CJCE, n° C-361/01, Arrêt de la Cour, Christina Kik contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), 9 septembre 2003

  • Envoi de communications écrites dans la «deuxième langue»·
  • Non-discrimination en raison de la nationalité·
  • Règlement n° 40/94 sur la marque communautaire·
  • Violation du principe de non-discrimination·
  • Absence 2. communautés européennes·
  • Absence 4. actes des institutions·
  • Absence 3. marque communautaire·
  • Sources du droit communautaire·
  • Ordre juridique communautaire·
  • Principes généraux du droit

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 9 sept. 2003, C-361/01
Numéro(s) : C-361/01
Arrêt de la Cour du 9 septembre 2003.#Christina Kik contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).#Règlement (CE) nº 40/94 - Article 115 - Régime linguistique en vigueur devant l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) - Exception d'illégalité - Principe de non-discrimination.#Affaire C-361/01 P.
Date de dépôt : 21 septembre 2001
Précédents jurisprudentiels : arrêts du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C-150/94
Communautés européennes ( quatrième chambre élargie ) du 12 juillet 2001, Kik/OHMI ( T-120/99, Rec. p. II-2235
Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 38, et du 11 janvier 2000, Kreil, C-285/98
Cour du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C-164/98 P, Rec. p. I-447
Tribunal de première instance du 12 juillet 2001, Kik/OHMI ( T-120/99
Solution : Pourvoi : rejet sur le fond, Recours en annulation
Identifiant CELEX : 62001CJ0361
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:434
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62001J0361

Arrêt de la Cour du 9 septembre 2003. – Christina Kik contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). – Règlement (CE) nº 40/94 – Article 115 – Régime linguistique en vigueur devant l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) – Exception d’illégalité – Principe de non-discrimination. – Affaire C-361/01 P.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-08283


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Marque communautaire – Langues de l’Office – Obligation pour le demandeur d’enregistrement d’une marque communautaire d’indiquer «une deuxième langue» comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation – Envoi de communications écrites dans la «deuxième langue» – Portée – Violation du principe de non-discrimination – Absence

(Règlement du Conseil n° 40/94, art. 115, § 4)

2. Communautés européennes – Régime linguistique – Existence d’un principe général consacrant le droit de chaque citoyen à la rédaction dans sa langue de tout acte susceptible d’affecter ses intérêts – Absence

3. Marque communautaire – Langues de l’Office – Obligation pour le demandeur d’enregistrement d’une marque communautaire d’indiquer «une deuxième langue» comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation – Violation du principe de non-discrimination – Absence

(Règlement du Conseil n° 40/94, art. 115, § 3)

4. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Règlement n° 40/94 sur la marque communautaire – Langues de l’Office

(Art. 253 CE; règlement du Conseil n° 40/94)

Sommaire


1. Il résulte de l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire que la possibilité d’utiliser la deuxième langue choisie par le demandeur pour l’envoi à ce dernier, par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), de communications écrites, si le dépôt de la demande de marque communautaire a été fait dans une langue autre que celles de l’Office, est une exception au principe de l’utilisation de la langue de procédure et que la notion de communications écrites doit dès lors être interprétée de manière restrictive.

La procédure étant l’ensemble des actes qui doivent être accomplis lors du traitement d’une demande, il s’ensuit que sont couverts par la notion d'«actes de procédure» tous les actes requis ou prévus par la réglementation communautaire pour le traitement de la demande de marque communautaire, ainsi que ceux qui sont nécessaires à ce traitement, qu’il s’agisse de notifications, de demandes de rectification, d’éclaircissements ou d’autres actes. L’ensemble de ces actes doit dès lors être rédigé par l’Office dans la langue utilisée pour le dépôt de la demande.

Par opposition aux actes de procédure, les «communications écrites» visées à l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement précité sont toutes les communications dont le contenu ne peut être assimilé à un acte de procédure, tels les documents sous le couvert desquels l’Office transmet des actes de procédure ou par lesquels il communique des informations aux demandeurs.

L’usage de la deuxième langue dans ce contexte ne pouvant porter atteinte aux intérêts juridiques d’un demandeur de marque communautaire, il s’ensuit que la différence de traitement qui pourrait exister en raison de l’utilisation de la deuxième langue serait d’une portée négligeable et, en tout état de cause, justifiée par les besoins du fonctionnement de l’Office.

( voir points 45-47, 96 )

2. Les références à l’emploi des langues dans l’Union européenne contenues dans le traité ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général de droit communautaire assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances.

( voir point 82 )

3. L’obligation, imposée au demandeur d’enregistrement d’une marque communautaire par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire, d'«indiquer une deuxième langue, qui est une langue de l’Office [de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)] et dont il accepte l’usage comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation», ne comporte aucune violation du principe de non-discrimination.

Le régime linguistique d’un organisme tel que l’Office est le résultat d’une recherche difficile de l’équilibre nécessaire entre les intérêts des opérateurs économiques et ceux de la collectivité pour ce qui concerne les coûts des procédures, mais également entre les intérêts des demandeurs de marques communautaires et ceux des autres opérateurs économiques pour ce qui concerne l’accès aux traductions des documents accordant des droits ou les procédures impliquant plusieurs opérateurs économiques, telles que les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation visées par le règlement n° 40/94. Dès lors, en définissant les langues officielles de la Communauté qui peuvent être utilisées comme langues de procédure dans les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation, à défaut d’un accord entre les parties pour déterminer la langue utilisable, le Conseil a poursuivi le but légitime de trouver une solution linguistique appropriée à la difficulté résultant d’un tel désaccord. De même, si le Conseil a opéré un traitement différencié des langues officielles, le choix de ce dernier, limité aux langues dont la connaissance est la plus répandue dans la Communauté européenne, est approprié et proportionné.

( voir points 92-95 )

4. La portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés.

À cet égard, les dispositions du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire, relatives au régime linguistique de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), permettent à suffisance de connaître et de contrôler les justifications qui en constituent le fondement.

( voir points 102-103 )

Parties


Dans l’affaire C-361/01 P,

Christina Kik, représentée par Mes E. H. Pijnacker Hordijk et S. B. Noë, advocaten, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre élargie) du 12 juillet 2001, Kik/OHMI (T-120/99, Rec. p. II-2235), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl, O. Montalto et J. Miranda de Sousa, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. W. Wils et N. Rasmussen, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante au pourvoi,

République hellénique, représentée par Mmes A. Samoni-Rantou et S. Vodina, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume d’Espagne, représenté par M. S. Ortiz Vaamonde, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. G. Houttuin et Mme A. Lo Monaco, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 26 novembre 2002, au cours de laquelle Mme Kik a été représentée par Me E. H. Pijnacker Hordijk, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) par MM. A. von Mühlendahl, J. Miranda de Sousa et S. Bonne, en qualité d’agent, le Conseil par M. G. Houttuin ainsi que par Mme A. Lo Monaco et la Commission par M. W. Wils,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mars 2003,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 septembre 2001, Mme Kik a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 juillet 2001, Kik/OHMI (T-120/99, Rec. p. II-2235, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office»), du 19 mars 1999, portant rejet de son recours dirigé contre la décision de l’examinateur refusant d’enregistrer le vocable KIK comme marque communautaire (ci-après la «décision attaquée»).

Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 217 du traité CE (devenu article 290 CE):

«Le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues dans le règlement de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l’unanimité.»

