CJCE, n° C-155/91, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes, 1er décembre 1992

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 1er déc. 1992, Commission / Conseil, C-155/91
Numéro(s) : C-155/91
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 1 décembre 1992. # Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. # Directive déchets - Base juridique. # Affaire C-155/91.
Date de dépôt : 11 juin 1991
Précédents jurisprudentiels : 1er décembre 1992. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. - Directive déchets - Base juridique. - Affaire C-155/91
Commission/Conseil ( C-300/89, Rec. p. 2867
Cour. Dans l ' arrêt du 4 octobre 1991, Parlement/Conseil ( C-70/88, Rec. p. I-4529
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61991CC0155
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1992:480
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61991C0155

Conclusions de l’avocat général Tesauro présentées le 1er décembre 1992. – Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. – Directive déchets – Base juridique. – Affaire C-155/91.


Recueil de jurisprudence 1993 page I-00939
édition spéciale suédoise page 00067
édition spéciale finnoise page I-00061


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Le présent recours soulève, une nouvelle fois, la question du rapport entre deux des « bases juridiques » introduites par l’ Acte unique européen, l’ article 100 A et l’ article 130 S: le premier – comme on le sait – relatif aux actes qui ont pour objet l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur, objectif visé par l’ article 8 A du traité, le second concernant spécialement les actes destinés à réaliser les objectifs de politique d’ environnement (en bref, protection de l’ environnement, protection de la santé et utilisation prudente des ressources) préfigurés par l’ article 130 R du traité.

2. La directive en question dans le cas d’ espèce est la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32), qui modifie substantiellement la directive précédente 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39). La directive attaquée, qui prévoit les lignes essentielles du régime de gestion des déchets à l’ intérieur de la Communauté, a été adoptée par le Conseil sur la base de l’ article 130 S. Par contre, la Commission estime que – conformément à sa proposition – l’ acte aurait dû être adopté en vertu de l’ article 100 A; elle demande donc à la Cour de relever cette illégalité et d’ annuler la directive litigieuse. Il est peut-être utile d’ ajouter que, pour les mêmes motifs, la Commission a attaqué également la directive ultérieure 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377,p. 20).

3. Avant d’ analyser la directive litigieuse, il nous semble opportun de rappeler les critères généraux qui, conformément à la jurisprudence de la Cour, président à l’ application des règles en question.

A cet égard, nous rappelons que la Cour a déjà eu l’ occasion de se prononcer sur le rapport entre l’ article 100 A et l’ article 130 S dans l’ arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C-300/89, Rec. p. 2867, ci-après « arrêt 'dioxyde de titane' »).

A cette occasion, la Cour a tout d’ abord confirmé que le choix de la base juridique d’ un acte ne peut pas dépendre seulement de la conviction d’ une institution quant au but poursuivi, mais doit nécessairement se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. A cette fin, il faudra identifier quel est l’ objet de l’ acte, en partant d’ une analyse approfondie tant de son but que de son contenu.

Sur la base de ces prémisses, la Cour a ensuite établi que, dans le cas où un acte, par son objet, « revêt en même temps le caractère d’ une action en matière d’ environnement au sens de l’ article 130 S du traité et celui d’ une mesure d’ harmonisation ayant pour objet l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur au sens de l’ article 100 A du traité », l’ acte lui-même, bien qu’ en principe il puisse être rattaché à deux règles distinctes de compétence, devra être adopté exclusivement sur la base de l’ article 100 A.

Cette solution – qui est du reste en harmonie avec ce que nous avons nous-mêmes suggéré dans les conclusions dans l’ affaire dioxyde de titane – se fonde sur une double considération. En premier lieu, la Cour a exclu que l’ article 100 A et l’ article 130 S puissent s’ appliquer cumulativement. Le déroulement de la procédure préfigurée par l’ article 130 S est, en effet, de nature à vider de sa substance même le mécanisme de la procédure de coopération prévu par l’ article 100 A, rendant par conséquent le recours à cette dernière disposition tout à fait dépourvu de signification.

En second lieu, la Cour a relevé que le traité lui-même prévoit la possibilité que les exigences de protection de l’ environnement soient, au besoin, satisfaites dans le cadre des politiques communautaires autres que celle de l’ environnement et, en particulier, dans le cadre de l’ harmonisation des réglementations nationales visée par l’ article 100 A. Sur la base de ces considérations, la Cour a conclu que, dans l’ hypothèse de concours entre l’ article 100 A et l’ article 130 S, c’ est l’ article 100 A qui doit prévaloir, en ce sens que l’ acte devra être adopté exclusivement sur la base de cette dernière disposition.

