CJUE, n° C-515/12, Conclusions de l'avocat général de la Cour, «4finance» UAB contre Valstybinė vartotojų teisių apsaugos tarnyba et Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos, 19 décembre 2013

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 déc. 2013, C-515/12
Numéro(s) : C-515/12
Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston présentées le 19 décembre 2013.#«4finance» UAB contre Valstybinė vartotojų teisių apsaugos tarnyba et Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.#Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales – Système de promotion pyramidale – Pertinence de la participation éventuelle des consommateurs versée afin de recevoir une contrepartie – Interprétation de la notion de ‘participation.#Affaire C-515/12.
Date de dépôt : 14 novembre 2012
Précédents jurisprudentiels : 10
11 ) Arrêt du 17 octobre 2013, RLvS ( C-391/12
16 ) Arrêt du 18 octobre 2012, Purely Creative e.a. ( C-428/11
283/81, Rec. p. 3415
6
9
Arrêts du 3 juin 2010, Internetportal und Marketing ( C-569/08
C-449/93, Rec. p. I-4291
Rosado Santana ( C-177/10
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62012CC0515
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2013:868
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 19 décembre 2013 ( 1 )

Affaire C-515/12

«4finance» UAB

contre

Valstybinė vartotojų teisių apsaugos tarnyba,

Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos

[demande de décision préjudicielle formée par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Lituanie)]

«Protection du consommateur — Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs — Système pyramidal — Pertinence de la participation éventuelle des consommateurs pour entrer dans un système pyramidal — Pertinence éventuelle d’un lien entre la participation versée par les nouveaux membres et la contrepartie payée aux membres actuels — Pertinence éventuelle du montant de la participation»

1.

La directive 2005/29/CE (ci-après la «directive relative aux pratiques commerciales déloyales» ou la «directive») ( 2 ) interdit, notamment, les systèmes de promotion pyramidale. Le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême) (Lituanie) pose trois questions sur l’interprétation de la directive concernant de tels systèmes. Il demande si les consommateurs sont tenus de verser une participation pour qu’un système de promotion pyramidale relève du champ d’application de la directive. Le cas échéant, faut-il établir que le système en cause est financé par cette participation et le montant nécessaire pour entrer dans un système constitue-t-il un facteur pertinent?

I – Le cadre juridique

A – La directive

2.

Le contenu des considérants 2 et 6 de la directive expose que l’établissement de règles uniformes visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur constitue un objectif majeur. Les considérants 7 et 8 indiquent, respectivement, que la directive «porte sur les pratiques commerciales qui visent directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits» et «protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard». Conformément au considérant 11, la directive «crée un niveau commun élevé de protection des consommateurs» en établissant «une interdiction générale unique des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des consommateurs». Le considérant 12 dispose: «[l]’harmonisation augmentera considérablement la sécurité juridique tant pour les consommateurs que pour les professionnels. Les consommateurs et les professionnels pourront ainsi s’appuyer sur un cadre réglementaire unique basé sur des concepts juridiques clairement définis réglementant tous les aspects des pratiques commerciales déloyales au sein de l’Union européenne. Ceci aura pour conséquence d’éliminer les entraves résultant de la disparité des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs et de permettre la réalisation du marché intérieur dans ce domaine». Le considérant 17 est libellé comme suit: «[a]fin d’apporter une plus grande sécurité juridique, il est souhaitable d’identifier les pratiques commerciales qui sont, en toutes circonstances, déloyales. L’annexe I contient donc la liste complète de toutes ces pratiques. Il s’agit des seules pratiques commerciales qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9. Cette liste ne peut être modifiée que par une révision de la directive».

3.

L’article 1er définit l’objectif de la directive comme étant «de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs».

4.

L’article 2 contient quelques définitions clés:

«[…]

c)

‘produit’: tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations;

d)

‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ (ci-après également dénommées ‘pratiques commerciales’): toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs;

e)

‘altération substantielle du comportement économique des consommateurs’: l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement;

[…]

h)

‘diligence professionnelle’: le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité;

[…]

k)

‘décision commerciale’: toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s’abstenir d’agir;

[…]»

5.

L’article 3 dispose, en particulier, que la directive:

«1. […] s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit».

6.

L’article 3, paragraphe 9, de la directive prévoit: «[p]our ce qui est des ‘services financiers’, au sens de la directive 2002/65/CE, et des biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur».

7.

L’article 5, paragraphe 1, de la directive interdit les pratiques commerciales déloyales. Conformément au paragraphe 2, une pratique commerciale est déloyale si elle est «contraire aux exigences de la diligence professionnelle» et si «elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse […]». L’article 5, paragraphe 5, indique: «[l]’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive».

8.

