Conseil de prud'hommes de Créteil, 23 juillet 2020, n° F17/00843

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Créteil, 23 juill. 2020, n° F17/00843
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Créteil
Numéro(s) : F17/00843

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DE CRÉTEIL Extrait des minutes du greffe AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG F 17/00843

FORMATION DE DÉPARTAGE JUGEMENT DU 23 Juillet 2020

SECTION Industrie
Monsieur H R Q G Minute N° 20/00007

[…]

CHENNEVIERES-SUR-MARNE 94430

Assisté de Me Carole Y (Avocat au barreau de Jugement du 23 Juillet 2020 PARIS)

Qualification: Contradictoire DEMANDEUR premier ressort contre

SARL C 25 AOUT 2020 […] le :

[…]

Représenté par Me Nicolas NIEPCERON (Avocat au barreau de PARIS) substituant Me I J (Avocat au barreau de Date de la réception PARIS) par le demandeur : DEFENDEUR par le défendeur :

Composition du Conseil lors de l’audience de départage du 18 Expédition revêtue de juin 2020 et du délibéré : la formule exécutoire délivrée Madame Caroline LUZUY, Président Juge départiteur Monsieur Philippe ROUBAUD, Assesseur Conseiller (E) le :

Monsieur Pascal IGHEMAT, Assesseur Conseiller (S) à : Assistés lors des débats de Monsieur Sylvain BERTRAND, Greffier

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Pour copie certifiée conforme Le greffier,conforme de prefer

Page 1



EXPOSE DU LITIGE

H Q G a été engagé du 2 mai au 30 septembre 2012 par la B C selon contrat de travail à durée déterminée à temps complet en qualité de maçon, qualification ouvrier, niveau III, coefficient 210, position 1. La relation contractuelle s’est poursuivie selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Le dernier salaire mensuel brut s’élevait, selon le calcul le plus favorable au salarié, à la somme de 2.199,22 euros.

Par courrier en date du 8 mars, H Q G a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au

15 mars 2017 puis reporté au 27 mars 2017.

H Q G a comparu à cet entretien, assisté de Monsieur L Z, conseiller salarié. -

Le 30 mars 2017, H Q G a été licencié pour

faute grave.

Au moment de la rupture, la B C employait plus de 11 salariés. La convention collective applicable est celle des entreprises du bâtiment.

Le 15 juin 2017, H Q G a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil. Les parties ont été convoquées le 19 juin 2017 à

l’audience du bureau de conciliation du 1er septembre 2017. Faute de conciliation, l’affaire a été renvoyée à l’audience du bureau de jugement du 26 mars 2018. Le 2 juillet 2018, les conseillers prud’hommes ont établi un procès-verbal de partage des voix. Les parties ont été convoquées à l’audience de départage du 9 janvier 2020, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à la demande des parties à l’audience de départage du 18 juin 2020.

Lors de cette audience et dans ses dernières écritures visées par le greffe à l’issue des débats, H Q G, par la voix de son avocat, sollicite de voir : juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-

condamner la B C au paiement des sommes suivantes:

425 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 3 au 8 O

mars 2017, outre la somme de 42 euros au titre des congés payés,

O 1.631 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 9 au 30 mars 2017, outre la somme de 163 euros au titre des congés payés afférents,

26.388 euros au titre d’indemnité pour licenciement sans cause

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R.G n° 17/00843 – Jugement du 23 juillet 2020


réelle et sérieuse,

O 4.398 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 439 euros au titre des congés payés afférents,

2.199,22 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle

Emploi et d’un bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir,

-ordonner l’exécution provisoire.

H Q G soutient que la faute grave qu’on lui reproche n’est pas caractérisée, car l’employeur n’apporte aucun élément probant et précis permettant de démontrer l’existence même de ces faits.

En défense, la B C, représentée par son avocat, conclut dans ses écritures visées à l’issue des débats, au rejet des demandes de H Q G et à sa condamnation au versement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle estime que le licenciement est bien fondé sur une faute grave constituée par les menaces de mort proférées par H Q G à l’encontre d’un autre salarié.

La décision a été mise en délibéré au 23 juillet 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail : « en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié ».

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

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Il appartient au juge prud’homal d’apprécier souverainement la réalité et la gravité de la faute reprochée quelle que soit la nature de cette faute.

