Tribunal administratif de Dijon, 28 novembre 2013, n° 1202635

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Sur la décision

Référence :
TA Dijon, 28 nov. 2013, n° 1202635
Juridiction : Tribunal administratif de Dijon
Numéro : 1202635

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE DIJON

N° 1202635

___________

M. A Y

___________

M. X

Rapporteur

___________

Mme Michel

Rapporteur public

___________

Audience du 14 novembre 2013

Lecture du 28 novembre 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Dijon

(3e chambre)

26-04-01-01-01

67-01-02-01

C+

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour M. A Y, demeurant XXX à XXX, par Me Silvestre ; M. Y demande au Tribunal :

1°) de juger sa requête recevable et bien fondée ;

2°) d’ annuler la décision implicite de rejet du 16 septembre 2012 ;

3°) d’enjoindre à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne, à titre principal, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de procéder à la dépose du poteau électrique situé sur son terrain ainsi que de la ligne électrique le surplombant, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) d’enjoindre à la société ERDF, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, de réexaminer sa demande dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de condamner la société ERDF au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris la contribution pour l’aide juridique de 35 euros sur le fondement de l’article R. 761-1 du code de justice administrative;

Il soutient que les ouvrages d’ERDF situés sur les terrains lui appartenant constituent des ouvrages publics ; ils ont été implantés irrégulièrement dans la mesure où la société ERDF s’avère incapable de produire un titre juridique qui l’aurait habilité à construire sur ces terrains ; le maintien de ces installations s’avère extrêmement dangereux au regard de son activité professionnelle qui a pour objet la réparation d’engins de terrassement ; la ligne électrique en question n’alimente aucune habitation ; en tout état de cause, d’autres possibilités d’alimentation sont manifestement envisageables ; en refusant de faire droit à la demande de M. Y, la société ERDF a commis une erreur de fait et une erreur de droit ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2013, présenté pour la société ERDF Rhône-alpes Bourgogne, par Me Riva ; il conclut à titre principal à l’irrecevabilité de la requête et subsidiairement à ce que les frais de déplacement de l’ouvrage soient supportés par le requérant ;

Il soutient que :

— la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre « la décision implicite de rejet du 16 septembre 2012 » ; pour que naisse une décision implicite de rejet, il faut qu’une demande ait été adressée à une « autorité administrative », aux termes de l’article 1er de la loi 2000-321 du 12 avril 2000, ce que n’est pas ERDF, société de droit privé, concessionnaire d’un service public industriel et commercial ;

— M. Y entend se prévaloir d’une emprise irrégulière pour fonder sa demande et, une telle demande est de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;

— subsidiairement, sur le fond, la requête sera rejetée comme non fondée ; l’ouvrage litigieux a été implanté en 1982 par l’autorité concédante, le syndicat intercommunal d’électricité et d’équipement de la Nièvre (SIEN) dans le cadre du régime d’électrification rurale et sous sa maîtrise d’ouvrage ; cette implantation n’a jamais été contestée par les propriétaires antérieurs et elle est, compte tenu de sa situation en parfaite visibilité assimilable à une servitude apparente ; en outre, cette situation reste régularisable, notamment par voie d’enfouissement du réseau ;

— plus subsidiairement, M. Y motive sa demande de déplacement d’ouvrage au regard de son activité professionnelle qui a pour objet la réparation d’engins de terrassement, lesquels peuvent atteindre plus de 10 mètres de hauteur ; le cas d’espèce correspond bien à la situation envisagée dans l’article 24 de l’arrêté technique du 17 mai 2001, relatif aux conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie électrique, à titre exceptionnel pour le passage d’engins à grande hauteur ; toutefois, s’agissant de la prise en charge financière de la mise en conformité de l’ouvrage au regard de l’arrêté technique, s’il est acquis que les distances de sécurité prescrites doivent être impérativement respectées, le fait de laisser passer des engins de grande hauteur, tels des engins de terrassement, ne constitue pas un acte de construction au sens de l’article L. 323-6 du code de l’énergie ;

— M. Y a fait l’acquisition de la parcelle supportant l’ouvrage public de distribution, le 20 avril 2007, s’agissant d’une servitude visible et apparente, il ne pouvait ou n’aurait pas ignoré son existence ;

— les circonstances dans lesquelles une ligne peut être installée expliquent que, plusieurs années plus tard, en l’espèce 30 années, elle se trouve implantée sur une propriété privée sans

qu’ ERDF puisse retrouver un titre d’occupation ; si l’ouvrage doit être mis en conformité pour des raisons de sécurité il appartient au propriétaire du terrain M. Y de supporter les frais liés à cette mise en conformité puisque ce dernier ne fait pas usage de son droit de se clore, de construire, de réparer, de démolir ou de surélever, seules hypothèses prévues par les dispositions de l’article L. 323-6 du code de l’énergie où le concessionnaire doit prendre en charge les frais de déplacement ; cette opération représente un coût de 16 380,26 euros TTC ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2013, présenté pour M. Y ; il persiste dans ses précédentes écritures outre de condamner la société ERDF au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le recours est recevable ;

