CJCE, n° C-479/93, Arrêt de la Cour, Andrea Francovich contre République italienne, 9 novembre 1995

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 9 nov. 1995, Francovich, C-479/93
Numéro(s) : C-479/93
Arrêt de la Cour du 9 novembre 1995. # Andrea Francovich contre République italienne. # Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Vicenza - Italie. # Politique sociale - Protection des travailleurs en cas d'insolvabilité de l'employeur - Directive 80/987/CEE - Champ d'application - Travailleurs salariés dont l'employeur n'est pas soumis à des procédures de désintéressement collectif de ses créanciers. # Affaire C-479/93.
Date de dépôt : 24 décembre 1993
Précédents jurisprudentiels : 13 décembre 1994, SMW Winzersekt, C-306/93
Conseil le 13 avril 1978 ( JO 1978, C 135, p. 2
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61993CJ0479
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1995:372
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61993J0479

Arrêt de la Cour du 9 novembre 1995. – Andrea Francovich contre République italienne. – Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Vicenza – Italie. – Politique sociale – Protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur – Directive 80/987/CEE – Champ d’application – Travailleurs salariés dont l’employeur n’est pas soumis à des procédures de désintéressement collectif de ses créanciers. – Affaire C-479/93.


Recueil de jurisprudence 1995 page I-03843


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

Politique sociale ° Rapprochement des législations ° Protection des travailleurs en cas d’ insolvabilité de l’ employeur ° Directive 80/987 ° Champ d’ application ° Travailleurs salariés liés à des employeurs pouvant faire l’ objet, sur leur patrimoine, d’ une procédure visant à désintéresser collectivement leurs créanciers ° Violation du principe d’ égalité de traitement ° Absence compte tenu du caractère progressif de l’ harmonisation et de sa difficulté

(Traité CEE, art. 100; directive du Conseil 80/987)

Sommaire


La directive 80/987, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur, doit être interprétée en ce sens qu’ elle s’ applique à tous les travailleurs salariés dont les employeurs peuvent, selon le droit national dont ils relèvent, faire l’ objet, sur leur patrimoine, d’ une procédure visant à désintéresser collectivement leurs créanciers, à l’ exception des catégories figurant en son annexe.

Le fait que la directive n’ assure donc une protection qu’ aux travailleurs salariés confrontés à l’ insolvabilité ainsi caractérisée de leur employeur n’ est pas de nature à mettre en cause sa validité au regard du principe d’ égalité de traitement.

D’ une part, en effet, dans le cadre des pouvoirs conférés aux institutions communautaires par l’ article 100 du traité, il convient de reconnaître à ces institutions une marge d’ appréciation, notamment en ce qui concerne la possibilité de ne procéder à une harmonisation que par étapes, compte tenu des spécificités du domaine dans lequel elles interviennent et des difficultés de toute harmonisation.

D’ autre part, l’ extension à tous les États membres d’ un mécanisme de garantie, que ne connaissaient, suivant des modalités diverses, que certains, constitue incontestablement un progrès dans la voie de l’ amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’ oeuvre dans l’ ensemble de la Communauté ainsi que dans celle de l’ harmonisation graduelle des législations en la matière.

Enfin, compte tenu des difficultés tenant à la notion même d’ insolvabilité que devait surmonter l’ harmonisation, le critère objectif retenu pour définir les bénéficiaires du mécanisme de protection est justifié.

