Tribunal administratif d'Amiens, 30 juin 2020, n° 1800198

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 30 juin 2020, n° 1800198
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 1800198

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D’AMIENS

N° 1800198 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

ASSOCIATION PAYSAGES DE FRANCE

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. X

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif d’Amiens,

(1ère chambre) Mme Pierre Rapporteur public

___________

Audience du 16 juin 2020 Lecture du 30 juin 2020

___________

02-01-04-02-01 C+

Vu la procédure suivante : COPIE

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 janvier 2018 et le 13 septembre 2019, l’association Paysages de France, représentée par Me Bret, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet de l’Aisne a refusé de prendre les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constatées dans la commune de Vauxbuin ;

2°) d’enjoindre au préfet de l’Aisne de faire dresser des procès-verbaux de constatation d’infraction et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des dispositifs en infraction, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et, en cas d’inexécution par les contrevenants, d’inviter le maire de Vauxbuin à liquider et à recouvrer l’astreinte, dans un délai d’un mois à compter de la notification des arrêtés, ou, à défaut de diligence du maire, de liquider et recouvrer la créance au profit de l’État, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 13 137, 18 euros au titre du préjudice moral qu’elle estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Elle soutient que :

- elle a, eu égard à son objet statutaire, intérêt à agir contre la décision contestée ;

- son représentant a qualité pour agir en son nom dans la présente instance ;

- ses conclusions à fin d’annulation et à fin indemnitaire sont recevables ;

- les dispositifs litigieux étant en infraction au regard des exigences de l’article R. 581-42 du code de l’environnement, le préfet de l’Aisne était tenu, en application des dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, de faire droit à la demande de l’association requérante tendant à ce que le contrevenant soit mis en demeure de mettre les dispositifs litigieux en conformité ou de les supprimer ; la décision du préfet de l’Aisne rejetant implicitement la demande de l’association méconnaît donc les dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement ;

- la carence du préfet lui a causé un préjudice moral dont elle est fondée à solliciter la réparation à hauteur de la somme de 13 137, 18 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2019, le préfet de l’Aisne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

En vertu des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture immédiate d’instruction a été fixée au 13 novembre 2019, par une ordonnance du même jour.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. COPIE

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Pierre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 25 juillet 2016, réceptionné le 29 juillet 2016, l’association Paysages de France a demandé au préfet de l’Aisne de faire usage des pouvoirs de police qu’il tient au titre de l’article L. 581-27 du code de l’environnement afin de mettre un terme à des infractions constatées sur le territoire de la commune de Vauxbuin. Le préfet de l’Aisne a implicitement rejeté cette demande. L’association Paysages de France demande au tribunal, d’une part, d’annuler la décision implicite du préfet de l’Aisne en date du 30 septembre 2016 et, d’autre part, de condamner l’Etat à lui verser une somme de 13 137, 18 euros en réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir du subi du fait de l’illégalité fautive de cette décision implicite.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne l’office du juge :

2. Aux termes de l’article L. 581-27 du code de l’environnement : « Dès la constatation



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d’une publicité, d’une enseigne ou d’une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l’infraction ou son amnistie, l’autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l’enseigne ou la préenseigne irrégulière. / Si cette personne n’est pas connue, l’arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou préenseignes ont été réalisées ». Aux termes de l’article L. 581-14-2 du même code : « Les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s’il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune. Dans ce dernier cas, à défaut pour le maire de prendre les mesures prévues aux articles L. 581-27, L. 581-28 et L. 581-31 dans le délai d’un mois suivant la demande qui lui est adressée par le représentant de l’Etat dans le département, ce dernier y pourvoit en lieu et place du maire ». L’article L. 581-32 de ce code prévoit que : « Lorsque des publicités ou des préenseignes contreviennent aux dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, l’autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article L. 581-27, si les associations mentionnées à l’article L. 141-1 ou le propriétaire de l’immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, les publicités ou préenseignes, en font la demande ». Enfin, aux termes de l’article L. 581-26 de ce code : « (…) Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire ou agent mentionné à l’article L. 581-40. (…) ».

3. Il résulte de ces dispositions que le maire, s’il existe un règlement local de publicité, ou à défaut le préfet, n’est tenu de prendre un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité de publicités, enseignes ou préenseignes irrégulières, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux, qu’après constatation des infractions par des officiers de police judiciaire ou des agents ou fonctionnaires dont la liste figure à l’article L. COPIE 581-40 du code de l’environnement. Toutefois ces prescriptions ne dispensent pas l’autorité compétente en matière de police d’exercer son pouvoir d’appréciation au vu des éléments portés à sa connaissance par un tiers et, dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis, de faire usage des pouvoirs qu’elle tient des dispositions de l’article L. 581-27, en particulier celui de faire constater les éventuelles infractions par des agents habilités à cette fin. Le juge, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l’autorité de police refusant de faire application des pouvoirs qui sont les siens, contrôle la matérialité des faits litigieux, même en l’absence de procès-verbal constatant l’infraction, et, au cas où l’infraction serait constituée, censure le refus de l’autorité précitée de faire cesser l’irrégularité.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 581-27 du code de l’environnement :

4. Aux termes de l’article L. 581-3 du code de l’environnement : « Au sens du présent chapitre : 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ; / 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée ». L’article L. 581-19 du même code prévoit que : « Les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité. (…) ». Aux termes de l’article R. 581-42 de ce code: «



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Le mobilier urbain peut, à titre accessoire eu égard à sa fonction et dans les conditions définies par la présente sous-section, supporter de la publicité non lumineuse ou de la publicité éclairée par projection ou par transparence ». L’article R. 581-47 du même code prévoit que : « Le mobilier urbain destiné à recevoir des informations non publicitaires à caractère général ou local, ou des œuvres artistiques, ne peut supporter une publicité commerciale excédant la surface totale réservée à ces informations et œuvres. Lorsque ce mobilier urbain supporte une publicité d’une surface unitaire supérieure à 2 mètres carrés et qu’il s’élève à plus de 3 mètres au-dessus du sol, il doit être conforme aux dispositions des articles R. 581-31 et R. 581-32 et du premier alinéa de l’article R. 581-33 ».

