CJCE, n° C-283/00, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne, 16 octobre 2003

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Chronologie de l’affaire

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CJUE 5 octobre 2017 LitSpecMet c/ Vilniaus lokomotyvų remonto depas, aff n° C-567/15 La Cour de justice de l'Union européenne a été saisie par le juge national lituanien d'une question préjudicielle dans le cadre d'un contentieux introduit par un concurrent évincé suite à l'attribution d'un marché de fourniture de barre de métaux ferreux par la société des chemins de fer lituaniens à la société VLRD, sa filiale à 100 %. C'est l'occasion pour elle d'analyser la qualification d'« organisme de droit public » d'une société qui, d'une part, est détenue entièrement par un pouvoir adjudicateur …

 

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CJUE 5 octobre 2017 LitSpecMet c/ Vilniaus lokomotyvų remonto depas, aff n° C-567/15 La Cour de justice de l'Union européenne a été saisie par le juge national lituanien d'une question préjudicielle dans le cadre d'un contentieux introduit par un concurrent évincé suite à l'attribution d'un marché de fourniture de barre de métaux ferreux par la société des chemins de fer lituaniens à la société VLRD, sa filiale à 100 %. C'est l'occasion pour elle d'analyser la qualification d'« organisme de droit public » d'une société qui, d'une part, est détenue entièrement par un pouvoir adjudicateur …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 16 oct. 2003, Commission / Espagne, C-283/00
Numéro(s) : C-283/00
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 octobre 2003. # Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. # Manquement d'État - Marchés publics - Directive 93/37/CEE - Procédure de passation de marchés publics de travaux - Société commerciale d'État régie par le droit privé - Objet social consistant en l'exécution d'un plan d'amortissement et de création de centres pénitentiaires - Notion de 'pouvoir adjudicateur'. # Affaire C-283/00.
Date de dépôt : 18 juillet 2000
Précédents jurisprudentiels : 22 mai 2003, Korhonen e.a., C18/01
24 de l' arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. ( C-44/96
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62000CJ0283
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:544
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62000J0283

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 octobre 2003. – Commission des Communautés européennes contre Royaume d’Espagne. – Manquement d’État – Marchés publics – Directive 93/37/CEE – Procédure de passation de marchés publics de travaux – Société commerciale d’État régie par le droit privé – Objet social consistant en l’exécution d’un plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires – Notion de 'pouvoir adjudicateur'. – Affaire C-283/00.


Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


Parties

Motifs de l’arrêt

Dispositif

Parties


Dans l’affaire C-283/00,

Commission des Communautés européennes , représentée par M. G. Valero Jordana, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme M. López-Monís Gallego, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, dans le cadre de l’appel d’offres concernant la réalisation des travaux du Centro Educativo Penitenciario Experimental de Segovia (Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie), lancé par la Sociedad Estatal de Infraestructuras y Equipamientos Penitenciarios, SA, société répondant à la définition de pouvoir adjudicateur contenue à l’article 1er , sous b), de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et dont le montant excède largement le seuil prévu par la directive, le royaume d’Espagne, en ne respectant pas l’ensemble des dispositions de ladite directive et plus précisément les règles de publicité prévues à l’article 11, paragraphes 2, 6, 7 et 11, ainsi que les dispositions des articles 12, paragraphe 1, 29, paragraphe 3, 18, 27 et 30, paragraphe 4, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive,

LA COUR (sixième chambre)

composée de M. J.-P. Puissochet, président de chambre, MM. R. Schintgen et V. Skouris (rapporteur), Mme N. Colneric et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 juillet 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, dans le cadre de l’appel d’offres concernant la réalisation des travaux du Centro Educativo Penitenciario Experimental de Segovia (Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie), lancé par la Sociedad Estatal de Infraestructuras y Equipamientos Penitenciarios, SA (ci-après la «SIEPSA»), société répondant à la définition de pouvoir adjudicateur contenue à l’article 1er , sous b), de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et dont le montant excède largement le seuil prévu par la directive, le royaume d’Espagne, en ne respectant pas l’ensemble des dispositions de ladite directive et plus précisément les règles de publicité prévues à l’article 11, paragraphes 2, 6, 7 et 11, ainsi que les dispositions des articles 12, paragraphe 1, 29, paragraphe 3, 18, 27 et 30, paragraphe 4, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2. Le deuxième considérant de la directive 93/37 indique que «la réalisation simultanée de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics de travaux conclus dans les États membres pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public, comporte, parallèlement à l’élimination des restrictions, une coordination des procédures nationales de passation des marchés publics de travaux».

3. Aux termes de l’article 1er , sous b), de la directive 93/37:

«sont considérés comme pouvoirs adjudicateurs', l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

On entend par organisme de droit public’ tout organisme:

— créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

et

— doté de la personnalité juridique

et

— dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

Les listes des organismes et des catégories d’organismes de droit public qui remplissent les critères énumérés au deuxième alinéa du présent point figurent à l’annexe I. Ces listes sont aussi complètes que possible et peuvent être révisées selon la procédure prévue à l’article 35. […]»

4. L’article 11, paragraphes 2, 6, 7 et 11, de la directive 93/37 dispose:

«2. Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de travaux par procédure ouverte, restreinte ou négociée dans les cas visés à l’article 7 paragraphe 2 font connaître leur intention au moyen d’un avis.

[…]

6. Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes IV, V et VI et donnent les renseignements qui y sont demandés.

Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger des conditions autres que celles prévues aux articles 26 et 27 lorsqu’ils demandent des renseignements concernant les conditions de caractère économique et technique qu’ils exigent des entrepreneurs pour leur sélection […].

7. Les avis prévus aux paragraphes 1 à 5 sont envoyés par les pouvoirs adjudicateurs dans les meilleurs délais et par les voies les plus appropriées à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. […]

[…]

11. La publication des avis dans les journaux officiels ou dans la presse du pays du pouvoir adjudicateur ne doit pas avoir lieu avant la date d’envoi à l’Office des publications officielles des Communautés européennes et doit faire mention de cette date. […]»

5. L’article 12, paragraphe 1, de la directive 93/37 est libellé comme suit:

«Dans les procédures ouvertes, le délai de réception des offres, fixé par les pouvoirs adjudicateurs, ne peut être inférieur à cinquante-deux jours à compter de la date d’envoi de l’avis.»

6. Aux termes de l’article 18 de la directive:

«L’attribution du marché se fait sur la base des critères prévus au chapitre 3 du présent titre, compte tenu des dispositions de l’article 19, après vérification de l’aptitude des entrepreneurs non exclus en vertu de l’article 24, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères de capacité économique, financière et technique visés aux articles 26 à 29.»

