CJCE, n° C-441/02, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne, 27 avril 2006

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  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
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Chronologie de l’affaire

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Curia · CJUE · 2 juin 2005

TRIBUNAL DE JUSTICIA DE LAS COMUNIDADES EUROPEAS EUROPOS BENDRIJŲ TEISINGUMO TEISMAS SOUDNÍ DVŮR EVROPSKÝCH SPOLEČENSTVÍ EURÓPAI KÖZÖSSÉGEK BÍRÓSÁGA DE EUROPÆISKE FÆLLESSKABERS DOMSTOL IL-QORTI TAL-ĠUSTIZZJA TAL-KOMUNITAJIET EWROPEJ GERICHTSHOF DER EUROPÄISCHEN GEMEINSCHAFTEN HOF VAN JUSTITIE VAN DE EUROPESE GEMEENSCHAPPEN EUROOPA ÜHENDUSTE KOHUS TRYBUNAŁ SPRAWIEDLIWOŚCI WSPÓLNOT EUROPEJSKICH ∆ΙΚΑΣΤΗΡΙΟ ΤΩΝ ΕΥΡΩΠΑΪΚΩΝ ΚΟΙΝΟΤΗΤΩΝ TRIBUNAL DE JUSTIÇA DAS COMUNIDADES EUROPEIAS COURT OF JUSTICE OF THE EUROPEAN COMMUNITIES SÚDNY DVOR EURÓPSKYCH SPOLOČENSTIEV COUR DE …

 

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Thèse dirigée par le Professeur Fabrice Picod et soutenue publiquement le 18 septembre 2019 à l'Université Paris II – Panthéon-Assas, devant un jury composé de : Monsieur Rostane Mehdi, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille, Directeur de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence (rapporteur), Monsieur Romain Tinière, Professeur à l'Université de Grenoble Alpes (rapporteur), Monsieur Ben Smulders, Directeur de cabinet du premier Vice-Président de la Commission européenne, Monsieur Claude Blumann, Professeur émérite de l'Université Paris II – Panthéon-Assas (président du jury), …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 27 avr. 2006, Commission / Allemagne, C-441/02
Numéro(s) : C-441/02
Arrêt de la Cour (première chambre) du 27 avril 2006. # Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. # Manquement d'État - Articles 8 A et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 18 CE et 39 CE) - Directives 64/221/CEE, 73/148/CEE et 90/364/CEE - Règlement (CEE) nº 1612/68 - Libre circulation des ressortissants des États membres - Ordre public - Droit au respect de la vie familiale - Législation nationale en matière d'interdiction de séjour et d'éloignement - Pratique administrative - Condamnation pénale - Expulsion. # Affaire C-441/02.
Date de dépôt : 5 décembre 2002
Précédents jurisprudentiels : 10 février 2000, Nazli, C-340/97
26 juin 1997, Familiapress, C-368/95
29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C-482/01 et C-493/01
arrêt du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C-191/95
Calfa, C-348/96
Carpenter, C-60/00
Commission/Allemagne, C-20/01 et C-28/01
Commission/Allemagne, C-387/99
Commission/Belgique, C-287/03
Commission/Belgique, C-415/01
Commission/Espagne, C-157/03
Commission/Irlande, C-494/01
Commission/Italie, C-129/00
Commission/Italie, C-159/99
Commission/Italie, C-278/03
Commission/Italie, C-365/97
Commission/Italie, précité, point 25, et du 14 mars 2006, Commission/France, C-177/04
Commission/Pays-Bas, C-350/02
Cour l' a rappelé dans son arrêt du 31 janvier 2006, Commission/Espagne ( C-503/03
ERT, C-260/89
Mayer Parry Recycling, C-444/00
Solution : Recours en constatation de manquement : rejet sur le fond, Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62002CJ0441
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2006:253
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-441/02

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Manquement d’État — Articles 8 A et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 18 CE et 39 CE) — Directives 64/221/CEE, 73/148/CEE et 90/364/CEE — Règlement (CEE) nº 1612/68 — Libre circulation des ressortissants des États membres — Ordre public — Droit au respect de la vie familiale — Législation nationale en matière d’interdiction de séjour et d’éloignement — Pratique administrative — Condamnation pénale — Expulsion»

Conclusions de l’avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 2 juin 2005

Arrêt de la Cour (première chambre) du 27 avril 2006

Sommaire de l’arrêt

1. Recours en manquement — Preuve du manquement — Charge incombant à la Commission

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse

(Art. 226 CE)

3. Libre circulation des personnes — Dérogations — Raisons d’ordre public

(Art. 39 CE; directives du Conseil 64/221, art. 3, et 73/148, art. 10)

1. Dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque.

S’agissant en particulier d’un grief concernant la mise en oeuvre d’une disposition nationale, la démonstration d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale. Dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l’État membre concerné.

En outre, si un comportement étatique consistant dans une pratique administrative contraire aux exigences du droit communautaire peut être de nature à constituer un manquement au sens de l’article 226 CE, il faut que cette pratique administrative présente un certain degré de constance et de généralité.

(cf. points 48-50)

2. La lettre de mise en demeure adressée par la Commission à l’État membre puis l’avis motivé émis par la Commission au titre de l’article 226 CE délimitent l’objet du litige qui ne peut plus, dès lors, être étendu. Par conséquent, l’avis motivé et le recours de la Commission doivent reposer sur les mêmes griefs que ceux de la lettre de mise en demeure qui engage la procédure précontentieuse.

Cependant il ne saurait être exigé en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que l’objet du litige n’a pas été étendu ou modifié mais, au contraire, simplement restreint.

(cf. points 59-61)

3. Le recours par une autorité nationale à la notion d’ordre public, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

Manque à cet égard aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 3 de la directive 64/221, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, et 10 de la directive 73/148, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services, un État membre qui prévoit que, s’agissant des ressortissants communautaires disposant d’un titre de séjour à durée illimitée, seuls de «graves» motifs d’ordre public peuvent justifier une expulsion. Une telle législation nationale suscite en effet un doute en ce qui concerne la prise en considération correcte des exigences du droit communautaire à l’égard des ressortissants communautaires disposant d’un titre de séjour à durée limitée.

(cf. points 34, 70, 72, 126 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

27 avril 2006 (*)

«Manquement d’État – Articles 8 A et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 18 CE et 39 CE) – Directives 64/221/CEE, 73/148/CEE et 90/364/CEE – Règlement (CEE) n° 1612/68 – Libre circulation des ressortissants des États membres – Ordre public – Droit au respect de la vie familiale – Législation nationale en matière d’interdiction de séjour et d’éloignement – Pratique administrative – Condamnation pénale – Expulsion»

Dans l’affaire C-441/02,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 5 décembre 2002,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. O’Reilly et M. W. Bogensberger, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par M. W.-D. Plessing, puis par Mme A. Tiemann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Schiemann, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts et E. Juhász, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

– en n’ayant pas établi de manière suffisamment claire dans sa législation que des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union ne doivent pas être fondées sur une base qui prévoit obligatoirement ou dans son principe l’expulsion en cas d’existence d’une condamnation pénale passée en force de chose jugée ou en ayant fondé des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sur cette base imprécise;

– en n’ayant pas transposé de manière suffisamment claire dans l’article 12, paragraphe 1, de la loi relative à l’entrée et au séjour des ressortissants des États membres de la Communauté européenne (Gesetz über Einreise und Aufenthalt von Staatsangehörigen der Mitgliedstaaten der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft, BGBl. 1980 I, p. 116), du 21 janvier 1980 (ci-après l’«Aufenthaltsgesetz/EWG»), les conditions posées par le droit communautaire en matière de restriction à la libre circulation ou en ayant fondé des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sur cette base imprécise;

– en n’ayant pas établi de manière suffisamment claire dans sa législation que des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union ne doivent pas être fondées sur une base ayant des buts de prévention générale ou en ayant motivé des décisions d’expulsion à l’encontre de tels citoyens par la volonté de dissuader d’autres étrangers;

– en ayant pris des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union qui ne respectent pas un rapport approprié entre, d’une part, le droit fondamental au respect de la vie familiale et, d’autre part, le maintien de l’ordre public, et

– en ayant ordonné l’exécution immédiate des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sans qu’il s’agisse de cas d’urgence,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE et 39 CE, du droit fondamental au respect de la vie familiale en tant que principe du droit communautaire, ainsi qu’en vertu des articles 3 et 9 de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850), 1er du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), 1er, 4, 5, 8 et 10 de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14), ainsi que 1er et 2 de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 64/221:

«1. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet.

2. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.»

3 L’article 9 de ladite directive prévoit:

«1. En l’absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s’ils n’ont pas effet suspensif, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d’éloignement du territoire d’un porteur d’un titre de séjour n’est prise par l’autorité administrative, à moins d’urgence, qu’après avis donné par une autorité compétente du pays d’accueil devant laquelle l’intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale.

Cette autorité doit être différente de celle qualifiée pour prendre la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d’éloignement.

2. Les décisions de refus de délivrance du premier titre de séjour ainsi que les décisions d’éloignement avant toute délivrance d’un tel titre sont soumises, à la demande de l’intéressé, à l’examen de l’autorité dont l’avis préalable est prévu au paragraphe 1. L’intéressé est alors autorisé à présenter en personne ses moyens de défense à moins que des raisons de sûreté de l’État ne s’y opposent.»

4 L’article 1er du règlement n° 1612/68 dispose:

«1. Tout ressortissant d’un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet État.

2. Il bénéficie notamment sur le territoire d’un autre État membre de la même priorité que les ressortissants de cet État dans l’accès aux emplois disponibles.»

5 L’article 1er de la directive 73/148 énonce:

«1. Les États membres suppriment, dans les conditions prévues par la présente directive, les restrictions au déplacement et au séjour:

a) des ressortissants d’un État membre qui sont établis ou veulent s’établir dans un autre État membre afin d’y exercer une activité non salariée ou veulent y effectuer une prestation de services;

b) des ressortissants des États membres désireux de se rendre dans un autre État membre en qualité de destinataires d’une prestation de services;

c) du conjoint et des enfants de moins de 21 ans de ces ressortissants, quelle que soit leur nationalité;

d) des ascendants et descendants de ces ressortissants et de leur conjoint qui sont à leur charge, quelle que soit leur nationalité.

