CJCE, n° C-394/96, Arrêt de la Cour, Mary Brown contre Rentokil Ltd, 30 juin 1998

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 30 juin 1998, Brown, C-394/96
Numéro(s) : C-394/96
Arrêt de la Cour du 30 juin 1998. # Mary Brown contre Rentokil Ltd. # Demande de décision préjudicielle: House of Lords - Royaume-Uni. # Égalité de traitement entre hommes et femmes - Licenciement d'une femme enceinte - Absences dues à une maladie trouvant son origine dans la grossesse. # Affaire C-394/96.
Date de dépôt : 9 décembre 1996
Précédents jurisprudentiels : 29 mai 1997, Larsson ( C-400/95, Rec. p. I-2757
arrêts du 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88
Cour du 30 juin 1998. - Mary Brown contre Rentokil Ltd. - Demande de décision préjudicielle
Gillespie e.a., C-342/93
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61996CJ0394
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:331
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61996J0394

Arrêt de la Cour du 30 juin 1998. – Mary Brown contre Rentokil Ltd. – Demande de décision préjudicielle: House of Lords – Royaume-Uni. – Égalité de traitement entre hommes et femmes – Licenciement d’une femme enceinte – Absences dues à une maladie trouvant son origine dans la grossesse. – Affaire C-394/96.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-04185


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Accès à l’emploi et conditions de travail – Égalité de traitement – Licenciement d’une salariée, au cours de sa grossesse, en raison d’absences dues à une maladie trouvant son origine dans la grossesse – Inadmissibilité – Prise en compte, pour le calcul des absences cumulées autorisant, en vertu d’une clause contractuelle, le licenciement, des absences pour maladie liée à la grossesse et du congé de maternité – Inadmissibilité

(Directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1, et 5, § 1)

Sommaire


Les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, s’opposent au licenciement d’un travailleur féminin à un moment quelconque au cours de sa grossesse en raison d’absences dues à une incapacité de travail causée par une maladie trouvant son origine dans cette grossesse.

A cet égard, la circonstance que le travailleur féminin a été licencié au cours de sa grossesse sur la base d’une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue est sans incidence.

Le licenciement d’un travailleur féminin qui intervient au cours de la grossesse pour cause d’absences dues à l’incapacité de travail découlant de la grossesse est lié à la survenance des risques inhérents à la grossesse et doit donc être regardé comme fondé essentiellement sur le fait de la grossesse. Un tel licenciement ne peut concerner que les femmes et constitue dès lors une discrimination directe fondée sur le sexe. En revanche, dans la mesure où ils interviennent après la fin du congé de maternité, les états pathologiques trouvant leur origine dans la grossesse ou dans l’accouchement relèvent du régime général applicable au cas de maladie. Il en résulte que, dans l’hypothèse où une telle maladie est apparue au cours de la grossesse et s’est prolongée pendant et après le congé de maternité, l’absence non seulement pendant le congé de maternité, mais également pendant la période qui va du début de la grossesse au début du congé de maternité, ne peut être prise en compte pour le calcul de la période qui justifie le licenciement en droit national. Quant à l’absence du travailleur féminin après le congé de maternité, elle peut être prise en compte dans les mêmes conditions que l’absence d’un homme en raison d’une incapacité de travail de la même durée.

Parties


Dans l’affaire C-394/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par la House of Lords (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Mary Brown

et

Rentokil Initial UK Ltd (anciennement Rentokil Ltd),

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),

LA COUR,

composée de MM. C. Gulmann, président des troisième et cinquième chambres, faisant fonction de président, H. Ragnemalm, M. Wathelet et R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Mme Brown, par MM. Colin McEachran, QC, et Ian Truscott, advocate, mandatés par Mackay Simon, solicitors,

— pour Rentokil Initial UK Ltd, par MM. John Hand, QC, et Gerard F. McDermott, barrister, mandatés par M. Gareth T. Brown, solicitor,

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Stephanie Ridley, du Treasury Solicitor’s Department, en qualité d’agent, assistée de Mme Dinah Rose, barrister,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. Pieter Jan Kuyper, conseiller juridique, et Mme Marie Wolfcarius, membre du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Brown, de Rentokil Initial UK Ltd, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l’audience du 16 décembre 1997,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 février 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 28 novembre 1996, parvenue à la Cour le 9 décembre suivant, la House of Lords a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, deux questions sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant Mme Brown à Rentokil Initial UK Ltd (ci-après «Rentokil») au sujet de son licenciement intervenu au cours de sa grossesse.