— la demande tend à la suppression ou au déplacement d’un ouvrage public qui relève de la compétence de la juridiction administrative ;

— aucun élément n’apporte la preuve que l’ouvrage a été implanté en 1982 ;

— la jurisprudence de la Cour de cassation visée en défense est inopérante ;

— ERDF reconnait que ses installations ne sont pas conformes ;

— l’article L. 323-6 du code de l’énergie ne concernent que les servitudes qui ont été établies régulièrement ;

— si ERDF soutient que la maitrise d’ouvrage aurait été réalisée par le SIEN, elle n’en apporte pas la preuve ; l’activité du requérant est postérieure à l’implantation du support litigieux de la ligne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l’énergie ;

Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

Vu le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 novembre 2013 :

— le rapport de M. X, premier conseiller ;

— les conclusions de Mme Michel, rapporteur public ;

— et les observations de Me Neraud, avocat, substituant Me Sylvestre représentant

M. Y et les observations de Me Riva, avocat, représentant ERDF ;

1. Considérant, que M. Y est propriétaire, depuis le 20 avril 2007 et le 4 juillet 2008, de deux parcelles cadastrées XXX situées sur la commune

d’Alligny-Cosne (Nièvre), surplombées par une ligne électrique dont un poteau est implanté sur la parcelle ZT 385 ; que par lettre du 13 juillet 2012, M. Y a demandé à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne d’enlever le poteau et la ligne électrique en cause, au motif que le maintien de ces installations était dangereux compte tenu de son activité professionnelle qui a pour objet la réparation d’engins de terrassement ; que si la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne a accusé réception de cette demande, aucune suite favorable s’en est suivie ; que par la présente requête, M. Y demande au Tribunal d’annuler le refus implicite de faire droit à sa demande et à ce qu’il soit enjoint à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne de déplacer ses ouvrages ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne fait valoir qu’elle est une société de droit privé et soutient que le poteau électrique et la ligne en cause dont M. Y demande le déplacement ne sauraient être qualifiés d’ouvrage public à défaut d’être la propriété d’une personne publique ; que le litige ressort de la compétence du juge judiciaire ;

3. Considérant toutefois que les lignes électriques et leurs supports qui appartenaient à l’établissement public EDF avant la loi du 9 août 2004 transformant cet établissement en société avaient le caractère d’ouvrage public ; qu’étant directement affectés au service public de distribution électrique dont la société ERDF a désormais la charge, ils conservent leur caractère d’ouvrage public ; que des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la suppression d’un ouvrage public relèvent par nature de la compétence du juge administratif ; que le juge judiciaire ne saurait, sans s’immiscer dans les opérations administratives et sans empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public ; qu’il n’en va autrement que dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée ;

4. Considérant qu’il n’est pas contesté que l’ouvrage public litigieux a été construit par EDF en application des pouvoirs qu’elle détient en application des articles 2 et 10 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’implantation de cet ouvrage aurait été autorisée, en 1982, par le syndicat intercommunal d’électricité et d’équipement de la Nièvre (SIEN) ; que dans ces circonstances, ladite implantation n’a pas procédé d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration ; que, par suite, les conclusions de M. Y tendant à la suppression ou au déplacement de l’ouvrage public que constitue le poteau électrique et la ligne posés par EDF sur sa propriété et dont l’implantation ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative, relèvent de la compétence du juge administratif ; qu’il s’ensuit que l’exception d’incompétence de la juridiction administrative opposée par la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne doit être écartée ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne :

5. Considérant que la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne fait valoir que son statut ferait obstacle à ce que le silence gardé sur les demandes qui lui sont adressées puissent donner naissance à une décision implicite, de sorte que les conclusions dirigées contre son refus de déplacer le poteau électrique et la ligne en cause seraient irrecevables ; que, toutefois, aux termes de l’article R. 421-2 du code de justice administrative, « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet. » ; que la société ERDF, désormais en charge du service public de distribution d’électricité est à ce titre l’autorité compétente pour se prononcer sur une demande de démolition d’un ouvrage public directement affecté au service public dont elle a la charge ; qu’il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société ERDF Rhône-alpes Bourgogne, son silence a donné naissance à une décision implicite de rejet que M. Y était recevable à contester ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de M. Y de dépose du poteau et de la ligne électrique occupant son terrain :

6. Considérant, qu’aux termes de l’article L. 323-4 du code de l’énergie : « La déclaration d’utilité publique investit le concessionnaire, pour l’exécution des travaux déclarés d’utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l’administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l’administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d’utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D’établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d’électricité, soit à l’extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu’on y puisse accéder par l’extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu’au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d’Etat prévus à l’article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l’exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d’électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ; / 2° De faire passer les conducteurs d’électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus (…) » ;