Les articles 6 à 9 de la directive sont dépourvus de pertinence dans la présente affaire. Ils concernent (respectivement) les actions trompeuses, les omissions trompeuses, les pratiques commerciales agressives et l’utilisation du harcèlement, de la contrainte ou d’une influence injustifiée.

9.

Le point 14 de la «liste noire» à l’annexe I de la directive est libellé comme suit: «[c]réer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale dans lequel un consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie provenant essentiellement de l’entrée d’autres consommateurs dans le système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits» ( 3 ).

B – La législation lituanienne

10.

En vertu de l’article 7, point 22, de la loi lituanienne d’interdiction des pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs (Lietuvos Respublikos nesąžiningos komercinės veiklos vartotojams draudimo įstatymas), une pratique commerciale est présumée être trompeuse et, par conséquent, déloyale lorsqu’elle se manifeste sous la forme de création d’un système pyramidal de distribution de biens offrant aux consommateurs la possibilité de percevoir une contrepartie essentiellement pour avoir fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits, ainsi que sous la forme de l’exploitation ou de la promotion d’un tel système.

II – Les faits au principal, la procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

11.

La société «4finance» UAB (ci-après «4finance») accorde des crédits de faible montant aux consommateurs au moyen de contrats à distance. Du 26 octobre 2010 au 15 février 2011, elle a mené une campagne publicitaire annonçant que toute personne qui se serait enregistrée sur son site Internet recevrait un crédit sur son compte en banque pour chaque «ami» qu’elle inviterait et qui se serait ensuite enregistré sur le site Internet de 4finance. La procédure était la suivante: pour s’inscrire, les consommateurs devaient remplir un formulaire en ligne et payer des frais d’enregistrement, à titre purement symbolique, de 0,01 litas lituanien (LTL). 4finance demandait alors à ces personnes d’inviter des «amis» à s’enregistrer en indiquant, dans le champ prévu à cet effet sur le site Internet, leur numéro de téléphone portable ou leur adresse électronique. 4finance pouvait alors proposer ses crédits de faible montant à ces «amis» qui seraient à leur tour invités à s’affilier. Si cette personne s’enregistrait, le consommateur qui avait fourni ses coordonnées recevait un crédit (une «prime») de 10 LTL ou 20 LTL ( 4 ). Une fois son enregistrement fait, la personne concernée acquérait le droit de s’adresser à 4finance en vue de demander un crédit de faible montant qui serait conclu au moyen d’un contrat à distance ( 5 ).

12.

La Valstybinė vartotojų teisių apsaugos tarnyba (Office national de protection des droits des consommateurs) a considéré que 4finance avait établi un système de vente pyramidale en donnant aux consommateurs le droit de percevoir une contrepartie essentiellement pour avoir fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits. Elle a, par conséquent, rendu une décision infligeant à 4finance une amende d’un montant de 8000 LTL pour violation des dispositions nationales interdisant de tels systèmes.

13.

4finance a introduit un recours contre ladite décision tendant à condamner la Valstybinė mokesčių inspekcija prie Finansų ministerijos (le ministre des Finances) à lui rembourser l’amende. Le 25 octobre 2011, le tribunal de première instance a rejeté ce recours. 4finance a ensuite formé un recours devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas qui a déféré les questions suivantes à la Cour:

«1)

Convient-il d’interpréter le point 14 de l’annexe I de [la directive], en ce sens que le fait de créer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale est considéré comme pratique commerciale en toutes circonstances trompeuse uniquement lorsque le consommateur est tenu de verser une participation pour percevoir une contrepartie essentiellement pour avoir fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits?

2)

S’il est nécessaire que le consommateur verse une participation en échange du droit de percevoir une contrepartie, le montant de la participation versée par le consommateur en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie essentiellement pour avoir fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits a-t-il une incidence sur la qualification du système de promotion pyramidale de pratique commerciale trompeuse au sens du point 14 de l’annexe I de la directive? Des participations versées par des consommateurs qui sont d’un montant purement symbolique et payées afin de permettre l’identification des consommateurs peuvent-elles être considérées comme une participation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie au sens du point 14 de l’annexe I de la directive?

3)

Convient-il d’interpréter le point 14 de l’annexe I de la directive en ce sens que seul importe, pour qu’un système de promotion pyramidale soit considéré comme pratique commerciale trompeuse, que la contrepartie soit payée au consommateur déjà enregistré essentiellement pour le fait qu’il a fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits ou la mesure dans laquelle la contrepartie versée aux participants de ce système pour avoir fait entrer de nouveaux consommateurs est financée par les contributions des nouveaux membres revêt-elle également de l’importance? En l’occurrence, la contrepartie payée aux participants au système de promotion pyramidale déjà enregistrés doit-elle être, entièrement ou en majeure partie, financée par les contributions des membres nouvellement entrés dans ce système?»

14.