2. Les États membres favorisent l’admission de tout autre membre de la famille des ressortissants visés au paragraphe 1 sous a) et b) ou de leur conjoint qui se trouve à leur charge ou vit sous leur toit dans le pays de provenance.»

6 Aux termes de l’article 4 de ladite directive:

«1. Chaque État membre reconnaît un droit de séjour permanent aux ressortissants des autres États membres qui s’établissent sur son territoire en vue d’y exercer une activité non salariée lorsque les restrictions afférentes à cette activité ont été supprimées en vertu du traité.

Le droit de séjour est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘carte de séjour de ressortissant d’un État membre des Communautés européennes’. Ce document a une durée de validité de cinq ans au moins à dater de sa délivrance; il est automatiquement renouvelable.

Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité de la carte de séjour.

La carte de séjour en cours de validité ne peut être retirée aux ressortissants visés à l’article 1er paragraphe 1 sous a) du seul fait qu’ils n’exercent plus d’activité en raison d’une incapacité temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident.

Les ressortissants d’un État membre qui ne sont pas visés au premier alinéa, mais sont admis à exercer une activité sur le territoire d’un autre État membre en vertu de la législation de cet État, obtiennent un titre de séjour d’une durée au moins égale à celle de l’autorisation accordée pour l’exercice de l’activité.

Toutefois, les ressortissants visés au premier alinéa et auxquels, par suite d’un changement d’activité, les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent conservent leur carte de séjour jusqu’à l’expiration de la validité de celle-ci.

2. Pour les prestataires et les destinataires de services, le droit de séjour correspond à la durée de la prestation.

Si cette durée est supérieure à trois mois, l’État membre où s’effectue la prestation délivre un titre de séjour pour constater ce droit.

Si cette durée est inférieure ou égale à trois mois, la carte d’identité ou le passeport sous le couvert duquel l’intéressé a pénétré sur le territoire couvre son séjour. L’État membre peut toutefois imposer à l’intéressé de signaler sa présence sur le territoire.

3. Lorsqu’un membre de la famille n’a pas la nationalité d’un État membre, il lui est délivré un document de séjour ayant la même validité que celui délivré au ressortissant dont il dépend.»

7 Conformément à l’article 5 de la directive 73/148:

«Le droit de séjour s’étend à tout le territoire de l’État membre.»

8 Aux termes de l’article 8 de ladite directive:

«Les États membres ne peuvent déroger à la présente directive que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.»

9 L’article 10 de la même directive dispose:

«1. La directive du Conseil du 25 février 1964 pour la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services reste applicable jusqu’à l’exécution de la présente directive par les États membres.

2. Les documents de séjour délivrés en application de la directive citée au paragraphe 1 et en cours de validité au moment de l’exécution de la présente directive conservent leur validité jusqu’à leur prochaine échéance.»

10 L’article 1er de la directive 90/364 énonce:

«1. Les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d’autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu’aux membres de leur famille tels qu’ils sont définis au paragraphe 2, à condition qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

Les ressources visées au premier alinéa sont suffisantes lorsqu’elles sont supérieures au niveau de ressources en deçà duquel une assistance sociale peut être accordée par l’État membre d’accueil à ses ressortissants, compte tenu de la situation personnelle du demandeur et, le cas échéant, de celle des personnes admises en application du paragraphe 2.

Lorsque le deuxième alinéa ne peut s’appliquer, les ressources du demandeur sont considérées comme suffisantes lorsqu’elles sont supérieures au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par l’État membre d’accueil.

2. Ont le droit de s’installer dans un autre État membre avec le titulaire du droit de séjour, quelle que soit leur nationalité:

a) son conjoint et leurs descendants à charge;

b) les ascendants du titulaire du droit de séjour et de son conjoint qui sont à sa charge.»

11 Selon l’article 2 de la directive 90/364:

«1. Le droit de séjour est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la CEE’, dont la validité peut être limitée à cinq ans, renouvelable. Toutefois, les États membres peuvent, quand ils l’estiment nécessaire, demander la revalidation de la carte au terme des deux premières années de séjour. Lorsqu’un membre de la famille n’a pas la nationalité d’un État membre, il lui est délivré un document de séjour ayant la même validité que celui délivré au ressortissant dont il dépend.

Pour la délivrance de la carte ou du document de séjour, l’État membre ne peut demander au requérant que de présenter une carte d’identité ou un passeport en cours de validité et de fournir la preuve qu’il répond aux conditions prévues à l’article 1er.

2. Les articles 2 et 3, l’article 6 paragraphe 1 point a) et paragraphe 2 ainsi que l’article 9 de la directive 68/360/CEE sont applicables, mutatis mutandis, aux bénéficiaires de la présente directive.

Le conjoint et les enfants à charge d’un ressortissant d’un État membre bénéficiant du droit de séjour sur le territoire d’un État membre ont le droit d’accéder à toute activité salariée ou non salariée sur l’ensemble du territoire de ce même État membre, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un État membre.

Les États membres ne peuvent déroger aux dispositions de la présente directive que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Dans ce cas, la directive 64/221/CEE est applicable.

3. La présente directive n’affecte pas l’état du droit existant relatif à l’acquisition de résidences secondaires.»

La réglementation nationale

12 Selon l’article 2, paragraphe 2, de la loi sur les étrangers (Ausländergesetz, BGBl. 1990 I, p. 1354):

«La présente loi ne s’applique aux étrangers bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire que si le droit communautaire et l’Aufenthaltsgesetz/EWG ne comportent pas de dispositions dérogatoires.»

13 Aux termes de l’article 45 de la même loi:

«(1) Un étranger peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion lorsque son séjour porte atteinte à la sécurité publique et à l’ordre public ou à d’autres intérêts majeurs de la République fédérale d’Allemagne.

(2) Lors de la décision d’expulsion, il y a lieu de prendre en compte:

1. la durée du séjour régulier de l’étranger et ses liens personnels, économiques et autres sur le territoire fédéral, qui sont dignes de protection,

2. les conséquences de l’expulsion pour les membres de la famille de l’étranger, qui séjournent régulièrement sur le territoire fédéral et vivent avec lui en communauté, et

[…]»

14 L’article 46 de l’Ausländergesetz énonce:

«Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion notamment quiconque

[…]

2. a commis une infraction, autre qu’unique ou mineure, aux dispositions juridiques ou aux décisions ou ordonnances judiciaires ou administratives ou a commis hors du territoire fédéral un délit qu’il y a lieu de considérer sur ce territoire comme un délit commis intentionnellement,

3. a enfreint une disposition légale ou une ordonnance administrative applicable à l’exercice de la prostitution,

4. consomme de l’héroïne, de la cocaïne ou un stupéfiant présentant un danger comparable et qui n’est pas disposé à suivre un traitement nécessaire à sa réhabilitation ou se soustrait à un tel traitement,

[…]»

15 L’article 47 de ladite loi dispose:

«(1) Un étranger fait l’objet d’une mesure d’expulsion lorsqu’il:

1. a été condamné pour un ou plusieurs délits commis intentionnellement à une peine privative de liberté ou à une peine pour délinquance juvénile d’au moins trois ans passée en force de chose jugée ou que, au cours d’une période de cinq ans, il a été condamné pour des délits commis intentionnellement à des peines privatives de liberté ou à des peines pour délinquance juvénile passées en force de chose jugée et totalisant au moins trois ans ou qu’une mise sous surveillance (‘Sicherungsverwahrung’) a été ordonnée lors de sa dernière condamnation définitive, ou

2. a été condamné pour un délit commis intentionnellement et visé par la loi sur les stupéfiants (Betäubungsmittelgesetz), pour atteinte à la paix publique […] ou pour une atteinte à l’ordre public […], à une peine d’au moins deux ans pour délinquance juvénile ou à une peine privative de liberté, passée en force de chose jugée, et que l’exécution de la peine n’a pas été assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.

(2) En principe, un étranger fait l’objet d’une mesure d’expulsion lorsqu’il:

1. a été condamné pour un ou plusieurs délits commis intentionnellement à une peine pour délinquance juvénile d’au moins deux ans ou à une peine privative de liberté, passée en force de chose jugée, et que l’exécution de la peine n’a pas été assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve,

2. cultive, fabrique, importe, fait transiter ou exporte des stupéfiants, les vend ou les cède à un tiers, les met sur le marché d’une autre façon, en fait le commerce ou est l’instigateur d’une telle action ou encore prête concours à son exécution, en violation des dispositions de la loi sur les stupéfiants et sans autorisation,

3. se livre, en tant qu’auteur ou complice, dans le cadre d’une réunion publique ou d’un défilé interdits ou dissous, à des actes de violence contre des personnes ou des biens, commis collectivement par un groupe d’individus d’une manière présentant une menace pour la sécurité publique,

[…]

(3) En principe, un étranger qui bénéficie d’une protection accrue contre l’expulsion en vertu de l’article 48, paragraphe 1, fait l’objet d’une mesure d’expulsion dans les cas visés au paragraphe 1. La décision de son expulsion est prise de façon discrétionnaire dans les cas visés au paragraphe 2. La décision d’expulsion frappant un étranger âgé de 18 à 21 ans, qui a grandi sur le territoire fédéral et qui est porteur d’un titre de séjour dont la durée de validité est illimitée ou d’une autorisation de séjour, est prise de façon discrétionnaire dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2. Les dispositions des paragraphes 1 et 2, point l, ne s’appliquent pas aux étrangers mineurs.»