7. Considérant qu’il est constant qu’une ligne électrique surplombe la parcelle ZT 334 et qu’un poteau est implanté sur la parcelle ZT 385 appartenant à M. Y ; que cette ligne électrique a été implantée en vue d’assurer le service public de distribution d’énergie électrique, auquel elle est directement affectée ; que l’installation de cet ouvrage public porte atteinte au droit de propriété de M. Y et ne pouvait être réalisée qu’après, soit l’intervention d’un accord amiable avec les propriétaires de la parcelle en litige, soit l’institution de servitudes dans les conditions prévues à l’article L. 323-4 du code de l’énergie ou à l’article 35 de la loi du

8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz ainsi que par le décret du 11 juin 1970 pris pour son application, soit l’accomplissement d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique ;

8. Considérant, d’une part, qu’il est constant qu’aucune convention de servitude ou accord amiable, conclu par EDF ou ERDF avec les propriétaires successifs de la parcelle autorisant le surplomb de la propriété de M. Y par la ligne électrique n’a été passée ; qu’en outre, ERDF ne justifie d’aucun titre qui, en l’absence d’accord avec ces derniers, lui aurait été délivré à cette fin par l’autorité administrative ;

9. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 650 du code civil, tout ce qui concerne les servitudes établies pour l’utilité publique ou communale est déterminé par des lois ou des règlements particuliers ; que si les servitudes privées continues et apparentes instituées pour l’utilité des particuliers s’acquièrent par titre ou par la possession de trente ans, les servitudes établies pour l’utilité publique ou communale résultant de l’article L. 323-4 du code de l’énergie excluent, pour leur acquisition, le recours aux règles régissant les servitudes instituées pour l’utilité des particuliers ; qu’il s’ensuit qu’ERDF n’est pas fondée à soutenir que la ligne électrique et le poteau en litige constituent une servitude visible et acceptée par M. Y lors de l’acquisition de son immeuble en 2007, ni qu’il s’agit d’une servitude acquise par la possession de trente ans ;

10. Considérant que si en vertu des dispositions de l’article 2227 du code civil, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, aucun document ne permet d’établir que le support et la ligne installés sur la parcelle acquise par M. Y en 2007 existaient depuis plus de trente ans ; que la société ERDF n’est donc, en tout état de cause, pas fondée à opposer à son action la prescription trentenaire issue de l’article 2227 du code civil ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il n’est pas justifié par la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne de l’existence et de la validité d’un titre ayant habilité cette construction sur un terrain privé ; que, dès lors, l’installation en cause doit être regardée comme irrégulièrement implantée ; que, par voie de conséquence, la décision implicite par laquelle la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne a refusé de modifier cette implantation est entachée d’illégalité et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ; qu’aux termes de l’article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet » ;

13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 323-6 du code de l’environnement : « La servitude établie n’entraîne aucune dépossession. / La pose d’appuis sur les murs ou façades ou sur les toits ou terrasses des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou surélever. La pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir. » ;

14. Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi d’une demande tendant à l’annulation d’une décision rejetant une demande de démolition d’un ouvrage public édifié irrégulièrement et à ce que cette démolition soit ordonnée, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, s’il convient de faire droit à cette demande, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ;

15. Considérant que M. Y soutient, sans être sérieusement contredit, que l’ouvrage en cause présente un danger eu égard à la manœuvre d’engins de terrassement ; que la société ERDF fait valoir, sans plus de précision, qu’il existerait encore une « parcelle tiers » alimentée par la ligne électrique en cause ; que toutefois les travaux, chiffrés à la somme de 16 380,26 euros, ne concernent pas la suppression de ladite ligne électrique, mais son déplacement et ne peuvent, dès lors, être regardés comme portant atteinte à un intérêt général ; qu’ainsi et dans les circonstances de l’espèce où aucune régularisation n’est proposée ou même utile, le déplacement de l’ouvrage litigieux est possible ; qu’il ne résulte pas des dispositions précitées de l’article L. 323-6 du code de l’environnement que les frais de dépose susmentionnées devraient, dans le cas de l’espèce, être supportés par le propriétaire du terrain ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne, dépourvue de tout titre l’autorisant à maintenir en l’état l’ouvrage existant sur la parcelle, de procéder au déplacement du poteau et de la ligne électrique litigieuse dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne le versement d’une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. Y dans la présente instance et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne la somme de 35 euros au titre des frais exposés par M. Y, compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le refus implicite opposé par la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne à la demande de M. Y tendant au retrait d’un poteau et d’une ligne électrique installés sur ses parcelles XXX est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne de déplacer, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, le poteau et la ligne électrique situés sur la propriété de M. Y.

Article 3 : La société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne versera à M. Y une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne versera à M. Y la somme de 35 (trente cinq) euros sur le fondement de l’article R. 761-1 code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. A Y et à la société ERDF Rhône-Alpes Bourgogne.

Délibéré après l’audience du 14 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Delespierre, président,

M. X et Mme Z, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 28 novembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

F. X N. DELESPIERRE

La greffière,

L. CUROT

La République mande et ordonne au préfet de la Nièvre et en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

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