Les faits invoqués par B C au soutien du licenciement pour faute grave prononcé le 30 mars 2017 sont les suivants :

« Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : le 3 mars au matin, lors du trajet pour se rendre sur un chantier, vous avez proféré des menaces de mort à l’encontre de votre collègue, Monsieur E Z X. Nous vous avions informé fin février que nous avions promu ce salarié au poste de Chef d’équipe, nous vous avions précisé que vous deviez respecter ses ordres et demandes. Vos menaces étaient précises puisque vous lui avez dit : «je vais te tuer, tu ne pourras pas assister au baptême de ta fille le 15 août ». Vos menaces ont également été réitérées. Nous ne pouvons tolérer ce genre de propos dans notre entreprise. M. Z E nous a donné la copie. du dépôt de sa plainte au Commissariat de Chennevières. Nous constatons qu’il a été hospitalisé le 7 mars et est toujours en arrêt de maladie. Votre attitude a créé une tension au sein de notre personnel, et l’absence de vous même et de votre chef d’équipe a perturbé le bon déroulement de nos chantiers et entraîné des retards de livraison. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnités de rupture. Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.»>.

La lettre de licenciement reproche au salarié d’avoir, le 3 mars 2017, proféré des menaces de mort réitérées à l’encontre de Monsieur X

E Z, chef d’équipe au sein de la B C. Il est également reproché au salarié d’avoir, par son comportement, perturbé le bon déroulement des chantiers confiés à la B C.

Au soutien de ses allégations, la B C verse aux débats les pièces suivantes :

-sous le numéro de pièce n°2, le procès verbal d’une plainte pour menaces de mort réitérées déposée par X E Z le 4 mars 2017 au commissariat de CHENNEVIERES SUR MARNE, indiquant : «….Mon patron m’a nommé chef d’équipe… je dois gérer environ sept personnes, et donc donner des ordres à des collègues et cela ne convient pas à l’un d’entre eux, G H. Un jour il était régulièrement au téléphone je lui ai demandé de se mettre au travail, il m’a répondu que je n’avais pas à lui donner d’ordres et qu’il ne voulait pas que je lui adresse la parole sinon qu’il allait prendre une pelle et me couper le

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cou. Je précise qu’à ce moment là il n’était pas au courant que j’étais passé chef d’équipe et qu’il devait donc obéir à mes ordres. Il a tout suite dit devant le patron et plusieurs autres personnes qu’il allait me tuer. Depuis ce jour nous n’avons plus eu de conversation avec cette personne jusqu’à hier, Hier vers 10h00, nous étions tous les deux dans le camion et il m’a dit en ces termes « je vais t’attraper et je vais te tuer, tu ne pourras baptiser ta fille le 15 août ». Je précise que toutes ces menaces étaient en langue portugaise, il s’exprime très mal en français, J’ai très peur de lui et je sais qu’il est capable d’avoir de tels agissements Il est connu pour être violent…. »,

-sous le numéro de pièce n°3, un courrier adressé le 5 mars 2017 par X E Z à la B C, lui indiquant : « … Je veux vous communiquer avoir reçu des menaces de mort par un collègue de travail, Monsieur G H. Si je vous parle c’est parce que cettes menaces ont eu lieu pendant les heures de travail, la dernière fois eu lieu pendant le trajet vers le chantier après avoir sorti du dépôt le 03/03/2017.

Après avoir être menacé cette dernière fois je suis allé poser une plainte contre lui. Je compte sur vous pour faire quelque chose à ce sujet…. »,

-Sous le numéro de pièce n°5, un courrier adressé le 5 mai 2017 par I J, conseil de la B C à Maître Y, conseil de H Q G, indiquant : «…… Monsieur E Z a véritablement été choqué par les menaces de mort proférées parfois devant témoin, par votre client à son encontre… »,

-sous le numéro de pièce n°9, un courrier établi le 20 janvier 2018 par le docteur O P M, médecin traitant de X E

Z, indiquant : « … certifie avoir vu en consultation le 06/03/2017,
Monsieur E X qui présentait des signes de nervosité importants et d’anxiété ayant nécessité la mise en route d’un traitement par Atarax

25… »,

-sous le numéro de pièce n°10, les arrêts de travail de X

E Z pour la période du 7 mars au 30 juin 2017.

H Q G conteste avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de X E Z. Il affirme que la

B C ne rapporte pas la preuve des griefs qui lui sont reprochés. Il ajoute qu’il n’avait jamais été informé que X E Z avait été promu chef d’équipe et souligne que la plainte de X E Z a été classée sans suite.

Il soutient que la mesure de licenciement dont il a fait l’objet aurait été mise en œuvre en raison du non paiement d’heures supplémentaires qu’il avait réclamé à son employeur.

Il explique que la B C lui demandait de remplir des fausses feuilles de temps faisant état de 35 heures hebdomadaires alors que son temps de travail était supérieur.

