Tribunal administratif d'Amiens, 4ème chambre, 20 décembre 2022, n° 2003180

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 4e ch., 20 déc. 2022, n° 2003180
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2003180
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 octobre 2020, le 25 décembre 2020 et le 5 juin 2021, M. A C doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de l’obligation de payer la somme totale de 14 688 euros mise à sa charge par les avis des sommes à payer nos 114, 115, 124, 147, 175, 219, 1, 2, 28, 46, 62, 80, 95, 113 et 130 émis à son encontre les 17 août, 14 septembre, 12 octobre et 5 novembre 2018, 24 et 25 janvier, 12 mars, 2 avril, 14 mai, 3 juin, 3 juillet, 1er et 30 août 2019 et correspondant aux redevances pour occupation sans droit ni titre d’un logement communal situé (ANO)1 rue des Clabaudois(ANO) à Plachy-Buyon pour les mois de juillet 2018 à juillet 2019 inclus ;

2°) d’annuler la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise à son encontre le 14 septembre 2020 par le centre des finances publiques de Poix-de-Picardie auprès de son établissement bancaire en vue du recouvrer cette somme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plachy-Buyon la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la notification de saisie administrative à tiers détenteur ainsi que l’ensemble des titres exécutoires en litige sont illégaux du fait de l’illégalité dont l’arrêté du 3 janvier 2018 est entaché dès lors que cet arrêté n’est justifié par aucun danger ou incompatibilité avec la bonne marche du service en méconnaissance de l’article 27 du décret du 30 juillet 1987 et que le maire a considéré, à tort, que son congé pour maladie entraînait la résiliation de l’occupation dudit logement ;

— la notification de saisie administrative à tiers détenteur ainsi que l’ensemble des titres exécutoires en litige sont illégaux du fait de l’illégalité dont l’arrêté du 28 juin 2018 est entaché dès lors que cet arrêté a été pris par une autorité incompétente, qu’il est lui-même dépourvu de base légale par l’illégalité de l’arrêté du 3 janvier 2018, qu’il vise, à tort, l’article R. 2124-74 du code général de la propriété des personnes publiques relatif aux concessions de logement dans les immeubles appartenant à l’État et qu’il ne lui a jamais été notifié, en dépit de ses réclamations ;

— aucun loyer, ni redevance ne pouvait lui être réclamé du fait de l’insalubrité du logement en litige ;

— la commune de Plachy-Buyon est coupable d’escroquerie au jugement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 décembre 2020 et le 29 avril 2021, la commune de Plachy-Buyon, représentée par Me Quennehen, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

— qu’elle est irrecevable dès lors que les arrêtés invoqués ne sont pas produits, que les conclusions fin d’annulation sont tardives et que M. C n’a pas satisfait aux exigences des articles L. 281, R. 281 et R. 281-3 du livre des procédures fiscales ;

— les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 mai 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 juin 2021 à 12h00.

Par un courrier du 29 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement à intervenir était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions dirigées contre la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise le 14 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D ;

— les conclusions de M. Lapaquette, rapporteur public ;

— et les observations de Me Delort, représentant la commune de Plachy-Buyon.

Considérant ce qui suit :

1. M. A C, fonctionnaire territorial employé en qualité de garde-champêtre principal par la commune de Plachy-Buyon, doit être regardé comme demandant au tribunal, d’une part, de prononcer la décharge de l’obligation de payer la somme totale de 14 688 euros mise à sa charge par les avis des sommes à payer nos 114, 115, 124, 147, 175, 219, 1, 2, 28, 46, 62, 80, 95, 113 et 130 émis à son encontre les 17 août, 14 septembre, 12 octobre et 5 novembre 2018, 24 et 25 janvier, 12 mars, 2 avril, 14 mai, 3 juin, 3 juillet, 1er et 30 août 2019 et correspondant aux redevances pour occupation sans droit, ni titre d’un logement communal situé (ANO)1 rue des Clabaudois(ANO) à Plachy-Buyon pour les mois de juillet 2018 à juillet 2019 inclus et d’autre part, d’annuler la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise à son encontre le 14 septembre 2020 auprès de son établissement bancaire en vue du recouvrement de cette somme.

Sur la notification de saisie administrative à tiers détenteur :

2. Aux termes de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « () 1° En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur. / () / L’action dont dispose le débiteur d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d’un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l’article L. 281 du livre des procédures fiscales ». En outre, l’article L. 281 du livre des procédures fiscales dispose que : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / () / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l’acte ; / 2° A l’exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l’obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l’exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / () / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales () devant le juge de l’exécution ".