3 Le règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié par les divers traités d’adhésion, en dernier lieu par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la république d’Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1), prévoit à son article 1er:

«Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le danois, l’espagnol, le finnois, le français, le grec, l’italien, le néerlandais, le portugais et le suédois.»

4 L’article 2 du même règlement dispose:

«Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue.»

5 L’article 4 dudit règlement prévoit:

«Les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans les onze langues officielles.»

6 Aux termes de l’article 5 du règlement n° 1:

«Le Journal officiel des Communautés européennes paraît dans les onze langues officielles.»

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Nice, conformément à l’article 2, point 38, de ce dernier, la dénomination est devenue Journal officiel de l’Union européenne.

7 L’Office a été institué par le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1). L’article 115 de ce règlement régit l’emploi des langues en ce qui concerne les procédures devant l’Office. Cet article est libellé comme suit:

«1. Les demandes de marque communautaire sont déposées dans une des langues officielles de la Communauté européenne.

2. Les langues de l’Office sont l’allemand, l’anglais, l’espagnol, le français et l’italien.

3. Le demandeur doit indiquer une deuxième langue, qui est une langue de l’Office et dont il accepte l’usage comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation.

Si le dépôt a été fait dans une langue qui n’est pas une langue de l’Office, celui-ci veille à assurer la traduction de la demande, telle que décrite à l’article 26 paragraphe 1, dans la langue indiquée par le demandeur.

4. Lorsque le demandeur d’une marque communautaire est la seule partie aux procédures devant l’Office, la langue de procédure est la langue utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire. Si le dépôt a été fait dans une langue autre que celles de l’Office, l’Office peut envoyer des communications écrites au demandeur dans la deuxième langue indiquée par lui dans la demande.

5. L’acte d’opposition et la demande en déchéance ou en nullité sont déposés dans une des langues de l’Office.

6. Si la langue choisie, conformément au paragraphe 5, pour l’acte d’opposition ou la demande en déchéance ou en nullité est la langue de la demande de marque ou la deuxième langue indiquée lors du dépôt de cette demande, cette langue sera la langue de procédure.

Si la langue choisie, conformément au paragraphe 5, pour l’acte d’opposition ou la demande en déchéance ou en nullité n’est ni la langue de la demande de marque ni la deuxième langue indiquée lors du dépôt de cette demande, l’opposant ou le requérant en déchéance ou en nullité est tenu de produire à ses frais une traduction de son acte soit dans la langue de la demande de marque, à condition qu’elle soit une langue de l’Office, soit dans la deuxième langue indiquée lors du dépôt de la demande de marque; la traduction est produite dans le délai prévu par le règlement d’exécution. La langue vers laquelle l’acte a été traduit devient alors la langue de procédure.

7. Les parties dans les procédures d’opposition, de déchéance, de nullité et de recours peuvent convenir qu’une autre langue officielle de la Communauté européenne soit la langue de procédure.»

8 Le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), énonce, à son article 1er, titre I, un certain nombre de «règles». La règle 1, relative au contenu de la demande, reprend, à son paragraphe 1, sous j), l’obligation prévue à l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 selon laquelle la demande d’enregistrement d’une marque communautaire doit contenir l’indication d’une «deuxième langue».

Les faits du litige

9 Les faits du litige sont décrits comme suit dans l’arrêt attaqué:

«3 Le 15 mai 1996, la requérante, qui est avocat et agent en marques aux Pays-Bas au sein d’une firme spécialisée dans le domaine de la propriété industrielle, a présenté, en vertu du règlement n° 40/94, une demande de marque verbale communautaire à l’Office.

4 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le vocable KIK.

5 Le service pour lequel l’enregistrement a été demandé relève de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

6 La requérante a, dans sa demande, qui était formulée en néerlandais, indiqué le néerlandais comme deuxième langue.

7 Par décision du 20 mars 1998, l’examinateur a rejeté la demande, au motif qu’une condition de forme, à savoir celle selon laquelle le demandeur doit indiquer l’allemand, l’anglais, l’espagnol, le français ou l’italien comme deuxième langue, n’était pas remplie.

8 Le 4 mai 1998, la requérante a formé un recours contre cette décision, dans lequel elle faisait valoir notamment que la décision par laquelle l’examinateur avait rejeté sa demande d’enregistrement était illégale, car elle se fondait sur des normes réglementaires illégales. Elle a introduit le recours en néerlandais et aussi, sous réserve, en anglais.

9 Le 2 juin 1998, le recours a été déféré à la chambre de recours de l’Office.

10 Le recours a été rejeté par décision du 19 mars 1999 […] au motif que la requérante avait indiqué comme deuxième langue la même langue que celle utilisée comme langue pour le dépôt de la demande d’enregistrement, de sorte que la demande était entachée d’une irrégularité formelle, et cela indépendamment de l’autre irrégularité commise par la requérante, qui était de ne pas avoir indiqué comme deuxième langue une des cinq langues de l’Office. […]»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10 La requête en annulation a été déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 1999.

11 La République hellénique est intervenue au soutien des conclusions de la requérante.

12 Le royaume d’Espagne et le Conseil de l’Union européenne sont intervenus au soutien des conclusions de l’Office, partie défenderesse devant le Tribunal.

13 Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné en premier lieu une exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre du recours par l’Office. Ce dernier soutenait que le recours visant à faire déclarer, par voie d’exception, l’illégalité de l’article 115 du règlement n° 40/94 était irrecevable, car il n’y a pas de lien juridique entre la décision attaquée et la disposition contre laquelle l’exception d’illégalité était soulevée, à savoir le paragraphe 3 de cet article. En effet, l’Office aurait rejeté la demande de la requérante au motif qu’elle n’avait choisi aucune «deuxième langue» ainsi que l’exige cette dernière disposition et non pas au motif qu’elle n’avait pas indiqué l’une des langues de l’Office comme «deuxième langue».

14 Au point 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la requérante avait indiqué le néerlandais comme «deuxième langue» et a considéré que la question de la légalité de la règle imposant de mentionner, comme «deuxième langue», une langue autre que celle du dépôt de la demande d’enregistrement ne se distingue pas de celle de savoir si l’exclusion du néerlandais et de certaines autres langues officielles de la Communauté en tant que «deuxième langue» est légale ou non. Il a estimé dès lors, au point 25 de l’arrêt attaqué, que c’est la légalité de la règle exprimée par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, suivant laquelle le demandeur doit accepter de ne pas avoir automatiquement le droit de participer à toutes les procédures devant l’Office dans la langue de dépôt, qui est directement à la base de la décision attaquée et qui est mise en cause par l’exception d’illégalité soulevée par la requérante.

15 En conclusion de son examen de l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Office, le Tribunal a jugé, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué:

«32 Il résulte de tout ce qui précède que, dans la mesure où l’exception d’illégalité, soulevée par la requérante à l’appui de son recours en annulation ou en réformation de la décision attaquée, porte sur l’obligation imposée par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 et l’article 1er, règle 1, paragraphe 1, sous j), du règlement n° 2868/95, elle est recevable. Dans cette mesure, l’objet de l’exception d’illégalité s’étend à l’obligation énoncée par lesdites dispositions, telle que clarifiée, en ce qui concerne sa portée et ses effets juridiques, par certains des autres paragraphes de l’article 115 du règlement n° 40/94.

33 En revanche, dans la mesure où l’exception d’illégalité soulevée par la requérante porte sur le reste de l’article 115 du règlement n° 40/94, elle est irrecevable. En effet, les dispositions contenues dans le reste de l’article 115 n’ont aucunement été à la base de la décision attaquée, cette dernière ayant uniquement concerné une demande d’enregistrement et l’obligation pour le demandeur d’indiquer une deuxième langue qu’il accepte comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation qui pourront être introduites contre lui.»