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Au soutien de ses allégations, H Q G verse aux débats les pièces suivantes :

-sous le numéro de pièce n°9, le compte rendu d’entretien préalable établi le 28 avril 2017 par L Z, conseiller du salarié, indiquant : «… Je vous ai convoque car vous avez refusé d’exécuter les travaux que vous demandait notre responsable Monsieur Z X sur le chantier et vous l’avez menacé de mort il est en arrêt de travail et a déposé plainte contre vous….j’ai refusé de faire ces travaux car il me demandait de descendre dans un trou… sans mettre la sécurité… de plus je

n’ai jamais été informé que Monsieur Z X avait été promu responsable en plus je lui ai dit qu’il n’avait pas à me donner d’ordres car il était un salarié comme moi. Je n’ai jamais proféré des menaces de mort envers Monsieur Z X c’est un mensonge, j’ai également porté plainte… Je n’ai rien à vous reprocher sur votre travail mais il y a une plainte contre vous donc je ne peut pas vous garder….. »,

-sous le numéro de pièce n°10, un procès verbal de convocation en vue d’une audition libre de H Q G établi le 2 juin 2017 par le commissariat de police de CHAMPIGNY,

-sous le numéro de pièce n°11, le compte rendu d’enquête après identification établi le 3 juillet 2017 par le commissariat de CHAMPIGNY

SUR MARNE indiquant : «… Avis magistrat: classement 21…. », accompagné du procès verbal d’audition de H Q G établi le 26 juin 2017, indiquant : « ….Ce jour là, le patron Monsieur A m’a demandé d’aller dans le camion avec X. Nous étions uniquement tous les deux..dans le Camion… arrivé sur place X m’a demandé d’aller retirer de la terre qu’il y avait dans un trou… Je lui ai donc dit que je n’irais pas… si l’on ne sécurisait pas l’endroit…… Lorsque le patron est arrivé X est parti parler avec lui… le patron est arrivé vers moi me demandant de partir du chantier… question avez vous dit à Monsieur M N

X « Je vais t’attraper tu ne pourras pas baptiser ta fille le 15 août ?..Réponse NON..dans quel but mentirait il? … Car il y a un arrangement entre X et mon patron… Cela fait 5 ans qu’avec X nous travaillons ensemble mais nous ne nous parlons plus depuis 3 ans car X m’avait demandé d’héberger un membre de sa famille… mais j’ai refusé….le patron s’est servi de cela pour me licencier suite à un litige concernant les heures supplémentaires que j’effectue qui remonte à 2013… »,

-sous le numéros de pièces n°12 à 14, ses fiches de paie pour les mois de février et mars 2017, accompagné d’un relevé d’heures.

Il ressort des débats et de l’examen des pièces produites que le 4 mars

2017, X E Z a déposé plainte au commissariat de CHENNEVIERES SUR MARNE contre H Q G pour des faits de menaces de mort réitérées qu’il a détaillés dans son procès verbal de plainte. Le 5 mars 2017, X E Z a informé la B C de la situation en lui communiquant sa plainte. Il est également établi qu’à la date du 6 mars 2017, X E Z

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a été reçu en consultation par le docteur O P M, et qu’il lui a été prescrit de l’Atarax pour traiter son état de nervosité et d’anxiété.

Le salarié a d’ailleurs été arrêté pour maladie du 7 mars au 30 juin 2017, soit pendant une durée de quatre mois.

Au vu de ces éléments, le Conseil considère que les faits de menaces de mort reprochés à H Q G au soutien du licenciement sont établis, peu important la décision de classement prise par le procureur de la République au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée. A cet égard, le Conseil rappelle que cette décision ne revêt pas l’autorité de la chose jugée.

En tout état de cause, les faits reprochés à H Q G sont établis, et sont, par leur nature et leur gravité, constitutifs

d’une faute grave en ce que le comportement de H Q

G a entraîné l’absence de deux salariés, ce qui a nécessairement perturbé l’activité de la B C.

Ainsi, il y a lieu de constater que l’employeur a exactement qualifié de licenciement pour faute grave la rupture à laquelle il a procédé.

La faute grave étant privative des droits à indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité compensatrice de préavis, et à

l’indemnité de licenciement, par application des dispositions des articles L. 1235-3, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, il convient de rejeter les demandes formulées à ce titre, outre celles liées aux congés payés afférents.

Par ailleurs, la mise à pied se trouvant justifiée par cette même faute grave, il y a lieu également de rejeter la demande de rappel de salaire, outre les congés payés afférents.

Sur la remise des documents sociaux 2.

Aux termes de l’article R. 1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer son droit aux prestations sociales.

Compte tenu de l’absence de requalification du licenciement, il n’y a pas lieu d’ordonner à la B C de remettre à H Q G un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation Pôle Emploi, et un certificat de travail.

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3. Sur les demandes accessoires

L’équité commande de débouter B C de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

H Q G, qui succombe, supportera les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le juge départiteur, statuant seul après avoir recueilli l’avis des conseillers présents, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE H Q G de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la B C,

DEBOUTE la B C de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

CONDAMNE H Q G aux dépens.

Le juge départiteur Le greffier

Jujuy

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