Des observations écrites ont été présentées par 4finance, les gouvernements de la République tchèque, de la République italienne, de la République de Lituanie et de la République de Pologne et la Commission européenne. Aucune audience n’ayant été demandée, aucune n’a été tenue.

III – Analyse juridique

A – Remarques préliminaires

15.

Il est constant que la procédure principale porte sur une pratique commerciale des entreprises vis-à-vis des consommateurs en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs aux fins de l’application de la directive.

16.

Dans la présente procédure, une autorité publique vise à appliquer des dispositions législatives transposant la directive. Il résulte d’une jurisprudence constante que la juridiction de renvoi doit, dans le cadre de son appréciation, faire tout ce qui est en son pouvoir, compte tenu de l’ensemble de la législation nationale, en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif que celle-ci poursuit ( 6 ).

BSur la première question

17.

Dans le cadre de la première question, la juridiction de renvoi demande si un consommateur doit verser une participation afin qu’un système de promotion pyramidale constitue une pratique commerciale trompeuse relevant du point 14 de l’annexe I.

18.

L’examen de cette question nécessite de déterminer quels sont les éléments constitutifs d’un système de promotion pyramidale. De tels systèmes sont décrits dans toutes les observations énoncées dans la présente affaire (à l’exception de celles de la Commission ( 7 )), mais les descriptions varient.

19.

4finance soutient qu’elle exploite un réseau de commercialisation légal et pas un système pyramidal. Elle considère qu’un système pyramidal implique: i) un type d’investissement, ii) une fraude liée à l’utilisation des sommes investies, iii) des paiements faits aux investisseurs actuels au moyen des fonds versés par de nouveaux investisseurs, iv) la garantie d’une marge de profit très élevée, et v) des recettes générées par le nombre de nouveaux investisseurs qui entrent dans le système et non par les produits vendus.

20.

La République tchèque considère que l’essence même du système de promotion pyramidale réside dans le fait que chaque consommateur paye pour y entrer, sachant qu’il recevra une contrepartie provenant des consommateurs suivants qui entrent dans le système; il n’y a pas de valeur ajoutée, mais simplement une redistribution des ressources. La République italienne fait valoir que, dans de tels systèmes, les produits sont accessoires et représentent uniquement un prétexte pour faire entrer d’autres consommateurs dans la pyramide: le système en lui-même constitue l’élément principal. La République de Lituanie observe que la jurisprudence de la Cour ne précise pas la notion de «système pyramidal», mais elle considère qu’un grand nombre d’études montrent clairement que l’élément fondamental qui caractérise un système pyramidal est le lien entre l’avantage reçu par le consommateur (la contrepartie ou le paiement) et le fait qu’il invite d’autres participants à entrer dans le système. C’est précisément ce lien qui permet de déterminer si ce système est légal ou illégal. La République de Pologne estime que l’essence d’un système pyramidal est que les gains ou les profits dépendent des paiements effectués par des personnes se trouvant à des niveaux inférieurs dans la structure pyramidale plutôt que de la vente de produits.

21.

Le point 14 de l’annexe I de la directive comporte une liste cumulative et exhaustive des éléments qui doivent être établis afin que l’interdiction visée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive s’applique à des systèmes pyramidaux. La fraude ne figure pas sur la liste. Il n’y est pas non plus indiqué que le gain ou le paiement accordé aux membres actuels qui invitent de nouveaux participants à entrer dans le système doit être (au moins) d’une certaine valeur. Les systèmes qui utilisent une technique de promotion pyramidale sans les caractéristiques particulières énumérées par 4finance, mais dans lesquels tous les éléments inscrits sur la liste du point 14 de l’annexe I sont présents, constituent des pratiques commerciales trompeuses et, partant, déloyales aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 5, de la directive.

22.

Les systèmes pyramidaux peuvent de toute évidence être pernicieux, dans la mesure où ils garantissent des gains élevés sur une courte période sans rien devoir faire d’autre que de payer une cotisation d’inscription et de recruter de nouveaux participants qui feront la même chose, et ils encouragent donc des consommateurs à investir sur la base d’attentes fallacieuses ou irréalistes. Cependant, le montant du gain comparé aux frais d’enregistrement ou la rapidité avec laquelle arrivent les gains ne font pas partie des éléments décrits au point 14 de l’annexe I. Dès lors, ils sont également dénués de pertinence aux fins de déterminer si un système particulier est interdit.

23.