16 En second lieu, statuant au fond, le Tribunal a, d’une part, examiné s’il existe un principe de droit communautaire de non-discrimination des langues officielles des Communautés européennes. Aux points 58 et 59 de l’arrêt attaqué, il a jugé ce qui suit:

«58 À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que le règlement n° 1 n’est qu’un acte de droit dérivé, qui trouve sa base juridique dans l’article 217 du traité. Soutenir, comme le fait la requérante, que le règlement n° 1 exprime précisément un principe de droit communautaire d’égalité des langues auquel il ne peut pas être dérogé, pas même par un règlement ultérieur du Conseil, équivaudrait à méconnaître sa nature de droit dérivé. En second lieu, il échet de relever que les États membres n’ont pas fixé, dans le traité, un régime linguistique pour les institutions et organes de la Communauté, mais que l’article 217 du traité laisse la possibilité au Conseil, statuant à l’unanimité, de fixer et de modifier le régime linguistique des institutions et d’établir des régimes linguistiques divergents. Cet article ne prévoit pas que, une fois arrêté par le Conseil, ce régime ne pourrait plus être modifié ultérieurement. Il s’ensuit que le régime linguistique établi par le règlement n° 1 ne saurait être assimilé à un principe de droit communautaire.

59 Il en résulte que la requérante ne saurait se prévaloir de l’article 6 du traité [CE, devenu, après modification, article 12 CE] en combinaison avec le règlement n° 1 aux fins de démontrer l’illégalité de l’article 115 du règlement n° 40/94.»

17 Le Tribunal a, d’autre part, examiné si l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 est contraire au principe de non-discrimination. À cet égard, il a jugé ce qui suit:

«60 En ce qui concerne l’obligation, imposée au demandeur d’enregistrement d’une marque communautaire par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ainsi que par l’article 1er, règle 1, paragraphe 1, sous j), du règlement n° 2868/95, d’indiquer une deuxième langue, qui est une langue de l’Office et dont il accepte l’usage comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation, il s’avère que, contrairement aux allégations de la requérante et du gouvernement grec, elle ne comporte aucune violation du principe de non-discrimination.

61 D’abord, comme il ressort du libellé même de l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, par l’indication d’une deuxième langue, le demandeur n’accepte l’usage éventuel de cette langue en tant que langue de procédure que pour ce qui concerne les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation. Il s’ensuit, comme cela est d’ailleurs confirmé par l’article 115, paragraphe 4, première phrase, du règlement n° 40/94, qu’aussi longtemps que le demandeur est la seule partie aux procédures devant l’Office la langue de dépôt de la demande d’enregistrement est la langue de procédure. Par conséquent, dans ces procédures, le règlement n° 40/94 ne saurait aucunement impliquer en lui-même un traitement différencié de la langue, étant donné qu’il garantit précisément l’emploi de la langue de dépôt en tant que langue de procédure et, partant, en tant que langue dans laquelle les actes de procédure de caractère décisionnel doivent être rédigés.

62 Ensuite, en ce que l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 impose au demandeur d’indiquer une deuxième langue en vue de l’usage éventuel de celle-ci en tant que langue de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation, force est de constater que cette règle a été adoptée dans le but légitime de trouver une solution linguistique pour les cas où une procédure d’opposition, de déchéance ou d’annulation se déroule entre des parties qui ne préfèrent pas la même langue et qui ne parviennent pas à convenir de leur propre initiative quelle sera la langue de procédure. À ce dernier égard, il convient d’observer qu’en vertu de l’article 115, paragraphe 7, du règlement n° 40/94, les parties aux procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation peuvent indiquer, d’un commun accord, n’importe laquelle des langues officielles de la Communauté européenne comme langue de procédure, possibilité qui peut convenir, notamment, aux parties dont la langue préférée est la même.

63 Il y a lieu d’estimer que, en poursuivant l’objectif de définir quelle sera la langue de procédure en l’absence d’accord entre des parties qui n’ont pas la même langue préférée, le Conseil, même s’il a opéré un traitement différencié des langues officielles de la Communauté, a fait un choix approprié et proportionné. D’une part, l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 donne l’occasion au demandeur d’enregistrement d’une marque de déterminer, parmi les langues dont la connaissance est la plus répandue dans la Communauté européenne, celle qui sera la langue de la procédure d’opposition, de déchéance ou d’annulation pour le cas où la première langue choisie par lui n’est pas souhaitée par une autre partie à la procédure. D’autre part, en limitant ce choix aux langues dont la connaissance est la plus répandue dans la Communauté européenne et en évitant ainsi que la langue de procédure soit particulièrement distincte par rapport à la connaissance linguistique d’une autre partie à la procédure, le Conseil est resté dans les limites de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif recherché (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 38, et du 11 janvier 2000, Kreil, C-285/98, Rec. p. I-69, point 23).

64 Enfin, la requérante et le gouvernement grec ne sauraient se prévaloir de l’alinéa ajouté par le traité d’Amsterdam à l’article 8 D du traité [CE] (devenu, après modification, article 21 CE), selon lequel tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l’article 7 [CE] dans l’une des langues visées à l’article 314 [CE] et recevoir une réponse rédigée dans la même langue. L’article 21 CE se réfère au Parlement et au médiateur, et l’article 7 CE mentionne le Parlement, le Conseil, la Commission, la Cour de justice et la Cour des comptes ainsi que le Conseil économique et social et le Comité des régions. Pour autant que l’alinéa en question soit applicable, ratione temporis, au cas d’espèce, l’Office ne se trouve pas, en toute hypothèse, parmi les institutions et organes visés à l’article 7 CE et à l’article 21 CE.»

18 En conséquence, le Tribunal a rejeté le recours.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

19 Par lettre du 25 janvier 2002, le conseil de Mme Kik a informé la Cour du décès de sa cliente et a fait acte de reprise d’instance au nom des héritiers et légataires de cette dernière. Il a indiqué que la demande d’enregistrement d’une marque verbale communautaire est, en droit civil néerlandais, un droit patrimonial qui fait partie de l’héritage de Mme Kik et qu’il avait été mandaté par l’exécuteur testamentaire, compétent pour représenter lesdits héritiers et légataires, pour reprendre l’instance en cours. Dans la suite du présent arrêt, les termes «la requérante» désignent ces héritiers et légataires.

20 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 décembre 2001, la Commission a demandé à être admise à intervenir au pourvoi à l’appui des conclusions de l’Office. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du président de la Cour du 18 mars 2002.

21 La requérante demande que l’arrêt attaqué soit annulé, que les conclusions qu’elle a présentées en première instance en vue d’obtenir l’annulation de la décision attaquée soient accueillies et que l’Office soit condamné aux dépens de première instance et du pourvoi.

22 La République hellénique demande également l’annulation de l’arrêt attaqué et qu’il soit fait droit à l’ensemble des conclusions de la requérante.

23 L’Office, le royaume d’Espagne et la Commission concluent au rejet du pourvoi et à la confirmation de l’arrêt attaqué.

24 Le Conseil conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité du pourvoi et, à titre subsidiaire, au rejet de celui-ci comme non fondé ainsi que, dans l’un et l’autre cas, à la condamnation de la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

25 La requérante invoque deux moyens au soutien de son pourvoi. Le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’article 115 du règlement n° 40/94 par le Tribunal. Le second moyen est tiré d’une violation, par ce dernier, du droit communautaire et, plus particulièrement, de l’article 6 du traité, en ce qu’il n’aurait pas constaté l’illégalité de l’article 115 du règlement n° 40/94.

Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 115 du règlement n° 40/94

Arguments des parties

26 La requérante soutient que le Tribunal a méconnu le droit communautaire en interprétant de manière erronée l’article 115 du règlement n° 40/94, fixant le régime linguistique de l’Office. L’interprétation du Tribunal ne tiendrait pas compte de l’existence de la seconde phrase du paragraphe 4 de cet article, qui est libellée ainsi: «Si le dépôt a été fait dans une langue autre que celles de l’Office, l’Office peut envoyer des communications écrites au demandeur dans la deuxième langue indiquée par lui dans la demande». L’arrêt attaqué étant fondé sur une telle interprétation erronée, il devrait être annulé pour cette raison.

27 La requérante fait valoir que, ainsi que l’a reconnu le représentant de l’Office lors de l’audience devant le Tribunal, l’Office fait toujours usage, pour l’ensemble de la procédure, y compris l’examen d’office des motifs absolus et relatifs de refus d’enregistrement d’une marque communautaire, de la possibilité d’utiliser la deuxième langue indiquée lors du dépôt de la demande, lorsque cette dernière n’est pas rédigée dans l’une des langues de l’Office. Le demandeur ne recevrait dans la langue du dépôt de la demande que la preuve de l’inscription de la marque au registre des marques communautaires, à l’issue de la procédure d’enregistrement.

28 Selon la requérante, eu égard à l’interprétation correcte qu’il convient de faire de l’article 115 du règlement n° 40/94, la conclusion tirée par le Tribunal, au point 61 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ce règlement ne saurait aucunement impliquer en lui-même un traitement différencié de la langue puisque, dans les procédures où le demandeur est la seule partie devant l’Office, la langue de dépôt de la demande de marque communautaire est la langue de procédure, serait manifestement erronée.

29 L’Office, le royaume d’Espagne et le Conseil contestent la recevabilité du premier moyen en ce qu’il vise l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 dès lors que, au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a déclaré recevable l’exception d’illégalité qu’en ce qu’elle porte sur l’article 115, paragraphe 3, ou sur certains des autres paragraphes de cet article qui clarifient l’obligation énoncée à ce paragraphe 3. D’une part, selon l’Office et le royaume d’Espagne, la requérante n’a pas mis en cause ce point 32 de l’arrêt attaqué. D’autre part, selon le Conseil, l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 ne peut être considéré comme une disposition qui clarifie la portée ou les effets juridiques de l’obligation d’indiquer sur le formulaire de la demande de marque communautaire une langue autre que celle qui a été utilisée pour cette demande.

30 Quant au fond, l’Office, le Conseil et la Commission font valoir qu’il résulte de la lecture du point 61 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a procédé à une analyse juridique de l’ensemble de l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, y compris de la seconde phrase de ce paragraphe.

31 L’Office considère que la requérante surestime la portée et les conséquences pratiques, pour les demandeurs de marques communautaires, de l’application de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94. Contrairement à ce que prétend la requérante, la possibilité pour l’Office d’envoyer des communications écrites au demandeur dans la deuxième langue choisie par ce dernier n’impliquerait pas que toute la suite de la procédure aurait lieu dans la deuxième langue ni que le demandeur ne recevrait dans la langue de dépôt que la preuve de l’inscription de la marque dans le registre des marques communautaires.

32 Selon l’Office, de telles affirmations ne tiennent pas compte du fait que plus de 98 % des personnes physiques ou morales qui sollicitent l’enregistrement d’une marque communautaire le font par l’intermédiaire d’un représentant professionnel qu’elles peuvent choisir librement parmi ceux qui sont établis sur tout le territoire de la Communauté. Il rappelle en outre que les personnes qui déposent une demande d’enregistrement dans une langue autre que celles de l’Office gardent le droit d’utiliser la langue de dépôt de la demande dans les communications écrites et orales qu’elles envoient à celui-ci aussi longtemps qu’elles demeurent la seule partie à la procédure.

33 L’Office souligne que la possibilité dont il dispose d’envoyer des communications écrites dans la deuxième langue choisie par un demandeur de marque communautaire n’est qu’une faculté et que, si ce dernier souhaite que toutes les communications écrites lui soient envoyées dans la langue de dépôt de la demande aussi longtemps qu’il est la seule partie à la procédure, l’Office ne pourra refuser cette sollicitation que sur la base de motifs sérieux et contraignants.

34 À cet égard, l’Office fait valoir qu’il n’interprète pas l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 de la même manière que le Tribunal. En effet, il ressort du point 61, troisième phrase, de l’arrêt attaqué que la langue de dépôt devrait être utilisée en tant que langue de procédure et, partant, en tant que langue dans laquelle les actes de procédure de caractère décisionnel doivent être rédigés. L’Office, quant à lui, considère que l’expression «communications écrites», figurant à l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, couvre tout type d’acte écrit pris par lui, y compris ceux ayant un caractère décisionnel.

35 L’Office relève la difficulté de définir ce qu’il convient d’entendre par «actes de procédure à caractère décisionnel» et mentionne, à titre d’exemple, la lettre par laquelle il invite un demandeur de marque communautaire à remédier à certaines irrégularités, conformément à la règle 9, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95. Une telle lettre ne pourrait faire l’objet d’un recours mais, si le demandeur ne remédie pas aux irrégularités qui lui ont été indiquées, l’Office adoptera une décision de rejet de la demande qui pourra faire l’objet d’un recours. L’interprétation donnée par le Tribunal de l’article 115 pourrait créer une confusion dans le chef des demandeurs dès lors qu’ils recevraient des actes rédigés tantôt dans la langue de dépôt de la demande, tantôt dans la deuxième langue.

36 L’Office souligne également qu’il agit de la manière dont il le fait avec l’accord implicite du demandeur de marque communautaire et que, nonobstant le nombre de demandes introduites, c’est la première fois que le régime linguistique est contesté. Il indique que, si cela est nécessaire, il pourrait, dans le futur, demander l’accord explicite du demandeur en ce qui concerne l’utilisation de la deuxième langue pour les communications écrites telles qu’il les entend.

37 Le Conseil considère que l’interprétation de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 faite par l’Office, qui s’est traduite par une certaine application de cette disposition, ne peut en aucun cas avoir d’effets sur la légalité de cet article.

Appréciation de la Cour

38 Il convient au préalable de relever que, contrairement à ce que présuppose l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Office, le Conseil et le royaume d’Espagne, la requérante conteste, par le premier moyen de son pourvoi, l’interprétation que le Tribunal a faite, au point 61 de l’arrêt attaqué, de l’article 115 du règlement n° 40/94, en ce qu’il n’aurait pas tenu compte de l’existence de la seconde phrase du paragraphe 4 de cet article, mais elle ne remet pas en cause la légalité de cette dernière disposition en tant que telle.

39 En tout état de cause, la lecture des points 32 et 33 de l’arrêt attaqué révèle que le Tribunal a déclaré recevable l’exception d’illégalité en ce qu’elle vise l’obligation imposée par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 d’indiquer une deuxième langue, mais également en ce que cette obligation est clarifiée, en ce qui concerne sa portée et ses effets juridiques, par certains des autres paragraphes dudit article.