Parties


Dans l’ affaire C-479/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’ article 177 du traité CE, par la Pretura circondariale di Vicenza (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Andrea Francovich

et

Repubblica italiana,

une décision à titre préjudiciel sur l’ interprétation et la validité de l’ article 2 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur (JO L 283, p. 23),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. N. Kakouris, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, présidents de chambre, G. F. Mancini, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann (rapporteur), P. Jann et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

° pour M. Francovich, par Mes C. Mondin, A. Campesan et A. Dal Ferro, avocats au barreau de Vicenza,

° pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’ agent, assisté de M. O. Fiumara, avvocato dello Stato,

° pour le gouvernement allemand, par MM. E. Roeder et B. Kloke, respectivement Ministerialrat et Regierungsrat au ministère fédéral de l’ Économie, en qualité d’ agents,

° pour le gouvernement hellénique, par M. F. Georgakopoulos et Mme K. Grigoriou, respectivement conseiller juridique adjoint et mandataire judiciaire auprès du Conseil juridique de l’ État, en qualité d’ agents,

° pour le Conseil de l’ Union européenne, par M. G. Maganza et Mme S. Kyriakopoulou, membres du service juridique, en qualité d’ agents,

° pour la Commission des Communautés européennes, par M. L. Gussetti, membre du service juridique, en qualité d’ agent, assisté de M. A. Juste Ruiz, fonctionnaire national mis à la disposition de ce service,

vu le rapport d’ audience,

ayant entendu les observations orales de M. Francovich, représenté par Mes A. Campesan et A. Dal Ferro, du gouvernement italien, représenté par M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato, du gouvernement hellénique, représenté par Mme K. Grigoriou, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme L. Nicoll, du Treasury Solicitor’ s Department, en qualité d’ agent, assistée de M. Ch. Vajda, barrister, du Conseil, représenté par M. G. Maganza et Mme S. Kyriakopoulou, et de la Commission, représentée par M. L. Gussetti, à l’ audience du 3 mai 1995,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du 11 juillet 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 16 décembre 1993, parvenue à la Cour le 24 décembre 1993, le Pretore di Vicenza a posé, en vertu de l’ article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l’ interprétation et la validité de l’ article 2 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur (JO L 283, p. 23, ci-après la « directive »).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d’ un litige opposant M. Francovich à la République italienne au sujet d’ une demande d’ indemnisation introduite contre l’ État, à la suite de la mise en oeuvre tardive de la directive.

3 Selon l’ article 11, paragraphe 1, de cette directive, les États membres étaient tenus d’ adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive dans un délai expirant le 23 octobre 1983. La République italienne n’ ayant pas respecté cette obligation, la Cour a constaté son manquement par arrêt du 2 février 1989, Commission/Italie (22/87, Rec. p. 143).

4 Ayant travaillé en tant que salarié pour une entreprise de Vicenza et n’ ayant reçu à ce titre que des acomptes sporadiques sur son salaire, M. Francovich a introduit un recours devant la Pretura circondariale di Vicenza. Celle-ci a condamné l’ entreprise défenderesse au paiement d’ une somme d’ environ 6 000 000 LIT. Au cours de la phase exécutoire, l’ huissier compétent a dû rédiger un procès-verbal de saisie négatif.

5 Dès lors que la directive n’ avait toujours pas été transposée dans l’ ordre juridique italien, M. Francovich a formé devant la même juridiction un recours visant à faire déclarer l’ État italien tenu, en application de la directive, d’ assurer le paiement de ses créances à l’ égard de son employeur ou, à titre subsidiaire, de lui verser un dédommagement en réparation du dommage qu’ il avait subi du fait de la non-transposition de la directive.

6 A la même époque, Mme Bonifaci et trente-trois autres salariés d’ une entreprise mise en faillite ont introduit une demande similaire devant la Pretura circondariale di Bassano del Grappa.

7 Les deux juridictions nationales saisies ont posé des questions préjudicielles identiques sur l’ effet direct des dispositions de la directive et sur le droit à réparation des dommages subis en ce qui concerne les dispositions de la directive n’ ayant pas d’ effet direct. En réponse à ces questions, la Cour, dans son arrêt du 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci e.a. (C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357), a dit pour droit que les dispositions de la directive qui définissent les droits des travailleurs doivent être interprétées en ce sens que, d’ une part, les intéressés ne peuvent pas faire valoir les droits issus de la directive à l’ encontre de l’ État devant les juridictions nationales à défaut de mesures d’ application prises dans les délais et que, d’ autre part, l’ État membre est obligé de réparer les dommages découlant pour les particuliers de la non-transposition de la directive.