7. L’article 24 de la directive 93/37 dispose notamment:

«Peut être exclu de la participation au marché tout entrepreneur:

a) qui est en état de faillite, de liquidation, de cessation d’activités, de règlement judiciaire ou de concordat préventif ou dans toute situation analogue résultant d’une procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales;

b) qui fait l’objet d’une procédure de déclaration de faillite, de règlement judiciaire, de liquidation, de concordat préventif ou de toute autre procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales;

c) qui a fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement ayant autorité de chose jugée pour tout délit affectant la moralité professionnelle de l’entrepreneur;

d) qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier;

[…]

g) qui s’est rendu gravement coupable de fausses déclarations en fournissant les renseignements exigibles en application du présent chapitre.

[…]»

8. Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, de la directive 93/37:

«1. La justification des capacités techniques de l’entrepreneur peut être fournie:

[…]

c) par une déclaration mentionnant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont l’entrepreneur disposera pour l’exécution de l’ouvrage;

[…]

e) par une déclaration mentionnant les techniciens ou les organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise, dont l’entrepreneur disposera pour l’exécution de l’ouvrage.»

9. Il ressort de l’article 29, paragraphe 3, de la directive 93/37 que l’inscription certifiée par les organismes compétents sur des listes officielles constitue, à l’égard des pouvoirs adjudicateurs des autres États membres, une présomption d’aptitude aux travaux correspondant au classement d’un entrepreneur notamment au sens de l’article 27, points b) et d).

10. L’article 30, paragraphes 1 et 4, de la directive 93/37 prévoit:

«1. Les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés sont:

a) soit uniquement le prix le plus bas;

b) soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables suivant le marché en question: par exemple, le prix, le délai d’exécution, le coût d’utilisation, la rentabilité, la valeur technique.

[…]

4. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, des précisions sur la composition de l’offre qu’il juge opportunes et vérifie cette composition en tenant compte des justifications fournies.

Le pouvoir adjudicateur peut prendre en considération des justifications tenant à l’économie du procédé de construction, ou aux solutions techniques adoptées, ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour exécuter les travaux, ou à l’originalité du projet du soumissionnaire.

Si les documents relatifs au marché prévoient l’attribution au prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer à la Commission le rejet des offres jugées trop basses.

[…]»

11. L’annexe I, partie V, de la directive 93/37 comporte la liste des catégories d’organismes de droit public visés à l’article 1er , sous b), en ce qui concerne l’Espagne. Il s’agit des catégories suivantes:

«? Entidades Gestoras y Servicios Comunes de la Seguridad Social (entités administratives et institutions communes de sécurité sociale),

— Organismos Autónomos de la Administración del Estado (organismes autonomes de l’administration de l’État),

— Organismos Autónomos de las Comunidades Autónomas (organismes autonomes des communautés autonomes),

— Organismos Autónomos de las Entidades Locales (organismes autonomes des autorités locales),

— Otras entidades sometidas a la legislación de contratos del Estado español (autres entités visées par la législation en matière de marchés publics de l’État espagnol).»

12. L’article 1er , points 1 et 2, de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), est libellé comme suit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1) pouvoirs publics': l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

Est considéré comme un organisme de droit public tout organisme:

— créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial,

— doté d’une personnalité juridique

et

— dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public;

2) entreprise publique': toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. L’influence dominante est présumée lorsque les pouvoirs publics, directement ou indirectement, à l’égard de l’entreprise:

— détiennent la majorité du capital souscrit de l’entreprise

ou

— disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par l’entreprise

ou

— peuvent désigner plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de l’entreprise».

La réglementation nationale

Le régime général applicable à la SIEPSA

13. La directive 93/37 a été transposée en droit interne espagnol par la Ley 13/1995 de Contratos de las Administraciones Públicas (loi sur les marchés publics), du 18 mai 1995 (BOE n° 119, du 19 mai 1995, p. 14601, ciaprès la «loi no 13/1995»).

14. L’article 1er , paragraphes 2 et 3, de la loi no 13/1995 dispose:

«2. On entend par administrations publiques aux fins de la présente loi:

a) l’administration centrale de l’État;

b) les administrations des communautés autonomes;

c) les entités qui composent l’administration locale.

3. Devront également exercer leur activité de passation des marchés conformément à la présente loi les organismes autonomes dans tous les cas et les autres entités de droit public dotées d’une personnalité juridique propre, liées à une administration publique ou dépendant d’elle, qui répondent aux critères suivants:

a) avoir été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

b) être des entités dont soit l’activité est financée majoritairement par les administrations publiques ou d’autres entités de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces dernières, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par les administrations publiques et d’autres entités de droit public.»

15. La sixième disposition additionnelle de cette même loi, intitulée «Principes de passation des marchés dans le secteur public», est libellée comme suit:

«Les sociétés commerciales dans le capital desquelles les administrations publiques ou leurs organismes autonomes, ou des entités de droit public détiennent une participation, directe ou indirecte, majoritaire respectent dans leur activité de passation de marchés, les principes de publicité et de concurrence, sauf si la nature de l’opération à réaliser est incompatible avec ces principes.»

16. Il convient de relever que, depuis l’introduction du présent recours, le royaume d’Espagne a adopté, par le Real Decreto Legislativo 2/2000 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley de Contratos de las Administraciones Públicas (décret-loi royal approuvant le texte codifié de la loi sur les marchés publics), du 16 juin 2000 (BOE n° 148, du 21 juin 2000, p. 21775), une nouvelle version codifiée de la loi susmentionnée qui se limite cependant à réunir et à ordonner les dispositions antérieures, sans en modifier la substance.

17. L’article 2, paragraphe 2, de la Ley 30/1992 de Régimen Jurídico de las Administraciones Públicas y del Procedimiento Administrativo Común (loi sur le régime juridique des administrations publiques et sur la procédure administrative commune), du 26 novembre 1992, telle que modifiée par la Ley 4/1999, du 13 janvier 1999 (BOE n° 12, du 14 janvier 1999, p. 1739, ci-après la «loi n° 30/1992»), dispose:

«Les entités de droit public dotées d’une personnalité juridique distincte qui sont liées à l’une quelconque des administrations publiques ou qui en dépendent sont également considérées comme des administrations publiques. L’activité de ces entités est régie par la présente loi lorsque celles-ci exercent des pouvoirs administratifs, le reste de leur activité étant soumis aux règles régissant leur création.»

18. Il ressort de la douzième disposition additionnelle de la Ley 6/1997 de Organización y Funcionamento de la Administración General del Estado (loi sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration centrale de l’État), du 14 avril 1997 (BOE no 90, du 15 avril 1997, p. 11755, ci-après la «loi no 6/1997»), que les sociétés commerciales d’État sont entièrement régies par le droit privé, quelle que soit leur forme juridique, sauf dans les domaines régis par les lois en matière de budget, de comptabilité, de contrôle financier et de marchés publics et qu’elles ne pourront en aucun cas disposer de pouvoirs qui impliquent l’exercice de l’autorité publique.

