Tribunal administratif d'Amiens, 10 novembre 2023, n° 2303402

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 10 nov. 2023, n° 2303402
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2303402
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Tribunal administratif d'Amiens, 20 juillet 2023
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 22 janvier 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 octobre 2023, le 2 novembre 2023 et le 6 novembre 2023, le préfet de l’Aisne demande au juge des référés :

1°) à titre principal, de suspendre sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative et du 3ème alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, l’exécution de l’article 9 de l’arrêté du 20 avril 2023 accordant un permis de construire à la société par actions simplifiée (SAS) Rockwool France en tant que cet article dispose que la réalisation des travaux autorisés est différée jusqu’à l’obtention par la pétitionnaire de la dérogation « espèces protégées » prévue par les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, à exprimer sous la forme d’une autorisation environnementale modifiée ou d’une nouvelle autorisation environnementale ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre l’arrêté du 20 avril 2023 et d’enjoindre à la commune de Courmelles de délivrer dans un délai de quinze jours suivant la notification de l’ordonnance, le permis de construire sollicité sans réitération de l’obligation prescrite par cet article 9 ;

Il soutient que :

— sa requête en déféré-suspension est recevable dès lors que le délai de recours contentieux a été prolongé par sa demande tendant au retrait de cet article qui a été reçue le

26 juillet 2023 par la commune et implicitement rejetée le 26 septembre suivant ; le secrétaire général de la préfecture est régulièrement habilité par arrêté du 13 septembre 2023 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l’Aisne le même jour ;

— le projet en cause qui a reçu une autorisation environnementale ne requiert pas l’obtention de la dérogation « espèces protégées » prévue par les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, que la pétitionnaire n’avait d’ailleurs pas demandée, en l’absence de risques suffisamment caractérisés d’atteinte à de telles espèces et à leur habitat naturel, ainsi que l’a notamment relevé le jugement avant dire droit du tribunal n°2102663, 2102680 du 26 juillet 2023 ; aussi, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire ne peut subordonner le début des travaux autorisés à l’obtention de cette dérogation sans méconnaître les dispositions de l’article L. 425-15 et celles de l’article R. 424-6 du code de l’urbanisme ;

— l’obligation d’obtenir une telle dérogation prescrite à cet arrêté méconnaît le principe de l’indépendance des législations ;

— l’article 9 de l’arrêté litigieux présente un caractère divisible du permis de construire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 octobre 2023 et le 2 novembre 2023, la commune de Courmelles représentée par Adden avocats conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’Etat de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est irrecevable dès lors qu’il n’est pas justifié d’une délégation de signature donnée au secrétaire général de la préfecture de l’Aisne pour ester en justice ;

— aucun des moyens soulevés n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’article 9 de l’arrêté du 20 avril 2023, qui se borne à rappeler l’obligation d’obtenir la dérogation à laquelle la pétitionnaire est soumise compte tenu de l’atteinte portée par le projet à l’ensemble des espèces protégées et à leur habitat ;

— l’ampleur des incidences du projet sur la faune et son habitat, confirmée par la critique de l’étude naturaliste qu’elle produit, justifie, en application des principes posés par la décision n°463563 du Conseil d’Etat rendue le 9 décembre 2022, la nécessité d’obtenir une dérogation « espèces protégées » au regard du risque caractérisé que ce projet présente pour les espèces protégées, en dépit des mesures de compensation prévues ; le constat d’opérations réalisées sur le site, qui a donné lieu au dépôt d’une plainte pénale contre X, fait naître un doute sur l’effectivité des mesures d’évitement de réduction et de compensation qui seront mises en place par la société Rockwool France d’autant plus qu’une extension des installations est d’ores et déjà envisagée ;

— il appartient au juge des référés, dès lors que la condition d’urgence n’est pas requise en matière de déféré-suspension, de prendre en considération l’intérêt général qui s’attache à éviter que soit portée une atteinte non justifiée et difficilement réparable à l’environnement.