4. Comme il est évident, la solution admise par l’ arrêt « dioxyde de titane » aboutit inévitablement à un élargissement partiel de la sphère d’ application de l’ article 100 A par rapport à l’ article 130 S. Mais précisément, cette remarque devrait inciter à une application stricte des critères délimités par la Cour. Cela veut dire que l’ article 100 A ne doit être considéré comme pertinent pour l’ adoption d’ un certain acte que si l’ acte lui-même a pour objet l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur, que si, par conséquent, il réglemente spécifiquement les conditions de la concurrence ou des échanges à l’ intérieur de la Communauté.

Par contre, l’ article 100 A doit être considéré comme non applicable lorsque l’ acte en question, en poursuivant certains objectifs entrant dans le cadre d’ une action ou d’ une politique communautaire spécifique, produit aussi, accessoirement, des répercussions sur les conditions du marché.

Cette lecture de l’ article 100 A est conforme au texte de la disposition qui fait référence aux mesures ayant « pour objet » l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur. En outre, cette interprétation apparaît cohérente avec la nécessité systématique – sur laquelle nous reviendrons ci-après – de ne pas élargir excessivement le champ d’ application de l’ article 100 A au détriment d’ autres bases juridiques spécifiques avec lesquelles la règle relative au marché intérieur peut, dans l’ abstrait, se trouver en concurrence.

Surtout, il faut relever que cette interprétation est confirmée par la jurisprudence récente de la Cour. Dans l’ arrêt du 4 octobre 1991, Parlement/Conseil (C-70/88, Rec. p. I-4529), la Cour a en effet établi que le recours à l’ article 100 A n’ est pas justifié lorsque l’ acte à adopter n’ a qu’ accessoirement pour effet d’ harmoniser les conditions du marché à l’ intérieur de la Communauté. En l’ espèce, il s’ agissait d’ un règlement qui fixait des limites maximales de contamination radioactive dans les denrées alimentaires et dans les aliments pour animaux. A cet égard, la Cour a relevé que le règlement avait pour objet la protection de la population contre les risques découlant d’ aliments contaminés et que l’ interdiction consécutive de commercialisation qu’ il prévoyait ne devait être considérée que comme une condition destinée à garantir l’ effet de l’ application des limites maximales prescrites. En présence de ces circonstances, la Cour a conclu que « le règlement n’ a donc qu’ accessoirement pour effet d’ harmoniser les conditions de la libre circulation des marchandises » et que, par conséquent, ce règlement devait être fondé sur la base juridique spécifique prévue pour la protection de la population contre les radiations ionisantes, c’ est-à-dire l’ article 31 du traité CEEA, et non pas sur la base juridique relative à la réalisation du marché intérieur, c’ est-à-dire l’ article 100 A du traité CEE.

5. Cela dit, et en revenant à la directive attaquée, la thèse exposée par la requérante peut être synthétisée dans les termes suivants. Selon la Commission, la directive aurait pour objet tant la protection de l’ environnement que l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Elle entrerait par conséquent, ratione materiae, dans la sphère d’ application tant de l’ article 130 S que de l’ article 100 A. Il s’ ensuit que, conformément à l’ arrêt « dioxyde de titane », la directive aurait dû être adoptée sur la base de l’ article 100 A uniquement.

A l’ appui de cette thèse, la Commission fait valoir que la directive contribue à l’ harmonisation des conditions de concurrence tant au niveau de la production industrielle qu’ à celui de l’ activité d’ élimination des déchets. En outre, la requérante souligne que la directive, en harmonisant les législations nationales dans le secteur de la gestion des déchets, contribue à supprimer, dans ce secteur, les obstacles au commerce entre États membres.

6. Nous dirons d’ emblée que nous ne partageons pas la thèse soutenue par la requérante. Nous estimons en effet que la directive attaquée doit être considérée, en raison de son but et de son contenu, comme un acte ayant pour objet la protection de l’ environnement et qu’ elle n’ a qu’ une incidence accessoire sur les conditions du marché.

7. En ce qui concerne les buts de la directive litigieuse, il faut en effet relever que, ainsi qu’ il résulte en particulier des troisième, quatrième, sixième, septième et neuvième considérants, les objectifs spécifiquement poursuivis sont tous de politique de l’ environnement, en ce sens qu’ ils entrent dans le cadre des objectifs généraux définis par l’ article 130 R du traité. En effet, la directive vise à assurer: une gestion plus efficace des déchets dans le cadre de la Communauté; une protection élevée de l’ environnement, qui implique à son tour la limitation de la formation de déchets; la promotion du recyclage des déchets; la réalisation de l’ autosuffisance dans l’ élimination tant au niveau communautaire qu’ au niveau national; la réduction des mouvements des déchets dans le cadre de la Communauté.