19. Par ailleurs, la SIEPSA est régie notamment par le Texto Refundido de la Ley General Presupuestaria (texte codifié de la loi budgétaire générale), approuvé par le Real Decreto Legislativo 1091/1988, du 23 septembre 1988 (BOE no 234, du 29 septembre 1988, p. 28406), par le Texto Refundido de la Ley de Sociedades Anónimas (texte codifié de la loi sur les sociétés anonymes), approuvé par le Real Decreto Legislativo 1564/1989, du 22 décembre 1989 (BOE no 310, du 27 décembre 1989, p. 40012), par la législation générale sur les sociétés anonymes ainsi que par ses statuts.

Les statuts de la SIEPSA

20. La SIEPSA est une société d’État constituée par la décision du Conseil des ministres du 21 février 1992, sous la forme d’une société anonyme commerciale. Créée à l’origine pour une durée de huit ans, la société est devenue, à la suite à d’une modification de ses statuts en octobre 1999, une société à durée illimitée. Au début de l’année 2000, son capital était de 85 622 000 000 ESP, entièrement souscrit et libéré par l’État espagnol en tant qu’unique actionnaire.

21. Conformément à ce que prévoient ses statuts, la société est dirigée et représentée par un conseil d’administration. Les huit membres de ce conseil sont désignés par l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition des ministères de la Justice, de l’Économie et des Finances. Son président est nommé par le conseil d’administration et choisi parmi les membres du conseil proposés par le ministère de la Justice.

22. L’objet social de la SIEPSA, d’après la modification statutaire du 17 juillet 1998, est le suivant:

«1. Le développement et l’exécution des programmes et des actions que contient ou que pourra contenir à l’avenir le plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires, approuvé par décision du Conseil des ministres […], pour tout ce qui concerne la construction de centres et de dépendances pénitentiaires effectuée par la société elle-même ou par l’intermédiaire de tiers, ainsi que l’amortissement ou l’aliénation de biens immeubles et de centres qui, ayant cessé d’être affectés à des services ou des objectifs pénitentiaires, seront attribués à la société conformément aux prévisions du plan, afin qu’elle mette en oeuvre, conformément aux directives émanant de la direction générale de l’administration pénitentiaire, en particulier les opérations ci-après:

a) exercer toutes les activités de conseil et de gestion urbanistique nécessaires à la mise en oeuvre du plan susmentionné ainsi que collaborer avec des organismes publics ou privés aux fins précitées;

b) localiser et acquérir les immeubles appropriés ou adapter, si nécessaire, ceux qui s’avèrent aptes à l’installation des nouveaux centres ou dépendances pénitentiaires, ainsi que procéder au paiement des acquisitions effectuées par l’administration pénitentiaire par tous moyens et pour l’objectif indiqué;

c) rédiger les projets d’exécution des travaux, en réaliser les plans et préparer les conditions d’adjudication des travaux qui font l’objet d’un marché;

d) organiser et passer les marchés pour l’exécution des travaux selon les procédures légales, ainsi qu’effectuer les interventions nécessaires relatives à la direction des travaux, au contrôle de qualité, aux mesurages, aux certifications et supervisions ainsi qu’à tout ce concerne l’équipement et le matériel auxiliaire, avec la collaboration des techniciens désignés par l’administration pénitentiaire;

e) promouvoir et exécuter les travaux d’aménagement, de construction, d’édification, de financement nécessaires ainsi que prévoir l’équipement nécessaire pour la mise en service des nouveaux centres et dépendances pénitentiaires.

2. L’aliénation des biens immeubles et centres pénitentiaires qui, n’étant plus affectés au service ou aux objectifs pénitentiaires, lui sont apportés par l’État […], lesquels, si cela est opportun pour augmenter le profit pouvant en être retiré et la valeur de leur aliénation, pourront faire l’objet d’une cession partielle aux administrations locales intéressées ou d’un échange avec d’autres biens de celles-ci, avec lesquelles des accords de collaboration permettant cette amélioration et la satisfaction de besoins relevant de leur compétence peuvent être conclus. Les fonds ainsi obtenus sont affectés au financement des actions prévues dans le plan.

[…]»

La procédure précontentieuse

23. La Commission a été saisie d’une plainte relative à une procédure de passation d’un marché de travaux pour le Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie, lancée par la SIEPSA conformément à un projet approuvé par les ministères de la Justice et de l’Intérieur, le budget maximal étant de 4 392 399 500 ESP, hors TVA. L’appel d’offres pour la procédure en question avait été publié dans le quotidien El País du 3 avril 1997.

24. Par lettre du 24 septembre 1997, la Commission a attiré l’attention des autorités espagnoles sur le fait que, dans cet appel d’offres, de nombreuses dispositions de la directive 93/37 auraient été ignorées.

25. Dans leur réponse en date du 17 décembre 1997, les autorités espagnoles ont soutenu que la SIEPSA, en tant que société d’État commerciale régie par le droit privé, ne constitue pas un pouvoir adjudicateur au sens de ladite directive et que, de ce fait, les dispositions de celle-ci ne sont pas applicables au cas d’espèce.

26. À la suite de cette réponse, la Commission a adressé aux autorités espagnoles le 6 novembre 1998 une lettre de mise en demeure, dans laquelle elle concluait que la SIEPSA devait être considérée comme un pouvoir adjudicateur et qu’à ce titre elle était tenue de se conformer à l’ensemble des dispositions de la directive 93/37, nonobstant la teneur de la loi no 13/1995.

27. Par lettre du 26 janvier 1999, les autorités espagnoles ont transmis leurs observations en insistant, en premier lieu, sur l’argument selon lequel les sociétés d’État comme la SIEPSA sont exclues du champ d’application de la directive et de la loi no 13/1995, au motif qu’elles sont régies par des règles de droit privé. En second lieu, elles affirmaient que la SIEPSA ne remplissait pas la première condition de l’article 1er , sous b), de la directive 93/37, puisqu’elle satisfaisait des besoins d’intérêt général à caractère commercial. En plus, elles considéraient que la SIEPSA avait suffisamment respecté les règles en matière de publicité et de concurrence en publiant des avis de marché dans les quotidiens de la presse nationale et locale.

28. La Commission, considérant que cette réponse était insuffisante, a émis, le 25 août 1999, un avis motivé en vertu de l’article 226 CE dans lequel, en reprenant et en complétant l’argumentation déjà exposée dans la lettre de mise en demeure du 6 novembre 1998, elle concluait que, dans le cadre de l’appel d’offres concernant la réalisation de travaux dans le Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie, lancé par la SIEPSA, le royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de certaines dispositions de la directive 93/37.

