Tribunal administratif de Dijon, 3ème chambre, 17 octobre 2022, n° 2103018

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Sur la décision

Référence :
TA Dijon, 3e ch., 17 oct. 2022, n° 2103018
Juridiction : Tribunal administratif de Dijon
Numéro : 2103018
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 22 octobre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021, M. D A B, représenté par Me Levy, demande au Tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision attaquée, non motivée, méconnait les articles L. 211-2 et L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elle méconnait l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2022, le préfet de Saône-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A B ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er juillet 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 29 juillet 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A été entendu au cours de l’audience publique le rapport de Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant tunisien né le 23 septembre 1982, est entré irrégulièrement en France en 2011 selon ses déclarations. Il a épousé une ressortissante française le 14 avril 2018. Par arrêté du 18 septembre 2018, à l’exécution duquel l’intéressé s’était soustrait, le préfet Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Interpellé le 26 mai 2020 et placé en garde en vue pour « détention de faux documents administratifs », il a fait l’objet, le jour même, d’une seconde obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an qui n’ont pas davantage été exécutées en dépit du rejet par jugement n° 2001314 du 19 novembre 2020 de son recours en annulation. Le 20 mai 2021, M. A B a saisi le préfet de Saône-et-Loire d’une demande d’admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, implicitement rejetée le 20 septembre suivant. Par sa requête, l’intéressé demande au tribunal d’annuler cette dernière décision, ainsi que celle du 19 décembre 2021 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé la communication des motifs de ce refus. Cependant, par une décision du 18 juillet 2022, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour.

Sur l’étendue du litige :

2. Lorsque le silence gardé par l’administration sur une demande dont elle a été saisie a fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d’annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde. Il s’ensuit que les conclusions de la requête, dirigées contre les décisions implicites des 20 septembre et 19 décembre 2021 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé à M. A B respectivement le séjour et la communication des motifs de ce refus doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse du 18 juillet 2022.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. En premier lieu, la décision portant refus de séjour mentionne notamment les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dont il est fait application, ainsi que l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle indique, avec une précision suffisante la situation personnelle, professionnelle et familiale du requérant. Dans ces conditions, la décision attaquée, qui mentionne, en outre, qu’il n’est pas justifié de considérations humanitaires ou exceptionnelles, énonce les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent au requérant de connaître et de comprendre sa base légale, ainsi que ses motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu’être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « , » travailleur temporaire « ou » vie privée et familiale « , sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 ». Un ressortissant tunisien peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour solliciter la délivrance d’un titre séjour portant la mention « vie privée et familiale ».

5. Si le requérant, sans enfant, se prévaut de l’ancienneté de son séjour en France, il n’en justifie pas par les pièces produites au dossier. A cet égard, en se bornant à produire quelques relevés d’opérations bancaires ou documents médicaux et une seule facture d’électricité du mois de septembre 2018, il ne démontre nullement résider de manière habituelle en France. Par ailleurs, condamné en novembre 2019 par le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône à un mois d’emprisonnement avec sursis pour « violence commise en réunion », il ne justifie pas de la moindre insertion sociale ou professionnelle. Enfin, son mariage avec une ressortissante française en avril 2018 ne constitue pas, à lui seul, une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle ne peuvent qu’être écartés.

6. En dernier lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale () ». Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine.

7. Pour les mêmes motifs qu’au point 5 du présent jugement, M. A B n’est pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et aurait ainsi méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

8. Il s’ensuit que les conclusions à fin d’annulation du refus de titre de séjour sollicité doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions à fin d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. A B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D A B et au préfet de Saône-et-Loire. Copie en sera délivrée au ministre de l’intérieur.

Délibéré après l’audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Nicolas Delespierre, président,

— Mme Mélody Desseix, première conseillère,

— Mme Karima Hunault, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2022.

La rapporteure,

K. C

Le président,

N. Delespierre La greffière,

E. Herique

La République mande et ordonne au préfet de Saône-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

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