3. Il résulte de ces dispositions que l’ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l’exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

4. Si M. C conteste la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise à son encontre le 14 septembre 2020 par le centre des finances publiques de Poix-de-Picardie auprès de son établissement bancaire en vue de recouvrer la somme correspondant aux redevances pour occupation sans droit ni titre d’un logement communal, une telle demande, qui concerne le contentieux du recouvrement, ressortit toutefois non à la compétence de la juridiction administrative mais à celle du juge judiciaire. Par suite, les conclusions à fin d’annulation dirigées contre cette notification doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les titres exécutoires :

En ce qui concerne l’exception d’incompétence :

5. Il est constant que le bien en cause, auparavant concédé en tant que logement de fonction d’instituteurs et occupé depuis 1999 par M. C pour nécessité absolue de service, appartient au domaine public de la commune de Plachy-Buyon. Si la commune fait valoir que son conseil municipal a sollicité, par une délibération du 27 juin 2002, le déclassement de ce bien auprès de l’inspecteur d’académie, cette délibération ne saurait toutefois être regardée comme procédant au déclassement effectif du logement en litige. Il s’ensuit que le présent litige, relatif au bien-fondé de créances correspondant à des redevances pour occupation sans droit ni titre d’un bien du domaine public ressortit de la compétence du juge administratif. Dans ces conditions, l’exception d’incompétence soulevée par la commune de Plachy-Buyon ne peut qu’être écartée.

En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge :

6. En premier lieu, l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l’application du premier acte ou s’il en constitue la base légale. S’agissant d’un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l’expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception n’est, en revanche, recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

7. Par ailleurs, aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée () ».

8. Enfin, il incombe à l’administration, lorsqu’elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’action introduite devant un tribunal administratif, d’établir que le contribuable a reçu notification régulière de la décision prise sur sa réclamation. En cas de retour à l’administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe, soit, à défaut, d’une attestation de l’administration postale ou d’autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, de deux avis d’instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

9. D’une part, M. C excipe de l’illégalité de l’arrêté du 3 janvier 2018 par lequel le maire de la commune de Plachy-Buyon a décidé que le logement mis à sa disposition ne pouvait plus être regardé comme un logement de fonctions, ni faire l’objet d’une convention d’occupation précaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le soutient d’ailleurs M. C, que cet arrêté lui a été notifié le 10 janvier 2018 avec la mention des voies et délais de recours contentieux. Cette notification ayant eu pour effet de faire courir le délai de recours de deux mois imparti à l’article R. 421-1 du code de justice administrative, cet arrêté était devenu définitif au 5 octobre 2020, date à laquelle cette exception d’illégalité a été soulevée. Par suite, M. C n’est pas recevable à exciper de l’illégalité de l’arrêté du 3 janvier 2018.

10. D’autre part, M. C excipe également de l’illégalité de l’arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Plachy-Buyon lui a fait obligation de quitter le logement litigieux à compter du 2 octobre 2018 et l’a informé qu’une redevance mensuelle égale à la valeur locative réelle du local occupé, majorée de 50% pour les six premiers mois et de 100% au-delà, sera mise à sa charge jusqu’à libération des lieux. Il ressort des mentions figurant sur l’avis de réception, produit par la commune, que le pli de notification de l’arrêté du 28 juin 2018, mentionnant les voies et délais de recours ouverts à son encontre, a été envoyé au domicile de M. C, au (ANO)1 rue des Clabaudois(ANO) à Plachy-Buyon, qui en a été avisé, au plus tard, le 31 juillet 2018 et a été retourné aux services municipaux revêtu des tampons « Non réclamé » et « Retour à l’envoyeur ». Ces mentions claires, précises et concordantes permettent d’établir que le requérant a bien été avisé de ce qu’un pli était en instance. En outre, si M. C soutient que la commune ne pouvait ignorer qu’il avait changé d’adresse pour raisons de santé, il n’établit pas que l’adresse à laquelle le pli lui a été envoyé ne correspondait pas, à cette date, à celle de son domicile ni qu’il avait informé les services municipaux d’un tel changement d’adresse ce alors, au demeurant, qu’il s’agit de celle à laquelle l’intéressé se déclare être toujours domicilié à la date d’introduction de sa requête. Dans ces conditions, l’arrêté du 28 juin 2018 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. C au 31 juillet 2018. Il suit de là que le 5 octobre 2020, date à laquelle l’exception d’illégalité a été soulevée, cet arrêté était devenu définitif, faute d’avoir été contesté dans le délai de recours contentieux de deux mois. Il s’ensuit que le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cet arrêté doit, également, être écarté du fait de son irrecevabilité.

11. En deuxième lieu, si M. C soutient qu’aucun loyer ou redevance ne pouvait être mis à sa charge en raison de l’insalubrité du logement en litige, l’intéressé n’apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité de telles allégations.

12. En dernier lieu, il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le délit d’escroquerie réprimé par l’article 313-1 du code pénal que le requérant accuse la commune de Plachy-Buyon d’avoir commis. A supposer que M. C ait entendu soulever, par son argumentaire, un moyen tiré du détournement de pouvoir, il résulte de ce qui précède qu’un tel moyen ne peut qu’être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres fins de non-recevoir opposées par la commune de Plachy-Buyon, que les conclusions à fin de décharge présentées par M. C doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plachy-Buyon, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Plachy-Buyon et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions dirigées contre la notification de saisie administrative à tiers détenteur émise le 14 septembre 2020 sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté

Article 3 : M. C versera à la commune de Plachy-Buyon une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à M. A C et à la commune de Plachy-Buyon.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Binand, président,

— Mme B et Mme D, conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

P. DLe président,

Signé

C. BINAND

Le greffier,

Signé

N. VERJOT

La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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