29. Le gouvernement espagnol a répondu à cet avis motivé par lettre du 22 novembre 1999, dans laquelle il rejetait l’analyse de la Commission.

30. Considérant que les observations présentées par le gouvernement espagnol faisaient apparaître que les manquements indiqués par l’avis motivé subsistaient, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le fond

Arguments des parties

31. La Commission expose que, lors de la procédure suivie pour l’attribution des travaux en question, certaines conditions de la directive 93/37 n’ont pas été remplies. Après avoir souligné, à titre liminaire, que le budget maximal dépassait le seuil prévu par la directive 93/37, qui était alors de 5 millions d’écus, elle relève que l’avis de marché est paru exclusivement dans la presse nationale, sans être publié au Journal officiel des Communautés européennes , en violation de l’article 11, paragraphes 2, 7 et 11, de la directive 93/37. Par ailleurs, le délai de dépôt des offres était de 35 jours seulement, alors que l’article 12, paragraphe 1, de la directive prévoit un délai minimal de 52 jours dans les procédures ouvertes.

32. La Commission fait encore valoir que, parmi les conditions requises pour soumissionner, il est nécessaire, premièrement, d’être répertorié dans 25 sous-groupes différents en tant qu’entrepreneurs de l’État, deuxièmement, de disposer d’un capital social libéré d’un montant minimal d’un milliard de ESP et, troisièmement, d’avoir remporté au cours des cinq dernières années au moins quatre marchés de travaux (dont au moins deux de construction), pour un montant final minimal de 2 milliards de ESP par marché, confirmés par les certificats correspondants. Or, de l’avis de la Commission, la troisième condition est redondante puisque, conformément à l’article 29, paragraphe 3, de la directive 93/37, l’inscription sur les listes officielles certifiées constitue une présomption d’aptitude à l’égard des pouvoirs adjudicateurs des autres États membres en ce qui concerne la liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années.

33. Ensuite, la Commission relève que parmi les huit critères d’attribution du marché figurent «l’équipe technique affectée à titre permanent aux travaux» et «la qualité d’exécution des marchés passés par la SIEPSA». À cet égard, elle souligne que ces deux critères figurent à l’article 27 de la directive 93/37 parmi les éléments susceptibles de justifier la capacité technique de l’entrepreneur et de contribuer à sa sélection, mais qu’à l’inverse ils ne peuvent servir à déterminer la meilleure offre, puisque les critères d’attribution auxquels se réfère l’article 30 de la directive ne peuvent porter que sur la prestation concrète qui est en cause. La Commission en conclut que le fait de compter les deux critères susmentionnés parmi les critères d’attribution du marché est contraire aux dispositions des articles 18, 27 et 30, paragraphe 1, de la directive 93/37.

34. Quant au critère du prix, la Commission indique qu’il ressort du cahier des charges qu'«une note négative sera attribuée, sans pour autant les exclure, aux offres d’un montant jugé anormalement bas, c’est-à-dire celles dont le montant s’écarte de plus de 10 unités de la moyenne arithmétique des propositions sélectionnées». Or, selon la Commission, la pénalisation automatique des offres considérées comme étant d’un montant anormalement bas produit un effet équivalent à la pratique de l’exclusion automatique de ces offres, sans possibilité de justification du prix, ce qui est une pratique contraire à l’article 30, paragraphe 4, de la directive 93/37.

35. La Commission en conclut que, en organisant l’appel d’offres en cause, la SIEPSA aurait dû respecter les dispositions concernées de la directive 93/37, puisque, selon la jurisprudence de la Cour, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres. La Commission renvoie à cet égard notamment à l’arrêt du 17 décembre 1998, Commission/Irlande (C353/96, Rec. p. I8565, point 23), d’où il ressortirait que les directives en matière de passation des marchés publics seraient privées de leur effet utile si le comportement d’un pouvoir adjudicateur n’était pas imputable à l’État membre concerné.

36. Le gouvernement espagnol ne conteste pas que l’appel d’offres relatif à la procédure de passation du marché de travaux pour le Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie lancé par la SIEPSA n’était pas conforme aux exigences de la directive 93/37, mais fait valoir que cette société ne saurait être considérée comme un pouvoir adjudicateur au sens de cette directive.

37. Le gouvernement espagnol fait valoir, à titre général, que la directive 93/37, tout comme les directives 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), et 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), n’inclut pas les sociétés commerciales sous contrôle public, telles que la SIEPSA, dans la notion d’organisme de droit public. Cette constatation serait corroborée par le fait que la directive 93/38 opère une distinction entre la notion d’organisme de droit public, identique dans les quatre directives, et la notion d’entreprise publique, dont la définition correspond à celle de la société commerciale publique.

38. Le gouvernement espagnol souligne à cet égard que le législateur communautaire était conscient que, dans le secteur privé, de nombreuses entreprises, bien qu’ayant la forme d’entreprises publiques, poursuivent spécifiquement un objet purement commercial, en dépit de leur sujétion à l’État, et opèrent sur le marché selon les règles de la libre concurrence et dans des conditions d’égalité avec les autres entreprises privées dans un but strictement lucratif. Ce serait donc la raison pour laquelle le législateur a limité le champ d’application de la directive 93/37 aux organismes qui remplissent cumulativement les trois conditions qui sont énoncées à l’article 1er , sous b), de celleci.

39. Or, si ce gouvernement reconnaît que la SIEPSA remplit les deux dernières conditions de l’article 1er , sous b), de la directive 93/37, il fait valoir qu’elle présente les caractéristiques d’une société commerciale, puisque ses finalités et fonctions sont typiquement commerciales et qu’elle satisfait donc des besoins d’intérêt général à caractère commercial, ce qui n’est pas conforme au premier critère de cette disposition.

40. Se référant en outre à la liste figurant à l’annexe I, partie V, de la directive 93/37, qui comporte les catégories d’organismes espagnols de droit public qui remplissent les critères énumérés à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de cette directive, le gouvernement espagnol fait valoir que la SIEPSA n’appartient à aucune de ces catégories, n’étant pas un organisme autonome et n’étant pas soumise à la législation espagnole en matière de marchés publics.

41. Le gouvernement espagnol explique que la SIEPSA ne relève pas du champ d’application personnel de la loi n° 13/1995, qui, ainsi qu’il ressort de son article 1er , n’inclut ni ne se réfère aux sociétés commerciales d’État. En effet, seule la sixième disposition additionnelle de ladite loi ferait référence expressément à ces sociétés d’État, leur imposant ainsi l’application stricte des principes de publicité et de concurrence pour les procédures de passation de marchés menées par elles, principes que la SIEPSA aurait respectés en l’espèce.