Par des mémoires en intervention au soutien du préfet de l’Aisne enregistrés le

2 novembre 2023 et le 3 novembre 2023 la SAS Rockwool France demande au tribunal :

1°) à titre principal, de suspendre l’exécution de l’article 9 de l’arrêté du 20 avril 2023 ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre cet arrêté et d’enjoindre à la commune de Courmelles de délivrer dans un délai de quinze jours suivant la notification de l’ordonnance, le permis de construire sollicité sans reprise de l’obligation prescrite par cet article 9 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Courmelles une somme de 8 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le secrétaire général de la préfecture de l’Aisne a reçu délégation pour signer la requête par arrêté du 5 décembre 2022 régulièrement publié ;

— la commune de Courmelles ne justifie pas de l’habilitation à défendre requise par l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ;

— l’autorité municipale n’est pas compétente pour imposer l’obtention de la dérogation prévue par les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;

— une telle dérogation n’est pas requise en l’espèce en l’absence de risque d’atteinte suffisamment caractérisée pour les espèces protégées compte tenu notamment des mesures d’évitement et de réduction prévues.

Vu :

— la requête, enregistrée le 6 octobre 2023 sous le n° 2303401 présentée par le préfet de l’Aisne ;

—  les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de l’environnement ;

— les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Binand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties de l’audience publique.

Ont été entendus au cours de l’audience publique le 6 novembre 2023 à 10h00, en présence de Mme Grare, greffière :

— le rapport de M. Binand, juge des référés ;

— les observations de Mme A, représentant le préfet de l’Aisne qui reprend en les développant les moyens et arguments déjà exposés en insistant sur ce que :

— les considérations tenant à l’intérêt général, qui ont trait à l’appréciation de la condition d’urgence, ne sont pas au nombre de celles susceptibles d’être retenues par le juge des référés pour se prononcer sur le mérite d’un déféré-suspension ;

— le premier adjoint au maire de Courmelles ne tire pas des dispositions de l’article L. 425-15 du code de l’urbanisme la possibilité de différer le début des travaux jusqu’à l’obtention d’une dérogation au titre du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;

— aucune dérogation « espèces protégées » n’est nécessaire, en l’absence d’atteinte caractérisée aux intérêts protégés par ces dispositions compte tenu de l’ensemble des mesures d’évitement, de réduction et de compensation qui ont été arrêtées, sur avis favorable des instances compétentes, et ce alors que la validité de l’autorisation environnementale délivrée à la Société Rockwool France n’a pas été remise en cause sur ce point par le jugement avant-dire droit du tribunal administratif d’Amiens du 21 juillet 2023 ; ainsi l’impact brut sur les espèces de chauve-souris, qui était le seuil de niveau modéré, sera négligeable après prise en compte des mesures d’évitement, de réduction et compensation ; les opérations de labourage ont été menées à des fins d’entretien dans le respect de l’autorisation environnementale accordée ; il ne peut être présumé de l’absence de mise en oeuvre effective des mesures définies par cette autorisation ;

— les observations de Me Sacksick pour la commune de Courmelles qui reprend en les développant les moyens et arguments déjà exposés en insistant sur ce que :

— des considérations d’intérêt général sont susceptibles de faire obstacle, à titre exceptionnel, à la suspension de l’exécution d’une décision, même en cas de doute sérieux, lorsqu’aucune condition d’urgence n’est requise ; en l’espèce, le début de travaux, envisagé par la société Rockwool dès la fin du mois de novembre, expose à des conséquences difficilement réversibles sur l’environnement alors que cette société ne dispose ni d’un permis de construire, ni d’une autorisation environnementale définitifs, que l’avancement de la reprise d’instruction de l’autorisation environnementale enjointe par le tribunal n’est pas connu à ce jour et qu’aucune autre instance de référé ne peut plus être introduite à l’encontre du permis de construire délivré à titre provisoire ;

— le différé de travaux est légalement fondé par l’article L. 421-15 du code de l’urbanisme, au regard des principes jurisprudentiels postérieurs à l’autorisation environnementale qui a été délivrée, dès lors que ce projet porte, par sa nature, et en dépit des mesures d’évitement et de réduction prévues, une atteinte suffisamment caractérisée aux espèces protégées et à leur habitat naturel exigeant que la pétitionnaire obtienne de l’autorité compétente une dérogation ; la mesure de compensation prévue est tout autant insuffisante pour pallier aux conséquences dommageables de la destruction de 13,6 hectares d’une friche prairiale  ; aussi, il incombait à la commune d’en faire état en application des articles R. 424-6 et A. 424-6 de ce code.

En application de l’article R. 522-8 du code de justice administrative, l’instruction a été close à l’issue de l’audience.

