CJCE, n° C-282/00, Arrêt de la Cour, Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) contre Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga), 15 mai 2003

  • Communauté européenne·
  • Agriculture et pêche·
  • Structures agricoles·
  • Agriculture·
  • Généralités·
  • Açores·
  • Betterave·
  • Sucre brut·
  • Madère·
  • Sucre blanc

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 mai 2003, RAR, C-282/00
Numéro(s) : C-282/00
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 mai 2003. # Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) contre Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga). # Demande de décision préjudicielle: Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada - Portugal. # Sucre - Décision 91/315/CEE - Programme Poséima - Mesures spécifiques en faveur des Açores et de Madère - Règlement (CEE) nº 1600/92 - Expédition vers le reste de la Communauté de sucre blanc produit aux Açores à partir de betteraves récoltées sur place ou à partir de sucre brut de betterave importé en exonération de prélèvement et/ou de droit de douane - Notion de 'transformation de produits' - Notion d''expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté'. # Affaire C-282/00.
Date de dépôt : 17 juillet 2000
Précédents jurisprudentiels : Bizzaro, C-175/98 et C-177/98
Forwarding Enterprise Safe, C-320/88
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62000CJ0282
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:277
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62000J0282

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 mai 2003. – Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) contre Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga). – Demande de décision préjudicielle: Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada – Portugal. – Sucre – Décision 91/315/CEE – Programme Poséima – Mesures spécifiques en faveur des Açores et de Madère – Règlement (CEE) nº 1600/92 – Expédition vers le reste de la Communauté de sucre blanc produit aux Açores à partir de betteraves récoltées sur place ou à partir de sucre brut de betterave importé en exonération de prélèvement et/ou de droit de douane – Notion de 'transformation de produits’ – Notion d''expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté'. – Affaire C-282/00.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-04741


Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Parties


Dans l’affaire C-282/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada (Portugal) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR)

et

Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga),

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation du règlement (CEE) n_ 1600/92 du Conseil, du 15 juin 1992, relatif à des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère (JO L 173, p. 1),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, D. A. O. Edward, P. Jann et S. von Bahr (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR), par Me P. Reis, advogado,

— pour Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga), par Mes M. Marques Mendes et R. Bastos, advogados, ainsi que par Mme M. L. Duarte, professeur de droit,

— pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme A. M. Alves Vieira et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR), représentée par Me P. Reis, de Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga), représentée par Mes M. Marques Mendes et R. Bastos, ainsi que par Mme M. L. Duarte, du gouvernement portugais, représenté par M. L. Fernandes, et de la Commission, représentée par Mme A. M. Alves Vieira et M. G. Berscheid, assistés de Me N. Castro Marques, advogado, à l’audience du 21 mars 2002,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 11 juillet 2000, parvenue à la Cour le 17 juillet suivant, le Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada a posé, en vertu de l’article 234 CE, quatre questions préjudicielles sur l’interprétation du règlement (CEE) n_ 1600/92 du Conseil, du 15 juin 1992, relatif à des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère (JO L 173, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant Refinarias de Açúcar Reunidas SA (ci-après «RAR»), établie à Porto (Portugal), à Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (ci-après «Sinaga»), établie à Ponta Delgada, aux Açores, au sujet de la commercialisation par Sinaga, dans la partie continentale du Portugal, de sucre blanc produit à partir de betteraves récoltées aux Açores et ayant bénéficié de l’aide à la transformation instituée par le programme Poséima, ou à partir de sucre brut de betterave importé en exonération du prélèvement et/ou du droit de douane au titre de ce programme.

Le cadre juridique

3 La décision 91/315/CEE du Conseil, du 26 juin 1991, instituant un programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité de Madère et des Açores POSÉIMA (JO L 171, p. 10), rappelle, à son premier considérant, que les régions autonomes portugaises des Açores et de Madère sont intégrées politiquement et économiquement dans la Communauté en vertu de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, ci-après l'«acte d’adhésion»), lequel a toutefois reconnu certaines de leurs spécificités par le biais de dérogations ponctuelles dans l’application des politiques communes.

4 L’article 1er de la décision 91/315 dispose:

«1. Il est institué un programme d’action pour Madère et les Açores (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité de Madère et des Açores), ci-après dénommé `programme POSÉIMA', tel qu’il figure à l’annexe. Ce programme s’applique aux mesures réglementaires et aux engagements financiers.