3 Il résulte de l’ordonnance de renvoi que Mme Brown était employée par Rentokil en qualité de chauffeur. Son travail consistait principalement à transporter et à remplacer des unités «Sanitact» dans des magasins et d’autres centres. Selon l’intéressée, il s’agissait d’un travail lourd.

4 Au mois d’août 1990, Mme Brown a informé Rentokil qu’elle était enceinte. Elle a ensuite connu des difficultés liées à sa grossesse. A partir du 16 août 1990, elle a présenté une succession de certificats de quatre semaines mentionnant différents troubles dus à la grossesse. Elle n’a plus travaillé après la mi-août 1990.

5 Rentokil avait fait inclure une clause dans les contrats de travail des membres de son personnel selon laquelle, en cas d’absence pour maladie de plus de 26 semaines sans interruption, le travailleur concerné, qu’il soit homme ou femme, serait licencié.

6 Le 9 novembre 1990, des représentants de Rentokil ont indiqué à Mme Brown que la moitié de la période de 26 semaines était écoulée et lui ont rappelé que son contrat de travail prendrait fin le 8 février si elle ne reprenait pas le travail avant cette date, après avoir subi un examen médical indépendant. Cela lui a été confirmé par une lettre du même jour.

7 Mme Brown n’a pas repris le travail à la suite de cette lettre. Il est constant qu’il n’a jamais été envisagé qu’elle puisse le faire avant la fin de la période de 26 semaines. Par lettre du 30 janvier 1991, prenant effet le 8 février 1991, elle a par conséquent été licenciée au cours de sa grossesse. Son enfant est né le 22 mars 1991.

8 A l’époque où Mme Brown a été licenciée, l’article 33 de l’Employment Protection (Consolidation) Act 1978 prévoyait qu’un travailleur féminin absent du travail totalement ou partiellement en raison d’une grossesse ou d’un accouchement avait, sous respect de certaines conditions, le droit de reprendre le travail. Le travailleur féminin devait notamment avoir été employé jusque immédiatement avant le début de la onzième semaine précédant la semaine présumée de l’accouchement, et avoir été employé au début de cette onzième semaine sans interruption depuis au moins deux ans.

9 Selon l’ordonnance de renvoi, si l’on part de l’hypothèse selon laquelle la date de naissance de l’enfant de Mme Brown était également la date présumée de l’accouchement, cette dernière, étant donné qu’elle n’était pas employée depuis deux ans à la date du 30 décembre 1990, n’avait pas le droit de s’absenter de son travail à partir du début de la onzième semaine précédant l’accouchement, en application de l’article 33 de l’Employment Protection (Consolidation) Act, et de reprendre le travail à tout moment au cours des 29 semaines qui l’ont suivi. Toutefois, elle aurait eu droit au «Statutory Maternity Pay» (allocation légale de maternité) au titre des articles 46 à 48 du Social Security Act 1986.

10 Par une décision enregistrée le 5 août 1991, l’Industrial Tribunal a rejeté le recours que Mme Brown avait formé au titre du Sex Discrimination Act 1975 contre son licenciement. Selon cette juridiction, lorsqu’une absence due à une maladie liée à la grossesse, mais qui a commencé longtemps avant que les dispositions légales sur la maternité soient applicables et s’est poursuivie sans interruption par la suite, est suivie d’un licenciement, celui-ci ne relève pas de la catégorie des licenciements qui doivent être automatiquement considérés comme discriminatoires au motif qu’ils sont dus à la grossesse.

11 L’Employment Appeal Tribunal a, par décision du 23 mars 1992, rejeté l’appel de Mme Brown.

12 Par décision du 18 janvier 1995, la Court of Session, Extra Division, a déclaré, à titre de conclusion préliminaire, que, dans la présente affaire, il n’y avait pas de discrimination au sens du Sex Discrimination Act 1975. Selon cette juridiction, dès lors que la Cour a établi une distinction claire entre la grossesse et la maladie due à la grossesse (arrêt du 8 novembre 1990, Handels- og Kontorfunktionaerernes Forbund, dit «Hertz», C-179/88, Rec. p. I-3979), Mme Brown, dont l’absence était due à la maladie et qui a été licenciée en raison de cette maladie, ne pouvait obtenir gain de cause.

13 Mme Brown s’est pourvue en appel devant la House of Lords qui a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) a) Est-il contraire aux articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil des Communautés européennes (ci-après la `directive relative à l’égalité de traitement') de licencier un travailleur féminin à un moment quelconque au cours de sa grossesse, en raison d’une absence due à une maladie trouvant son origine dans cette grossesse?

b) Le fait que le travailleur féminin en question a été licencié sur la base d’une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue, a-t-il une incidence sur la réponse qui doit être donnée à la question 1, sous a)?