Il est vrai qu’ au cinquième considérant la directive déclare qu’ « une disparité entre les législations des États membres en ce qui concerne l’ élimination et la valorisation des déchets peut affecter la qualité de l’ environnement et le bon fonctionnement du marché intérieur ». Néanmoins, il faut relever qu’ il s’ agit d’ une indication extrêmement générique qui ne suffit pas par elle-même à faire estimer que l’ harmonisation des conditions de la concurrence et des échanges constitue l’ un des objectifs essentiels de l’ acte. En effet, tandis que les finalités de politique de l’ environnement poursuivies par la directive sont définies de manière analytique et précise, la motivation de l’ acte ne contient aucun élément indiquant quelles sont les conditions de concurrence et les conditions des échanges que la directive tendrait à harmoniser. Ce considérant, par conséquent, précise simplement que la prévision d’ un système communautaire de gestion des déchets pourra avoir des effets positifs sur le fonctionnement du marché, mais cela ne suffit cependant pas à indiquer que des raisons spécifiques, liées à la concurrence et aux échanges, ont été l’ un des motifs qui ont incité les institutions à adopter les dispositions en question. En d’ autres termes, la motivation de la directive met justement en lumière le fait que celle-ci aura une incidence sur le marché: cette incidence n’ est toutefois pas de nature à justifier – comme nous l’ avons relevé plus haut – l’ application de l’ article 100 A.

8. En ce qui concerne ensuite son contenu, la directive (outre qu’ elle définit les notions qui en délimitent la sphère d’ application) établit en premier lieu les objectifs de fond qui doivent guider l’ action des États membres en matière de gestion des déchets. A cette fin, elle oblige les États: à promouvoir la réduction de la production des déchets ainsi que leur nocivité (par le développement de technologies propres, de produits moins polluants et de techniques en vue de l’ élimination de substances dangereuses); à promouvoir le recyclage des déchets; à en assurer l’ élimination sans risques pour la santé et l’ environnement; à interdire, enfin, l’ abandon des déchets.

En second lieu, la directive prévoit que les États membres, de concert entre eux, créent un réseau intégré d’ installations d’ élimination, technologiquement avancé, permettant tant à la Communauté dans son ensemble qu’ à chacun des États membres de parvenir à l’ autosuffisance en matière d’ élimination des déchets. En outre, ce réseau doit permettre que l’ élimination soit effectuée dans une des installations les plus proches du lieu de production des déchets, afin d’ en réduire, autant que possible, la circulation (principe de la proximité).

En troisième lieu, la directive prévoit que les États membres définissent des plans de gestion des déchets. Ces plans ont un caractère national et les États membres peuvent empêcher les mouvements de déchets non conformes aux critères qu’ ils ont établis.

En quatrième lieu, la directive oblige les États à soumettre les entreprises et les installations d’ élimination à des régimes d’ autorisation, d’ enregistrement et de contrôle.

Enfin, la directive confirme, en matière d’ élimination des déchets, le principe du « pollueur-payeur » établi sur un plan général par l’ article 130 R du traité.

En résumé, il résulte de cette énonciation schématique du contenu de la directive que l’ acte détermine les grandes lignes de l’ action que les États membres doivent mener pour assurer que la gestion des déchets dans le cadre de la Communauté s’ effectue selon des modalités aptes à garantir la protection de l’ environnement et de la santé. Les États membres restent néanmoins fondamentalement libres de définir les contenus de cette action et les moyens à utiliser.

9. Cela dit, il faut souligner que la directive ne contient aucune disposition ayant pour objet l’ harmonisation des conditions de concurrence d’ industries déterminées et des conditions des échanges de produits déterminés. En ce qui concerne, en particulier, les conditions de concurrence, la directive – comme nous l’ avons déjà indiqué ci-dessus – n’ établit pas de règles communes relatives à l’ activité de gestion des déchets, mais elle se limite à définir les principes dont doit s’ inspirer l’ action des États. Il s’ ensuit que chaque État membre a la faculté d’ adopter in subiecta materia les dispositions qu’ il estime les plus opportunes pour la réalisation des objectifs prescrits. Cela veut dire que les modalités d’ élimination et de recyclage des déchets pourront différer même sensiblement d’ un État membre à l’ autre et que, en conséquence, les charges grevant les entreprises intéressées pourront, elles aussi, être notablement différentes. On peut donc – nous semble-t-il – estimer que la directive en question non seulement n’ égalise pas, mais ne se propose même pas d’ égaliser les conditions de concurrence des entreprises qui s’ occupent spécifiquement de la gestion des déchets ainsi que des industries qui les produisent et sur lesquelles pèsent en définitive les coûts de l’ élimination.