8 Le 27 janvier 1992, le gouvernement italien a adopté le décret-loi n 80 transposant la directive (GURI n 36 du 13 février 1992).

9 Il ressort de l’ ordonnance de renvoi que ce décret-loi a, pour le passé, limité la possibilité de bénéficier de l’ indemnisation des dommages résultant de la transposition tardive de la directive dans l’ ordre juridique italien aux travailleurs salariés dont les employeurs faisaient l’ objet de procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers. En revanche, pour l’ avenir, il a garanti aux salariés de tous les employeurs insolvables, soumis ou non à des procédures visant à désintéresser collectivement les créanciers, la rémunération du travail qu’ ils ont effectué au cours des trois derniers mois de leur contrat de travail.

10 Le juge national observe en outre que, dans l’ ordre juridique italien, il existe plusieurs catégories d’ employeurs exclues des procédures visant au désintéressement collectif de leurs créanciers. Or, M. Francovich a précisément travaillé pour un employeur exclu d’ une telle procédure mais dont l’ état d’ insolvabilité est manifeste et ressort, entre autres, du caractère infructueux des procédures individuelles d’ exécution auxquelles il a été soumis.

11 Compte tenu de ce qui précède, le Pretore di Vicenza exprime ses doutes sur l’ interprétation donnée à l’ article 2 de la directive par la République italienne. Aussi a-t-il posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1) L’ article 2 de la directive 80/987/CEE doit-il être interprété en ce sens que les travailleurs pris en considération et protégés par la directive sont seulement et exclusivement ceux qui dépendent d’ employeurs qui, en fonction des ordres juridiques nationaux dont ils relèvent, peuvent être soumis sur leur patrimoine à des procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers?

2) Dans le cas où la question visée au point 1) appelle une réponse positive ° et, partant, où la directive ne protège que les salariés d’ employeurs soumis sur leur patrimoine à des procédures visant à désintéresser collectivement les créanciers °, faut-il considérer l’ article 2 de la directive comme valide au regard du principe d’ égalité et de non-discrimination?"

Sur la première question

12 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si la directive doit être interprétée en ce sens qu’ elle s’ applique uniquement aux travailleurs salariés dont les employeurs peuvent, selon le droit national dont ils relèvent, faire l’ objet, sur leur patrimoine, d’ une procédure visant à désintéresser collectivement leurs créanciers.

13 Aux termes des trois premiers considérants de la directive,

« … des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’ un développement économique et social équilibré dans la Communauté »;

« … des différences subsistent entre les États membres quant à la portée de la protection des travailleurs salariés dans ce domaine … il convient de tendre à réduire ces différences qui peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché commun »;

« … il y a lieu, par conséquent, de promouvoir le rapprochement des législations en la matière dans le progrès, au sens de l’ article 117 du traité ».

14 La principale obligation que la directive impose aux États membres est, selon son article 3, de créer des institutions de garantie qui assurent le paiement aux travailleurs salariés de leurs créances impayées résultant de contrats de travail ou de relations de travail portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée.

15 La section première de la directive, comprenant les articles 1er et 2, vise le champ d’ application de cette directive ainsi que certaines définitions.

16 En vertu de son article 1er, paragraphe 1, « la … directive s’ applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’ égard d’ employeurs qui se trouvent en état d’ insolvabilité au sens de l’ article 2 paragraphe 1 ». Selon celui-ci, "un employeur est considéré comme se trouvant en état d’ insolvabilité:

a) lorsqu’ a été demandée l’ ouverture d’ une procédure prévue par les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l’ État membre concerné qui porte sur le patrimoine de l’ employeur et vise à désintéresser collectivement ses créanciers et qui permet la prise en considération des créances visées à l’ article 1er paragraphe 1,

et

b) que l’ autorité qui est compétente en vertu desdites dispositions législatives, réglementaires et administratives a:

° soit décidé l’ ouverture de la procédure,

° soit constaté la fermeture définitive de l’ entreprise ou de l’ établissement de l’ employeur, ainsi que l’ insuffisance de l’ actif disponible pour justifier l’ ouverture de la procédure".