42. Selon le gouvernement espagnol, cette exclusion du champ d’application personnel de la réglementation espagnole relative aux procédures de passation de marchés publics et, partant, de la réglementation communautaire en matière de marchés publics s’explique par le fait que, dans l’ordre juridique espagnol, les organismes publics ayant un statut de droit privé, une catégorie constituée par les sociétés commerciales sous contrôle public, telles que la SIEPSA, ont en principe pour mission de répondre à des besoins d’intérêt général, ce qui explique qu’ils soient sous contrôle public, mais que ces besoins ont un caractère commercial ou industriel, car, si tel n’était pas le cas, ils ne formeraient pas l’objet d’une société commerciale.

43. En ce qui concerne plus particulièrement la SIEPSA, le gouvernement espagnol souligne que la mission principale confiée à celleci, à savoir la construction de nouveaux centres pénitentiaires adaptés aux besoins de la société, consiste en une nécessité d’intérêt général ayant un caractère commercial, qui sert l’objectif ultime consistant à contribuer à la politique pénitentiaire, qui relève également de l’intérêt général.

44. La SIEPSA aurait été créée pour assurer la mise en oeuvre de toutes les actions qui s’avèrent nécessaires pour la gestion correcte des programmes et opérations prévus dans le plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires, que ce soit par elle-même ou par l’intermédiaire de tiers. Ses caractéristiques seraient celles d’une entité typiquement commerciale, étant même régie par le droit commercial, sans préjudice des exceptions prévues notamment en matière budgétaire, en matière de comptabilité et de contrôle financier.

45. En effet, pour atteindre ces objectifs, elle réaliserait des opérations qui devraient être objectivement qualifiées de commerciales, comme la localisation et l’acquisition d’immeubles pour l’installation de nouveaux centres, la promotion et l’exécution de travaux d’aménagement et de construction.

46. Le gouvernement espagnol souligne que, en exerçant ces activités, la SIEPSA réalise un profit et que la réalisation de transactions en vue de générer des bénéfices est une activité typiquement commerciale qui ne peut être menée à bien que par une société soumise au jeu des règles commerciales du secteur privé, avec lequel elle doit nécessairement entrer en contact. Il ajoute que l’activité de cette société ne peut être qualifiée d’administrative, puisque son objectif est d’obtenir des moyens ou des ressources économiques comme tout entrepreneur et que cela vaut même quand ces ressources s’appliquent, en fin de compte, à d’autres finalités d’intérêt général.

47. Invoquant le point 47 de l’arrêt du 10 novembre 1998, BFI Holding (C360/96, Rec. p. I6821), dans lequel la Cour aurait précisé que l’absence de concurrence n’est pas une condition nécessaire aux fins de la définition d’un organisme de droit public, le gouvernement espagnol fait valoir que, quand bien même elle subirait la concurrence du marché ou non, la SIEPSA exerce une activité de nature commerciale, ce qui l’exclut purement et simplement de la notion de pouvoir adjudicateur employée par la directive 93/37.

48. Selon ce gouvernement, l’assujettissement des sociétés commerciales d’État telles que la SIEPSA au droit privé ne serait pas tant la cause que la conséquence de leur nature propre. Il précise à cet égard que le caractère commercial de cette société ne lui est pas conféré en raison de son assujettissement au droit privé, mais que c’est précisément le caractère commercial de son activité qui lui confère ses caractéristiques et a pour effet de la soumettre au droit privé.

49. Le gouvernement espagnol estime que sa thèse est la seule qui respecte la définition autonome du critère du caractère autre qu’industriel ou commercial des besoins d’intérêt général, telle qu’elle ressort des points 32 et 36 de l’arrêt BFI Holding, précité. Il fait valoir que, étant donné que l’État sert l’intérêt général et qu’il détient une participation majoritaire dans les sociétés commerciales d’État, il est logique de penser que celles-ci serviront toujours, dans une mesure plus ou moins grande, l’intérêt général. Or, s’il suffisait que l’organisme remplisse une mission d’intérêt général, comme celle de contribuer à l’application des peines, afin qu’il soit qualifié de pouvoir adjudicateur, alors le critère selon lequel cette mission doit avoir un caractère autre qu’industriel ou commercial n’aurait aucun sens.

50. Le gouvernement conclut donc que l’on devrait appliquer à la SIEPSA le même traitement que l’on réserve aux entreprises qui fournissent du gaz, de l’électricité ou de l’eau, secteurs qui répondent à des besoins sociaux essentiels et qui sont actuellement aux mains d’entreprises totalement privées. Il souligne à cet égard que ces entreprises réalisent également d’autres objectifs d’intérêt général à caractère plus large puisqu’elles garantissent, notamment, le bon fonctionnement de domaines essentiels à la vie productive nationale.

51. En revanche, la Commission estime que la SIEPSA remplit toutes les conditions établies à l’article 1er , sous b), de la directive 93/37 et, partant, qu’elle constitue un pouvoir adjudicateur au sens de ladite directive.

52. Elle relève, à titre liminaire, que le champ d’application personnel de la directive 93/37 est déterminé par la directive elle-même et non par des dispositions nationales et que la qualification de la SIEPSA en droit espagnol est, dès lors, dénuée de pertinence. La Commission rappelle que, lorsqu’ils transposent les directives communautaires en droit national, les États membres sont tenus de respecter le sens des termes et des notions qui y figurent, afin de garantir l’uniformité d’interprétation et d’application des textes communautaires dans les différents États membres. Par conséquent, les autorités espagnoles seraient tenues de donner à l’expression «organisme de droit public», utilisée dans la directive 93/37, le sens qu’elle a en droit communautaire. Ainsi, selon la Commission, si la loi no 13/1995 exclut la SIEPSA du champ d’application des règles de droit communautaire en matière de passation des marchés publics, c’est parce que la directive 93/37 n’a pas été correctement transposée en droit espagnol.

53. En outre, la Commission fait valoir que l’interprétation fonctionnelle de la notion de «pouvoir adjudicateur» et, partant, d'«organisme de droit public» adoptée dans la jurisprudence constante de la Cour implique que cette dernière notion englobe les sociétés commerciales sous contrôle public, à condition qu’elles remplissent les conditions prévues à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37.