La juridiction de renvoi attire cependant l’attention, à juste titre, sur une différence malencontreuse entre les différentes versions linguistiques de la directive faisant également foi. La majorité d’entre elles intègre comme l’un des éléments du système pyramidal le fait de verser une «participation» en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie ( 8 ). Cependant, dans les versions en langues allemande, bulgare, grecque, hongroise, lituanienne, slovène et suédoise, la nécessité de verser une «participation» n’est pas clairement exprimée. Les versions en langues lituanienne et allemande (citées par la juridiction de renvoi) disposent, respectivement: «piramidės pobūdžio skatinimo sistemos sukūrimas, naudojimas ar reklamavimas, kai vartotojui suteikiama galimybė gauti atlygį visų pirma už kitų vartotojų įtraukimą į tą sistemą, o ne už produktų pardavimą ar naudojimą» et «Einführung, Betrieb oder Förderung eines Schneeballsystems zur Verkaufsförderung, bei dem der Verbraucher die Möglichkeit vor Augen hat, eine Vergütung zu erzielen, die hauptsächlich durch die Einführung neuer Verbraucher in ein solches System und weniger durch den Verkauf oder Verbrauch von Produkten zu erzielen ist». Partant, dans ces versions linguistiques de la directive, le paiement par le consommateur (la «participation») pour être admis dans un système n’est pas indiqué spécifiquement comme étant un élément requis d’un système pyramidal. Il constitue toutefois une caractéristique essentielle dans d’autres versions linguistiques (par exemple, dans les versions en langues espagnole, française et polonaise, également examinées par la juridiction de renvoi).

24.

4finance soutient que le paiement de 0,01 LTL requis pour s’enregistrer a été versé non pas en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie, mais simplement afin d’identifier le consommateur en cause. Cette cotisation était la plus petite participation possible qui pouvait être demandée afin d’assurer que 4finance dispose d’informations fiables permettant d’identifier la personne qui s’inscrit. Puisque la participation était versée au moyen d’un virement en ligne, elle permettait à 4finance d’avoir accès aux informations détaillées concernant le prénom, le nom de famille, le numéro d’identité et le numéro de compte bancaire de la personne concernée, ainsi que d’autres données personnelles essentielles aux fins de l’octroi d’un crédit à distance.

25.

La République italienne considère qu’un acte économique doit être effectué par le consommateur et que, si aucune participation n’est versée, un tel acte n’existe pas. La République de Pologne soutient que la participation constitue un élément essentiel d’un système pyramidal. Une interprétation différente de la directive élargirait sa portée et entraverait le développement du marché intérieur tout en compromettant la réalisation d’un niveau élevé de protection du consommateur. La République de Lituanie estime que la question de savoir si un consommateur verse une participation pour intégrer un système pyramidal ne saurait constituer un facteur déterminant. Elle considère que, si la définition de la vente pyramidale était liée au versement d’une participation, le champ d’application de l’interdiction se trouverait rétréci de façon injustifiée.

26.

La Commission soutient que des pratiques déloyales relèvent du champ d’application de la directive si elles sont de nature commerciale. Lorsqu’un consommateur verse une participation pour entrer dans un système, il est engagé dans une transaction commerciale qui, partant, est couverte par la directive.

27.

Conformément à une jurisprudence constante, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte de l’Union européenne, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ( 9 ). Par conséquent, la nécessité d’une application et d’une interprétation uniformes d’un acte de droit de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues ( 10 ).

28.

Je pense qu’un système pyramidal existe aux fins de l’application du point 14 de l’annexe I uniquement lorsque les consommateurs versent une participation pour entrer dans ce système.

29.

Cette interprétation du point 14 de l’annexe I est confirmée par une analyse de son contexte et de son but.

30.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive dispose qu’elle s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Un système pyramidal constitue une telle pratique.

31.

Lorsqu’une pratique relève de la «liste noire» établie à l’annexe I, elle est (selon les termes de l’article 5, paragraphe 5) réputée déloyale en toutes circonstances. Il n’est pas nécessaire de procéder à une évaluation au titre de l’article 5, paragraphe 2, pour établir si la pratique en question est contraire à la diligence professionnelle et si elle altère le comportement économique du consommateur moyen aux fins de l’application de ladite disposition. L’annexe I contient une liste des pratiques qui sont réputées trompeuses en toutes circonstances. Cette liste inclut évidemment toute pratique qui constitue un système pyramidal au sens du point 14 de l’annexe I. Les pratiques visées dans la «liste noire» sont considérées automatiquement comme des pratiques commerciales déloyales interdites en vertu de l’article 5, paragraphe 1 ( 11 ).

32.

La directive interdit l’utilisation d’une pratique commerciale «compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement» ( 12 ). Une «décision commerciale» est définie comme «toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement […], de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit […]» ( 13 ). La directive se préoccupe donc de savoir si l’aptitude du consommateur à prendre une décision commerciale dans son meilleur intérêt est compromise par les pratiques utilisées par l’entreprise concernée. Ces deux définitions impliquent que la directive se rapporte aux pratiques qui requièrent de la part du consommateur le versement d’une participation (à savoir, le paiement d’une cotisation) plutôt qu’aux situations dans lesquelles un tel engagement économique n’intervient pas. Une définition qui inclut une participation est conforme à la protection des consommateurs lorsqu’ils prennent des décisions concernant leurs intérêts économiques. À défaut de participation, il serait difficile d’identifier le comportement économique qui nécessite une protection au titre de la directive.

