Tribunal administratif d'Amiens, Reconduite à la frontière, 8 février 2023, n° 2300177

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, reconduite à la frontière, 8 févr. 2023, n° 2300177
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2300177
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 juin 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

G une requête enregistrée le 18 janvier 2023 M. C E, représenté G Me Tourbier, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 3 janvier 2023 lequel le préfet du Nord a prononcé son transfert aux autorités polonaises ;

3°) d’enjoindre au préfet du Nord de prendre en charge l’instruction de sa demande d’asile dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision attaquée a été signée G une autorité incompétente ;

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

— la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Le 19 janvier 2023, le préfet du Nord, a produit les pièces du dossier de M. E.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Galle, vice-présidente, conformément aux articles L. 572-5 et L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour statuer en qualité de juge du contentieux des décisions de transfert.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme A, vice-présidence, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E, ressortissant congolais né le 29 avril 1976, s’est présenté à la préfecture de l’Oise le 6 décembre 2022, en vue de déposer une demande d’asile. Le 9 décembre 2022, les autorités polonaises ont été saisies d’une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions de l’article 18, paragraphe 1, b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités polonaises ont donné leur accord explicite à la reprise en charge de M. E le 14 décembre 2022. G un arrêté du 3 janvier 2023, notifié le même jour, le préfet du Nord a décidé du transfert de l’intéressé aux autorités polonaises.

Sur l’aide juridictionnelle provisoire et la part contributive de l’Etat :

2. D’une part, M. E a présenté une demande d’aide juridictionnelle sur laquelle il n’a pas encore été statué. Il y a lieu d’admettre le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

3. D’autre part, aux termes de l’article 38 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : « La contribution versée G l’Etat est réduite, selon des modalités fixées G décret en Conseil d’Etat, lorsqu’un avocat ou un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est chargé d’une série d’affaires présentant à juger des questions semblables ». Aux termes de l’article 92 du décret du 28 décembre 2020 susvisé : « La part contributive versée G l’Etat à l’avocat, ou à l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite G le juge de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s’il y a lieu pour les affaires supplémentaires ».

4. La présente requête concerne la situation administrative de M. E, concubin de Mme F, qui a également fait l’objet d’une décision de transfert du 3 janvier 2023, et a présenté une requête, enregistrée sous le n° 2300176, tendant à l’annulation de ce transfert en étant assistée du même avocat que M. E. G le jugement n° 2300176, Mme F s’est vu accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Ces deux requêtes reposent sur les mêmes faits et présentent des moyens et conclusions identiques. G suite, dans l’hypothèse où l’aide juridictionnelle serait accordée à titre définitif à Mme F et à M. E G le bureau d’aide juridictionnelle, la part contributive de l’Etat sera réduite de 30 % dans l’instance n° 2300177 concernant M. E en application des dispositions citées au point précédent.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

5. En premier lieu, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l’existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. G un arrêté du 13 octobre 2022 publié le même jour au recueil spécial n° 245 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B D, cheffe du bureau de l’asile, à l’effet de signer, en particulier, la décision attaquée. Le moyen d’incompétence du signataire de la décision litigieuse, qui manque en fait, doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il précise que M. E a demandé l’asile en France le 6 décembre 2022 et que les autorités polonaises, saisies G la France le 9 décembre 2022 sur le fondement du paragraphe 1, b) de l’article 18 de ce règlement, ont explicitement accepté de le reprendre en charge le 14 décembre 2022 le fondement de cette disposition. Dès lors, l’arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. E de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d’exercer utilement son recours. G suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêté contesté doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ; c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens G lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données G écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 () ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’asile auquel l’administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu’il est susceptible d’entrer dans le champ d’application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision G laquelle l’autorité administrative décide de refuser l’admission provisoire au séjour de l’intéressé au motif que la France n’est pas responsable de sa demande d’asile, une information complète sur ses droits, G écrit et dans une langue qu’il comprend. Cette information doit comprendre l’ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l’article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise G l’autorité administrative de la brochure prévue G les dispositions précitées constitue pour le demandeur d’asile une garantie.

8. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E s’est vu délivrer, lors d’un entretien individuel, le 6 décembre 2022, deux brochures d’informations en langue française, comprise G l’intéressé, dont l’une dite « A » intitulée « J’ai demandé l’asile dans l’Union européenne – Quel pays sera responsable de ma demande ' », l’autre dite « B » intitulée « Je suis sous procédure Dublin – qu’est-ce que cela signifie ' ». Le préfet du Nord produit une copie de chacune des brochures remises au requérant portant la signature de l’intéressé. Ces deux brochures comportent l’ensemble des informations rendues obligatoires G les dispositions précitées. Ainsi, le requérant a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations. G suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : « 1. G dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée G un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement () ». Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l’admission au séjour d’un demandeur d’asile au motif que la responsabilité de l’examen de cette demande relève de la compétence d’un autre Etat membre, il n’est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l’examen d’une demande d’asile présentée en France.

10. M. E soutient qu’il n’a pas été pris en charge en Pologne en tant que demandeur d’asile, et qu’il n’a reçu aucune aide sociale ou pécuniaire. Cette allégation générale est dépourvue de tout élément de précision et n’est assortie d’aucune pièce justificative. Si le requérant soutient également qu’il a de graves problèmes de santé, qu’il a subi un AVC en Pologne où il n’a pas été soigné et qu’il doit poursuivre son suivi médical au CHU d’Amiens, M. E se borne à produire à l’appui de sa requête des documents médicaux rédigés en langue polonaise et non assortis de traduction. Ces éléments ne permettent pas d’établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale, ou que celle-ci ne pourrait se poursuivre en Pologne. G suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en refusant de faire application des dispositions précitées de l’article 17 du règlement (UE) n°604/2013.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 3 janvier 2023 G lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités polonaises. G voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : M. E est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Si l’aide juridictionnelle lui est accordée à titre définitif G le bureau d’aide juridictionnelle, la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle au titre de la présente requête sera réduite de 30 %.

Article 2 : La requête de M. E est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C E, à Me Tourbier, et au préfet du Nord.

Rendu public G mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

La magistrate désignée

Signé

C. A

La greffière

Signé

V. Martinval

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2300177

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