17 Dans son arrêt Francovich et Bonifaci e.a., précité, point 14, la Cour a constaté que, pour savoir si une personne doit être considérée comme bénéficiaire de la directive, le juge doit vérifier, d’ une part, si l’ intéressé a la condition de travailleur salarié en vertu du droit national et s’ il n’ est pas exclu, conformément à l’ article 1er, paragraphe 2, et à son annexe, du champ d’ application de la directive, puis, d’ autre part, si l’ on se trouve dans l’ une des hypothèses d’ état d’ insolvabilité prévues par l’ article 2 de la directive.

18 Or, il résulte des termes de cette dernière disposition que, pour qu’ un employeur soit considéré comme se trouvant en état d’ insolvabilité, il est nécessaire, premièrement, que les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l’ État membre concerné prévoient une procédure qui porte sur le patrimoine de l’ employeur et qui vise à désintéresser collectivement ses créanciers, deuxièmement, que soit permise, dans le cadre de cette procédure, la prise en considération des créances des travailleurs salariés résultant de contrats ou de relations de travail, troisièmement, que l’ ouverture de la procédure ait été demandée et, quatrièmement, que l’ autorité compétente en vertu des dispositions nationales précitées ait soit décidé l’ ouverture de la procédure, soit constaté la fermeture définitive de l’ entreprise ou de l’ établissement de l’ employeur ainsi que l’ insuffisance de l’ actif disponible pour justifier l’ ouverture de la procédure.

19 Il apparaît donc que le législateur communautaire a expressément limité le champ d’ application de la directive de manière à ce que les droits institués par celle-ci ne puissent pas être invoqués par les travailleurs salariés qui sont liés par un contrat ou une relation de travail à un employeur qui, selon les dispositions en vigueur dans l’ État membre concerné, ne peut être soumis à une procédure de désintéressement collectif des créanciers. Un tel employeur, en effet, ne peut pas se trouver en « état d’ insolvabilité » au sens spécifique que revêt cette expression dans la directive.

20 L’ interprétation littérale de l’ article 2 de la directive, quoiqu’ elle puisse avoir pour conséquence que la protection aménagée par la directive varie d’ un État membre à l’ autre en raison des différents régimes nationaux de désintéressement collectif des créanciers, ne peut être infirmée par des arguments tirés de l’ objectif énoncé dans son premier considérant. En effet, si, d’ une part, le législateur a considéré de manière générale que des dispositions étaient nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur, il a, d’ autre part, limité l’ objectif concret de son action à une réduction des différences subsistant entre les États membres quant à la protection des travailleurs salariés dans ce domaine. Cette interprétation littérale s’ accorde donc avec le caractère partiel de l’ harmonisation recherchée par la directive.

21 Dès lors, il y a lieu de répondre à la première question que la directive doit être interprétée en ce sens qu’ elle s’ applique à tous les travailleurs salariés, à l’ exception des catégories figurant en son annexe, dont les employeurs peuvent, selon le droit national dont ils relèvent, faire l’ objet, sur leur patrimoine, d’ une procédure visant à désintéresser collectivement leurs créanciers.

Sur la seconde question

22 Par la seconde question, la juridiction nationale demande si la directive, dans la mesure où elle ne protège que les travailleurs salariés liés à des employeurs soumis, sur leur patrimoine, à des procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers, est valide au regard du principe d’ égalité de traitement.

23 A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’ égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’ une telle différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt du 13 décembre 1994, SMW Winzersekt, C-306/93, Rec. p. I-5555, point 30).