33.

La République de Lituanie fait valoir que l’exigence selon laquelle les consommateurs doivent verser une participation pour intégrer un système pyramidal restreint le champ d’application de l’interdiction visée au point 14 de l’annexe I de la directive, ce qui compromettrait l’effet utile de l’article 3, paragraphe 9, et ne serait pas conforme aux objectifs de la directive.

34.

Je ne suis pas d’accord.

35.

L’article 3, paragraphe 9, permet aux États membres d’imposer des exigences plus strictes pour des services financiers. Une exigence selon laquelle les consommateurs doivent verser une participation pour entrer dans un système pyramidal, quel qu’en soit l’objet, n’influence en aucune manière le pouvoir des États membres d’imposer des exigences plus rigoureuses concernant des services financiers.

36.

Certes, l’inclusion d’une participation en tant qu’élément nécessaire pour qu’un système soit couvert par le point 14 de l’annexe I restreint le champ d’application. Cependant, je ne considère pas que cette interprétation compromette les buts et la finalité de la directive.

37.

La directive a pour objectif d’interdire les pratiques commerciales qui visent directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard de produits et à protéger expressément leurs intérêts économiques contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard ( 14 ), dans le contexte de la création d’un niveau élevé de protection des consommateurs sur tout le territoire de l’Union ( 15 ). Les considérants 12 et 17 indiquent, toutefois, également clairement que le législateur a souhaité augmenter la sécurité juridique, un élément essentiel pour le bon fonctionnement du marché intérieur ( 16 ), tant pour les consommateurs que pour les professionnels, en particulier en identifiant les pratiques commerciales qui sont, comme les systèmes pyramidaux, déloyales en toutes circonstances.

38.

Lorsqu’il a établi la «liste noire», contenue à l’annexe I, des pratiques commerciales qui, conformément à l’article 5, paragraphe 5, sont «réputées déloyales en toutes circonstances», le législateur avait vraisemblablement l’intention de sélectionner les pratiques qui étaient le plus manifestement odieuses. Il convient de rappeler que cette directive réalise une harmonisation complète ( 17 ) et que les États membres ne peuvent pas déroger à la «liste noire»: elle ne peut être modifiée qu’au moyen d’une révision de la directive elle-même ( 18 ). Il n’est pas évalué au cas par cas si une pratique qui relève de l’un des points visés à l’annexe I remplit en fait un des critères constitutifs d’une pratique commerciale déloyale établis à l’article 5, paragraphes 2 et 4. Une pratique énumérée sur la «liste noire» est ipso facto interdite dans tous les États membres.

39.

Il me semble que, lorsqu’il existe, comme dans la présente affaire, une disparité entre les versions linguistiques, il y a lieu de retenir comme version qui fait autorité celle qui requiert la présence d’un maximum de critères, plutôt que celle qui en comporte un minimum, pour qu’une pratique déterminée soit automatiquement incluse dans la «liste noire» au motif qu’elle relève de l’un des points visés à l’annexe I. Une pratique qui n’est pas automatiquement incluse dans la liste peut toujours être proscrite si une évaluation au cas par cas montre qu’elle relève de l’un des critères individuels constitutifs d’une pratique commerciale déloyale établis à l’article 5. Dès lors, cette interprétation ne compromet pas l’objectif visant à assurer un niveau élevé de protection du consommateur. Par ailleurs, elle contribue incontestablement à créer une sécurité juridique quant aux pratiques qui seront couvertes par la «liste noire» à l’annexe I ( 19 ).

40.

Par conséquent, je pense qu’il est nécessaire qu’un consommateur verse une participation pour intégrer un système afin que le système en question relève de la définition visée au point 14 de l’annexe I.

CSur la troisième question

41.

Les deuxième et troisième questions sont intimement liées. Dans le cadre de ces questions, la juridiction de renvoi demande s’il est nécessaire d’établir un lien entre la participation versée par de nouveaux participants et la contrepartie versée aux membres actuels (troisième question) et, le cas échéant, si le montant de cette participation est pertinent (deuxième question). Pour répondre à la juridiction nationale, il semble plus logique d’aborder les questions dans cet ordre.

42.

La juridiction de renvoi explique que, aux fins de trancher le litige au principal, elle doit savoir s’il est pertinent que la participation versée pour intégrer le système en cause était relativement faible (0,01 LTL) comparée à la prime versée pour avoir fait entrer avec succès de nouveaux participants (entre 10 et 20 LTL). Par conséquent, dans le cadre de la troisième question, elle demande, en premier lieu, si une pratique commerciale est trompeuse au sens du point 14 de l’annexe I lorsque la contrepartie est versée par le gestionnaire du système essentiellement pour avoir fait entrer avec succès de nouveaux participants plutôt que pour la vente ou la consommation de produits. En deuxième lieu, la mesure dans laquelle cette contrepartie est financée par les participations versées pour entrer dans un système constitue-t-elle un facteur pertinent?