De même, en ce qui concerne les conditions des échanges, il n’ est certainement pas possible d’ affirmer que la directive introduit des règles communes visant à mettre en oeuvre la libre circulation des déchets à l’ intérieur de la Communauté. Au contraire, la directive, conformément au principe de la proximité, reconnu par la Cour elle-même dans l’ arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique (C-2/90, Rec. p. I-4431, points 34 et 35), part de l’ idée que la collecte, le traitement et l’ élimination des déchets doivent se faire essentiellement au niveau local, de manière à limiter autant que possible le mouvement des déchets en général.

Dans cette perspective, la directive non seulement établit que les États, en définissant leurs plans de gestion, doivent viser à l’ autosuffisance dans l’ élimination des déchets, mais elle leur reconnaît également la faculté de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les mouvements de déchets non conformes à leurs plans de gestion.

En bref, la directive confirme, en accord avec la jurisprudence rappelée ci-dessus, que le droit communautaire en matière d’ environnement – tout au moins dans sa configuration actuelle – institue, pour la gestion des déchets, un jus singulare basé sur les principes de l’ autosuffisance et de la proximité et que, conformément à ces principes, il vise à assurer non pas la libération des échanges des déchets, mais, bien au contraire, la réduction des mouvements des déchets à l’ intérieur de la Communauté (voir le neuvième considérant de la directive).

Il s’ ensuit que, par son objet, la réglementation prévue par la directive attaquée s’ inscrit de plein droit parmi les mesures de politique de l’ environnement destinées à réaliser les objectifs spécifiquement prévus à l’ article 130 R du traité et qu’ elle ne relève pas des actions visant à harmoniser les conditions de concurrence et des échanges commerciaux dans le marché intérieur. Le Conseil a donc agi correctement en adoptant la directive sur la base de l’ article 130 S du traité.

10. Cette conclusion nous semble d’ ailleurs cohérente avec la pratique communautaire. En effet, on peut relever qu’ en matière d’ environnement l’ article 100 A est utilisé surtout pour les actes qui harmonisent les règles relatives à des produits déterminés (voir, par exemple, la directive sur la puissance acoustique des tondeuses à gazon (1) ou encore la directive concernant les piles et les accumulateurs contenant des substances dangereuses (2); cette dernière directive revêt un intérêt particulier puisqu’ elle prouve que les régimes spécifiques qui régissent des catégories particulières de déchets sont normalement adoptés par le Conseil sur la base de l’ article 100 A).

En outre, conformément à l’ arrêt « dioxyde de titane », l’ article 100 A est également utilisé pour les actes qui harmonisent les règles relatives à l’ environnement – y compris celles relatives à la gestion des déchets – concernant des industries déterminées (c’ est le cas précisément de la directive qui harmonise les programmes pour la réduction de la pollution provoquée par l’ industrie du dioxyde de titane, examinée par la Cour dans l’ arrêt précité (3)).

Par contre, les réglementations antipollution de caractère général, c’ est-à-dire qui font abstraction d’ un produit ou d’ une industrie spécifique, sont normalement adoptées sur la base de l’ article 130 S, et ce bien qu’ elles aient de toute manière une incidence plus ou moins marquée sur le système de production. Nous rappellerons, par exemple, la directive concernant le traitement des eaux urbaines résiduelles, qui contient des règles bien précises pour la décharge des eaux industrielles ((voir article 11 et annexe I c) )) ainsi que pour les eaux industrielles biodégradables provenant des installations de certains secteurs (voir article 13 et annexe III); la directive concernant la limitation de la pollution provoquée par de grandes installations de combustion, qui concerne également plusieurs catégories d’ installations industrielles; ou encore la directive qui prévient la pollution provoquée par les nouvelles installations d’ incinération des déchets urbains. Tous actes – répétons-le – qui, indépendamment de leurs effets et de leurs répercussions sur l’ activité économique, ont été adoptés, sans hésitation, sur la base de l’ article 130 S.

Or, il nous semble que la directive attaquée dans le cas d’ espèce peut, elle aussi, s’ inscrire dans le cadre de cette dernière catégorie d’ actes. En effet, elle introduit une réglementation antipollution de caractère tout à fait général, qui englobe tant les déchets domestiques que les déchets industriels. En outre, elle exerce sur le fonctionnement du marché une incidence certainement moins forte que certaines des directives citées plus haut, tant parce qu’ elle ne contient pas de dispositions particulière pour les déchets d’ activités industrielles que parce que – comme nous l’ avons relevé – elle n’ harmonise pas les modalités de gestion des déchets, en laissant en réalité aux États membres la liberté de les définir.