24 Il y a également lieu de relever que la directive a été prise sur le fondement de l’ article 100 du traité CEE et qu’ elle a pour but de promouvoir le rapprochement des législations nationales dans le progrès, au sens de l’ article 117 du même traité.

25 Or, dans le cadre de l’ exercice des pouvoirs conférés aux institutions communautaires par l’ article 100 du traité, il convient de reconnaître à ces institutions une marge d’ appréciation, notamment en ce qui concerne la possibilité de ne procéder à une harmonisation que par étapes, compte tenu des spécificités de la matière soumise à coordination et de ce que la mise en place de telles dispositions d’ harmonisation est généralement difficile, puisqu’ elle suppose, de la part des institutions communautaires compétentes, l’ élaboration, à partir de dispositions nationales diverses et complexes, de règles communes, conformes aux objectifs définis par le traité et recueillant l’ accord unanime des membres du Conseil (voir arrêts du 29 février 1984, Rewe-Zentrale, 37/83, Rec. p. 1229, et du 18 avril 1991, Assurances du Crédit/Conseil et Commission, C-63/89, Rec. p. I-1799).

26 Il ressort de la proposition de directive présentée par la Commission au Conseil le 13 avril 1978 (JO 1978, C 135, p. 2) que, avant l’ adoption de la directive, il existait déjà dans plusieurs États membres des institutions destinées à garantir les droits des travailleurs en cas d’ insolvabilité de l’ employeur avec, toutefois, des régimes très différents, mais que, en revanche, ces institutions faisaient défaut dans un certain nombre d’ États membres.

27 Compte tenu de cette situation, l’ extension à tous les États membres de l’ obligation de mettre en place des institutions destinées à garantir les droits des travailleurs en cas d’ insolvabilité de l’ employeur, telle que définie à l’ article 2, paragraphe 1, de la directive, constitue assurément un progrès dans la voie de l’ amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d’ oeuvre dans l’ ensemble de la Communauté ainsi que dans celle de l’ harmonisation graduelle des législations en la matière.

28 Dans ces circonstances et eu égard aux difficultés de dégager une notion d’ insolvabilité susceptible de s’ appliquer de manière univoque dans les divers États membres en dépit des différences importantes qui existent entre leurs systèmes respectifs, force est de constater que, dans le cadre de la protection accordée par la directive aux travailleurs salariés, la différenciation des travailleurs salariés selon que leur employeur fait ou non l’ objet d’ une procédure de désintéressement collectif des créanciers découle d’ une notion d’ insolvabilité basée sur un critère objectif en soi et tire sa justification desdites difficultés d’ harmonisation.

29 Dès lors, il convient de répondre à la seconde question que l’ examen de la directive, dans la mesure où elle ne protège que les travailleurs salariés liés à des employeurs soumis, sur leur patrimoine, à des procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers, n’ a révélé aucun élément de nature à mettre en cause sa validité au regard du principe d’ égalité de traitement.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

30 Les frais exposés par les gouvernements italien, allemand, hellénique et du Royaume-Uni ainsi que par le Conseil de l’ Union européenne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’ objet d’ un remboursement. La procédure revêtant, à l’ égard des parties au principal, le caractère d’ un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Vicenza, par ordonnance du 16 décembre 1993, dit pour droit:

1) La directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’ insolvabilité de l’ employeur, doit être interprétée en ce sens qu’ elle s’ applique à tous les travailleurs salariés, à l’ exception des catégories figurant en son annexe, dont les employeurs peuvent, selon le droit national dont ils relèvent, faire l’ objet, sur leur patrimoine, d’ une procédure visant à désintéresser collectivement leurs créanciers.

2) L’ examen de la directive précitée, dans la mesure où elle ne protège que les travailleurs salariés liés à des employeurs soumis, sur leur patrimoine, à des procédures visant à désintéresser collectivement leurs créanciers, n’ a révélé aucun élément de nature à mettre en cause sa validité au regard du principe d’ égalité de traitement.

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