43.

4finance fait valoir qu’un système pyramidal ne peut pas exister si la contrepartie payée provient des ressources de l’entreprise en cause plutôt que des participations versées par de nouveaux membres. La République tchèque considère qu’il doit y avoir un lien entre la participation versée pour entrer dans un système et les paiements effectués aux membres actuels pour avoir fait entrer de nouveaux participants et que la participation devrait suffire en elle-même pour garantir le fonctionnement du système. La République italienne, la République de Lituanie, la République de Pologne et la Commission estiment qu’il n’est pas nécessaire de prouver un quelconque lien de cette nature aux fins de l’application du point 14 de l’annexe I.

44.

Le libellé du point 14 de l’annexe I n’est malheureusement pas le même dans toutes les versions linguistiques.

45.

En effet, parmi les textes examinés par la juridiction de renvoi (mise en italique dans toutes les citations qui suivent), les versions en langues lituanienne et allemande indiquent que, dans un système de promotion pyramidale, le consommateur perçoit une contrepartie «essentiellement pour» avoir fait entrer d’autres consommateurs dans le système plutôt que pour la vente ou la consommation de produits ( 20 ). Ces versions seront appelées les versions «sans condition relative».

46.

En revanche, la version en langue française indique: «percevoir une contrepartie provenant essentiellement de l’entrée d’autres consommateurs dans le système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits», et la version en langue espagnole expose: «la oportunidad de recibir una compensación derivada fundamentalmente de la entrada de otros consumidores en el plan, y no de la venta o el consumo de productos». La version en langue anglaise se conforme à ces versions puisqu’elle parle de «the opportunity to receive compensation that is derived primarily from the introduction of other consumers into the scheme rather than from the sale or consumption of products». Ces versions seront appelées les versions «avec condition relative» ( 21 ).

47.

La présente directive vise à atteindre une harmonisation complète, et les pratiques énumérées sur la «liste noire» à l’annexe I sont ipso facto interdites ( 22 ). Il existe pourtant une différence claire entre les versions «sans condition relative» et les versions «avec condition relative». Dans ces circonstances, comment la Cour doit-elle procéder?

48.

En résumé, une approche suivant les versions «avec condition relative» établit un lien économique clair entre la récompense accordée aux membres actuels et le recrutement de nouveaux membres. Il s’agit d’une interprétation restrictive du texte. Elle s’accorde bien avec le principe (auquel j’ai souscrit dans ma réponse à la première question) selon lequel la «liste noire» de l’annexe I doit être interprétée de manière restrictive. Son caractère restrictif laisse plus de place aux techniques commerciales créatives. Le terme «créatives» ne signifie pas nécessairement «déloyales». De plus, il existe toujours un filet de sécurité dans la mesure où une évaluation au cas par cas au titre des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, ou de l’article 5, paragraphe 4, devrait aboutir à l’interdiction d’une pratique créative qui est déloyale. Dans le cadre de cette appréciation, des paiements en nature plutôt qu’en espèces peuvent, si nécessaire, être évalués selon leur équivalent en espèces (pour le consommateur).

49.

En revanche, une approche suivant les versions «sans condition relative» a le mérite d’être simple. Les juridictions nationales ne seraient pas tenues d’évaluer quelle proportion de la contrepartie perçue à titre de récompense pour le recrutement provient de ce que les nouveaux participants payent (soit au moyen de frais d’enregistrement, soit par le biais de paiements ultérieurs). Elle ne devrait pas demander au cas par cas «que signifie ‘provenant essentiellement de’?» et la liste de l’annexe I est précisément conçue pour éviter de devoir procéder à une telle analyse au cas par cas. La signification donnée à ces termes pourrait bien varier selon les différentes juridictions nationales dans les différents États membres. Ce résultat risquerait de compromettre l’uniformité des approches et un manque d’uniformité n’améliore pas le fonctionnement du marché intérieur ( 23 ). Une approche «sans condition relative» pourrait (peut-être) également être plus apte à prévenir la fraude émanant de systèmes qui dissimulent leurs pratiques en utilisant des paiements en nature plutôt qu’en espèces.

50.

Après quelques hésitations, je considère qu’une interprétation qui soutient les versions «avec condition relative» s’accorde mieux avec la manière dont j’ai abordé la réponse à la première question. Par conséquent, je conclus que, pour qu’un système pyramidal relève du point 14 de l’annexe I et qu’il soit, en conséquence, interdit en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive, il est nécessaire de démontrer que la contrepartie versée aux membres actuels du système provient essentiellement de la participation versée par les nouveaux participants.

51.