5. Il résulte des dispositions précitées que les préenseignes sont soumises aux dispositions régissant la publicité et par suite, aux exigences cumulatives des articles R. 581-42 et R. 581-47 du code de l’environnement. Il en résulte que la surface des préenseignes implantées sur du mobilier urbain, ne peut excéder celle réservée, sur ce mobilier, aux informations non publicitaires et que ces éléments publicitaires doivent avoir un caractère accessoire par rapport à la fonction informative du mobilier.

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de relevé d’infraction n° 02-VB-14 transmise par l’association requérante au préfet dans son courrier du 25 juillet 2016, que six dispositifs de mobilier urbain prenant la forme de panneaux de type sucette sont implantés sur l’un des accotements de la voie à double sens dénommée route de Paris, dans la commune de Vauxbuin, en sortie d’agglomération et en direction de Soissons. Ces panneaux disposent de deux faces, l’une, côté sens de la circulation vers Vauxbuin, présentant des informations d’intérêt local de la commune de Vauxbuin, l’autre, côté sens de la circulation vers Soissons des éléments assimilables à des préenseignes, concernant des commerces et activités implantés dans la commune. Ainsi, dans le sens Vauxbuin-Soissons, les usagers de la route ne voient que la face portant une préenseigne. La face de ces panneaux consacrée à l’information locale n’est donc visible que par les seuls usagers de la voie venant en sens inverse. Or, compte COPIE tenu de la taille modeste de ces panneaux, de la distance entre les panneaux et les usagers de cette voie, mais également de leur positionnement hors du champ de vision de l’usager de la voie, cette face d’information locale n’est que difficilement perceptible. Par suite, ces mobiliers urbains doivent être regardés comme ayant un usage de préenseignes à titre principal, de sorte que leur disposition méconnaît les exigences de l’article R. 581-42 du code de l’environnement, qui ne permet qu’ils supportent des préenseignes qu’à titre accessoire.

7. Il suit de là que le préfet de l’Aisne, autorité compétente en matière de police de la publicité sur le territoire de la commune de Vauxbuin en l’absence de règlement local de publicité pour cette commune, une fois saisi de la demande circonstanciée de l’association Paysages de France tendant à ce qu’il prenne, sur le fondement des dispositions de l’article L. 581-27 du code de l’environnement, les mesures de nature à mettre un terme aux infractions constituées par la disposition de ces six panneaux, était tenu de faire usage des pouvoirs que lui confère cet article et notamment de faire constater ces infractions par des agents habilités. En s’abstenant d’y pourvoir, le préfet de l’Aisne a méconnu les obligations que lui imposent les dispositions précitées de l’article L. 581-27 du code de l’environnement. Dès lors, la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur la demande présentée par l’association Paysages de France le 29 juillet 2016 est illégale et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Le motif d’annulation implique qu’il soit enjoint au préfet de l’Aisne, sous réserve que



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les dispositifs publicitaires n’ont été ni supprimés ni mis en conformité, de faire constater les infractions correspondant à la fiche de relevé d’infraction n° 02-VB-14 par un agent habilité à cette fin et de prendre ensuite les mesures nécessaires prévues par l’article L. 581-27 du code de l’environnement, le tout dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Aux termes des statuts de l’association Paysages de France : « L’association a pour objet de protéger, réhabiliter et valoriser les paysages urbains et non urbains (…). Pour ce faire, elle lutte contre toutes les atteintes au paysage et au cadre de vie et contre toutes les formes de pollution, notamment visuelle, dans les paysages urbains et non urbains, y compris maritimes et aériens. Elle veille au strict respect de l’ensemble des textes législatifs et réglementaires qui concernent la protection et la défense des paysages, ou y contribuent. A cet effet, elle se propose notamment de lutter contre les atteintes au cadre de vie constituées par les dispositifs publicitaires, enseignes et pré-enseignes au sens de l’article L. 581-3 du Code de l’environnement et de veiller à la stricte application des dispositions du Code de la route relatives aux installations de même nature (…) ».

10. Il résulte de l’instruction que le travail que suppose pour l’association la protection des intérêts mentionnés ci-dessus est important et complexe et que le nombre des infractions constatées sur le territoire de la commune de Vauxbuin, la durée de leur persistance et la multiplicité des démarches qu’elle a dû accomplir pour y faire mettre un terme ont été de nature à porter atteinte à sa crédibilité, ainsi qu’à entraver la réalisation de son objet social. Dès lors, l’association doit être regardée comme démontrant l’existence d’un préjudice moral direct, certain et personnel.

11. Eu égard au nombre des infractions relevées et à la durée de l’inertie des services de l’Etat, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l’association en l’évaluant à COPIE la somme de 1 000 euros.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’association Paysages de France et non compris dans les dépens.



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D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du préfet de l’Aisne en date du 30 septembre 2016 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Aisne, sous réserve que les dispositifs publicitaires n’ont été ni supprimés ni mis en conformité, de faire constater les infractions correspondant à la fiche de relevé d’infraction n° 02-VB-14 par un agent habilité à cette fin et de prendre ensuite les mesures prévues par l’article L. 581-27 du code de l’environnement, le tout dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat est condamné à verser la somme de 1 000 euros à l’association Paysages de France en réparation de son préjudice moral.

Article 4 : L’Etat versera une somme de 1 500 euros à l’association Paysages de France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l’association Paysages de France et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

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