2) a) Est-il contraire aux articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive relative à l’égalité de traitement de licencier, en raison d’une absence due à une maladie trouvant son origine dans une grossesse, un travailleur féminin qui ne remplit pas les conditions du droit de s’absenter du travail pour cause de grossesse ou de maternité pendant la période déterminée par le droit national parce qu’il n’a pas été employé pendant la durée imposée par le droit national, lorsque le licenciement intervient au cours de cette période?

b) Le fait que le travailleur féminin en question a été licencié sur la base d’une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue, a-t-il une incidence sur la réponse qui doit être donnée à la question 2, sous a)?»

Sur la première partie de la première question

14 A titre liminaire, il convient de rappeler, que, selon son article 1er, paragraphe 1, la directive 76/207 vise à la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

15 L’article 2, paragraphe 1, de la directive précise que «Le principe de l’égalité de traitement … implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial». En vertu de l’article 5, paragraphe 1, «L’application du principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe».

16 Selon la jurisprudence constante de la Cour, le licenciement d’un travailleur féminin pour cause de grossesse ou pour une cause fondée essentiellement sur cet état ne peut concerner que les femmes et constitue dès lors une discrimination fondée sur le sexe (voir arrêts du 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88, Rec. p. I-3941, point 12; Hertz, précité, point 13; du 5 mai 1994, Habermann-Beltermann, C-421/92, Rec. p. I-1657, point 15, et du 14 juillet 1994, Webb, C-32/93, Rec. p. I-3567, point 19).

17 Comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt Webb, précité, point 20, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207, en réservant aux États membres le droit de maintenir ou d’introduire des dispositions destinées à protéger la femme en ce qui concerne «la grossesse et la maternité», reconnaît la légitimité, au regard du principe de l’égalité de traitement entre les sexes, d’une part, de la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et, d’autre part, de la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l’accouchement.

18 C’est précisément en considération du risque qu’un éventuel licenciement fait peser sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, y compris du risque particulièrement grave d’inciter la travailleuse enceinte à interrompre volontairement sa grossesse, que le législateur communautaire a, en vertu de l’article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CE) (JO L 348, p. 1), laquelle devait être transposée dans les États membres au plus tard deux ans après son adoption, prévu ultérieurement une protection particulière pour la femme en édictant l’interdiction de licenciement pendant la période allant du début de la grossesse jusqu’au terme du congé de maternité.En effet, l’article 10 de la directive 92/85 n’a prévu aucune exception ou dérogation à l’interdiction de licenciement de la femme enceinte pendant cette période, sauf dans les cas d’exception non liés à l’état de l’intéressée (voir, à cet égard, l’arrêt Webb, précité, points 21 et 22).

19 Il convient de répondre à la première partie de la première question préjudicielle, qui concerne la directive 76/207, en tenant compte de ce contexte général.

20 Tout d’abord, il résulte du dossier que cette question se rapporte au licenciement d’un travailleur féminin au cours de sa grossesse en raison d’absences dues à une incapacité de travail causée par cet état. Comme Rentokil l’a fait observer, la cause du licenciement de Mme Brown réside dans la circonstance qu’elle était malade au cours de sa grossesse au point d’être inapte au travail pendant 26 semaines. Il est par ailleurs constant que cette maladie trouvait son origine dans la grossesse.

21 Or, le licenciement d’une femme au cours de sa grossesse ne saurait être fondé sur des motifs tirés de l’incapacité qu’entraîne son état à fournir les prestations de travail auxquelles elle s’est engagée envers son employeur. Si une telle interprétation était adoptée, le bénéfice de la protection garantie par le droit communautaire à la femme en cours de grossesse serait réservé aux seules travailleuses enceintes qui sont en mesure de respecter les obligations de leur contrat de travail, de sorte que les dispositions de la directive 76/207 perdraient leur effet utile (voir arrêt Webb, précité, point 26).

22 En effet, si l’état de grossesse n’est aucunement assimilable à un état pathologique (arrêt Webb, précité, point 25), il n’en reste pas moins que, comme M. l’avocat général l’a souligné au point 56 de ses conclusions, la grossesse correspond à une période au cours de laquelle peuvent survenir des troubles et des complications susceptibles de contraindre la femme à une surveillance médicale stricte et, le cas échéant, à l’observation d’un repos absolu pendant toute la durée de la grossesse ou une partie de celle-ci. Ces troubles et complications, qui peuvent entraîner une incapacité de travail, relèvent des risques inhérents à l’état de grossesse et participent donc de la spécificité de cet état.