40 Le Tribunal n’a dès lors pas exclu une remise en cause de la légalité de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, qui fait partie des dispositions qui définissent la portée et les effets juridiques du choix de la deuxième langue, en ce que cette disposition énonce que, «[s]i le dépôt a été fait dans une langue autre que celle de l’Office, l’Office peut envoyer des communications écrites au demandeur dans la deuxième langue indiquée par lui dans la demande».

41 Il s’ensuit que le premier moyen du pourvoi est recevable.

42 S’agissant de l’examen au fond de ce moyen, il convient de constater que celui-ci porte essentiellement sur la manière dont l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 est interprété et appliqué par l’Office, élément dont le Tribunal n’aurait pas tenu compte dans le raisonnement développé au point 61 de l’arrêt attaqué.

43 La requérante fait valoir à cet égard que l’Office accomplit la presque totalité de la procédure relative à une demande de marque communautaire dans la deuxième langue indiquée par le demandeur. L’Office ne conteste pas cette affirmation, mais fait état, au contraire, de son désaccord avec l’interprétation de l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 effectuée par le Tribunal, en considérant que tous les actes de procédure de caractère décisionnel ne doivent pas nécessairement être rédigés dans la langue de procédure et que certains de ces actes relèvent de la catégorie des «communications écrites» mentionnée à ladite disposition.

44 Au préalable, il convient de préciser l’interprétation qu’il y a lieu de donner à l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

45 Selon cette disposition, la langue de procédure devant l’Office est celle utilisée pour le dépôt de la demande de marque communautaire, la deuxième langue choisie par le demandeur pouvant cependant être utilisée pour l’envoi à ce dernier, par l’Office, de communications écrites. Il résulte de ladite disposition que la possibilité d’utiliser la deuxième langue pour des communications écrites est une exception au principe de l’utilisation de la langue de procédure et que la notion de communications écrites doit dès lors être interprétée de manière restrictive.

46 La procédure étant l’ensemble des actes qui doivent être accomplis lors du traitement d’une demande, il s’ensuit que sont couverts par la notion d'«actes de procédure» tous les actes requis ou prévus par la réglementation communautaire pour le traitement de la demande de marque communautaire, ainsi que ceux qui sont nécessaires à ce traitement, qu’il s’agisse de notifications, de demandes de rectification, d’éclaircissements ou d’autres actes. Contrairement à ce que soutient l’Office, l’ensemble de ces actes doit dès lors être rédigé par lui dans la langue utilisée pour le dépôt de la demande.

47 Par opposition aux actes de procédure, les «communications écrites» visées à l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 sont toutes les communications dont le contenu ne peut être assimilé à un acte de procédure, tels les documents sous le couvert desquels l’Office transmet des actes de procédure ou par lesquels il communique des informations aux demandeurs.

48 Eu égard à l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 115, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que le Tribunal a conclu, au point 61 de l’arrêt attaqué, que «le règlement n° 40/94 ne saurait aucunement impliquer en lui-même un traitement différencié de la langue, étant donné qu’il garantit précisément l’emploi de la langue de dépôt en tant que langue de procédure […]».

49 Il s’ensuit que le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal dans l’interprétation de cette disposition doit être rejeté.

Sur le second moyen, tiré de la violation du droit communautaire, en particulier de l’article 6 du traité

Arguments des parties

50 La requérante considère que le Tribunal a méconnu le droit communautaire, en particulier l’article 6 du traité, en rejetant son recours dans la mesure où celui-ci excipait de l’illégalité de l’ensemble du régime linguistique prévu à l’article 115, paragraphes 2 à 6, du règlement n° 40/94.

51 Elle fait valoir, tout d’abord, que ce régime viole le principe fondamental de l’égalité des langues. Selon elle, ce principe se manifesterait à plusieurs reprises dans le droit communautaire. Ainsi, une telle manifestation serait l’article 248 du traité CE (devenu, après modification, article 314 CE), en vertu duquel toutes les langues du traité sont authentiques. Il en serait de même du règlement n° 1, qui détermine les langues officielles de la Communauté, prévoit que tout ressortissant d’un État membre peut écrire à une institution dans l’une des langues officielles ainsi que recevoir la réponse dans cette langue et que le Journal officiel des Communautés européennes paraît dans les onze langues officielles. Le troisième alinéa de l’article 8 D du traité, ajouté à cette disposition par le traité d’Amsterdam, confirmerait le droit, pour tout citoyen de l’Union, d’écrire à toute institution ou à tout organe visé à cet article ou à l’article 4 du traité CE (devenu article 7 CE) dans l’une des langues visées à l’article 248 du traité et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue. La requérante fait également référence à la jurisprudence constante de la Cour relative au principe d’égalité dont l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité, mentionnée à l’article 6 du traité, serait une manifestation. Selon cette jurisprudence, une importance particulière serait accordée à la protection des droits et aux facilités des personnes en matière linguistique.

52 La requérante soutient ensuite que le régime linguistique institué par l’article 115 du règlement n° 40/94 viole l’article 6 du traité. Ce régime constituerait une discrimination fondée sur la langue et, partant, indirectement sur la nationalité, ce qui serait incompatible avec l’interdiction de discrimination énoncée par cette dernière disposition.

53 Selon la requérante, ce régime linguistique placerait en effet les ressortissants d’États membres dont la langue ne fait pas partie des langues de travail de l’Office dans une situation nettement plus défavorable que celle des ressortissants d’États membres dont la langue est au nombre de celles-ci. Cela concernerait avant tout le traitement des demandes de marque communautaire puisque, en pratique, l’Office traite toujours ces demandes dans la deuxième langue lorsque la langue de dépôt de ces dernières n’est pas une des langues de l’Office. Mais cela concernerait également les procédures d’opposition, de déchéance et de nullité puisque, à l’exception de l’hypothèse d’un accord des parties, visée à l’article 115, paragraphe 7, du règlement n° 40/94, ces procédures se dérouleraient toujours dans les langues de l’Office.

54 Cela aurait pour conséquence de fausser la concurrence sur le marché intérieur dans la mesure où, le demandeur d’une marque communautaire préférant se faire assister d’un agent en marques dont la langue maternelle fait partie des langues de travail de l’Office, les agents en marques dont la langue maternelle ne fait pas partie de telles langues seraient placés dans une situation concurrentielle défavorable.

55 La requérante considère enfin que, étant donné le caractère fondamental du principe d’égalité de traitement en droit communautaire, sa violation ne saurait être justifiée par des considérations de pure opportunité. Pour autant qu’une justification soit possible, la solution choisie en l’espèce par le législateur communautaire ne constituerait pas un choix approprié ni proportionné.

56 Elle fait valoir à cet égard que les institutions ne sauraient invoquer un facteur purement économique, tel le coût de traducteurs supplémentaires, pour justifier une restriction aux principes fondamentaux du droit communautaire. Le Conseil n’aurait, en tout état de cause, pas prouvé qu’un régime linguistique non discriminatoire affecterait de façon disproportionnée les ressources financières de la Communauté. Elle relève par ailleurs que les institutions et autres organes de l’Union sont à même, depuis des années, de communiquer dans toutes les langues officielles avec les citoyens, qu’il s’agisse de traiter d’opérations de concentration ou de notifications de mesures d’aides. Elle cite, à titre d’exemple, l’Office communautaire des variétés végétales, institué par le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1), qui fonctionnerait sans problème dans toutes les langues officielles.

