Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 11ème chambre, 8 février 2024, n° 2314032

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 11e ch., 8 févr. 2024, n° 2314032
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 2314032
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 10 février 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés les 19 octobre, 24 novembre et 29 novembre 2023, M. A C, représenté par Me Monconduit, demande au tribunal :

1°) d’annuler, à titre principal, l’arrêté du 18 septembre 2023, par lequel le préfet du Val-d’Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et, à titre subsidiaire, la décision du même jour du préfet du Val-d’Oise portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d’enjoindre au préfet du Val-d’Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention « salarié » dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et, dans l’attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle est entachée d’un défaut d’examen particulier ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le préfet ne pouvait examiner sa situation au regard de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’erreur de droit, le préfet s’étant estimé à tort lié par l’avis de la plateforme interrégionale de la main d’œuvre étrangère ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, dès lors que l’intéressé justifie d’une activité professionnelle sous couvert d’un contrat de travail à durée indéterminée et que le préfet aurait dû, en tout état de cause, instruire sa demande afin de compléter les éléments manquants ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet ;

— elle méconnait l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de séjour qui en constitue le fondement ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2023, le préfet du Val-d’Oise conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-marocain en matière de séjour et d’emploi du 9 octobre 1987 modifié ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code du travail ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. d’Argenson, président ;

— et les observations de Me Cabral de Brito, représentant M. C.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, ressortissant marocain né le 25 janvier 1984, est entré régulièrement en France le 20 avril 2019 muni d’un visa long séjour en qualité de saisonnier, puis a bénéficié d’un titre de séjour portant la même mention valable du 27 août 2019 au 26 août 2022. Le 21 avril 2023, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article 3 de l’accord franco-marocain. Par un arrêté du 18 septembre 2023, le préfet du Val-d’Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. C demande l’annulation de ces décisions.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. L’arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l’arrêté attaqué en date du 18 septembre 2023, que le préfet du Val-d’Oise n’aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle et professionnelle de l’intéressé avant de prendre cette décision.

4. La circonstance, que le préfet du Val-d’Oise aurait à tort examiné la situation de l’intéressé sur le fondement de l’article L. 423-23 du code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est sans incidence sur la légalité de l’arrêté contesté, dès lors qu’il a bien examiné la demande de titre de séjour de l’intéressé sur le fondement qu’il a invoqué. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté.

5. Il ne ressort ni des termes de l’arrêté attaqué, ni des pièces du dossier que le préfet du Val-d’Oise se serait cru en situation de compétence liée par l’avis défavorable rendu par la plateforme interrégionale de la main d’œuvre étrangère, qui n’a pas été saisie en l’espèce. Le moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

6. Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au préfet, saisi par un étranger qui, à l’instar de M. C, est déjà présent sur le territoire national et qui ne remplit pas les conditions de l’article L. 5221-2 du code du travail, d’examiner la demande d’autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu’il soit statué sur la délivrance du titre de séjour. Le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d’Oise aurait dû instruire d’office sa demande d’autorisation de travail ou lui demander de compléter sa demande doit donc être écarté.

7. Dès lors que l’article 3 de l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 susvisé prévoit la délivrance de titres de séjour pour l’exercice d’une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, s’agissant d’un point déjà traité par cet accord. Toutefois, bien que l’accord franco-marocain ne prévoit pas de semblables modalités d’admission exceptionnelle au séjour, ces stipulations n’interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. A cette fin, le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé, l’opportunité d’une mesure de régularisation.

8. M. C soutient qu’il réside en France depuis 2019 et qu’il a travaillé d’abord en qualité d’ouvrier agricole saisonnier à compter du 20 avril 2019 puis en qualité d’agent de service du 1er octobre 2019 jusqu’à la date de la décision attaquée. Toutefois, d’une part, le titre de séjour obtenu par M. C, étant un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier soumis à plusieurs conditions, notamment le maintien de sa résidence principale hors de France, n’a pas pour vocation de permettre un séjour pérenne sur le territoire français. En tout état de cause, le requérant se prévaut d’une durée totale d’environ trois ans et onze mois de travail, qui ne peut être regardée comme une durée pouvant constituer un motif exceptionnel d’admission. D’autre part, M. C ne démontre pas avoir noué des liens personnels significatifs au cours des années de présence dont il se prévaut. Par ailleurs, M. C, célibataire et sans enfant, n’est pas dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de 35 ans au moins et où résident sa mère et son frère. Dans ces conditions, le préfet du Val-d’Oise n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

9. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention précitée et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. La décision refusant à M. C un titre de séjour n’étant pas illégale, le moyen dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, soulevé par la voie de l’exception d’illégalité, ne peut qu’être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention précitée et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C doit être rejetée, y compris dans ses conclusions à fin d’injonction et dans celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au préfet du Val-d’Oise.

Délibéré après l’audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. d’Argenson, président,

M. Robert, premier conseiller,

Mme Bocquet, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Le président-rapporteur,

signé

P.-H. d’ArgensonL’assesseur le plus ancien

dans l’ordre du tableau,

signé

D. RobertLa greffière,

signé

M. B

La République mande et ordonne au préfet du Val-d’Oise en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°231403

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