54. En ce qui concerne la prétendue distinction opérée par la directive 93/38 entre les notions d’organisme de droit public et d’entreprise publique, la Commission indique que cette directive n’explicite pas la notion d’organisme de droit public, définie de la même manière dans les quatre directives en question, mais étend le champ d’application personnel des dispositions communautaires en matière de marchés publics à certains secteurs (eau, énergie, transports et télécommunications) exclus des directives 93/36, 93/37 et 92/50, afin d’englober certaines entités ayant une activité importante dans lesdits secteurs, à savoir les entreprises publiques et celles qui bénéficient de droits exclusifs ou spéciaux délivrés par les autorités. Il conviendrait en outre de rappeler que la notion d’entreprise publique a toujours été différente de celle d’organisme de droit public, dans la mesure où les organismes de droit public sont créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général dénués de caractère industriel ou commercial tandis que les entreprises publiques agissent pour satisfaire des besoins à caractère industriel ou commercial.

55. La Commission réfute également l’interprétation du gouvernement espagnol qui ferait dépendre la notion d'«organisme de droit public» des listes que l’annexe I de la directive 93/37 contient pour chaque État membre, avec pour résultat qu’une notion communautaire finit par avoir des significations différentes, selon la manière dont les différentes listes de l’annexe I ont été établies.

56. Selon la Commission, l’interprétation préconisée par le gouvernement espagnol va à l’encontre de l’objectif principal de la directive 93/37, énoncé dans son deuxième considérant, et est également contraire à l’article 1er , sous b), troisième alinéa, de cette directive, selon lequel ces listes «sont aussi complètes que possible». La Commission souligne que cette expression ne peut que se comprendre en ce sens qu’elle signifie que les listes ne sont pas exhaustives et que cette interprétation a été confirmée par la Cour au point 50 de l’arrêt BFI Holding, précité. Elle en conclut que le fait que les sociétés d’État ne figurent pas, directement ou indirectement, dans la liste des «organismes de droit public» de l’annexe I, partie V, de la directive 93/37 ne signifie pas qu’elles soient exclues de cette notion, définie à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de cette directive.

57. En ce qui concerne plus particulièrement les conditions énoncées à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37, la Commission souligne que cette disposition ne fait aucune mention du régime, public ou privé, sous lequel les organismes de droit public ont été constitués, ni de la forme juridique adoptée, mais s’intéresse plutôt à d’autres critères, parmi lesquels le but dans lequel les organismes en question ont été créés.

58. Or, la Commission estime que la SIEPSA a été spécifiquement créée pour satisfaire un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, à savoir pour contribuer à la mise en oeuvre de la politique pénitentiaire de l’État par la gestion de programmes et d’actions prévus dans le plan d’amortissement et de création des centres pénitentiaires approuvé par le Conseil des ministres.

59. Invoquant le point 24 de l’arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C-44/96, Rec. p. I-73), la Commission fait valoir que cet intérêt général, étroitement lié à l’ordre public, au fonctionnement de l’État, y compris à l’essence même de l’État, dans la mesure où il détient le monopole du pouvoir de répression que constitue l’application des peines privatives de liberté, ne présente un caractère ni commercial ni industriel.

60. Ensuite, la Commission réfute l’argument du gouvernement espagnol selon lequel les sociétés qui, comme la SIEPSA, interviennent sur le marché en étant soumises aux principes de la libre concurrence au même titre que les entreprises privées et dans un même but lucratif ont une finalité purement commerciale et sont de ce fait exclues du champ d’application des directives communautaires relatives aux marchés publics. En particulier, elle se réfère, à titre d’exemple, à l’attribution de marchés de travaux pour la construction de prisons publiques ou l’aliénation du patrimoine pénitentiaire de l’État, qui constituent deux des objectifs sociaux de la SIEPSA et qui ne sauraient être considérées comme des activités soumises à la concurrence du marché.

61. La Commission estime d’ailleurs qu’il ressort du point 47 de l’arrêt BFI Holding, précité, que, même en admettant que la SIEPSA exerce une activité soumise à la libre concurrence, cet élément n’exclut pas qu’elle puisse être qualifiée de pouvoir adjudicateur.

62. En outre, la Commission fait valoir que l’argumentation du gouvernement espagnol selon laquelle toutes les activités de la SIEPSA sont commerciales est dépourvue de fondement.

63. En premier lieu, elle indique que, contrairement aux affirmations du gouvernement espagnol, l’activité exercée par la SIEPSA n’est pas comparable à celle du secteur privé. Elle explique que cette société n’offre pas des prisons sur le marché (inexistant) des établissements pénitentiaires, mais agit en tant que déléguée de l’administration de l’État pour l’assister dans une tâche typiquement étatique: la construction, la gestion et la liquidation du patrimoine pénitentiaire. La Commission relève à cet égard que, ainsi qu’il ressort de ses statuts, la SIEPSA suit, dans l’accomplissement de sa mission, les directives émanant de la direction générale de l’administration pénitentiaire, et que l’aliénation de biens immeubles et l’emploi des sommes qui en résultent se font conformément aux directives émanant de la direction générale du patrimoine de l’État.

64. En second lieu, la Commission note que le gouvernement espagnol dissocie le besoin de construire des centres pénitentiaires (dont il déduit sa nature d’intérêt général à caractère commercial) de l’objectif ultime consistant à contribuer à la politique pénitentiaire (qu’il qualifie d’intérêt général). Elle relève que cette séparation, outre qu’elle est artificielle puisque les deux besoins sont étroitement liés, est contraire au raisonnement suivi par la Cour dans d’autres affaires, dans lesquelles elle a déclaré que le ramassage et le traitement des ordures ménagères (arrêt BFI Holding, précité), ou l’impression de documents administratifs officiels (arrêt Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., précité) sont des besoins d’intérêt général à caractère autre qu’industriel ou commercial, sans dissocier ces activités de leurs objectifs ultimes: santé publique et protection de l’environnement, d’une part, et ordre public et fonctionnement institutionnel de l’État, de l’autre.

65. En troisième lieu, la Commission fait valoir que, quand bien même la SIEPSA agirait éventuellement dans un but lucratif, cette finalité n’exclurait pas que cette société puisse satisfaire des besoins d’intérêt général n’ayant pas un caractère industriel ni commercial. De son avis, s’il se peut que la recherche du profit soit un élément distinctif de l’activité de la société, il ne ressort nullement du libellé de la directive 93/37 que ce but empêcherait de considérer comme dénués de caractère industriel ou commercial les besoins d’intérêt général pour la satisfaction desquels la SIEPSA a été créée.

66. À cela s’ajouterait qu’il est contestable que la recherche du profit soit un objectif pour une société d’État comme la SIEPSA, qui est financée exclusivement au moyen de fonds publics, et qui a été créée pour élaborer et exécuter un plan relatif à l’amortissement et à la création de centres pénitentiaires. En effet, la Commission tient pour évident que, dans un tel secteur, l’obtention de bénéfices n’est pas un élément qu’un État membre considère comme prioritaire. À l’appui de son affirmation, elle relève qu’il ressort des «Rapports économiques et financiers du secteur public étatique» établis pour les exercices 1997 et 1998 par la Intervención General del Estado, que la SIEPSA a enregistré au cours de ces exercices des pertes considérables.