16 Conformément à l’article 48 de l’Ausländergesetz:

«(1) Un étranger qui

1. est titulaire d’une autorisation de séjour,

2. est titulaire d’un permis de séjour d’une durée de validité illimitée et qui est né sur le territoire fédéral ou qui y est entré en tant que mineur,

3. est titulaire d’un permis de séjour d’une durée de validité illimitée et qui vit en communauté avec un étranger, tel que défini aux points 1 et 2, dans un cadre conjugal ou en partenariat,

4. vit en communauté avec un membre allemand de sa famille,

5. est reconnu comme demandeur d’asile et bénéficie sur le territoire fédéral de la situation juridique d’un réfugié étranger ou est titulaire d’un titre de voyage établi par une autorité de la République fédérale d’Allemagne en application de l’accord sur la situation juridique des réfugiés (Abkommen über die Rechtsstellung für Flüchtlinge), du 28 juillet 1951 (BGBl. 1953 II, p. 559),

6. est titulaire d’une autorisation de séjour délivrée conformément à l’article 32 a,

ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion que pour des raisons de sécurité et d’ordre publics graves. En règle générale, il existe des raisons de sécurité et d’ordre publics graves dans les cas visés à l’article 47, paragraphe 1.

(2) Un étranger mineur, dont les parents ou le seul parent l’ayant à sa charge séjournent régulièrement sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, ne fait pas l’objet d’une mesure d’expulsion, sauf lorsqu’il a été condamné avec force de chose jugée pour avoir commis intentionnellement, à de multiples reprises, des délits non négligeables, des délits graves ou un délit particulièrement grave. Un adolescent âgé de 18 à 21 ans, qui a grandi sur le territoire fédéral et qui vit en communauté avec ses parents, n’est expulsé que sur le fondement de l’article 47, paragraphes 1 et 2, point 1, et paragraphe 3.

[…]»

17 L’article 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG dispose:

«(1) Dans la mesure où la présente loi autorise la libre circulation et ne prévoit pas déjà des mesures restrictives dans les dispositions qui précèdent, l’interdiction initiale d’entrée, les mesures limitant la délivrance d’un titre de séjour/CE ou sa prorogation, telles que prévues aux articles 3, paragraphe 5, 12, paragraphe 1, deuxième phrase, et 14 de l’Ausländergesetz, ainsi que l’expulsion ou la reconduite à la frontière des personnes énumérées à l’article 1 ne sont admises que pour des motifs d’ordre public, de sécurité ou de santé publiques (article 48, paragraphe 3, article 56, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté économique européenne). Les étrangers en possession d’un titre de séjour/CE à durée illimitée ne peuvent être expulsés que pour des motifs graves tenant à la sécurité ou à l’ordre publics.

[…]

(3) Les décisions ou mesures mentionnées au paragraphe 1 ne doivent être prises que lorsque le comportement personnel d’un étranger le justifie. Cette règle ne s’applique pas aux décisions ou mesures qui sont adoptées pour des motifs de protection de la santé publique.

(4) L’existence d’une condamnation pénale n’est pas suffisante en elle-même pour motiver les décisions ou mesures visées au paragraphe 1.

[…]

(7) Lorsque la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour/CE sont refusés, que l’expulsion est ordonnée ou que la reconduite à la frontière fait l’objet d’un avis comminatoire, il y a lieu d’indiquer le délai dans lequel l’étranger est tenu de quitter le territoire d’application de la présente loi. Hormis des cas d’urgence, ce délai doit être d’au moins quinze jours, lorsqu’aucun titre de séjour CE n’a encore été délivré, et d’au moins un mois lorsqu’un titre de séjour l’a déjà été.

[…]»

18 Selon l’article 4, paragraphe 2, du règlement général sur la libre circulation des ressortissants des États membres (Freizügigkeitsverordnung/EG), l’article 12, paragraphes 2 à 9, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG s’applique par analogie aux ressortissants des États membres qui n’exercent pas d’activité professionnelle.

19 L’article 80, paragraphes 2 et 3, du code de contentieux administratif (Verwaltungsgerichtsordnung, ci-après la «VwGO») est libellé comme suit:

«(2) L’effet suspensif n’est supprimé que:

[…]

4. dans les cas où l’exécution immédiate est ordonnée, spécifiquement dans l’intérêt public ou dans l’intérêt prépondérant d’une personne concernée, par l’autorité qui a pris l’acte administratif ou qui est appelée à statuer sur le recours.

Les Länder peuvent également disposer que des voies de recours n’ont pas d’effet suspensif lorsqu’elles sont dirigées contre des mesures qu’ils prennent eux-mêmes selon le droit fédéral dans le cadre de l’exécution administrative.

(3) Dans les cas visés au paragraphe 2, point 4, il y a lieu de motiver par écrit l’intérêt particulier à l’exécution immédiate de l’acte administratif. Il n’est pas besoin de motivation particulière lorsque l’autorité prend, dans l’intérêt public et à titre préventif, une mesure d’urgence, désignée comme telle, en cas de péril imminent, notamment en cas de préjudices constituant une menace pour la vie, la santé ou la propriété.

[…]»

La procédure précontentieuse

20 À la suite de l’examen de plusieurs dizaines de pétitions et de plaintes adressées au Parlement européen et à la Commission, par des ressortissants italiens résidant dans le Land de Bade-Wurtemberg, à propos de mesures prises à leur encontre par les autorités allemandes pour des motifs d’ordre public et affectant leur droit de séjour en Allemagne, la Commission a, par lettre de mise en demeure du 8 juillet 1998, attiré l’attention de la République fédérale d’Allemagne sur certaines dispositions légales et pratiques administratives au regard de leur compatibilité avec les dispositions du droit communautaire relatives au droit de séjour dans les États membres.

21 La réponse du gouvernement allemand du 25 mars 1999 n’ayant pas dissipé les doutes de la Commission, celle-ci a, le 24 juillet 2000, adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne, réitérant les griefs exposés dans la lettre de mise en demeure et l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

22 Dans sa réponse du 26 septembre 2000, le gouvernement allemand a nié l’existence d’une pratique administrative contraire au droit communautaire, tout en se déclarant prêt à vérifier l’éventuelle nécessité d’apporter certaines clarifications dans des domaines spécifiques de la réglementation nationale.

23 N’ayant pas été informée que de telles clarifications auraient été effectuées et estimant par ailleurs que, en tout état de cause, les vérifications annoncées pour déterminer la nécessité de procéder à de telles clarifications n’auraient pas été suffisantes pour remédier aux griefs formulés par la Commission, celle-ci a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Sur le premier grief, tiré d’une prise en compte insuffisante dans la législation et la pratique allemandes du comportement personnel en cas d’expulsion de ressortissants d’autres États membres pour des raisons d’ordre public

Argumentation des parties

24 La Commission fait valoir que, dans la mesure où l’article 47, paragraphe 1, de l’Ausländergesetz prescrit obligatoirement l’expulsion d’un étranger (ci-après l’«expulsion obligatoire») et le paragraphe 2 du même article prescrit en principe obligatoirement une telle expulsion (ci-après l’«expulsion de principe»), lorsque l’intéressé a été condamné pour l’un des délits visés à ces paragraphes, l’autorité compétente est privée de toute marge d’appréciation lors de la prise de décision.

25 La Commission souligne que l’article 47, paragraphes 1 et 2, de l’Ausländergesetz se réfère, d’une manière générale, aux «étrangers» et, partant, vise également les ressortissants des États membres. Or, pour autant que cette disposition s’applique aux ressortissants communautaires, la Commission, soutenue par le gouvernement italien, fait valoir qu’elle est en contradiction directe et irrémédiable avec les exigences de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 64/221. En effet, selon cet article, une décision d’expulsion doit être fondée exclusivement sur le comportement personnel de l’intéressé et la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver une telle décision, alors que l’article 47, paragraphes 1 et 2, de l’Ausländergesetz priverait les autorités compétentes du pouvoir discrétionnaire dont elles ont besoin pour procéder à un tel examen au cas par cas et lui substituerait une appréciation générale fournie par le législateur, qui se rattache exclusivement à la condamnation du ressortissant concerné. La Commission considère que ledit article 47, paragraphes 1 et 2, contredit l’article 12, paragraphes 3 et 4, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, alors que, selon le gouvernement allemand, il est censé préciser ces dernières dispositions.

26 Cette situation juridique contradictoire entraînerait manifestement des problèmes dans l’application pratique de la réglementation nationale et, par suite, conduirait à des décisions contraires au droit communautaire. Lorsqu’une décision d’expulsion est fondée sur l’article 47 de l’Ausländergesetz, elle serait contraire au droit communautaire et la violation de celui-ci serait particulièrement manifeste dans les cas où lesdites autorités indiquent expressément dans leur décision que, compte tenu de l’existence d’une condamnation pénale, elles ne disposent d’aucun pouvoir discrétionnaire leur permettant de renoncer à l’expulsion.
La législation allemande nécessiterait une clarification ne laissant place à aucun doute quant à la prise en compte des exigences du droit communautaire.

27 La Commission précise que le présent recours n’a pas pour objet l’examen de cas individuels et que les cas d’expulsion mentionnés dans sa requête ne sont cités qu’à titre d’exemples et pour illustrer le caractère général d’une pratique administrative contraire au droit communautaire, en tant que cette dernière est fondée sur une réglementation transposant de manière insuffisamment claire les exigences de la réglementation communautaire. Selon elle, il ressort incontestablement desdits exemples que les décisions erronées ne sont pas isolées, mais qu’elles sont au contraire intervenues à maintes reprises et présentent donc un caractère général conduisant à certaines pratiques incompatibles avec le droit communautaire, bien que celles-ci présentent des degrés divers d’une région à l’autre.

28 Le gouvernement allemand fait valoir que l’expulsion des ressortissants des États membres n’est pas régie par le seul article 47 de l’Ausländergesetz, mais également par l’article 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG s’agissant des citoyens de l’Union ayant une activité professionnelle, ainsi que par l’article 4 de la Freizügigkeitsverordnung/EG, qui étend l’application dudit article 12 aux citoyens de l’Union qui n’exercent pas d’activité professionnelle.