2. Dans le cadre des compétences qui lui sont conférées par le traité, le Conseil adopte les dispositions nécessaires à l’exécution du programme et invite la Commission à lui soumettre, dans les plus brefs délais, des propositions y afférentes.»

5 Le programme Poséima, figurant en annexe à la décision 91/315, comporte un titre I, intitulé «Principes généraux», qui couvre les points 1 à 4.

6 Selon le point 1 du programme Poséima, celui-ci se fonde sur le double principe de l’appartenance des Açores et de Madère à la Communauté et de la reconnaissance de la réalité régionale, caractérisée par les spécificités et contraintes particulières des régions concernées par rapport à l’ensemble de la Communauté.

7 Conformément au point 3.1 du programme Poséima, celui-ci soutient la réalisation des objectifs généraux du traité, en contribuant à la réalisation des objectifs particuliers suivants:

— une meilleure insertion des Açores et de Madère dans la Communauté en fixant un cadre approprié pour l’application des politiques communes dans ces régions,

— la participation pleine des Açores et de Madère à la dynamique du Marché intérieur par l’utilisation optimale des réglementations et instruments communautaires existants,

— ce faisant, la contribution au rattrapage économique et social des Açores et de Madère s’exprimant notamment par le financement communautaire des mesures spécifiques prévues par le programme Poséima.

8 Aux termes du point 4 du programme Poséima, les mesures et actions prévues par celui-ci doivent permettre de prendre en compte les spécificités et contraintes des Açores et de Madère sans porter atteinte à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire.

9 Le titre IV du programme Poséima, qui couvre les points 9 à 12, contient des mesures spécifiques visant à pallier la situation géographique exceptionnelle des Açores et de Madère.

10 Selon le point 9.1 du programme Poséima, le Conseil ou la Commission, selon le cas, arrêteront les actions prévues aux points 9.2 à 9.5, qui visent à atténuer l’impact des surcoûts d’approvisionnement en produits agricoles liés à l’éloignement et à l’insularité des Açores et de Madère.

11 Aux termes du point 9.2 du programme Poséima:

«Pour les produits agricoles essentiels à la consommation ou à la transformation dans les deux régions, cette action communautaire consistera, dans les limites des besoins du marché des Açores et de Madère, compte tenu des productions locales et des courants d’échanges traditionnels et en veillant à préserver la part des approvisionnements des produits du reste de la Communauté, à:

— exonérer du prélèvement et/ou du droit de douane et des montants, prévus à l’article 240 de l’acte d’adhésion, les produits originaires des pays tiers,

— permettre, à des conditions équivalentes et sans application des montants prévus audit article 240, la fourniture de produits communautaires mis à l’intervention ou disponibles sur le marché de la Communauté.

La mise en oeuvre de ce système reposera sur les principes suivants:

— les quantités faisant l’objet de ce système d’approvisionnement seront déterminées annuellement dans le cadre de bilans prévisionnels,

— dans le but d’assurer la répercussion de ces mesures sur le niveau des coûts de production et sur celui des prix à la consommation, il conviendra de prévoir un mécanisme de contrôle de cette répercussion jusqu’à l’utilisateur final,

— s’agissant de l’approvisionnement des Açores en sucre brut, le système sera applicable jusqu’au moment où le développement de la production locale de betteraves à sucre permettra de satisfaire les besoins du marché des Açores et de façon à ce que le volume total de sucre raffiné aux Açores ne dépasse pas 10 000 tonnes,

— […]»

12 Le titre V du programme Poséima, qui couvre les points 13 à 16, contient des mesures spécifiques en faveur des productions des Açores et de Madère.

13 Selon le point 14.4, premier tiret, du programme Poséima, les mesures visant à contribuer au soutien de la production locale de betteraves à sucre aux Açores pourront prendre la forme:

— d’une aide forfaitaire à l’hectare pour le développement de la production locale dans la limite d’un volume correspondant à une production de sucre de 10 000 tonnes;

— d’une aide spécifique à la transformation en sucre blanc des betteraves produites localement afin de stabiliser les coûts d’approvisionnement.

14 À la suite de l’adoption de la décision 91/315, le Conseil a arrêté le règlement n_ 1600/92.

15 Aux termes du douzième considérant du règlement n_ 1600/92, les mesures spécifiques pour les Açores doivent contribuer notamment à améliorer les conditions de production de la betterave sucrière et les conditions de compétitivité de l’industrie sucrière locale dans la limite de quantités déterminées.