Dans l’hypothèse où la Cour devrait aboutir à une conclusion différente, je préfère présenter les observations complémentaires suivantes. Ces dernières concernent l’éventuel argument selon lequel l’approche «sans condition relative» serait susceptible de conduire à un résultat inéquitable dans certains cas, si elle était appliquée aussi bien à des pratiques légales qu’à des escroqueries.

52.

Je rappelle que, si une des conditions cumulatives visées au point 14 de l’annexe I n’est pas remplie, une pratique ne relèvera pas de ladite disposition. Ainsi, par exemple, si aucune participation n’est requise pour entrer dans un système particulier, l’interdiction ne s’appliquera pas.

53.

Cependant, supposons qu’un gestionnaire souhaite facturer des frais d’enregistrement afin de couvrir ses dépenses administratives (par exemple, les lecteurs payent une cotisation pour adhérer à un cercle littéraire et reçoivent un bon pour un livre s’ils font entrer de nouveaux membres dans le cercle). Cette pratique serait-elle interdite? Je ne le pense pas, car il ne s’agirait pas d’une structure pyramidale.

54.

Le terme «pyramidal» apparaît dans toutes les versions linguistiques à l’exception de la version en langue allemande, qui utilise le terme «Schneeballsystems» et, afin de relever du point 14 de l’annexe I, le système en cause doit présenter une structure pyramidale ( 24 ).

55.

L’expression «système de promotion pyramidale» n’est pas définie à l’article 2 de la directive. Ces systèmes revêtent diverses définitions dans les observations soumises à la Cour ( 25 ). Les critères minimaux communs qui ressortent de ces descriptions sont les suivants: i) de tels systèmes génèrent des revenus provenant de nouveaux participants; ii) des paiements sont effectués au bénéfice des membres actuels; iii) ces paiements sont financés par les contributions desdits nouveaux participants plutôt que de la vente de produits; et iv) ceux qui entrent dans le système les derniers (aux niveaux inférieurs) seront moins susceptibles de percevoir un gain que ceux qui se situent aux niveaux supérieurs (les membres actuels), car il faudrait une source intarissable de nouveaux participants pour que chaque membre du système gagne de l’argent.

56.

Compte tenu de ces critères communs, il me semble que, afin de démontrer que la pratique en cause constitue une pyramide, il doit y avoir plusieurs niveaux, dont le gestionnaire au sommet ( 26 ), et un recrutement à croissance exponentielle de nouveaux participants devrait avoir lieu à la base. Contrairement aux structures de pierres anciennes (les pyramides de l’Égypte ancienne), la trajectoire descend du sommet vers la base de la pyramide au lieu de monter des fondations vers le sommet. Cette conception est conforme à l’objectif de la directive qui s’efforce d’atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs, car elle se concentre sur l’élément qui fait que ce système constitue une escroquerie. Les revenus principaux de l’entreprise proviennent des cotisations successives des nouveaux participants plutôt que de la commercialisation des produits ou services qui sont fournis aux consommateurs.

57.

Il appartient évidemment à la juridiction de renvoi d’établir les faits dans la procédure au principal. Il semble ressortir des explications fournies dans la demande de décision préjudicielle que le système mis en place par 4finance ne présente pas une structure pyramidale aux fins de l’application du point 14 de l’annexe I.

DSur la deuxième question

58.

Dans le cadre de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si la participation symbolique qui doit être versée afin de permettre l’identification des consommateurs qui intègrent le système pyramidal constitue une «participation» au sens du point 14 de l’annexe I.

59.

Je rejoins la position de la Commission, de la République italienne, de la République de Lituanie et de la République de Pologne selon laquelle il ressort d’une interprétation littérale de la directive qu’aucune disposition ne prévoit de montant minimal de paiement et celui-ci ne peut pas être déduit du libellé du point 14 de l’annexe I qui (du moins sur ce point) est clair. L’expression «verser une participation» ne requiert pas que le consommateur paye un certain montant pour entrer dans un système pyramidal ( 27 ).

60.

Les raisons pour lesquelles une entreprise qui met en place un tel système demande qu’une participation soit versée (par exemple, comme dans le cas présent, afin d’obtenir des informations fiables quant aux personnes qui s’inscrivent en vue de conclure un contrat de crédit) ne constituent pas un facteur pertinent aux fins de l’application de la directive.

61.

En outre, l’interprétation du point 14 de l’annexe I selon laquelle un consommateur doit verser une participation minimale serait contraire à la finalité d’harmonisation complète et à ses objectifs d’uniformité et de sécurité juridique ( 28 ).

62.

Il en résulte que tout montant, si faible soit-il, constitue une participation aux fins de l’application de la directive.

IV Conclusion

63.