29 Or, ledit article 12 indiquerait clairement que l’examen doit se faire individuellement en appréciant le comportement personnel de l’intéressé et que les condamnations pénales ne suffisent pas, à elles seules, pour justifier une expulsion. Cette disposition, qui reprendrait presque littéralement le texte de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 64/221, transposerait de manière suffisamment claire et précise ces dernières dispositions en droit interne. Contrairement à la thèse soutenue par la Commission, la combinaison des articles 47 de l’Ausländergesetz et 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG ne créerait pas une situation juridique floue et contradictoire en elle-même. En effet, l’article 2, paragraphe 2, de l’Ausländergesetz indiquerait clairement que les dispositions de l’Aufenthaltsgesetz/EWG priment les règles de l’Ausländergesetz, de sorte que la conséquence juridique consistant dans l’expulsion obligatoire (article 47, paragraphe 1, de l’Ausländergesetz) ou dans l’expulsion de principe (article 47, paragraphe 2, de l’Ausländergesetz) ne s’appliquerait aux étrangers bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire que lorsque les conditions dudit article 12 sont remplies. Dès lors, le grief tiré d’une transposition insuffisamment claire de l’article 3 de la directive 64/221 en droit allemand devrait être rejeté.

30 S’agissant du grief selon lequel la République fédérale d’Allemagne aurait fondé des décisions d’expulsion sur «cette base imprécise», le gouvernement allemand rétorque qu’il n’existe aucune pratique administrative contraire au droit communautaire et que la Commission n’est pas en mesure de prouver l’existence d’une telle pratique, ainsi qu’il lui appartient pourtant de le faire.

31 Il ne saurait certes être exclu que, dans quelques cas, les autorités administratives compétentes ont mis fin au séjour de ressortissants d’autres États membres par des décisions prises au mépris non seulement du droit interne, mais aussi du droit communautaire qui prime le premier. Toutefois, les 51 cas visés par la Commission dans sa requête, outre qu’ils n’auraient pas tous abouti à une mesure d’expulsion ou de refoulement, s’étaleraient sur une période de 9 ans et ne concerneraient que 3 des 16 Länder. Les mesures incriminées ne présenteraient dès lors pas le degré requis de constance et de généralité pour établir l’existence d’une pratique administrative. Le grief de la Commission reposerait en fait essentiellement sur la supposition que, dans des cas autres que ceux invoqués dans la requête, des décisions également contraires à la réglementation communautaire ont été adoptées, ce qui ne serait pas établi.

Appréciation de la Cour

32 Ainsi que la Cour l’a rappelé dans son arrêt du 31 janvier 2006, Commission/Espagne (C-503/03, non encore publié au Recueil, point 43), le droit des ressortissants d’un État membre d’entrer et de séjourner sur le territoire d’un autre État membre n’est pas inconditionnel. Parmi les limitations prévues ou autorisées par le droit communautaire, l’article 2 de la directive 64/221 permet aux États membres d’interdire à des ressortissants des autres États membres l’entrée sur leur territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique.

33 Le législateur communautaire a néanmoins encadré l’invocation par un État membre de telles raisons dans des limites strictes.
Selon l’article 3, paragraphe 1, de la directive 64/221, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de la personne concernée, et, en vertu du paragraphe 2 de cet article, la seule existence de condamnations pénales ne peut pas automatiquement motiver ces mesures. L’existence d’une condamnation pénale ne peut ainsi être retenue que dans la mesure où les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l’existence d’un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l’ordre public (arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 28; du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. p. I-11, point 24, et Commission/Espagne, précité, point 44).

34 La Cour, pour sa part, a toujours souligné que l’exception d’ordre public constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, devant être entendue strictement et dont la portée ne saurait être déterminée unilatéralement par les États membres (arrêts du 28 octobre 1975, Rutili, 36/75, Rec. p. 1219, point 27; Bouchereau, précité, point 33; Calfa, précité, point 23; du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri, C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, points 64 et 65, et Commission/Espagne, précité, point 45).

35 Selon une jurisprudence constante, le recours par une autorité nationale à la notion d’ordre public suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société (arrêts précités Rutili, point 28; Bouchereau, point 35; Orfanopoulos et Oliveri, point 66, et Commission/Espagne, point 46).

36 C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le premier grief de la Commission. Celui-ci se décompose en deux branches, la première étant tirée de la transposition défectueuse en droit interne des règles du droit communautaire en matière d’expulsion des ressortissants communautaires pour des raisons d’ordre public et la seconde ayant pour objet la pratique suivie par l’administration à cet égard.

Sur la prétendue transposition défectueuse

37 En vertu de l’article 47 de l’Ausländergesetz, un étranger, à savoir toute personne qui n’est pas de nationalité allemande (article 1er, paragraphe 2, de la même loi), est expulsé (expulsion obligatoire) en cas de condamnation passée en force de chose jugée à des peines et pour les délits énumérés au paragraphe 1 dudit article 47, alors qu’une telle expulsion intervient en principe (expulsion de principe) en cas de condamnation à des peines et pour les délits énumérés au paragraphe 2, point 1, du même article.

38 Les dispositions de l’article 47, paragraphes 1 et 2, point 1, de l’Ausländergesetz, considérées isolément, en ce qu’elles conduisent à l’expulsion de ressortissants communautaires à la suite d’une condamnation pénale sans qu’il soit tenu compte de manière systématique du comportement personnel de l’auteur de l’infraction ni du danger actuel qu’il représente pour l’ordre public, ne répondent pas aux exigences du droit communautaire (voir en ce sens, à propos de l’article 47, paragraphe 1, point 2, de l’Ausländergesetz, arrêt Orfanopoulos et Oliveri, précité, points 59 et 69 à 71).

39 Toutefois, comme le gouvernement allemand l’a relevé à juste titre, l’Aufenthaltsgesetz/EWG est applicable, en tant que loi spéciale, aux ressortissants des États membres qui bénéficient de la libre circulation au titre du traité CE. En effet, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de l’Ausländergesetz, cette dernière loi ne s’applique aux étrangers bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire que si celui-ci et l’Aufenthaltsgesetz/EWG, qui vise notamment les ressortissants des autres États membres qui exercent une activité professionnelle, ne comportent pas de dispositions dérogatoires. Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, de la Freizügigkeitsverordnung/EG étend l’application de l’article 12, paragraphes 2 à 9, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG aux ressortissants des États membres qui n’exercent pas d’activité professionnelle.

40 Il en résulte que l’Aufenthaltsgesetz/EWG prime, en tant que loi spéciale (lex specialis) par rapport à l’Ausländergesetz (lex generalis), les dispositions de cette dernière dans les situations qu’elle vise spécifiquement à régler (voir, à propos de directives communautaires, arrêt du 19 juin 2003, Mayer Parry Recycling, C-444/00, Rec. p. I-6163, point 57).

41 Or, selon le libellé même de l’article 12, paragraphes 3 et 4, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, une mesure d’expulsion ne doit être prise à l’encontre d’un étranger bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire que lorsque le comportement personnel de l’intéressé le justifie et l’existence d’une condamnation pénale n’est pas suffisante en elle-même pour motiver une telle mesure.

42 S’il est vrai par ailleurs que la portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit s’apprécier compte tenu de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales (voir, notamment, arrêt du 9 décembre 2003, Commission/Italie, C-129/00, Rec. p. I-14637, points 30 à 33), en l’occurrence, la Commission ne prétend pas que la réglementation en cause fasse l’objet d’interprétations juridictionnelles divergentes pouvant être prises en compte, les unes aboutissant à une application de ladite réglementation compatible avec le droit communautaire, les autres conduisant à une application incompatible avec celui-ci, en sorte que cette réglementation ne serait pas suffisamment claire pour assurer une application compatible avec le droit communautaire.

43 Dans ces conditions, le grief de la Commission, tiré d’une violation du droit communautaire en ce que la réglementation allemande n’interdirait pas de manière suffisamment claire que l’expulsion du territoire de la République fédérale d’Allemagne d’un ressortissant des autres États membres bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire soit prononcée de manière automatique à la suite d’une condamnation pénale et sans qu’il soit tenu compte du comportement personnel de l’auteur de l’infraction ni du danger actuel qu’il représente pour l’ordre public, est infondé.

Sur l’existence d’une prétendue pratique administrative contraire au droit communautaire

44 Il ressort des conclusions de la requête introductive d’instance que, par son premier grief, la Commission vise, outre à faire établir une transposition défectueuse des règles du droit communautaire en droit interne, à faire constater que «des décisions d’expulsion» ont été prises en méconnaissance de ces règles.

45 La Cour a jugé à plusieurs reprises que la Commission peut lui demander de constater un manquement qui consisterait à ne pas avoir atteint, dans un cas déterminé, le résultat visé par une directive (voir, notamment, arrêts du 10 avril 2003, Commission/Allemagne, C-20/01 et C-28/01, Rec. p. I-3609, point 30; du 14 avril 2005, Commission/Espagne, C-157/03, Rec. p. I-2911, point 44, et du 31 janvier 2006, Commission/Espagne, précité, point 59).

46 Ainsi qu’il ressort du point 27 du présent arrêt et nonobstant la formulation large des conclusions de la requête sur ce point, la Commission a explicitement indiqué, au cours de la procédure suivie devant la Cour, que son recours a pour but non pas d’inviter celle-ci à examiner, dans le cadre des différents griefs, des questions particulières soulevées par des cas individuels, mais de mettre en évidence le fait que la réglementation allemande transpose de manière insuffisante les exigences du droit communautaire, ce qui engendrerait une pratique administrative contraire au droit communautaire. Dans ce contexte, la Commission se référerait à un certain nombre de cas qu’elle citerait uniquement à titre d’exemples et pour illustrer certains types de décisions et de pratiques administratives dont il est fait grief à la République fédérale d’Allemagne dans le présent recours.
Le fait que la Commission cite des cas précis n’exclurait nullement que d’autres cas soient à considérer comme autant d’exemples de la violation du droit communautaire.

47 Selon la jurisprudence de la Cour, même si la réglementation nationale applicable est, en soi, comme cela ressort des points 39 à 43 du présent arrêt, compatible avec le droit communautaire, un manquement peut découler de l’existence d’une pratique administrative qui viole ce droit (voir, notamment, arrêt du 12 mai 2005, Commission/Italie, C-278/03, Rec. p. I-3747, point 13).

48 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêt du 12 mai 2005, Commission/Belgique, C-287/03, Rec. p. I-3761, point 27).

49 S’agissant en particulier d’un grief concernant la mise en œuvre d’une disposition nationale, la Cour a jugé que la démonstration d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale et que, dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l’État membre concerné (arrêt Commission/Belgique, précité, point 28).