16 Le titre I du règlement n_ 1600/92, intitulé «Régime spécifique d’approvisionnement», contient les articles 2 à 10 de ce règlement.

17 L’article 2 du règlement n_ 1600/92 prévoit:

«Pour chaque campagne, pour les produits agricoles essentiels à la consommation humaine et à la transformation, énumérés à l’annexe I pour les Açores et à l’annexe II pour Madère, des bilans prévisionnels d’approvisionnement sont établis. Ces bilans peuvent être révisés en cours de campagne en fonction de l’évolution des besoins de ces régions. L’évaluation des besoins des industries de transformation ou de conditionnement des produits destinés au marché local ou expédiés traditionnellement vers le reste de la Communauté peut faire l’objet de bilans prévisionnels séparés.»

18 L’article 3 du règlement n_ 1600/92 dispose:

«1. Aucun prélèvement ou droit de douane n’est appliqué lors de l’importation directe dans les régions des Açores et de Madère des produits faisant l’objet du régime spécifique d’approvisionnement, originaires des pays tiers, dans la limite des quantités déterminées dans les bilans d’approvisionnement.

2. Pour garantir la satisfaction des besoins établis conformément à l’article 2 en termes de quantités, de prix et de qualité, et en veillant à préserver la part des approvisionnements à partir de la Communauté, l’approvisionnement des régions précitées est réalisé également par la fourniture de produits communautaires détenus en stocks publics, en application de mesures d’intervention, ou disponibles sur le marché de la Communauté à des conditions équivalant, pour l’utilisateur final, à l’avantage résultant de l’exonération des droits à l’importation pour les produits originaires des pays tiers.

Les conditions de ces fournitures sont arrêtées en prenant en considération les coûts des différentes sources d’approvisionnement ainsi que les prix pratiqués à l’exportation vers les pays tiers.

3. Le régime prévu au présent article est mis en oeuvre de manière à tenir compte, sans préjudice du paragraphe 4, en particulier:

— des besoins spécifiques des régions concernées et, s’agissant des produits destinés à la transformation, des exigences précises de qualité requises,

— des courants d’échanges traditionnels avec le reste de la Communauté.

4. Pour l’approvisionnement des Açores en sucre brut, l’évaluation des besoins est opérée en prenant en compte le développement de la production locale de betterave à sucre. Les quantités bénéficiant du régime d’approvisionnement sont déterminées de telle sorte que le volume total annuel de sucre raffiné aux Açores ne dépasse pas 10 000 tonnes.

L’article 9 du règlement (CEE) n_ 1785/81 n’est pas applicable aux Açores.»

19 Aux termes de l’article 7 du règlement n_ 1600/92:

«Le bénéfice du régime d’approvisionnement prévu aux articles 2 et 3 est subordonné à une répercussion effective jusqu’à l’utilisateur final de l’avantage économique résultant de l’exonération du prélèvement et/ou du droit de douane, ou de l’aide communautaire en cas d’approvisionnement à partir du reste de la Communauté.»

20 L’article 8 du règlement n_ 1600/92 prévoit:

«Les produits qui bénéficient du régime spécifique d’approvisionnement établi au présent titre ne peuvent pas faire l’objet d’une réexportation vers les pays tiers ni d’une réexpédition vers le reste de la Communauté.

En cas de transformation des produits en cause dans les régions des Açores et de Madère, l’interdiction ne s’applique ni aux exportations traditionnelles ni aux expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté.»

21 Aux termes du sixième considérant du règlement n_ 1600/92, les interdictions de réexpédition vers le reste du marché communautaire et de réexportation vers les pays tiers ont pour objet d’éviter tout détournement de trafic, s’agissant des produits bénéficiant du régime spécifique d’approvisionnement.

22 Le titre II du règlement n_ 1600/92 est intitulé «Mesures en faveur des productions des Açores et de Madère». Il comporte une section 3, relative aux mesures en faveur des productions des Açores, qui réunit les points 24 à 30 de ce règlement.

23 L’article 25 du règlement n_ 1600/92 dispose:

«1. Une aide forfaitaire à l’hectare est accordée pour le développement de la production de betterave à sucre dans la limite d’une superficie correspondant à une production de sucre blanc de 10 000 tonnes par an.

Le montant de l’aide est de 500 écus par hectare de superficie ensemencée et récoltée.