67. En tout état de cause, la Commission fait valoir que, à supposer même que la SIEPSA exerce des activités de nature commerciale, ces activités ne sont qu’un instrument permettant de satisfaire un besoin d’intérêt général à caractère autre qu’industriel ou commercial, à savoir la mise en oeuvre de la politique pénitentiaire de l’État, pour la satisfaction duquel la société a été spécifiquement créée.

Appréciation de la Cour

68. Ainsi qu’indiqué au point 36 du présent arrêt, le gouvernement espagnol ne conteste pas que l’appel d’offres relatif à la passation du marché de travaux pour le Centre éducatif pénitentiaire expérimental de Ségovie lancé par la SIEPSA n’était pas conforme aux exigences de la directive 93/37, mais fait valoir que cette directive n’est pas applicable aux procédures de passation de marchés publics menées par cette société, puisque celleci ne saurait être considérée comme un organisme de droit public et, partant, comme un pouvoir adjudicateur au sens de cette directive.

69. À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour être qualifiée d’organisme de droit public au sens de l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37, une entité doit satisfaire aux trois conditions cumulatives qui y sont énoncées, selon lesquelles elle doit être un organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, doté de la personnalité juridique et dépendant étroitement de l’État, de collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public (arrêts Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., précité, points 20 et 21, et du 15 mai 2003, Commission/Espagne, C214/00, non encore publié au Recueil, point 52).

70. En l’espèce, si les parties s’accordent sur le fait que la SIEPSA satisfait aux conditions visées aux deuxième et troisième tirets de l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37, elles divergent sur le point de savoir si les besoins d’intérêt général pour la satisfaction desquels la SIEPSA a été spécifiquement créée sont dépourvus de caractère commercial.

71. À cet égard, il convient d’abord de rappeler que, dans l’arrêt Commission/Espagne, précité, la Cour a déjà rejeté les arguments que le gouvernement espagnol tire du fait que, conformément à la réglementation espagnole applicable en l’espèce, à savoir l’article 1er , paragraphe 3, de la loi no 13/1995, lu en combinaison avec la sixième disposition additionnelle de cette même loi, les sociétés commerciales sous contrôle public, telles que la SIEPSA, sont exclues du champ d’application personnel tant de la réglementation espagnole que de la réglementation communautaire en matière de marchés publics.

72. Plus précisément, afin de déterminer si cette exclusion assure une transposition correcte de la notion de «pouvoir adjudicateur» figurant à l’article 1er , paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), la Cour, considérant que le champ d’application personnel de cette directive coïncide, notamment, avec celui de la directive 93/37, s’est référée à la portée de la notion d'«organisme de droit public» employée, notamment, à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de cette dernière directive (en ce sens, arrêt Commission/Espagne, précité, points 48, 50 et 51).

73. Dans ce contexte, la Cour a relevé que, selon une jurisprudence constante, à la lumière du double objectif d’ouverture à la concurrence et de transparence poursuivi par ladite directive, cette notion doit recevoir une interprétation tant fonctionnelle que large (en ce sens, arrêt Commission/Espagne, précité, point 53).

74. C’est dans cette perspective que, aux points 54 et 55 de l’arrêt Commission/Espagne, précité, la Cour a constaté que, suivant une jurisprudence constante, aux fins de résoudre la question de la qualification éventuelle d’une entité d’organisme de droit public au sens de l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37, il y a lieu de vérifier uniquement si l’entité concernée réunit les trois conditions cumulatives énoncées à ladite disposition, le statut de droit privé de cette entité ne constituant pas un critère susceptible d’exclure sa qualification de pouvoir adjudicateur au sens de cette directive.

75. La Cour a en outre précisé que cette interprétation, qui est la seule susceptible de préserver pleinement l’effet utile de la directive 93/37, ne revient pas à méconnaître le caractère industriel ou commercial des besoins d’intérêt général dont l’entité concernée assure la satisfaction, puisque cet élément est nécessairement pris en considération aux fins de déterminer si elle répond ou non à la condition énoncée au premier tiret de l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37 (en ce sens, arrêt Commission/Espagne, précité, points 56 et 58).

76. Cette conclusion ne saurait davantage être infirmée par l’absence de référence expresse, dans la directive 93/37, à la catégorie spécifique des «entreprises publiques», pourtant utilisée dans la directive 93/38. Ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, cette dernière directive a été adoptée dans le but d’étendre l’application des règles communautaires en matière de marchés publics aux secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, qui n’étaient pas couverts par d’autres directives. Dans cette perspective, le législateur communautaire a adopté, en utilisant les notions de «pouvoirs publics», d’une part, et d'«entreprises publiques», d’autre part, une approche fonctionnelle, analogue à celle utilisée dans les directives 92/50, 93/36 et 93/37. De cette manière, il a pu s’assurer de l’inclusion dans le champ d’application personnel de la directive 93/38 de toutes les entités adjudicatrices opérant dans les secteurs réglementés par celleci, dès lors qu’elles remplissent certains critères, la forme et le régime juridique de ces entités étant à cet égard indifférents.

77. S’agissant par ailleurs de la pertinence de l’argument du gouvernement espagnol, selon lequel la SIEPSA ne relève pas des catégories d’organismes espagnols de droit public énumérées à la liste visée à l’annexe I de la directive 93/37, il convient de rappeler que, au point 39 de l’arrêt du 27 février 2003, Adolf Truley (C373/00, Rec. p. I-1931), la Cour a jugé que cette liste ne revêt nullement un caractère exhaustif, son degré de précision variant considérablement d’un État membre à l’autre. La Cour en a déduit que, si un organisme donné ne figure pas dans ladite liste, il y a lieu de vérifier, dans chaque cas d’espèce, la situation juridique et factuelle de cet organisme afin d’examiner s’il satisfait ou non un besoin d’intérêt général (arrêt Adolf Truley, précité, point 44).

78. Ensuite, en ce qui concerne plus particulièrement la notion des «besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial» figurant à l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, premier tiret, de la directive 93/37, il convient de rappeler que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser la portée de cette notion dans le contexte de différentes directives communautaires relatives à la coordination des procédures de passation de marchés publics.

79. Ainsi, la Cour a jugé que cette notion relève du droit communautaire et doit dès lors recevoir, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition dans laquelle elle figure et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (en ce sens, arrêt Adolf Truley, précité, points 36, 40 et 45).