50 La Cour a également jugé que, si un comportement étatique consistant dans une pratique administrative contraire aux exigences du droit communautaire peut être de nature à constituer un manquement au sens de l’article 226 CE, il faut que cette pratique administrative présente un certain degré de constance et de généralité (voir arrêts du 29 avril 2004, Commission/Allemagne, C-387/99, Rec. p. I-3751, point 42; du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C-494/01, Rec. p. I-3331, point 28, et Commission/Belgique, précité, point 29).

51 Or, la Commission n’a pas démontré l’existence, en Allemagne, d’une pratique administrative revêtant les caractéristiques requises par la jurisprudence de la Cour.

52 La Commission s’est limitée à énumérer dans sa requête un certain nombre de cas dans lesquels des décisions administratives auraient été prises en méconnaissance des exigences du droit communautaire, sans fournir à la Cour les décisions en cause, seul un court extrait de certaines d’entre elles ayant été reproduit dans la requête. La Commission est ainsi restée manifestement en défaut d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué, et ce d’autant plus que le gouvernement allemand conteste de manière concrète la fiabilité des données produites en citant, dans un certain nombre de cas, des décisions intervenues sur réclamation des intéressés (affaires Condo, Ferri, Gaudino, Guaglianone, Marchese et Procopio) à l’encontre des décisions auxquelles la Commission se réfère dans sa requête.

53 Par ailleurs, la cinquantaine de décisions visées par la Commission ont été prises, selon les informations qui ressortent de la requête introductive d’instance, entre le mois de décembre 1992 (affaire Torsello) et celui de janvier 2001 (affaire Sulimanov), soit au cours d’une période de près de neuf ans. Ainsi, la Cour ne saurait, en tout état de cause, conclure à l’existence d’une pratique générale et constante contraire au droit communautaire, alors que la Commission, qui ne peut se fonder sur une présomption quelconque, est restée en défaut de lui apporter les éléments nécessaires pour réfuter l’allégation du gouvernement allemand selon laquelle il s’agit de décisions isolées et non pas d’une pratique générale et constante.

54 Cette conclusion s’impose d’autant plus que, comme le soutient le gouvernement allemand, les dispositions administratives générales relatives à l’Ausländergesetz (Allgemeine Verwaltungsvorschrift zum Ausländergesetz), lesquelles s’adressent à l’administration allemande et s’imposent à celle-ci, précisent, d’une part, que l’expulsion pour des raisons d’ordre public, au titre de l’article 12, paragraphe 1, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, ne peut intervenir que lorsque l’étranger suscite cette mesure par son comportement personnel, l’existence d’une condamnation pénale ne pouvant suffire à justifier une expulsion, et, d’autre part, que le paragraphe 3 du même article 12 ne permet de fonder l’expulsion que sur le comportement personnel de l’étranger et qu’elle peut intervenir seulement pour des raisons préventives spéciales et en cas de menace effective et suffisamment grave portant atteinte à un intérêt fondamental de la société.

55 Par conséquent, bien que le gouvernement allemand ne conteste pas que des décisions d’expulsion isolées ont pu être adoptées sans prendre suffisamment en compte les exigences du droit communautaire, le grief de la Commission, tiré de l’existence d’une pratique administrative incompatible avec le droit communautaire, doit être rejeté comme non fondé.

56 Le premier grief doit dès lors être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième grief, tiré d’une prise en compte insuffisante dans la législation et la pratique allemandes de l’existence d’une menace grave pour l’ordre public en cas d’expulsion de ressortissants d’autres États membres disposant d’un titre de séjour à durée limitée

Sur la recevabilité

– Argumentation des parties

57 Le gouvernement allemand fait valoir que, dans sa requête, la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne non seulement de s’être acquittée de manière incomplète de son obligation de transposer en droit interne la directive 64/221, mais aussi d’avoir développé une pratique administrative contraire à la réglementation communautaire. Toutefois, dans son avis motivé, la Commission se serait limitée à mentionner la transposition ambiguë, à l’article 12, paragraphe 1, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, des règles du droit communautaire et ne lui aurait pas reproché une prétendue pratique administrative contraire à ladite réglementation en ce qui concerne la mise en œuvre de cette disposition. Le deuxième grief serait dès lors irrecevable en ce que la Commission viserait à faire constater une telle pratique administrative, puisqu’il est de jurisprudence constante que la Commission ne peut pas invoquer dans son recours des éléments nouveaux par rapport à ceux émis lors de la phase précontentieuse.

58 La Commission rejette tout reproche d’extension de l’objet du litige en faisant valoir que ses trois premiers griefs critiquent la situation juridique allemande en matière d’expulsion des étrangers principalement au motif que, en pratique, la coexistence de dispositions parfois contradictoires, source d’équivoque pour les instances chargées d’appliquer le droit, conduit constamment à des décisions d’expulsion incompatibles avec le droit communautaire. De même que l’imprécision de la situation juridique résulterait précisément de la coexistence de ces dispositions, les décisions d’expulsion prises sur la base de celles-ci seraient nécessairement liées à ces trois griefs et ne sauraient en être dissociées.

Appréciation de la Cour

59 Selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, point 23), la lettre de mise en demeure adressée par la Commission à l’État membre puis l’avis motivé émis par cette dernière délimitent l’objet du litige qui ne peut plus, dès lors, être étendu. En effet, la possibilité pour l’État membre concerné de présenter ses observations constitue, même s’il estime ne pas devoir en faire usage, une garantie essentielle voulue par le traité et son observation est une forme substantielle de la régularité de la procédure constatant un manquement d’un État membre.

60 Par conséquent, l’avis motivé et le recours de la Commission doivent reposer sur les mêmes griefs que ceux de la lettre de mise en demeure qui engage la procédure précontentieuse (arrêt du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C-191/95, Rec.
p. I-5449, point 55). Dans la mesure où l’avis motivé et le recours doivent être fondés sur les mêmes motifs et moyens, la Cour ne peut pas examiner un grief qui n’a pas été formulé dans l’avis motivé (arrêt du 11 mai 1989, Commission/Allemagne, 76/86, Rec. p. 1021, point 8) et ce dernier doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêt du 24 juin 2004, Commission/Pays-Bas, C-350/02, Rec. p. I-6213, point 20).

61 Cependant, il ne saurait être exigé en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que l’objet du litige n’a pas été étendu ou modifié, mais, au contraire, simplement restreint (arrêts du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, précité, point 56; du 9 novembre 1999, Commission/Italie, précité, point 25, et du 14 mars 2006, Commission/France, C-177/04, non encore publié au Recueil, point 37).

62 En l’occurrence, la branche du deuxième grief tirée de l’existence d’une pratique administrative contraire au droit communautaire correspond en substance au grief formulé au point IV de l’avis motivé, selon lequel la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne d’avoir adopté des décisions d’expulsion dans des cas où l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public portant atteinte à un intérêt fondamental de la société n’avait pas été prouvée. À cela s’ajoute le fait que, dans la partie de l’avis motivé intitulée «Menace pour l’ordre public», la Commission invoque précisément l’existence en Allemagne de «pratiques administratives» fondées sur une interprétation de l’article 12, paragraphe 1, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG qui méconnaît les conditions dans lesquelles le droit communautaire admet des restrictions à la libre circulation pour des motifs d’ordre public.

63 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir repris l’énoncé exact des griefs invoqués au cours de la procédure précontentieuse dans les conclusions de la requête introductive d’instance, alors qu’elle a veillé à établir une concordance entre celles-ci et l’exposé circonstancié des griefs.

64 L’exception d’irrecevabilité partielle du deuxième grief doit dès lors être rejetée.

Sur le fond

– Argumentation des parties

65 La Commission fait valoir que l’Aufenthaltsgesetz/EWG, qui est censé transposer en droit allemand les règles du droit communautaire en matière de restriction à la libre circulation pour des raisons d’ordre public, n’est pas suffisamment clair en ce qui concerne la règle posée à son article 12, paragraphe 1, qui est cruciale en l’espèce. En effet, alors que la première phrase de ladite disposition énonce qu’un refus «pour des motifs d’ordre public et de sécurité ou de santé publiques» peut être opposé au séjour d’un étranger bénéficiant de la libre circulation, la seconde phrase de la même disposition prévoit, s’agissant des seuls étrangers porteurs d’un «titre de séjour/CE à durée illimitée», que ceux-ci ne peuvent être expulsés que pour des motifs «graves» de sécurité et d’ordre publics. L’économie de la disposition en question serait trompeuse dans la mesure où elle pourrait être comprise, et le serait d’ailleurs comme la pratique administrative le montrerait, en ce sens qu’il suffirait de simples motifs de sécurité et d’ordre publics pour expulser les bénéficiaires du droit de libre circulation ne disposant pas d’un «titre de séjour/CE à durée illimitée» et que l’existence de motifs graves n’est exigée que pour expulser les étrangers qui disposent d’un tel titre.

66 Nombreuses seraient les décisions qui traduisent dans leur principe une interprétation erronée de l’ordre public au sens de l’article 12, paragraphe 1, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG. Parfois, il serait même expressément affirmé dans celles-ci qu’il n’y a pas lieu de vérifier l’existence de motifs graves relatifs à l’ordre public puisque leur existence ne serait exigée que dans le cas visé à la seconde phrase de ladite disposition, à savoir pour les étrangers porteurs d’un «titre de séjour/CE à durée illimitée». La Commission cite sept cas à titre d’exemples à l’appui de cette dernière allégation.

67 Selon la Commission, la situation juridique et la pratique administrative allemandes ont besoin, à cet égard, d’être clarifiées d’une façon précise, en ne laissant pas le moindre doute quant à l’exigence selon laquelle, quelle que soit la durée du titre de séjour, une mesure d’expulsion suppose que le comportement personnel de l’intéressé fasse apparaître l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société (voir, notamment, arrêt Bouchereau, précité, points 33 à 35).

68 Le gouvernement allemand soutient en revanche que l’article 12, paragraphe 1, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG transpose de manière suffisamment claire les exigences résultant de la réglementation communautaire en matière de restriction à la libre circulation.