2. Une aide spécifique est accordée pour la transformation en sucre blanc des betteraves récoltées aux Açores, dans la limite d’une production globale annuelle de 10 000 tonnes de sucre raffiné.

Le montant de l’aide est de 10 écus par 100 kilogrammes de sucre raffiné. Il peut être adapté selon la procédure visée au paragraphe 3.

3. Les modalités d’application du présent article sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 41 du règlement (CEE) n_ 1785/81.»

Le litige au principal

24 Sinaga exploite une unité de production de sucre implantée dans la région autonome des Açores. Elle se livre au raffinage de sucre en le réalisant soit à partir de betteraves récoltées aux Açores, soit à partir de sucre brut importé. Elle bénéficie, pour cette activité, à la fois de l’aide à la transformation en sucre blanc des betteraves récoltées aux Açores, en vertu de l’article 25 du règlement n_ 1600/92, et de l’exonération du prélèvement et/ou du droit de douane sur le sucre brut de betterave importé, en vertu de l’article 3 du même règlement.

25 L’unité de production et de raffinage de sucre de la région autonome des Açores en cause, qui porte actuellement le nom de Sinaga, a procédé depuis 1907 aux ventes de sucre vers l’extérieur des Açores, dans les quantités indiquées dans un tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi.

26 RAR produit du sucre blanc sur le territoire continental du Portugal et le commercialise. Elle a demandé au Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada d’ordonner à Sinaga de s’abstenir de commercialiser dans la partie continentale du Portugal le sucre blanc provenant du sucre brut qu’elle a importé en exonération du prélèvement et/ou du droit de douane, au titre du programme Poséima, ou ayant bénéficié de l’aide à la transformation instituée par ce programme. RAR estime que ce sucre est exclusivement destiné à l’approvisionnement et à la consommation de la région autonome des Açores.

Les questions préjudicielles

27 Ayant des doutes quant à l’interprétation à donner aux articles 2, 3 et 8 du règlement n_ 1600/92 et considérant que l’interprétation de ces articles est nécessaire pour la solution du litige pendant devant lui, le Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 8, second alinéa, du règlement (CEE) n_ 1600/92 du Conseil, du 15 juin 1992, s’applique-t-il i) au sucre transformé obtenu à partir de sucre brut (sucre proprement dit, provenant soit de betteraves produites sur place, soit de sucre brut importé) ou ii) seulement au sucre incorporé à des produits qui en contiennent (pâtisseries, boissons, etc.)? Autrement dit, que recouvre l’expression `transformation des produits’ figurant dans cette disposition?

2) Les ventes [de sucre réalisées par l’unité de production, actuellement exploitée par Sinaga, à l’extérieur des Açores depuis 1907,] mentionnées [dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi,] peuvent-elles relever des notions de `courants d’échanges traditionnels', `exportations traditionnelles’ ou `expéditions traditionnelles’ vers `le reste de la Communauté', figurant aux articles 3, paragraphe 3, second tiret, et 8, second alinéa, du règlement précité?

3) Indépendamment de la réponse aux questions précédentes, les dispositions du droit applicable depuis septembre 1998, jusqu’à ce jour, permettent-elles que Sinaga puisse vendre dans la partie continentale du Portugal du sucre qu’elle a produit à partir de betteraves cultivées aux Açores, et pour la production desquelles elle bénéficie d’aides communautaires au titre du programme Poséima?

4) Toujours indépendamment de la réponse aux questions précédentes, les dispositions du droit applicable depuis septembre 1998, jusqu’à ce jour, permettent-elles que Sinaga puisse vendre dans la partie continentale du Portugal du sucre qu’elle a produit à partir de sucre brut importé en exemption de prélèvement, au titre du même programme Poséima?»

Sur la première question

28 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si le raffinage de sucre brut de betterave afin d’obtenir du sucre blanc constitue la transformation d’un produit, au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92.

29 À cet égard, il y a lieu d’indiquer que l’article 8 du règlement n_ 1600/92 vise à déterminer les conditions de circulation des produits qui ont été importés en exonération de prélèvement et/ou de droit de douane en vertu du régime spécifique d’approvisionnement prévu par ce même règlement.

30 Il convient de s’inspirer, pour l’interprétation de la notion de «transformation des produits» contenue dans l’article 8, second alinéa, du règlement nº 1600/92, des dispositions du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code de douanes communautaires (JO L 302, p. 1).

31 Aux termes de l’article 24 du règlement n_ 2913/92, «[u]ne marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important».