Deux notes en délibéré présentées respectivement pour la commune de Courmelles et pour la SAS Rockwool France ont été enregistrées le 7 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Souhaitant édifier un site de production de laine de roche sur une parcelle située au sein de la zone d’aménagement concerté du Plateau sur le territoire de la commune de Courmelles, la société par actions simplifiée (SAS) Rockwool France a déposé une demande de permis de construire en ce sens le 27 février 2020. Relevant de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, le projet a également fait l’objet d’une demande d’autorisation environnementale auprès du préfet de l’Aisne qui lui a été accordée le 31 mars 2021. Par un arrêté du 1er mars 2021, le maire de Courmelles a refusé le permis de construire sollicité. Cet arrêté a été annulé par le jugement N°s 2102509, 2102803 du 8 décembre 2022 du tribunal administratif d’Amiens, motifs pris, d’une part, de la méconnaissance, par le maire, du principe d’impartialité et d’autre part de ce que les motifs de ce refus, à l’exception de deux d’entre eux, étaient entachés d’illégalité. Par ce même jugement, le tribunal a enjoint à l’autorité municipale de réexaminer la demande de permis de construire de la SAS Rockwool France dans un délai de trois mois. Par arrêté du 20 avril 2023, le premier adjoint au maire de la commune de Courmelles, a délivré, à titre provisoire, dès lors que le jugement du tribunal était frappé d’un appel assorti d’une demande de sursis à exécution, le permis de construire intégrant les modifications auxquelles la pétitionnaire avait procédé afin de remédier aux deux vices relevés par le tribunal et qui justifiaient le refus de sa première demande. Toutefois, il a indiqué à l’article 9 de cet arrêté que la réalisation des travaux était différée jusqu’à l’obtention de la dérogation « espèces protégées » prévue par les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui devrait être exprimée sous la forme d’une autorisation environnementale modifiée ou d’une nouvelle autorisation environnementale à délivrer par l’autorité compétente. Le préfet de l’Aisne demande au juge des référés de suspendre sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative et du 3ème alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, l’exécution de ce seul article ou, à titre subsidiaire, de l’arrêté du 20 avril 2023 dans sa totalité dans le cas où l’article 9 n’en serait pas divisible.

Sur l’intervention à l’instance :

2. La SAS Rockwool France, en sa qualité de pétitionnaire du permis de construire a un intérêt suffisant au litige et s’est associée aux conclusions du préfet de l’Aisne dans la requête au fond enregistrée au greffe du tribunal sous le n°2303401. Par suite, il y a lieu d’admettre son intervention au soutien du préfet de l’Aisne dans la présente instance.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Courmelles :

3. Il résulte de l’instruction que, par un arrêté du 13 septembre 2023, publié au n°02-2023-143 du recueil des actes administratifs de la préfecture de l’Aisne en date du même jour, le préfet de l’Aisne a donné délégation à M. Alain Ngouoto, secrétaire général de la préfecture de l’Aisne, délégation à l’effet, notamment de signer les déférés préfectoraux. Par suite, le moyen tiré de ce M. B, n’était pas compétent pour introduire la présente requête qui constitue un déféré préfectoral en suspension, manque en fait et doit être écartée.

Sur les conclusions à fin de suspension :

4. Il résulte de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, reprenant le troisième alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales que le représentant de l’Etat peut assortir son recours tendant à l’annulation des actes de communes d’une demande de suspension. Il est alors fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué.

5. D’une part, l’article R. 424-6 du code de l’urbanisme prescrit que lorsque la réalisation des travaux est différée dans l’attente de formalités prévues par une autre législation, la décision en fait expressément la réserve. En vertu de l’article A. 424-6 de ce code, l’autorisation d’urbanisme délivrée en indique alors les motifs et précise les délais dans lesquels les travaux pourront commencer.

6. D’autre part, l’article L. 411-1 du code de l’environnement interdit la destruction ou la perturbation de certaines espèces protégées ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats. Le 4° de l’article L. 411-2 de ce code prévoit, toutefois, qu’une dérogation à cette interdiction peut être délivrée pour les motifs qu’il énumère, lorsqu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et à condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. En vertu de l’article L. 181-3 du code de l’environnement, l’autorisation environnementale délivrée par l’autorité préfectorale, lorsqu’elle est requise, ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également le respect des conditions de délivrance de cette dérogation, dont elle tient lieu comme le précisent les dispositions du 5° du I de l’article L. 181-2 du même code. Enfin, aux termes de l’article L. 425-15 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet porte sur des travaux devant faire l’objet d’une dérogation au titre du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre avant la délivrance de cette dérogation. ».

7. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d’oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d’examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation « espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation « espèces protégées ».