57 Même si une dérogation au principe d’égalité de traitement pouvait être justifiée par des considérations pratiques et financières, le régime linguistique du règlement n° 40/94 ne serait cependant pas proportionné, car le choix d’une deuxième langue unique, telle que l’anglais, aurait été moins discriminatoire et aurait moins faussé la concurrence.

58 À titre surabondant, la requérante relève que le fait que le Conseil a adopté le règlement n° 40/94 à l’unanimité ne saurait constituer un élément susceptible d’être pris en considération, car le législateur communautaire est également lié par la règle de droit.

59 Dans l’hypothèse où la Cour admettrait que le régime linguistique de l’Office institué par l’article 115 du règlement n° 40/94 n’est pas entièrement illégal, la requérante demande à cette dernière, à titre subsidiaire, de constater à tout le moins que le Tribunal a méconnu le droit en ne constatant pas l’illégalité du paragraphe 4, seconde phrase, de ladite disposition. Elle soutient que, outre son incompatibilité avec l’interdiction de discrimination, cette phrase est également incompatible avec le principe qui constitue le fondement des paragraphes 1 et 4, première phrase, dudit article 115, à savoir que la langue dans laquelle la demande de marque communautaire est déposée est la langue de procédure. La seconde phrase du paragraphe 4 viderait ce principe de son sens, ainsi que le montrerait la pratique constante de l’Office. Les diverses dispositions de l’article 115 seraient donc incompatibles entre elles.

60 La République hellénique, qui est intervenue en première instance au soutien des conclusions de la requérante, indique qu’elle partage la plupart des opinions exprimées par cette dernière dans son pourvoi, en particulier en ce qui concerne le principe d’égalité et de non-discrimination. Elle souligne que le multilinguisme est un élément indispensable du fonctionnement effectif de la règle de droit dans l’ordre juridique communautaire, car de nombreuses règles du droit primaire et du droit dérivé sont d’application directe dans l’ordre juridique interne des États membres.

61 Ce serait donc à tort que le Tribunal a considéré que le règlement n° 1 serait «une émanation pure et isolée de droit positif», paraissant ainsi ignorer l’existence de principes fondamentaux de droit primaire qui imprègnent l’ensemble des règles communautaires.

62 La République hellénique rappelle l’importance, pour le citoyen, de pouvoir prendre connaissance des dispositions qui le concernent dans sa langue maternelle, en application de l’adage «Nul n’est censé ignorer la loi». Elle souligne également l’importance du respect de la langue des citoyens dans une Communauté qui entend que les décisions soient prises «le plus près possible des citoyens» et que le principe de transparence régisse le fonctionnement de ses institutions.

63 La République hellénique constate la contradiction qui existe entre, d’une part, la réduction programmée du nombre des langues et, d’autre part, les objectifs poursuivis par la Communauté conformément à l’article 126 du traité CE (devenu article 149 CE), qui prévoit que la Communauté respecte la diversité linguistique des États membres. Elle rappelle que, dans sa jurisprudence relative à l’interprétation du droit communautaire, la Cour de justice s’est toujours prononcée pour l’égalité des langues.

64 La République hellénique fait également valoir que, l’Office étant un organisme de la Communauté, il devrait être possible de lui appliquer, par analogie, les articles 4 et 8 D du traité.

65 Toutes les autres parties sont en désaccord avec la requérante et font valoir, pour des motifs divers, que le second moyen est, en tout ou en partie, irrecevable. Un premier argument est tiré du défaut d’intérêt de cette dernière pour demander que soit constatée l’illégalité de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94. L’Office relève que l’illégalité éventuelle de cette disposition ne saurait entraîner celle de la décision attaquée dès lors que celle-ci n’est pas fondée sur ladite disposition. Le royaume d’Espagne et l’Office soutiennent en outre que la requérante n’aurait pas prouvé que l’application de cette disposition lui aurait, en l’espèce, causé un quelconque préjudice. L’Office précise à cet égard que, la requérante ayant fait savoir qu’elle souhaitait recevoir les communications rédigées dans la langue dans laquelle sa demande de marque communautaire avait été déposée et l’Office n’ayant pas de motifs sérieux et contraignants pour ne pas respecter un tel souhait, il a utilisé le néerlandais, c’est-à-dire la langue de dépôt de la demande, pour la rédaction de tous les actes de procédure, y compris les actes de caractère décisionnel.

66 La branche principale du moyen serait par ailleurs irrecevable en ce que, selon l’Office et la Commission, il s’agirait d’une simple répétition des arguments présentés en première instance. Selon le Conseil, en revanche, cette branche du moyen serait irrecevable, car la requérante n’y aurait pas indiqué les passages de l’arrêt attaqué où le Tribunal aurait statué en méconnaissance des règles de droit qu’il lui appartenait de respecter.

67 S’agissant de la branche subsidiaire du moyen, le Conseil soutient qu’elle se confond avec le premier moyen. La Commission, quant à elle, conclut à son irrecevabilité, étant donné que la requérante s’est abstenue de contester le point 33 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a déclaré irrecevable l’exception d’illégalité invoquée à l’encontre des dispositions de l’article 115 du règlement n° 40/94 autres que son paragraphe 3.

68 Quant au fond, l’Office soutient que la requérante n’a pas démontré en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant le régime linguistique de l’Office comme un moyen nécessaire, approprié et proportionné pour atteindre un but légitime. Il relève que les arguments présentés à l’appui du pourvoi manifestent un recul par rapport aux thèses défendues en première instance, puisque la requérante soutient maintenant que le législateur aurait pu n’imposer qu’une seule langue officielle pour toutes les procédures devant l’Office.

69 Le Conseil renvoie au raisonnement développé par le Tribunal aux points 57 à 64 de l’arrêt attaqué. S’agissant du régime linguistique de l’Office communautaire des variétés végétales, il relève que, lors de sa détermination, il a été tenu compte du fait que la procédure inter partes est exceptionnelle en matière de droit à la protection communautaire des obtentions végétales.

70 En ce qui concerne le principe d’égalité qui interdit, sauf raison objective justifiée, de traiter différemment des situations identiques, le royaume d’Espagne estime qu’il est indiscutable qu’il existe des différences quant au nombre de citoyens communautaires et extracommunautaires parlant chaque langue.

71 Le royaume d’Espagne admet que le régime linguistique de l’Office traite différemment certaines langues, mais il considère que cette différence de traitement n’est pas telle que le soutient la requérante. L’Office pourrait s’adresser au demandeur dans la deuxième langue indiquée dans la demande de marque communautaire, mais il serait presque certain qu’un agent en marques connaît l’une des langues de l’Office. La nécessité de pourvoir à la traduction des écrits de l’Office resterait donc rare. Ce n’est qu’en cas de procédure impliquant une autre partie que des traductions seraient nécessaires, mais, dans ce cas, elles le seraient également pour cette autre partie.

72 La différence de traitement serait donc nuancée et la requérante n’aurait pas apporté d’arguments susceptibles de remettre en cause les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal en ce qui concerne la raison objective qui justifie cette différence. Le royaume d’Espagne souligne que le Conseil a agi dans le cadre de ses compétences et que le critère choisi, à savoir les cinq langues les plus parlées à l’intérieur et à l’extérieur de la Communauté, est raisonnable.

73 Le royaume d’Espagne relève que la requérante n’a pas indiqué quel serait, à son avis, un système adéquat et proportionné qui permettrait le fonctionnement de l’Office. En outre, elle se contredirait par rapport aux arguments qu’elle a développés en première instance puisqu’elle penche maintenant pour le choix d’une langue unique, à savoir l’anglais. Cette affirmation remettrait en cause toutes ses allégations concernant la violation du principe d’égalité des langues.