32 Il résulte de cet article que la transformation d’un produit doit représenter, à tout le moins, un stade de fabrication important.

33 Une telle interprétation de la notion de transformation d’un produit apparaît conforme au sens habituel des termes employés, qui impliquent une modification importante du produit, et doit être retenue pour l’interprétation des mêmes termes employés à l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92.

34 Il y a lieu de relever que le raffinage de sucre brut afin d’obtenir du sucre blanc destiné au consommateur final implique un processus élaboré à l’issue duquel est obtenu un produit qui présente des qualités objectives différentes du produit original et qui relève de domaines d’utilisation différents de ce dernier.

35 Il convient d’ajouter que la réglementation communautaire tient compte des différences objectives entre le sucre brut et le sucre blanc.

36 Ainsi, le règlement (CEE) n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4), comporte, à son article 1er, paragraphe 2, une définition différente des sucres blancs et des sucres bruts, et édicte par ailleurs des règles en partie différentes en ce qui concerne ces deux types de sucres.

37 Au demeurant, le sucre brut, de canne ou de betterave, et le sucre blanc relèvent de sous-positions différentes de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1).

38 Il convient donc de constater, d’une part, que le raffinage de sucre brut pour obtenir du sucre blanc représente un stade de fabrication important et, d’autre part, que la réglementation communautaire tient compte des différences objectives entre le sucre brut et le sucre blanc.

39 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que le raffinage de sucre brut de betterave afin d’obtenir du sucre blanc doit être considéré comme la transformation d’un produit, au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92.

Sur la deuxième question

40 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si des expéditions de sucre des Açores vers la partie continentale du Portugal et vers Madère, réalisées entre 1907 et 1992 et mentionnées dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi, doivent être considérées comme étant des «expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté» au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement nº 1600/92.

41 Conformément à l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 1600/92, le régime spécifique d’approvisionnement doit être mis en oeuvre de manière à tenir compte des courants d’échanges traditionnels avec la Communauté.

42 Il est ainsi prévu à l’article 8, second alinéa, du règlement nº 1600/92 que l’interdiction de réexportation vers les pays tiers et de réexpédition vers le reste de la Communauté ne s’applique, en cas de transformation aux Açores de produits ayant bénéficié du régime spécifique d’approvisionnement, ni aux exportations traditionnelles ni aux expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté.

43 Ainsi que l’affirme M. l’avocat général au point 61 de ses conclusions, si le législateur communautaire a entendu tenir compte des courants d’échanges traditionnels, ce n’est pas dans le but de reconnaître des droits historiques, mais afin d’éviter que la mise en place du régime spécifique d’approvisionnement, conçu dans l’intérêt des Açores, ne conduise à la perte de marchés sur lesquels s’écoulaient régulièrement ses productions.

44 Il en résulte que les expéditions de sucre doivent répondre à des conditions relativement strictes pour pouvoir être qualifiées de courants d’échanges traditionnels ou d’expéditions traditionnelles. Ces conditions ont trait tant à l’importance qu’à la régularité et à l’actualité des expéditions en cause. En effet, des expéditions sporadiques et insignifiantes qui auraient eu lieu dans le passé ne sauraient répondre à de telles conditions.

45 Afin de déterminer si les expéditions de sucre vers la partie continentale du Portugal et vers Madère, réalisées entre 1907 et 1992 et mentionnées dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi, constituent des expéditions traditionnelles, il convient donc de déterminer si, lors de la mise en oeuvre du programme Poséima par le règlement nº 1600/92, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1992, lesdites expéditions revêtaient un caractère actuel, régulier, et significatif.

46 En ce qui concerne l’appréciation des faits qui ressortent de l’ordonnance de renvoi, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 234 CE, lequel est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits relève de la compétence du juge national (arrêts du 15 novembre 1979, Denkavit Futtermittel, 36/79, Rec. p. 3439, point 12; du 16 juillet 1998, Dumon et Froment, C-235/95, Rec. p. I-4531, point 25, et du 5 octobre 1999, Lirussi et Bizzaro, C-175/98 et C-177/98, Rec. p. I-6881, point 37).

47 La Cour n’est donc pas compétente pour apprécier les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles communautaires dont elle a donné l’interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale (voir arrêts du 19 décembre 1968, Salgoil, 13/68, Rec. p. 661, 672; du 23 janvier 1975, Van der Hulst, 51/74, Rec. p. 79, point 12; du 8 février 1990, Shipping and Forwarding Enterprise Safe, C-320/88, Rec. p. I-285, point 11, ainsi que Lirussi et Bizzaro, précité, point 38).