80. En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que constituent en général des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, au sens de l’article 1er , sous b), des directives communautaires relatives à la coordination des procédures de passation des marchés publics, des besoins qui, d’une part, sont satisfaits d’une manière autre que par l’offre de biens ou de services sur le marché et que, d’autre part, pour des raisons liées à l’intérêt général, l’État choisit de satisfaire lui-même ou à l’égard desquels il entend conserver une influence déterminante (voir, notamment, arrêts Adolf Truley, précité, point 50, et du 22 mai 2003, Korhonen e.a., C18/01, non encore publié au Recueil, point 47).

81. Il ressort également de la jurisprudence que l’existence ou l’absence d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial doit être appréciée en prenant en compte l’ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents, tels que les circonstances ayant présidé à la création de l’organisme concerné et les conditions dans lesquelles il exerce son activité, en ce compris, notamment, l’absence de concurrence sur le marché, l’absence de poursuite d’un but lucratif à titre principal, l’absence de prise en charge des risques liés à cette activité ainsi que le financement public éventuel de l’activité en cause (en ce sens, arrêts précités Adolf Truley, point 66, et Korhonen e.a., points 48 et 59).

82. En effet, ainsi que la Cour l’a constaté au point 51 de l’arrêt Korhonen e.a., précité, si l’organisme opère dans des conditions normales du marché, poursuit un but lucratif et supporte les pertes liées à l’exercice de son activité, il est peu probable que les besoins qu’il vise à satisfaire soient d’une nature autre qu’industrielle ou commerciale.

83. C’est donc au vu des critères ainsi dégagés par la jurisprudence qu’il convient d’examiner la question de savoir si les besoins d’intérêt général que la SIEPSA vise à satisfaire revêtent ou non un caractère autre qu’industriel ou commercial.

84. Il est constant que la SIEPSA a été spécifiquement créée pour assumer, à titre exclusif, l’exécution des programmes et actions prévus dans le plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires, aux fins de la mise en oeuvre de la politique pénitentiaire de l’État espagnol. À cet effet, elle exerce, ainsi qu’il ressort de ses statuts, toutes les activités qui s’avèrent nécessaires aux fins de la construction, de la gestion et de la liquidation du patrimoine pénitentiaire de cet État.

85. Les besoins d’intérêt général que la SIEPSA se charge de satisfaire constituant donc une condition nécessaire à l’exercice du pouvoir répressif de l’État, ils sont intrinsèquement liés à l’ordre public.

86. Ce lien intrinsèque se manifeste notamment par l’influence déterminante qu’exerce l’État sur l’accomplissement de la mission confiée à la SIEPSA. Il est en effet constant que celleci exécute un plan d’amortissement et de création de centres pénitentiaires approuvé par le Conseil des ministres et qu’elle exerce ses activités conformément aux directives émanant de l’administration publique.

87. En outre, l’application des peines étant une prérogative de l’État, il n’existe pas de marché pour les biens et les services offerts par la SIEPSA en matière de planification et de création de centres pénitentiaires. Ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, les activités telles que l’amortissement et la création de centres pénitentiaires, qui figurent parmi les objectifs principaux de la SIEPSA, ne sont pas soumises à la concurrence du marché. Cette société ne saurait dès lors être considérée comme un organisme offrant des biens ou des services sur le marché libre, en concurrence avec d’autres opérateurs économiques.

88. Quant à l’argument que le gouvernement espagnol tire du fait que la SIEPSA exerce ses activités dans un but lucratif, il suffit de relever que, à supposer même que les activités de la SIEPSA engendrent des bénéfices, il apparaît exclu de considérer que la recherche de tels bénéfices constitue en soi le but premier de cette société.

89. En effet, il ressort clairement des statuts de cette société que les activités telles que l’acquisition d’immeubles pour l’installation de nouveaux centres, la promotion et l’exécution de travaux d’aménagement et de construction ou encore l’aliénation d’installations désaffectées ne sont que des moyens qu’elle met en oeuvre pour atteindre son objectif principal, qui consiste à contribuer à la réalisation de la politique pénitentiaire de l’État.

90. Cette conclusion est corroborée par le fait que, ainsi que l’a relevé la Commission, sans être contredite par le gouvernement espagnol, la SIEPSA a enregistré au cours des exercices 1997 et 1998 des pertes financières considérables.

91. À cet égard, il convient d’ajouter que, indépendamment de la question de savoir s’il existe un mécanisme officiel de compensation des pertes éventuelles de la SIEPSA, il paraît peu probable que celleci doive supporter ellemême les risques économiques liés à son activité. En effet, eu égard au fait que l’accomplissement de la mission de cette société constitue un élément fondamental de la politique pénitentiaire de l’État espagnol, il apparaît vraisemblable qu’en sa qualité d’actionnaire unique ledit État prendrait toutes les mesures nécessaires afin d’éviter une éventuelle faillite de la SIEPSA.

92. Dans ces conditions, la possibilité existe que, dans une procédure de passation d’un marché public, la SIEPSA se laisse guider par des considérations autres que purement économiques. Or, c’est précisément afin de parer à une telle éventualité que l’application des directives communautaires en matière de marchés publics s’impose (en ce sens, notamment, arrêts précités Adolf Truley, point 42, et Korhonen e.a., points 51 et 52).

93. Eu égard à l’ensemble des facteurs juridiques et factuels régissant l’activité de la SIEPSA, tels que relevés aux points 84 à 92 du présent arrêt, il y a lieu de conclure que les besoins d’intérêt général pour la satisfaction desquels cette société a été spécifiquement créée revêtent un caractère autre qu’industriel ou commercial.

94. Il s’ensuit qu’une entité telle que la SIEPSA doit être qualifiée d’organisme de droit public au sens de l’article 1er , sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37 et, partant, de pouvoir adjudicateur au sens du premier alinéa de cette disposition.

95. La directive 93/37 est donc applicable aux procédures de passation de marchés publics de travaux engagées par cette société.

96. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ne respectant pas l’ensemble des dispositions de la directive 93/37 dans le cadre de l’appel d’offres concernant la réalisation des travaux du Centro Educativo Penitenciario Experimental de Segovia, lancé par la Sociedad Estatal de Infraestructuras y Equipamientos Penitenciarios, SA, société répondant à la définition de pouvoir adjudicateur contenue à l’article 1er , sous b), de la directive 93/37, le royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Sur les dépens

97. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume d’Espagne et celuici ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En ne respectant pas l’ensemble des dispositions de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, dans le cadre de l’appel d’offres concernant la réalisation des travaux du Centro Educativo Penitenciario Experimental de Segovia, lancé par la Sociedad Estatal de Infraestructuras y Equipamientos Penitenciarios, SA, société répondant à la définition de pouvoir adjudicateur contenue à l’article 1 er , sous b), de la directive 93/37, le royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) Le royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

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CJCE, n° C-283/00, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne, 16 octobre 2003