8. En l’espèce, il est constant que la société Rockwool France, qui a expressément indiqué dans le dossier de demande de permis de construire que son projet n’était pas soumis à l’obtention d’une dérogation " espèces protégées, s’est vu délivrer une autorisation environnementale par le préfet de l’Aisne le 31 mars 2021, ne faisant pas état de la nécessité d’une telle dérogation et qui présente, à la date de l’arrêté contesté, et encore à ce jour, un caractère exécutoire. Si la commune soutient que le projet, par son ampleur et ses incidences dommageables sur la friche prairiale sur laquelle il sera implanté, présente un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées qui fréquentent le site, y compris après prise en compte des mesures de réduction et d’évitement qui sont prévues, un tel risque n’a pas été relevé à l’issue de l’étude d’impact et de l’étude naturaliste du cabinet CERE qui lui est jointe, dont il résulte que, s’agissant de la faune, les mesures d’évitement et de réduction prévues, notamment en adaptant les périodes et les modalités de réalisation des travaux aux enjeux écologiques, réduiront à un niveau négligeable l’impact du projet sur les chiroptères protégés qui transitent et, s’agissant de l’avifaune protégée, à un niveau négligeable sur la Bondrée apivore et faible voire nul sur le Tarier pâtre. De tels risques n’ont pas davantage été relevés par le jugement du 21 juillet 2023, certes non définitif, par lequel le tribunal a sursis à statuer sur la légalité de l’autorisation environnementale jusqu’aux mesures de régularisation qu’il a déterminées, après avoir estimé que l’obtention d’une telle dérogation n’était pas nécessaire. En outre, si la commune en se prévalant à l’instance d’une analyse critique de l’étude naturaliste réalisée à sa demande par le bureau d’études Octobre Environnement, conteste le bien-fondé de ces appréciations et notamment la complétude des espèces protégées identifiées, faute d’inclure notamment la Linotte mélodieuse et l’Hirondelle rustique, et plus généralement l’ensemble des oiseaux sauvages, ainsi que la pertinence même des mesures d’évitement et de réduction proposées, cette analyse fait elle-même l’objet en retour d’une contestation circonstanciée du préfet de l’Aisne. Enfin, les doutes exprimés par la commune de Courmelles sur l’engagement de la société pétitionnaire à assurer l’effectivité des mesures d’évitement, de réduction et de compensation prévues par l’autorisation environnementale qui lui a été délivrée ne sont pas suffisamment étayés par la seule circonstance qu’une plainte pénale, qui ne vise pas la SAS Rockwool France, a été déposée à la suite du constat d’opérations de labourage sur le site ni par la perspective d’une extension ultérieures des installations. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le premier adjoint de la commune de Courmelles s’est à tort fondé sur ce que le projet comporte un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées fréquentant le site et a, par suite, fait une inexacte application des dispositions des articles L. 425-15, R 424-6 et A 424-6 du code de l’urbanisme en subordonnant par l’article 9 de son arrêté du 20 avril 2023, le début des travaux à l’obtention d’une autorisation environnementale comportant la dérogation prévue au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux.

9. Compte tenu de ce qui précède et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que la suspension du différé de mise en œuvre des travaux autorisés par le permis de construire délivré à titre provisoire le 20 avril 2023, porterait à l’intérêt général une atteinte d’une particulière gravité justifiant, à titre exceptionnel, de rejeter le déféré du préfet de l’Aisne, il y a lieu de suspendre l’exécution de l’article 9 de l’arrêté du 20 avril 2023, qui est divisible des autres dispositions de cet arrêté. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens soulevés ne paraît, en l’état de l’instruction, de nature à fonder la suspension demandée.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante, le versement à la commune de Courmelles de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés au cours de l’instance et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Courmelles le versement d’une somme à la SAS Rockwool France au titre des mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L’intervention de la SAS Rockwool France est admise.

Article 2 : L’exécution de l’article 9 de l’arrêté du 20 avril 2023 du premier adjoint au maire de Courmelles est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur le déféré du préfet de l’Aisne enregistré sous le n° 2303401.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Courmelles et par la société par actions simplifiée Rockwool France au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’intérieur et des outre-mer, à la commune de Courmelles et à la société par actions simplifiée Rockwool France.

Copie pour information adressée au préfet de l’Aisne.

Fait à Amiens, le 10 novembre 2023.

Le Juge des référés

SIGNE :

C. BinandLa greffière,

SIGNE :

S. Grare La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°230340

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