur communautaire de spaghettis composés des manières les plus diverses; b ) récompenserait et encouragerait l’ inertie du législateur de Bruxelles en cautionnant sa prétention d’ avoir résolu pour toujours le problème par les dispositions horizontales et générales de la directive 79/112; c ) détériorerait en fait, mais irréparablement, les conditions sur lesquelles est fondée la politique communautaire du blé dur et l’ arrangement entre la CEE et les États-Unis sur la production et le commerce des pâtes préparées avec cette céréale .

Que faire alors? La ligne de conduite qui nous paraît préférable consiste concrètement en un compromis et, à l’ instar de la célèbre ordonnance du 29 mai 1974 de la Cour constitutionnelle allemande, se fonde sur un adverbe de temps : « tant que ». Elle part d’ une considération évidente : si depuis vingt ans, les pâtes de blé dur exportées d’ Italie vers le Nord de la Communauté sont passées de 102 000 à 1 680 000 quintaux par an, on ne saurait nier que, tout en pouvant choisir entre des pâtes de nature et de composition différentes, les consommateurs belges, luxembourgeois, néerlandais, allemands puis britanniques, irlandais et danois se sont orientés dans une mesure croissante vers ce type d’ aliment . C’ est donc surtout à eux que nous devons garantir, pour répéter à nouveau les termes de l’ arrêt sur la bière, « un système d’ information … ( pouvant ) parfaitement fonctionner ». Or, en maintenant – mais uniquement à titre provisoire – l’ actuelle situation du marché, nous permettrons aux acheteurs nord-européens de continuer à choisir les pâtes qu’ ils préfèrent alors que les Italiens, les Grecs et les Français ne courront pas le risque – en raison des informations imprécises et insuffisantes fournies par l’ étiquette des produits importés – de faire des achats non conformes à leur préférence .

« Last but not least », le fait de conserver le statu quo juridique et économique assurera le maintien des conditions sur la base desquelles le Conseil a décidé de réviser sa politique en matière de céréales et a pu conclure avec les États-Unis un accord commercial protégeant les pâtes de blé dur . « Not least », répétons-le . En effet, rappelons qu’ aux termes de l’ article 39, paragraphe 2, du traité CEE, "dans l’ élaboration de la politique agricole commune … il sera tenu compte : … b ) de la nécessité d’ opérer graduellement les ajustements opportuns; c ) du fait que, dans les États membres, l’ agriculture constitue un secteur intimement lié à l’ ensemble de l’ économie" ( souligné par nous ). Et n’ oublions pas que cette obligation lie le juge autant que le législateur .

18 . A la lumière des considérations qui précèdent, nous vous proposons de répondre comme suit aux questions que vous ont posées les pretori di Bolzano et di Milano par ordonnances du 31 octobre 1985 et du 19 mars 1986 :

« Tant que la Communauté n’ aura pas adopté une réglementation relative à la production et/ou à la désignation des pâtes alimentaires qui tienne compte notamment de l’ exigence de protection des intérêts des consommateurs, l’ article 30 du traité CEE ne fera pas obstacle à l’ application de la législation d’ un État membre qui impose l’ obligation d’ utiliser exclusivement le blé dur pour la fabrication des pâtes alimentaires destinées à être commercialisées dans cet État . »

(*) Traduit de l’ italien .

( 1 ) Dans le texte ronéotypé des conclusions figurait à cet endroit une photo des quatre emballages qui, pour des raisons techniques, ne peut pas être reproduite à l’ impression .

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CJCE, n° C-407/85, Conclusions de l'avocat général de la Cour, 3 Glocken GmbH et Gertraud Kritzinger contre USL Centro-Sud et Provincia autonoma di Bolzano, 26 avril 1988