74 La Commission soutient également que le moyen n’est pas fondé. Ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 58 de l’arrêt attaqué, le règlement n° 1 ne saurait être assimilé à un principe de droit communautaire. Quant à la prétendue violation du principe de non-discrimination, le Tribunal aurait considéré de manière convaincante, aux points 60 à 63 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait fait un choix approprié et proportionné.

Appréciation de la Cour

75 Il convient au préalable d’examiner les arguments visant à établir l’irrecevabilité du second moyen.

76 S’agissant du défaut d’intérêt de la requérante pour demander que soit constatée l’illégalité de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, au motif qu’il n’existerait pas de lien juridique entre cette disposition et la décision attaquée, il convient de relever qu’une telle exception d’irrecevabilité de l’action en justice en ce que celle-ci visait à faire constater l’illégalité de l’article 115 du règlement n° 40/94 a déjà été soulevée par l’Office devant le Tribunal et est d’ailleurs synthétisée par ce dernier aux points 15 à 17 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a rejeté cet argument aux points 24 et 25 de cet arrêt et a délimité l’exception d’illégalité accueillie aux points 32 et 33 du même arrêt. Ainsi qu’il a été relevé aux points 39 et 40 du présent arrêt, l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94 fait partie des dispositions qui définissent la portée et les effets juridiques du choix de la deuxième langue et pour lesquelles l’exception d’illégalité a été déclarée recevable par le Tribunal au point 32, seconde phrase, de l’arrêt attaqué. L’Office ne mettant pas en cause ces éléments et n’établissant pas la raison pour laquelle serait contraire au droit communautaire le raisonnement du Tribunal concluant à l’existence d’un lien juridique direct entre la décision attaquée et l’obligation dont la requérante conteste la légalité, il convient de rejeter l’argument tiré du défaut d’intérêt de la requérante pour demander que soit constatée l’illégalité de ladite disposition du règlement n° 40/94.

77 Il convient de même de rejeter l’argument tiré du défaut de preuve d’un préjudice dans le chef de la requérante en raison de la manière dont, en l’espèce, l’Office a appliqué l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94. En effet, cet argument vise à démontrer non pas l’irrecevabilité du pourvoi ou de l’un des moyens invoqués au soutien de celui-ci, mais bien celle de l’action en justice introduite par la requérante. Toutefois, il n’a pas été soulevé devant le Tribunal, mais il est soutenu pour la première fois devant la Cour. Cet argument doit dès lors être déclaré irrecevable, puisque, en tant qu’il est soulevé pour la

première fois au stade du pourvoi, il ne vise pas à démontrer une erreur de droit commise par le Tribunal en ce qui concerne l’appréciation de cette exception d’irrecevabilité de l’action en justice.

78 Contrairement à ce qu’affirment l’Office et la Commission, le pourvoi ne consiste pas en une simple répétition des arguments que la requérante avait développés en première instance. En effet, la requérante ne demande pas un réexamen de sa demande initiale en annulation, mais critique expressément l’arrêt attaqué. S’agissant des éléments de celui-ci contre lesquels le pourvoi est dirigé, il résulte clairement de la requête, contrairement à ce que soutient le Conseil, que ce pourvoi porte sur les points 61 à 64 de l’arrêt, qui sont d’ailleurs reproduits dans la requête. Le Conseil n’est dès lors pas fondé à soutenir que le pourvoi serait trop obscur pour donner lieu à une décision de la Cour.

79 Contrairement à ce que soutient également le Conseil, la branche subsidiaire du second moyen, par laquelle la requérante conteste la légalité de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, ne se confond pas avec le premier moyen, dans lequel elle se limitait à contester l’interprétation, par le Tribunal, de cette disposition.

80 S’agissant enfin de l’argument relatif à l’irrecevabilité de la branche subsidiaire du moyen au motif que la requérante n’aurait pas mis en cause le point 33 de l’arrêt attaqué, il suffit de renvoyer aux points 39 et 40 du présent arrêt et de constater que cette branche est recevable pour autant que la requérante conteste les effets juridiques attachés à l’obligation, imposée par l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, d’indiquer une deuxième langue lors du dépôt de la demande de marque communautaire.

81 En ce qui concerne l’examen au fond du moyen, il convient au préalable de souligner que, eu égard à ce qui a été précisé dans le présent arrêt au sujet du premier moyen, la portée de ce second moyen est limitée à l’appréciation de la légalité du régime linguistique de l’Office, en ce qu’il impose le choix d’une deuxième langue comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation, ainsi que pour les «communications écrites» au sens de l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94. Il y a lieu de vérifier si ce régime viole un prétendu principe d’égalité des langues, tel que le décrit la requérante.

82 Ainsi que le souligne la requérante, le traité contient plusieurs références à l’emploi des langues dans l’Union européenne. Toutefois, ces références ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général de droit communautaire assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances.

83 S’agissant des rapports entre les citoyens et les institutions et organes communautaires, l’article 8 D du traité, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, impose notamment aux institutions et à certains organes de correspondre avec les citoyens de l’Union dans l’une des langues visées à l’article 248 du traité. Cette disposition, qui n’était pas encore en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée n’est en tout état de cause pas d’application générale à l’ensemble desdits organes de l’Union. Notamment, elle ne s’applique pas à l’Office, ainsi que l’a relevé à bon droit le Tribunal au point 64 de l’arrêt attaqué.

84 En outre, l’article 217 du traité autorise le Conseil, statuant à l’unanimité, à fixer le régime linguistique des institutions de la Communauté. C’est en application de cette disposition qu’il a adopté le règlement n° 1 qui, à son article 1er, détermine les langues officielles et les langues de travail des institutions de la Communauté. Il convient de constater que ces langues officielles ne coïncident pas entièrement avec les langues visées aux articles 8 D et 248 du traité.

85 Par ailleurs, le règlement n° 1 impose, notamment à son article 4, que les règlements et autres textes de portée générale soient rédigés dans les langues officielles de l’Union. Il résulte de cette dernière disposition ainsi que de l’article 191 du traité CE (devenu article 254 CE), imposant la publication au Journal officiel des Communautés européennes des règlements, directives et décisions adoptés conformément à la procédure visée à l’article 189 B du traité CE (devenu, après modification, article 251 CE), lu en combinaison avec l’article 5 du règlement n° 1 qui prévoit la publication dudit Journal dans les langues officielles, qu’une décision individuelle ne doit pas nécessairement être rédigée dans toutes les langues officielles, quand bien même elle pourrait affecter les droits d’un citoyen de l’Union autre que le destinataire de cette décision, par exemple un opérateur économique concurrent.

86 Le fait, pour une institution, de s’adresser à un citoyen dans la langue de ce dernier ne résout dès lors pas l’ensemble des problèmes linguistiques rencontrés par les citoyens dans le cadre de l’activité des institutions ou des organes de l’Union. C’est d’ailleurs un tel problème qui est mis en évidence en l’espèce puisque, à l’exception des «communications écrites» visées à l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, dont il sera question au point 98 du présent arrêt, le régime linguistique de l’Office ne saurait être contesté pour la manière dont l’Office traite directement avec le demandeur, dès lors que la procédure doit être effectuée dans la langue choisie pour le dépôt de la demande de marque communautaire. Ce régime est en revanche critiqué pour la manière dont il régit les relations entre plusieurs personnes de langues éventuellement différentes dans le cadre des procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation.