48 Il convient d’ajouter que, même si la juridiction de renvoi parvient à la conclusion que les expéditions réalisées entre 1907 et 1992, mentionnées dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi, constituaient des expéditions traditionnelles, elle devra également, au cas où elle examinerait des expéditions ultérieures, s’assurer que celles-ci ont conservé cette même qualité d’expéditions traditionnelles.

49 Dans ces conditions, il convient de répondre à la deuxième question que constituent des expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté, au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92, des expéditions qui revêtaient, au moment de l’entrée en vigueur de ce règlement, le 1er juillet 1992, un caractère actuel, régulier et significatif. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel était le cas des expéditions de sucre des Açores vers la partie continentale du Portugal et vers Madère, réalisées entre 1907 et 1992 et mentionnées dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi.

Sur la troisième question

50 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit communautaire s’oppose à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de betteraves récoltées aux Açores, et bénéficiant des aides communautaires prévues à l’article 25 du règlement n_ 1600/92.

51 À cet égard, il convient de constater que l’article 8 du règlement nº 1600/92 interdit la réexpédition vers le reste de la Communauté des produits qui bénéficient du régime spécifique d’approvisionnement établi au titre I de ce règlement.

52 Or, le sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores ne fait pas partie des produits qui bénéficient du régime spécifique d’approvisionnement instauré par le titre I du règlement n_ 1600/92.

53 Conformément à l’article 25 de ce règlement, qui figure dans le titre II de celui-ci, relatif aux mesures en faveur des productions des Açores et de Madère, sont accordées, d’une part, une aide forfaitaire à l’hectare pour le développement de la production de betterave à sucre aux Açores et, d’autre part, une aide spécifique pour la transformation en sucre blanc des betteraves récoltées aux Açores.

54 L’attribution desdites aides est limitée à une production globale annuelle des Açores de 10 000 tonnes de sucre blanc. En revanche, aucune disposition du règlement nº 1600/92 n’interdit d’expédier vers le reste de la Communauté le sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores.

55 En l’absence d’une interdiction explicite et à la lumière du principe fondamental de la libre circulation des marchandises, il apparaît que l’expédition de sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores vers le reste de la Communauté n’est soumise à aucune restriction.

56 RAR fait toutefois valoir que, si l’expédition de sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores vers le reste de la Communauté n’était pas interdite, la finalité du programme Poséima, dont les effets devraient rester limités aux Açores, serait dénaturée. En se référant notamment au point 9.2 de ce programme et à l’article 3, paragraphe 4, du règlement nº 1600/92, RAR affirme que la production locale de betteraves à sucre devrait être prise en compte pour l’évaluation des besoins d’approvisionnement des Açores. Selon elle, si la production locale permettait de satisfaire les besoins du marché des Açores, l’importation de sucre brut au titre des facilités instaurées dans le cadre dudit programme cesserait de se justifier et celui-ci devrait prendre fin.

57 À cet égard, il convient tout d’abord d’indiquer qu’une déclaration commune concernant le développement économique et social des régions autonomes des Açores et de Madère, annexée à l’acte final du traité relatif à l’adhésion du royaume d’Espagne et de la République portugaise à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1985, L 302, p. 466), a recommandé aux institutions communautaires d’attacher une attention particulière à la réalisation de la politique de développement économique et social des Açores et de Madère, poursuivie par le gouvernement portugais et les autorités de ces deux régions autonomes, dont le but est de surmonter les handicaps de ces régions découlant de leur situation géographique éloignée du continent européen, de leur orographie particulière, des graves insuffisances d’infrastructure et de leur retard économique.

58 Il y a lieu également de relever que, conformément au point 3.1 du programme Poséima, qui énonce l’un des principes généraux de ce programme, celui-ci doit soutenir la réalisation des objectifs généraux du traité en contribuant aux objectifs particuliers que sont la réalisation d’une meilleure insertion des Açores et de Madère dans la Communauté, leur participation pleine à la dynamique du marché intérieur et la contribution à leur rattrapage économique et social.