69 S’agissant du reproche tiré de l’existence d’une pratique administrative contraire au droit communautaire, le gouvernement allemand fait valoir que, à supposer même que cette branche du deuxième grief soit recevable, il ne discerne pas comment la Commission peut conclure, sur la seule base de moins de 20 cas individuels recensés dans la requête, à l’existence d’une telle pratique administrative qui serait mise en œuvre de manière systématique sur tout le territoire national.

Appréciation de la Cour


Sur la prétendue transposition défectueuse

70 Ainsi qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt, selon une jurisprudence constante, le recours par une autorité nationale à la notion d’ordre public suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

71 L’article 12, paragraphe 1, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG dispose que les ressortissants d’autres États membres qui bénéficient de la libre circulation au titre du droit communautaire ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion que pour des raisons d’ordre public, de sécurité ainsi que de santé publiques et mentionne, entre parenthèses, les articles 48, paragraphe 3, du traité et 56, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 46, paragraphe 1, CE).
La seconde phrase du même paragraphe énonce que l’expulsion d’étrangers porteurs d’un «titre de séjour/CE à durée illimitée» n’est autorisée que pour des motifs «graves» de sécurité ou d’ordre publics.

72 Si le renvoi au droit communautaire primaire, opéré par l’article 12, paragraphe 1, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, peut être considéré comme indiquant à suffisance que la notion d’ordre public doit recevoir une interprétation conforme à celle qui est donnée à la même notion figurant dans lesdits articles du traité, telle que mise en œuvre par la directive 64/221 et précisée dans la jurisprudence de la Cour, il n’en demeure pas moins que la seconde phrase de ladite disposition nationale, en ce qu’elle ajoute que, s’agissant des ressortissants communautaires disposant d’un titre de séjour à durée illimitée, seuls de «graves» motifs d’ordre public peuvent justifier une expulsion, suscite un doute en ce qui concerne la prise en considération correcte des exigences du droit communautaire à l’égard des ressortissants communautaires disposant d’un titre de séjour à durée limitée.

73 Or, selon une jurisprudence constante, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique (voir, notamment, arrêts du 17 mai 2001, Commission/Italie, C-159/99, Rec. p. I-4007, point 32, et du 27 février 2003, Commission/Belgique, C-415/01, Rec. p. I-2081, point 21).

74 Partant, l’article 12, paragraphe 1, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG ne transpose pas avec suffisamment de clarté à l’égard des ressortissants des États membres disposant d’un titre de séjour à durée limitée les exigences découlant de la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt, en vertu de laquelle une mesure d’expulsion n’est justifiée qu’en cas de menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

75 Les dispositions administratives générales relatives à l’Ausländergesetz, invoquées par le gouvernement allemand au soutien de sa thèse selon laquelle la réglementation nationale satisfait à l’exigence de sécurité juridique, ne remettent pas en question cette appréciation.

76 À cet égard, il suffit de rappeler que le principe de sécurité juridique exige une publicité adéquate pour les mesures nationales adoptées en application d’une réglementation communautaire de manière à permettre que les sujets de droit concernés par de telles mesures seront à même de connaître l’étendue de leurs droits et obligations dans le domaine particulier régi par le droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 27 février 2003, Commission/Belgique, précité, point 21). Or, tel n’est pas le cas desdites dispositions administratives, dont il est constant qu’elles présentent un caractère interne et s’adressent à l’administration en vue d’assurer une unité de vue de celle-ci sur des questions déterminées.

77 Dans ces conditions, la première branche du deuxième grief est fondée.

Sur la prétendue pratique administrative contraire au droit communautaire

78 Aux points 49 et 50 du présent arrêt, la Cour a rappelé que, s’agissant de griefs concernant la mise en œuvre d’une disposition nationale, la démonstration de l’existence d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale. Dans de telles conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l’État membre concerné. Si un comportement étatique consistant dans une pratique administrative contraire aux exigences du droit communautaire peut être de nature à constituer un manquement au sens de l’article 226 CE, il faut que cette pratique administrative présente un certain degré de constance et de généralité.

79 Or, la Commission s’est limitée à recenser 17 cas dans lesquels des décisions administratives auraient été prises en méconnaissance des exigences du droit communautaire, sans fournir ces dernières à la Cour ni même en reproduire le moindre extrait de nature à étayer sa thèse. La Commission est ainsi restée manifestement en défaut d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué, et ce d’autant plus que le gouvernement allemand conteste de manière concrète la fiabilité des données invoquées en reproduisant, notamment, à propos de deux des cas auxquels se réfère la Commission dans sa requête (affaires Moffa et Nardelli) un extrait de la décision en cause allant dans le sens d’une prise en compte des exigences du droit communautaire.

80 Pour ce seul motif, la seconde branche du deuxième grief doit être rejetée comme non fondée.

Sur le troisième grief, tiré de la prise en compte dans la législation et la pratique allemandes des aspects relatifs à la prévention générale en cas d’expulsion

Sur la recevabilité

– Argumentation des parties

81 Le gouvernement allemand soutient que l’avis motivé ne comportait pas de grief tiré d’un manque de clarté de la réglementation allemande en ce qui concerne l’interdiction d’adopter des mesures préventives générales, en sorte que cette branche du troisième grief devrait être déclarée irrecevable.

82 La Commission rétorque que, dans la lettre de mise en demeure, elle a fait valoir que toutes les décisions reposant sur la base juridique de l’article 47, paragraphes 1 et 2, de l’Ausländergesetz présentent nécessairement, du fait de la finalité préventive générale de cette disposition, un caractère illicite de prévention générale et qu’elles violent en conséquence le droit communautaire. L’avis motivé maintiendrait ce grief en le soulignant et, partant, l’exception d’irrecevabilité devrait être rejetée.

Appréciation de la Cour

83 L’avis motivé et le recours de la Commission doivent reposer sur les mêmes motifs et moyens (voir, notamment, point 60 du présent arrêt). Or, tel est le cas en l’occurrence.

84 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 111 et 112 de ses conclusions, la branche du troisième grief relative à une transposition défectueuse en droit interne de l’exigence selon laquelle des raisons de prévention générale ne sauraient justifier l’expulsion de ressortissants communautaires correspond en substance au grief énoncé au point III des conclusions de l’avis motivé, dans lequel la Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne de ne pas avoir indiqué de manière suffisamment claire dans sa législation que les décisions d’expulsion visant des citoyens de l’Union ne peuvent être fondées sur une base qui prévoit l’expulsion obligatoire ou de principe en cas de condamnation pénale passée en force de chose jugée. À cela s’ajoute que, dans la partie de l’avis motivé intitulée «Dissuasion», la Commission invoque précisément la circonstance que toutes les décisions d’expulsion fondées sur l’article 47 de l’Ausländergesetz présentent nécessairement, du fait de la finalité préventive générale de cette norme, un caractère illicite de prévention générale, de sorte qu’elle vise ainsi directement la législation incriminée.

85 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir repris l’énoncé exact des griefs invoqués au cours de la procédure précontentieuse dans les conclusions de la requête introductive d’instance, alors qu’elle a veillé à établir une concordance entre celles-ci et l’exposé circonstancié des griefs.

86 L’exception d’irrecevabilité partielle du troisième grief doit dès lors être rejetée.

Sur le fond

– Argumentation des parties

87 La Commission fait valoir que le régime d’expulsion prévu à l’article 47, paragraphes 1 et 2, de l’Ausländergesetz poursuit des buts de prévention générale, en ce que l’expulsion obligatoire ou de principe est censée dissuader d’autres étrangers de commettre des délits d’une nature identique ou analogue à ceux perpétrés par les étrangers expulsés. Toutes les décisions qui sont fondées sur ces dispositions comporteraient, par la force des choses, un élément illicite de prévention générale, compte tenu de l’objectif de cette norme, et seraient, pour cette seule raison, contraires au droit communautaire. La référence à l’article 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, faite simplement à titre complémentaire, ne changerait rien à la circonstance que lesdites décisions sont fondées sur une base juridique dont l’application est incompatible avec le droit communautaire en raison de l’objectif de prévention générale qu’elle poursuit.

88 Dans nombre de décisions, ce but de prévention générale poursuivi par l’expulsion obligatoire serait d’ailleurs expressément mentionné, sans qu’il ressorte de la motivation de ces décisions qu’elles sont également fondées de manière autonome sur des motifs de prévention spéciale. En tout état de cause, une telle distinction ne serait pas perceptible dans un certain nombre de décisions, alors que celles-ci énuméreraient, en les juxtaposant, des objectifs de prévention générale et de prévention spéciale en tant que motivation cumulative, laissant ainsi entendre que la mesure concernée est fondée sur les deux types de considérations. En outre, dans ces décisions, la motivation attribuerait parfois une importance particulière à l’effet de prévention générale. Selon la Commission, il en résulte que cette pratique administrative revient à fonder les décisions en cause également sur des considérations de prévention générale et, de ce fait, elle est donc contraire au droit communautaire (arrêt du 10 février 2000, Nazli, C-340/97, Rec. p. I-957, point 63).

89 Dans ces conditions, la situation juridique et la pratique administrative allemandes auraient besoin, à cet égard, d’être clarifiées d’une façon précise afin de ne laisser subsister aucun doute quant à la mise en œuvre de la réglementation nationale.
Une transposition imprécise et ambiguë d’obligations de droit communautaire ne serait pas conforme aux exigences d’une transposition correcte de la directive 64/221.

90 S’agissant du grief tiré du défaut de clarté de la réglementation nationale elle-même, le gouvernement allemand rétorque que celle-ci indique clairement et sans ambiguïté que les ressortissants communautaires ne peuvent pas être expulsés pour des raisons tirées d’objectifs de prévention générale. La Commission méconnaîtrait le fait que les décisions d’expulsion concernant ces ressortissants n’ont pas pour base juridique exclusive l’article 47 de l’Ausländergesetz, mais qu’elles doivent toujours respecter les dispositions de l’article 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, lesquelles seraient impératives et primeraient celles dudit article 47. La prévention générale ne serait prévue que pour les ressortissants d’États tiers.