87 L’article 248, deuxième alinéa, du traité, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, et la jurisprudence de la Cour en matière d’interprétation du droit communautaire ne peuvent pas non plus être invoqués à l’appui d’un prétendu principe d’égalité des langues. En effet, si toutes les versions linguistiques faisant foi d’un texte doivent être prises en considération de manière égale lors de l’interprétation de ce texte, ce n’est que dans la mesure où de telles versions existent et font foi. Ainsi, même si une décision individuelle est publiée au Journal officiel des Communautés européennes et est, dès lors, traduite dans toutes les langues en vue de l’information des citoyens, seule fera foi et sera utilisée pour l’interprétation de cette décision la langue utilisée dans le cadre de la procédure concernée.

88 Il convient par ailleurs de prendre en considération le fait que la marque communautaire a été créée au profit d’opérateurs économiques, et non de l’ensemble des citoyens, et que ces opérateurs économiques ne sont pas tenus d’y avoir recours.

89 En effet, si le droit au monopole de l’utilisation d’une marque est reconnu par une autorité publique, le droit de marque est essentiellement un outil utilisé en vue de la réalisation de bénéfices par les opérateurs économiques dans le cadre de leur activité professionnelle. Il serait donc loisible à un législateur d’imposer à ces derniers d’assumer le coût, intégral ou à tout le moins partiel, du fonctionnement d’un organisme créé en vue de l’enregistrement des marques communautaires.

90 Selon le cinquième considérant du règlement n° 40/94, «le droit communautaire des marques ne se substitue pas aux droits des marques des États membres; […] en effet, il n’apparaît pas justifié d’obliger les entreprises à déposer leurs marques comme marques communautaires, les marques nationales demeurant nécessaires aux entreprises ne désirant pas une protection de leurs marques à l’échelle de la Communauté».

91 Les opérateurs économiques sont cependant intéressés par un instrument tel que la marque communautaire, mis à leur disposition par le législateur communautaire, qui leur évite une multiplication des dépôts de demandes de marques nationales, avec les frais de traduction que cela comporte (voir à cet égard, par analogie, les arguments développés par BASF AG relatifs aux coûts de traduction des fascicules des brevets européens, repris au point 12 de l’arrêt du 21 septembre 1999, BASF, C-44/98, Rec. p. I-6269). Il suffit pour se convaincre de cet intérêt de constater le nombre important, supérieur aux prévisions initiales, de demandes de marques communautaires déposées depuis la création de l’Office.

92 Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le régime linguistique d’un organisme tel que l’Office est le résultat d’une recherche difficile de l’équilibre nécessaire entre les intérêts des opérateurs économiques et ceux de la collectivité pour ce qui concerne les coûts des procédures, mais également entre les intérêts des demandeurs de marques communautaires et ceux des autres opérateurs économiques pour ce qui concerne l’accès aux traductions des documents accordant des droits ou les procédures impliquant plusieurs opérateurs économiques, telles que les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation visées par le règlement n° 40/94.

93 C’est dès lors à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 62 de l’arrêt attaqué, que, en définissant les langues officielles de la Communauté qui peuvent être utilisées comme langues de procédure dans les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation, à défaut d’un accord entre les parties pour déterminer la langue utilisable, le Conseil a poursuivi le but légitime de trouver une solution linguistique appropriée à la difficulté résultant d’un tel désaccord.

94 De même, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 63 de l’arrêt attaqué, que, même si le Conseil a opéré un traitement différencié des langues officielles, le choix de ce dernier, limité aux langues dont la connaissance est la plus répandue dans la Communauté européenne, est approprié et proportionné.

95 Dans ces conditions, l’argument de la requérante tiré du caractère prétendument moins discriminatoire du choix d’une langue unique par rapport à celui de cinq langues est dépourvu de pertinence.

96 S’agissant enfin des communications écrites visées à l’article 115, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement n° 40/94, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 45 et 47 du présent arrêt, cette notion doit être interprétée de manière restrictive et ne peut viser que les communications dont le contenu ne peut être assimilé à un acte de procédure. L’usage de la deuxième langue dans ce contexte ne pouvant porter atteinte aux intérêts juridiques d’un demandeur de marque communautaire, il s’ensuit que la différence de traitement qui pourrait exister en raison de l’utilisation de la deuxième langue serait d’une portée négligeable et, en tout état de cause, justifiée par les besoins du fonctionnement de l’Office.

97 Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le second moyen du pourvoi doit également être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen incident, tiré du défaut de motivation

Argument de la République hellénique

98 La République hellénique soulève un moyen d’annulation incident consistant à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération le moyen tiré du défaut de motivation de la disposition dont l’illégalité était excipée, à savoir l’article 115 du règlement n° 40/94, ou, en tout état de cause, en ne soulevant pas d’office ce moyen.

99 Elle rappelle que, dans son intervention devant le Tribunal, elle avait déjà relevé que la limitation apportée à l’emploi des langues dans le cadre du règlement n° 40/94 ne comporte pas de motivation adéquate et qu’il n’est pas possible de préciser les critères qui ont dicté cette limitation ni d’expliquer la primauté de certaines langues par rapport aux autres. Or, le Tribunal n’aurait pas pris en compte les griefs formulés par la République hellénique, pas plus qu’il n’aurait évoqué d’office la question de la motivation du règlement n° 40/94, bien qu’il s’agisse en l’occurrence d’une question d’ordre public que le juge communautaire a la possibilité, voire l’obligation, d’examiner d’office.

100 Au contraire, en développant, aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué, une argumentation fondée sur les objectifs du législateur, le Tribunal n’aurait pas procédé à la vérification des motifs du règlement dont l’illégalité était excipée, mais aurait ajouté une motivation alors même que celle-ci faisait totalement défaut en l’espèce, procédé qui a déjà été sanctionné par la Cour (arrêt de la Cour du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C-164/98 P, Rec. p. I-447).

Appréciation de la Cour

101 Il est vrai que le Tribunal n’a pas répondu expressément à l’argument tiré du défaut de motivation de la disposition réglementaire dont l’illégalité était excipée. Il convient cependant de relever que cet argument était intégré au développement d’un moyen pouvant être interprété comme tiré de la violation du principe de proportionnalité. S’agissant d’un moyen de pur droit, il est en tout état de cause possible à la Cour de suppléer à l’omission du Tribunal.

102 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (arrêts du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C-150/94, Rec. p. I-7235, points 25 et 26, ainsi que du 7 novembre 2000, Luxembourg/Parlement et Conseil, C-168/98, Rec. p. I-9131, point 62).

103 Il y a lieu de constater que, en l’espèce, les dispositions du règlement n° 40/94 relatives au régime linguistique de l’Office permettent à suffisance de connaître et de contrôler les justifications qui en constituent le fondement.

104 S’agissant des points 62 et 63 de l’arrêt attaqué, il convient de relever qu’il ne s’agit pas d’une tentative, de la part du Tribunal, de suppléer à la motivation prétendument inexistante de la disposition contestée, mais bien de l’examen de la proportionnalité de celle-ci, examen qui suppose nécessairement celui de l’objectif présumé du législateur communautaire.

105 Il résulte de ces éléments que le moyen incident soulevé par la République hellénique n’est pas fondé.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

106 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’Office ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

107 Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement de procédure, la République hellénique, le royaume d’Espagne, le Conseil et la Commission supportent leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Mme Kik est condamnée aux dépens.

3) La République hellénique, le royaume d’Espagne, le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-361/01, Arrêt de la Cour, Christina Kik contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), 9 septembre 2003