En conséquence, je pense que la Cour devrait répondre aux questions posées par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas comme suit:

Le point 14 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») doit être interprété en ce sens que:

il existe un système de promotion pyramidale au sens de ladite disposition lorsque le consommateur verse une participation afin d’entrer dans ce système;

afin de déterminer si les éléments prévus au point 14 de l’annexe I sont présents dans un cas particulier, il convient d’établir que le système en cause présente une structure pyramidale dès lors qu’il se compose de différents niveaux avec le gestionnaire au sommet et qu’il existe un recrutement à croissance exponentielle de nouveaux membres. À cette fin, il convient de démontrer que la contrepartie payée aux membres actuels du système provient essentiellement de la participation versée par les nouveaux participants;

tout montant, si faible soit-il, constitue une participation aux fins de l’application de la directive.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22).

( 3 ) Par les termes de la version en langue anglaise «[…] gives consideration for the opportunity to receive compensation […]», j’entends «payer une cotisation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie». Il convient de souligner que les termes «gives consideration» («verse une participation», dans la version en langue française) ne sont pas présents dans toutes les versions linguistiques de la directive, notamment dans la version en langue lituanienne.

( 4 ) Le dossier de la juridiction nationale montre que les consommateurs pouvaient inviter jusqu’à 50 personnes par jour, mais pas plus de 200 par mois.

( 5 ) Pendant la campagne publicitaire, plus de 12223 personnes se sont inscrites. Parmi elles, 3577 ont demandé un crédit et 2 868 ont obtenu un crédit, dont certaines s’en sont vu concéder plus d’un. 4finance a perçu approximativement 122 LTL en frais d’enregistrement et a versé 236060 LTL de primes.

( 6 ) Arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C-177/10, Rec. p. I-7907, point 50 et jurisprudence citée).

( 7 ) Voir l’étude commandée par la Commission et réalisée par Micklitz, Monazzahian et Röβler: Door to door selling – Pyramid selling – Multilevel marketing.

( 8 ) À savoir, les versions en langues anglaise, danoise, espagnole, estonienne, finnoise, française, italienne, lettone, maltaise, néerlandaise, polonaise, portugaise, roumaine, slovaque et tchèque.

( 9 ) Arrêts du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, Rec. p. 3415, points 18 à 20), du 7 décembre 1995, Rockfon (C-449/93, Rec. p. I-4291, point 28), et du 1er avril 2004, Borgmann (C-1/02, Rec. p. I-3219, point 25).

( 10 ) Arrêts du 3 juin 2010, Internetportal und Marketing (C-569/08, Rec. p. I-4871, point 35 et jurisprudence citée). Voir, plus récemment, arrêt du 25 avril 2013, Bark (C-89/12, point 36).

( 11 ) Arrêt du 17 octobre 2013, RLvS (C-391/12, point 33).

( 12 ) Article 2, sous e).

( 13 ) Article 2, sous k).

( 14 ) Voir, respectivement, les considérants 7 et 8.

( 15 ) Voir considérant 11.

( 16 ) Arrêt du 18 octobre 2012, Purely Creative e.a. (C-428/11, point 45).

( 17 ) Voir considérants 5 et 6.

( 18 ) Article 5, paragraphe 5.

( 19 ) Voir point 31 des présentes conclusions concernant les difficultés qui apparaîtront si aucune participation n’est exigée.

( 20 ) Voir point 22 des présentes conclusions.

( 21 ) J’ai opté pour ces dénominations selon que le texte contient ou pas de condition selon laquelle la contrepartie perçue par les membres actuels doit être «relative à» (ou provenir de) ce qui est apporté par l’entrée de nouveaux participants.

( 22 ) Voir mes commentaires au point 31 des présentes conclusions relatifs à la première question.

( 23 ) Voir article 1er de la directive.

( 24 ) Le terme «Schneeballsystems» (le système dit «de la boule de neige») couvre le même type d’escroquerie visé par le «système pyramidal» dans toutes les autres versions linguistiques de la directive. Le fait que l’arrivée croissante de nouveaux membres émane du gestionnaire établi au centre au lieu de dériver d’une trajectoire verticale partant du sommet de la pyramide ne me paraît pas significatif et je ne considère pas que le texte en langue allemande vise ainsi à appréhender un phénomène différent de celui des autres versions linguistiques.

( 25 ) Voir points 18 à 20 des présentes conclusions.

( 26 ) Pour le «Schneeball», le gestionnaire se situerait au centre et il devrait y avoir plusieurs anneaux successifs qui s’étendent vers l’extérieur.

( 27 ) Voir, notamment, l’approche adoptée par la Cour dans l’arrêt Purely Creative e.a. (précité à la note 16, points 30 et 34).

( 28 ) Voir point 2 des présentes conclusions.

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CJUE, n° C-515/12, Conclusions de l'avocat général de la Cour, «4finance» UAB contre Valstybinė vartotojų teisių apsaugos tarnyba et Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos, 19 décembre 2013