91 En ce qui concerne le grief tiré de l’existence d’une pratique administrative contraire au droit communautaire, le gouvernement allemand conteste l’existence d’une succession de décisions individuelles erronées qui consacreraient une telle pratique.
Les quelques cas que la Commission mentionne ne suffiraient pas pour conclure à l’existence d’une pratique administrative courante et générale contraire à la réglementation communautaire. Il convient d’ajouter qu’il ressortirait des dispositions administratives générales relatives à l’Ausländergesetz, qui auraient une incidence déterminante sur la question de savoir s’il existe une pratique administrative en ce qu’elles lient juridiquement l’administration dans son action, qu’il est interdit à l’administration de justifier des décisions d’expulsion envers les ressortissants communautaires par l’effet dissuasif que cette expulsion produit sur d’autres ressortissants étrangers.

92 La circonstance que les autorités administratives allemandes invoquent des raisons de prévention générale qui s’ajoutent aux motifs spécifiques de prévention serait parfaitement compatible avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 64/221, dès lors que serait respectée la seule obligation prévue par cette disposition, qui consiste à exposer des raisons suffisantes tenant à la personne et au comportement de l’intéressé.

Appréciation de la Cour


Sur la prétendue transposition défectueuse

93 Conformément à la jurisprudence de la Cour, le droit communautaire s’oppose à l’expulsion d’un ressortissant d’un État membre fondée sur des motifs de prévention générale, à savoir une expulsion qui a été décidée dans un but de dissuasion à l’égard d’autres étrangers (voir, notamment, arrêts du 26 février 1975, Bonsignore, 67/74, Rec. p. 297, point 7, et Nazli, précité, point 59), en particulier lorsque cette mesure a été prononcée d’une manière automatique à la suite d’une condamnation pénale, sans tenir compte du comportement personnel de l’auteur de l’infraction ni du danger qu’il représente pour l’ordre public (arrêt Calfa, précité, point 27).

94 Ainsi qu’il a été relevé aux points 39 à 43 du présent arrêt, l’Aufenthaltsgesetz/EWG prime, en tant que loi spéciale par rapport à l’Ausländergesetz, les dispositions de cette dernière loi dans les situations qu’elle vise spécifiquement à régler.

95 Or, conformément à l’article 12, paragraphe 3, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, les mesures d’expulsion de ressortissants communautaires bénéficiaires de la libre circulation au titre du droit communautaire ne doivent être prises que lorsque le comportement personnel de l’intéressé le justifie. Il s’ensuit que toute expulsion tirée de motifs de prévention générale est prohibée en ce qui concerne ces catégories de personnes.

96 Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre du premier grief (voir point 42 du présent arrêt), la Commission ne soutient pas en l’occurrence que la réglementation en cause ferait l’objet d’interprétations juridictionnelles divergentes pouvant être prises en compte, les unes aboutissant à une application de ladite réglementation compatible avec le droit communautaire, les autres conduisant à une application incompatible avec celui-ci, en sorte que cette réglementation ne serait pas suffisamment claire pour assurer une application compatible avec le droit communautaire.

97 Dans ces conditions, le grief de la Commission tiré d’une violation du droit communautaire, en ce que la réglementation allemande n’interdirait pas de manière suffisamment claire la prise en compte d’aspects de prévention générale lors de l’expulsion du territoire allemand d’un ressortissant des autres États membres bénéficiant de la libre circulation au titre du droit communautaire, est infondé.

Sur la prétendue pratique administrative contraire au droit communautaire

98 Il convient de relever que la Commission s’est limitée à énumérer dans sa requête certains cas dans lesquels la décision d’expulsion serait motivée en partie par la poursuite d’objectifs de prévention générale, sans fournir à la Cour les décisions en cause, mais en se bornant à en reproduire, et seulement pour certaines d’entre elles, un court extrait. La Commission est ainsi restée manifestement en défaut d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué, et ce d’autant plus que le gouvernement allemand conteste la fiabilité des données produites en citant un certain nombre de cas dans lesquels, notamment, des décisions sont intervenues sur réclamation des intéressés (affaires Condo et Procopio) à l’encontre des décisions auxquelles la Commission se réfère dans sa requête.

99 Par ailleurs, les onze décisions mentionnées par la Commission ont été prises, selon les informations qui ressortent de la requête introductive d’instance, entre le mois de mars 1993 (affaire Sassano) et celui de novembre 1997 (affaire Pugliese), soit au cours d’une période de près de cinq ans. Ainsi, la Cour ne saurait, en tout état de cause, conclure à l’existence d’une pratique générale et constante contraire au droit communautaire, alors que la Commission, qui ne peut se fonder sur une présomption quelconque, n’a pas été en mesure de lui fournir les éléments nécessaires pour contester l’allégation du gouvernement allemand selon laquelle il s’agit de décisions isolées et non pas d’une pratique générale et constante.

100 Cette conclusion s’impose d’autant plus que, comme le soutient le gouvernement allemand, l’une des dispositions administratives générales relatives à l’Ausländergesetz énonce que l’expulsion ne peut intervenir que pour des raisons préventives spéciales et en cas de menace effective et suffisamment grave portant atteinte à un intérêt fondamental de la société.

101 Par conséquent, bien que le gouvernement allemand ne conteste pas que des décisions d’expulsion isolées ont pu être adoptées sans prendre suffisamment en compte les exigences découlant de la directive 64/221, le grief de la Commission tiré de l’existence d’une pratique administrative incompatible avec le droit communautaire doit, au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 48 à 50 du présent arrêt, être rejeté comme non fondé.

102 Le troisième grief doit dès lors être rejeté dans son ensemble.

Sur le quatrième grief, tiré de la prise en compte insuffisante du droit fondamental au respect de la vie familiale lors de l’adoption de décisions d’expulsion

Argumentation des parties

103 La Commission fait valoir que les États membres ont l’obligation de prendre en considération, lors de l’expulsion de ressortissants communautaires fondée sur l’exception d’ordre public réglementée par la directive 64/221, non seulement le principe fondamental de la libre circulation des personnes, mais aussi l’incidence de cette expulsion sur les droits fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie familiale consacré à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), droit dont la Cour est tenue d’assurer le respect (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 2002, Carpenter, C-60/00, Rec. p. I-6279, point 41).

104 La Commission mentionne à cet égard un certain nombre de cas dans lesquels, selon elle, les autorités administratives allemandes ont enfreint le principe de proportionnalité d’une manière particulièrement grossière et manifeste. Elle évoque deux cas dans lesquels ces autorités n’auraient pas examiné la question de la proportionnalité, cinq cas dans lesquels elles n’auraient pas procédé à l’examen de la proportionnalité du fait qu’elles ont considéré que l’expulsion automatique n’exige pas un tel examen, et quatorze cas qui ne tiendraient pas suffisamment compte de l’importance du droit fondamental à la protection de la vie familiale.

105 Le gouvernement allemand soutient que la Commission n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’une pratique administrative consistant à ne pas mettre en balance le droit à une vie familiale avec la nécessité de préserver l’ordre public. Cette prétendue pratique administrative ne serait pas prouvée, alors notamment que la seule circonstance qu’il y ait quelques décisions d’expulsion dont les motifs sont muets quant aux attaches familiales des intéressés ne permet pas de conclure à l’existence d’une pratique administrative générale.

106 Contrairement aux allégations de la Commission, les dispositions qui régissent l’expulsion des ressortissants communautaires, notamment les articles 48 de l’Ausländergesetz et 12 de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, requièrent presque obligatoirement d’apprécier la proportionnalité de la mesure d’expulsion et de prendre en compte l’importance primordiale de la protection du mariage et de la vie familiale. Aux termes de l’article 6 de la Constitution allemande, le mariage et la famille bénéficieraient de la protection particulière du régime fédéral et il appartiendrait aux autorités administratives de prendre obligatoirement en considération cette qualification constitutionnelle dans l’application des textes. La Commission ferait, à tort, grief auxdites autorités de ne pas avoir apprécié la proportionnalité et, dans les affaires où la Commission conclut au caractère disproportionné des décisions d’expulsion, les critères qu’elle applique seraient eux aussi erronés, ce qui la conduirait presque inéluctablement à de fausses conclusions.

Appréciation de la Cour

107 Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’examen effectué au cas par cas par les autorités nationales de l’existence éventuelle d’un comportement personnel constituant une menace actuelle pour l’ordre public et, le cas échéant, de la question de savoir où se situe le juste équilibre entre les intérêts légitimes en présence doit se faire dans le respect des principes généraux du droit communautaire (arrêt Orfanopoulos et Oliveri, précité, point 95).

108 À cet égard, il doit être tenu compte des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect. Des motifs d’intérêt général ne sauraient être invoqués pour justifier une mesure nationale qui est de nature à entraver l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité que lorsque la mesure en question tient compte de tels droits (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 43; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 24; Carpenter, précité, point 40, et Orfanopoulos et Oliveri, précité, point 97).

109 Dans ce contexte, a été reconnue, dans le cadre du droit communautaire, l’importance d’assurer la protection de la vie familiale des ressortissants communautaires afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité.
Il est en particulier constant qu’exclure une personne du pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale tel qu’il est consacré à l’article 8 de la CEDH, lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, sont protégés dans l’ordre juridique communautaire (voir, notamment, arrêt Orfanopoulos et Oliveri, précité, point 98). Pareille ingérence enfreint la CEDH si elle ne remplit pas les exigences du paragraphe 2 du même article, à savoir si elle n’est pas «prévue par la loi», inspirée par un ou plusieurs buts légitimes au regard dudit paragraphe et «nécessaire, dans une société démocratique», c’est-à-dire justifiée par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnée au but légitime poursuivi (voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêt Boultif c. Suisse du 2 août 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-IX, § 39, 41 et 46, et arrêt Carpenter, précité, point 42).

110 La Commission n’a pas démontré l’existence, en Allemagne, d’une pratique administrative contraire aux exigences en matière de protection du droit au respect de la vie familiale revêtant les caractéristiques de constance et de généralité requises par la jurisprudence de la Cour.