Certes, il est évident que, en prévoyant cette réglementation, la directive exerce une influence également sur le fonctionnement du marché. Mais il s’ agit, encore une fois, d’ un effet purement accessoire, qui, conformément à l’ arrêt Parlement/Conseil, précité, ne saurait justifier le recours à l’ article 100 A comme base juridique de l’ acte.

Il s’ ensuit qu’ en l’ espèce le Conseil a agi correctement, en confirmant sa pratique précédente et en adoptant l’ acte attaqué sur la base de l’ article 130 S.

11. D’ autre part, nous tenons à relever qu’ une conclusion différente risquerait de donner lieu à un élargissement excessif de la sphère de l’ article 100 A par rapport à l’ article 130 S.

En effet, un des principaux arguments invoqués par la Commission pour justifier le recours à l’ article 100 A consiste à relever que l’ harmonisation des règles de gestion des déchets permettrait d’ égaliser les charges grevant les entreprises à l’ occasion de l’ élimination des déchets et d’ éviter, par conséquent, le risque de distorsions de la concurrence.

Il faut dire toutefois qu’ un tel phénomène caractérise la presque totalité des réglementations générales antipollution. Si, par conséquent, on admettait qu’ une semblable incidence sur la concurrence suffit à justifier le recours à l’ article 100 A, il s’ ensuivrait que l’ article 130 S serait vidé d’ une grande partie de sa portée; par exemple, en suivant la ligne de raisonnement formulée par la Commission, on pourrait fonder sur l’ article 100 A des directives telles que celle sur le traitement des eaux résiduelles ou celle sur la limitation des émissions des grandes installations de combustion, actes qui, comme nous l’ avons relevé, ont été jusqu’ à présent fondés sur l’ article 130 S, et ce bien qu’ ils aient sur la situation des opérateurs économiques une incidence bien plus profonde et détaillée que la directive attaquée dans le cas d’ espèce.

En d’ autres termes, il nous semble que, si l’ on développait jusqu’ au bout la ligne de raisonnement proposée par la Commission, on risquerait de retirer progressivement à l’ article 130 S les actes communautaires qui instituent des régimes généraux destinés à protéger l’ environnement, et en particulier les actes relatifs aux décharges des eaux, aux émissions dans l’ atmosphère et à la gestion des déchets.

12. A la lumière de ces considérations, nous estimons que le Conseil a correctement fondé la directive attaquée sur l’ article 130 S et que, en conséquence, le recours de la Commission doit être rejeté.

La conclusion subsidiaire formulée par l’ intervenante

13. Il reste à examiner un dernier point. Dans les conclusions de son mémoire en intervention, le Parlement, outre qu’ il demande l’ annulation de la directive dans la mesure où elle est fondée sur une base juridique incorrecte, demande également à la Cour d’ annuler l’ article 18 de ladite directive dans la mesure où la procédure qui y est prévue (comité de réglementation) serait contraire au traité.

Nous estimons que la Cour n’ a pas à statuer sur cette seconde demande. L’ intervention prévue par l’ article 37 du statut de la Cour a, en réalité, une nature purement accessoire en ce sens que, comme cette disposition l’ établit, « les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’ autre objet que le soutien des conclusions de l’ une des parties ».

Or, dans le cas d’ espèce, on doit relever que le Parlement, en faisant valoir l’ illégalité de l’ article 18 de la directive, et de plus sur la base de motifs qui n’ ont rien à voir avec le défaut de base juridique, introduit une conclusion qui a un caractère autonome

par rapport à celles des parties. Cette conclusion est donc irrecevable.

Conclusions

Pour les raisons exposées ci-dessus, nous suggérons à la Cour de rejeter le recours et de statuer sur les dépens en ce sens que la Commission supportera également les dépens du Conseil et que le Parlement et le royaume d’ Espagne supporteront les leurs.

(*) Langue originale: l’ italien.

(1) Directive 88/181/CEE du Conseil, du 22 mars 1988, modifiant la directive 84/538/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au niveau de puissance acoustique admissible des tondeuses à gazon (JO L 81, p. 71).

(2) Directive 91/157/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, relative aux piles et accumulateurs contenant certaines matières dangereuses (JO L 78, p. 38).

(3) Directive 89/428/CEE du Conseil, du 21 juin 1989, fixant les modalités d’ harmonisation des programmes de réduction, en vue de sa suppression, de la pollution provoquée par les déchets de l’ industrie du dioxyde de titane (JO L 201, p. 56).

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