23 Dans l’arrêt Hertz, précité, point 15, la Cour a en outre rappelé, en se fondant sur l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207, que celle-ci permet les dispositions nationales qui garantissent aux femmes des droits spécifiques en raison de la grossesse et de la maternité. Elle en a déduit que, durant le congé de maternité dont elle bénéficie en application du droit national, la femme est protégée contre les licenciements motivés par son absence.

24 Si, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 76/207, une telle protection contre le licenciement doit être reconnue à la femme pendant le congé de maternité (arrêt Hertz, précité, point 15), le principe de non-discrimination, quant à lui, exige une protection similaire pendant toute la durée de la grossesse. En effet, comme il ressort du point 22 du présent arrêt, le licenciement d’un travailleur féminin qui intervient au cours de la grossesse pour cause d’absences dues à l’incapacité de travail découlant de la grossesse est lié à la survenance des risques inhérents à la grossesse et doit donc être regardé comme fondé essentiellement sur le fait de la grossesse. Un tel licenciement ne peut concerner que les femmes et constitue dès lors une discrimination directe fondée sur le sexe.

25 Il s’ensuit que les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 s’opposent au licenciement d’un travailleur féminin à un moment quelconque au cours de sa grossesse en raison d’absences dues à une incapacité de travail causée par une maladie trouvant son origine dans cette grossesse.

26 En revanche, dans la mesure où ils interviennent après la fin du congé de maternité, les états pathologiques trouvant leur origine dans la grossesse ou dans l’accouchement relèvent du régime général applicable au cas de maladie (voir, en ce sens, arrêt Hertz, précité, points 16 et 17). Dans une telle situation, la seule question est de savoir si les absences du travailleur féminin intervenant après le congé de maternité pour cause d’incapacité de travail qu’entraînent ces troubles sont traitées de la même manière que les absences d’un travailleur masculin en raison d’une incapacité de travail de la même durée; si tel est le cas, il n’y a pas de discrimination fondée sur le sexe.

27 Il résulte également de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 29 mai 1997, Larsson (C-400/95, Rec. p. I-2757, point 23), lorsqu’un travailleur féminin est absent en raison d’une maladie qui trouve son origine dans la grossesse ou dans l’accouchement, dans l’hypothèse où cette maladie est apparue au cours de la grossesse et s’est prolongée pendant et après le congé de maternité, l’absence non seulement pendant le congé de maternité, mais également pendant la période qui va du début de sa grossesse au début du congé de maternité, ne peut être prise en compte pour le calcul de la période qui justifie son licenciement en droit national. Quant à l’absence du travailleur féminin après le congé de maternité, elle peut être prise en compte dans les mêmes conditions que l’absence d’un homme en raison d’une incapacité de travail de la même durée.

28 Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la première question que les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 s’opposent au licenciement d’un travailleur féminin à un moment quelconque au cours de sa grossesse en raison d’absences dues à une incapacité de travail causée par une maladie trouvant son origine dans cette grossesse.

Sur la seconde partie de la première question

29 La seconde partie de la première question se rapporte à une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue.

30 Selon une jurisprudence constante, une discrimination consiste dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou dans l’application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêt du 13 février 1996, Gillespie e.a., C-342/93, Rec. p. I-475, point 16).

31 Dans la mesure où la clause est mise en oeuvre pour licencier une travailleuse enceinte en raison d’absences dues à l’incapacité de travail découlant de son état de grossesse, la règle qu’elle contient et qui vise également les hommes et les femmes est appliquée de la même façon à des situations différentes, étant donné que, comme il découle de la réponse donnée à la première partie de la première question, la situation d’une travailleuse enceinte qui se trouve dans une incapacité de travail causée par les troubles liés à son état de grossesse ne saurait être assimilée à la situation d’un travailleur masculin malade qui est absent pour incapacité de travail pendant le même laps de temps.

32 En conséquence, la clause contractuelle concernée, lorsqu’elle est appliquée dans un cas tel que celui de l’espèce, constitue une discrimination directe fondée sur le sexe.

33 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la première question que la circonstance que le travailleur féminin a été licencié au cours de sa grossesse sur la base d’une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue ne saurait modifier la réponse apportée à la première partie de la première question.

Sur la seconde question

34 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

35 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la House of Lords, par ordonnance du 28 novembre 1996, dit pour droit:

Les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, s’opposent au licenciement d’un travailleur féminin à un moment quelconque au cours de sa grossesse en raison d’absences dues à une incapacité de travail causée par une maladie trouvant son origine dans cette grossesse.

A cet égard, la circonstance que le travailleur féminin a été licencié au cours de sa grossesse sur la base d’une clause contractuelle permettant à l’employeur de licencier les travailleurs, quel que soit leur sexe, après un nombre déterminé de semaines d’absence continue est sans incidence.

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