59 Il ressort du point 3.1 du programme Poséima que celui-ci n’a pas pour objectif de cloisonner le marché des produits agricoles des Açores ou de créer des obstacles insurmontables au commerce entre les Açores et le reste de la Communauté, mais de contribuer à la participation des Açores à la dynamique du marché intérieur tout en accordant certains avantages à cet archipel.

60 Dès lors, la possibilité d’exporter le sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores paraît conforme aux objectifs du programme Poséima.

61 En ce qui concerne le point 9.2 du programme Poséima et l’article 3, paragraphe 4, du règlement nº 1600/92, invoqués par RAR, il convient de constater que le fait que la production de sucre à partir de betteraves récoltées aux Açores soit prise en compte pour l’évaluation des besoins d’approvisionnement de cet archipel ne signifie pas que ledit sucre doit nécessairement être vendu sur le marché local. En revanche, la production locale de sucre est prise en compte pour déterminer la quantité de sucre importé pouvant bénéficier du régime spécifique d’approvisionnement, étant entendu que le volume total annuel de sucre raffiné aux Açores ne peut dépasser 10 000 tonnes. Aucune interdiction d’expédier le sucre produit à partir de betteraves récoltées aux Açores ne découle donc de ces dispositions.

62 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que le droit communautaire ne s’oppose pas à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de betteraves récoltées aux Açores, et bénéficiant, dans la limite d’une production de 10 000 tonnes par an, des aides communautaires prévues à l’article 25 du règlement n_ 1600/92.

Sur la quatrième question

63 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si le droit communautaire s’oppose à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de sucre brut de betterave importé sous le régime spécifique d’approvisionnement instauré par le titre I du règlement nº 1600/92.

64 Il découle de l’article 8, premier alinéa, du règlement nº 1600/92 que sont interdites la réexpédition vers le reste de la Communauté ainsi que la réexportation vers les pays tiers de sucre ayant bénéficié du régime spécifique d’approvisionnement.

65 Ainsi qu’il ressort du sixième considérant du règlement n_ 1600/92, ces interdictions de réexpédition vers le reste du marché communautaire et de réexportation vers les pays tiers ont pour objet d’éviter tout détournement de trafic, s’agissant des produits bénéficiant du régime spécifique d’approvisionnement.

66 Conformément à l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92, cette interdiction ne s’applique toutefois pas, en cas de transformation aux Açores desdits produits, aux expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté.

67 Il résulte de la réponse à la première question que le raffinage de sucre brut de betterave afin d’obtenir du sucre blanc constitue la transformation d’un produit, au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement nº 1600/92.

68 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que le droit communautaire ne s’oppose pas à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de sucre brut de betterave importé sous le régime spécifique d’approvisionnement instauré par le titre I du règlement nº 1600/92, à condition qu’elle corresponde à des expéditions traditionnelles au sens de l’article 8, second alinéa, de ce règlement.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

69 Les frais exposés par le gouvernement portugais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal Judicial da Comarca de Ponta Delgada, par ordonnance du 11 juillet 2000, dit pour droit:

1) Le raffinage de sucre brut de betterave afin d’obtenir du sucre blanc doit être considéré comme la transformation d’un produit au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement (CEE) nº 1600/92 du Conseil, du 15 juin 1992, relatif à des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère.

2) Constituent des expéditions traditionnelles vers le reste de la Communauté, au sens de l’article 8, second alinéa, du règlement n_ 1600/92, des expéditions qui revêtaient, au moment de l’entrée en vigueur de ce règlement, le 1er juillet 1992, un caractère actuel, régulier et significatif. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel était le cas des expéditions de sucre des Açores vers la partie continentale du Portugal et vers Madère, réalisées entre 1907 et 1992 et mentionnées dans le tableau reproduit dans l’ordonnance de renvoi.

3) Le droit communautaire ne s’oppose pas à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de betteraves récoltées aux Açores, et bénéficiant, dans la limite d’une production de 10 000 tonnes par an, des aides communautaires prévues à l’article 25 du règlement n_ 1600/92.

4) Le droit communautaire ne s’oppose pas à l’expédition vers la partie continentale du Portugal de sucre blanc produit aux Açores à partir de sucre brut de betterave importé sous le régime spécifique d’approvisionnement instauré par le titre I du règlement nº 1600/92, à condition qu’elle corresponde à des expéditions traditionnelles au sens de l’article 8, second alinéa, de ce règlement.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-282/00, Arrêt de la Cour, Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) contre Sociedade de Indústrias Agricolas Açoreanas SA (Sinaga), 15 mai 2003