111 La Commission s’est limitée à énumérer dans sa requête certains cas dans lesquels la décision d’expulsion tiendrait insuffisamment compte du droit au respect de la vie familiale, voire ne tiendrait pas du tout compte de ce droit, sans fournir à la Cour les décisions en cause, mais en se bornant à en reproduire, et seulement pour certaines d’entre elles, un court extrait. Force est de constater que la Commission est restée en défaut d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué, et ce d’autant plus que le gouvernement allemand conteste de manière concrète (en particulier dans les affaires Solimando, Racabulto et Condo) le bien-fondé de l’affirmation de la Commission selon laquelle le droit au respect de la vie familiale n’aurait pas été suffisamment pris en compte dans toutes les décisions citées par cette dernière.

112 Par ailleurs, les 21 décisions en question ont été prises, selon les informations qui ressortent de la requête introductive d’instance, entre le mois de décembre 1992 (affaire Torsello) et celui de mars 2001 (affaire Theodoridis), soit sur une période de près de neuf ans. Ainsi, la Cour ne saurait, en tout état de cause, conclure à l’existence d’une pratique générale et constante contraire au droit communautaire, alors que la Commission, qui ne peut se fonder sur une présomption quelconque, est restée en défaut de lui fournir les éléments nécessaires pour réfuter l’allégation du gouvernement allemand selon laquelle il s’agit tout au plus de décisions isolées et non pas d’une pratique générale et constante.

113 Par conséquent, bien que le gouvernement allemand ne conteste pas que des décisions d’expulsion isolées ont pu être adoptées sans prendre suffisamment en compte les exigences relatives au droit au respect de la vie familiale, le grief de la Commission, tiré de l’existence d’une pratique administrative incompatible avec le droit communautaire, doit, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 48 à 50 du présent arrêt, être rejeté comme non fondé.

Sur le cinquième grief, tiré du recours systématique à l’exécution immédiate des mesures d’expulsion malgré l’absence de situation d’urgence

Argumentation des parties

114 La Commission fait valoir que, lorsque le recours juridictionnel introduit à l’encontre d’une mesure d’expulsion ne porte que sur la légalité de la mesure ou n’a pas d’effet suspensif, l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 64/221 exige, «à moins d’urgence», la mise en œuvre préalable d’une procédure particulière devant une autorité indépendante qui est tenue d’émettre son avis. Le droit allemand relatif aux étrangers ne connaissant pas une telle procédure particulière au sens de cette disposition, il en découlerait que, en cas d’expulsion frappant des ressortissants communautaires, l’effet suspensif ne peut être exclu par une injonction donnée en application de l’article 80, paragraphe 2, point 4, de la VwGO qu’en «cas d’urgence» au sens de ladite disposition de la directive 64/221.

115 Selon la Commission, un tel cas d’urgence ne peut être envisagé que lorsque l’exécution immédiate est l’unique moyen de prévenir un risque concret, imminent et grave d’atteinte à l’ordre public. L’expulsion immédiate constituant une atteinte au droit fondamental à la libre circulation et à celui du droit au respect de la vie familiale, il reviendrait à l’autorité compétente de prouver, dans chaque cas concret dont elle est saisie, que les conditions prévues sont réunies. À tout le moins pour les ressortissants communautaires résidant depuis longtemps dans l’État membre d’accueil, le principe de proportionnalité imposerait de n’ordonner l’exécution immédiate d’une décision d’expulsion qu’à titre exceptionnel et uniquement dans les cas présentant une gravité et une urgence notoires.

116 La Commission soutient que, aux termes de l’article 80, paragraphe 2, point 4, de la VwGO, l’effet suspensif d’une mesure d’expulsion peut être exclu dans les cas où celle-ci frappe un ressortissant communautaire qui a fait opposition ou qui a introduit une action en annulation, s’il existe un intérêt particulier à l’exécution immédiate de l’expulsion. Bien que cet «intérêt particulier» doive aller au-delà de l’intérêt qui justifie l’expulsion elle-même, la pratique administrative allemande constaterait régulièrement, de manière quasi automatique et sans motivation suffisante, l’existence d’un intérêt particulier à l’exécution immédiate de l’expulsion. L’examen des cas soumis à la Commission ne permettrait nullement de conclure à la prise en compte par les autorités administratives du critère d’urgence exigé par le droit communautaire pour procéder à une exécution immédiate. La Commission mentionne à cet égard 17 cas qui ne répondraient pas aux exigences de la réglementation communautaire. Outre le recours quasi systématique à l’exécution immédiate, force serait de constater que l’existence d’un intérêt particulier de la collectivité à l’exécution immédiate, intérêt allant nécessairement au-delà de celui, général, qui justifie l’expulsion, relèverait plus de l’affirmation lapidaire que de la démonstration concrète.

117 Dès lors, la situation juridique et la pratique administrative allemandes nécessiteraient d’être clarifiées de façon à ne pas laisser subsister le moindre doute à cet égard.

118 Le gouvernement allemand rétorque que l’ordre d’exécution immédiate intervient après une vérification particulière des conditions spécifiques requises pour y procéder. Le parallélisme souvent observé entre les décisions d’expulsion et les décisions d’exécution immédiate, qui sont indépendantes les unes des autres, résulterait presque nécessairement de la circonstance que les ressortissants communautaires remplissant les conditions très strictes pour pouvoir faire l’objet d’une mesure d’expulsion remplissent également presque toujours les conditions permettant d’ordonner l’exécution immédiate de celle-ci.

119 L’ordre d’exécution immédiate assortissant les décisions d’expulsion ne heurterait pas non plus les garanties procédurales prévues par le droit communautaire. D’une part, les ressortissants des autres États membres pourraient se défendre contre une décision d’expulsion en usant des mêmes recours que ceux qui sont ouverts aux ressortissants allemands contre les actes administratifs et, d’autre part, ils auraient toujours la faculté de solliciter le bénéfice d’un effet suspensif à leur recours (article 80, paragraphe 5, de la VwGO). Le droit allemand satisferait ainsi aux conditions minimales requises par l’article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 s’agissant de l’effet suspensif d’une voie de recours.

120 Au demeurant, la vaste protection procédurale que la République fédérale d’Allemagne offrirait contre les expulsions irait largement au-delà des garanties minimales prévues à l’article 9 de la directive 64/221 et assurerait une protection effective des droits subjectifs que les ressortissants communautaires tirent du droit communautaire. D’une part, la légalité et l’opportunité d’un acte administratif faisant grief seraient en principe, même s’il s’agit d’une décision d’expulsion, d’emblée examinées avant un recours en annulation dans une procédure préalable devant l’autorité administrative. Cette protection procédurale subsisterait même si la décision d’expulsion est assortie d’un ordre d’exécution immédiate. D’autre part, un contrôle par les tribunaux administratifs serait toujours possible, et ce même dans les cas où il n’y a pas de procédure préalable. Le tribunal administratif établirait d’office les éléments de fait déterminants et examinerait pleinement la légalité de la décision d’expulsion tant sur le plan de la forme que sur celui du fond.

Appréciation de la Cour

121 Il y a lieu de rappeler que les dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 ont pour objet d’assurer une garantie procédurale minimale aux personnes auxquelles est opposée une décision d’éloignement du territoire. Cet article, qui s’applique dans trois hypothèses, à savoir en l’absence de possibilités de recours juridictionnels, si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s’ils n’ont pas d’effet suspensif, prévoit l’intervention d’une autorité compétente différente de celle qualifiée pour arrêter la décision. À moins d’une urgence, l’autorité administrative ne peut prendre sa décision qu’après avis donné par l’autre autorité compétente (voir, notamment, arrêt Orfanopoulos et Oliveri, précité, point 105).

122 La Commission n’a pas non plus démontré l’existence, en Allemagne, d’une pratique administrative contraire aux exigences découlant de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 64/221 revêtant les caractéristiques de constance et de généralité requises par la jurisprudence de la Cour.

123 La Commission s’est limitée à énumérer dans sa requête certains cas dans lesquels une décision d’expulsion immédiate aurait été prise en méconnaissance des exigences dudit article 9, paragraphe 1, sans fournir pour autant à la Cour les décisions en cause, seul un court extrait de celles-ci ayant été reproduit dans la requête. La Commission est ici encore restée manifestement en défaut d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué, et ce d’autant plus que le gouvernement allemand conteste la thèse défendue par la Commission selon laquelle l’examen des cas soumis à celle-ci ne permettrait pas de conclure à la prise en compte par les autorités allemandes du critère d’urgence que le droit communautaire impose de respecter avant de procéder à une exécution immédiate.

124 Par ailleurs, les 17 décisions mentionnées par la Commission ont été prises, selon les informations qui ressortent de la requête introductive d’instance, entre le mois d’août 1993 (affaire Clarizia) et celui de juillet 2000 (affaire Moffa), soit au cours d’une période de sept ans. Ainsi, la Cour ne saurait, en tout état de cause, conclure à l’existence d’une pratique générale et constante contraire au droit communautaire, alors que la Commission, qui ne peut se fonder sur une présomption quelconque, est restée en défaut de lui fournir les éléments nécessaires pour réfuter la thèse du gouvernement allemand selon laquelle une pratique générale et constante dans le sens allégué par la Commission n’existerait pas.

125 Par conséquent, le grief de la Commission, tiré de l’existence d’une pratique administrative incompatible avec le droit communautaire, doit, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 48 à 50 du présent arrêt, être rejeté comme non fondé.

126 À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’ayant pas transposé d’une manière suffisamment claire, dans l’article 12, paragraphe 1, de l’Aufenthaltsgesetz/EWG, les conditions posées par le droit communautaire en matière de restriction à la libre circulation, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 3 de la directive 64/221 et 10 de la directive 73/148.

Sur les dépens

127 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il convient de condamner celle-ci aux dépens. En application du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1) En n’ayant pas transposé, d’une manière suffisamment claire, dans l’article 12, paragraphe 1, de la loi relative à l’entrée et au séjour des ressortissants des États membres de la Communauté européenne (Gesetz über Einreise und Aufenthalt von Staatsangehörigen der Mitgliedstaaten der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft), du 21 janvier 1980, les conditions posées par le droit communautaire en matière de restriction à la libre circulation, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, et 10 de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

4) La République italienne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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CJCE, n° C-441/02, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne, 27 avril 2006