Tribunal administratif de Lille, 8ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2005748

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 8e ch., 30 déc. 2022, n° 2005748
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2005748
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2020, M. B A, représenté par Me Bruch, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

— son maintien au répertoire DPS n’est pas justifié ;

— la décision attaquée méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Une mise en demeure a été adressée le 19 avril 2022 au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de procédure pénale ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la circulaire NOR JUSD1236970C du 15 octobre 2012 relative à l’instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C,

— et les conclusions de M. Christian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, incarcéré en exécution de plusieurs condamnations, a été maintenu au répertoire des détenus particulièrement signalés par une décision du 12 juin 2020 de la garde des sceaux, ministre de la justice. Par la présente requête, M. A demande au tribunal d’annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 3° Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions () ». L’article L. 211-5 du même code précise que : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

3. D’une part, les décisions d’inscription ou de maintien sur le répertoire des détenus particulièrement signalés, qui imposent des sujétions particulières aux détenus concernés, entrent dans le champ d’application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration et doivent par suite être motivées. Néanmoins, contrairement à ce que soutient le requérant, ces décisions n’ont pas à être « spécialement motivées ».

4. D’autre part, il ressort des mentions de la décision litigieuse que celle-ci vise, notamment, l’article D. 276-1 du code de procédure pénale, les articles 22 et 89 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et la circulaire du 15 octobre 2012 relative au répertoire des détenus particulièrement signalés. Elle fait par ailleurs état de plusieurs circonstances de fait, dont les condamnations prononcées à l’encontre du requérant révélant ses liens avec la criminalité organisée d’envergure internationale, les cas dans lesquels celui-ci a été découvert en possession de substances illicites et de téléphones portables en détention, ses tentatives de corruption des agents pénitentiaires et son comportement perturbateur en détention, en soulignant le « trouble grave qui résulterait d’une évasion de l’intéressé ». Dans ces circonstances, le moyen tiré du défaut de motivation, qui manque en fait, doit être écarté.

5. Il ressort de la décision en litige et il n’est pas contesté que M. A a été condamné par la cour d’appel de Paris, le 24 mai 2018, à une peine de dix ans d’emprisonnement et par la cour d’assises de la Martinique, le 7 juin 2018, à une peine de vingt-deux ans d’emprisonnement pour des faits, notamment, de direction de groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants, en récidive, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, d’importation non autorisée de stupéfiants, de trafic, d’importation en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé publique, de contrebande de marchandise prohibée ou fortement taxée commise en bande organisée, de transport non autorisée de stupéfiants, d’offre ou de cession non autorisée de stupéfiants. Ces condamnations attestent de son appartenance à la criminalité organisée. Par ailleurs, son parcours carcéral est émaillé de différents incidents, dont la découverte à plusieurs reprises de téléphones portables interdits en détention. Ces faits participent à établir qu’il bénéficie toujours de soutiens extérieurs, d’une part, et à caractériser un risque d’évasion, d’autre part. Dès lors, la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, maintenant l’inscription du requérant au répertoire des détenus particulièrement signalés n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Il en résulte que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d’exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. En raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend de leur vulnérabilité mais aussi des dangers qui résultent de leur personnalité, de leurs antécédents et de leur comportement en détention, eu égard aux exigences qu’impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes.

7. L’inscription d’un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour objet d’appeler l’attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l’ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Les détenus particulièrement surveillés font ainsi l’objet d’une vigilance accrue des personnels pénitentiaires lors des appels, des opérations de fouille et de contrôle des locaux ainsi que dans leurs relations avec l’extérieur notamment et sont affectés en priorité en maison centrale ou quartier maison centrale. Dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les articles 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

8. Il suit de là que la décision de maintien sur la liste des détenus particulièrement signalés ne constitue pas, par elle-même, un traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions précitées. Si le requérant soutient que certaines mesures, telles que des fouilles intégrales ou des mesures de transfert répétées, auraient été prises par les autorités pénitentiaires à son encontre, et qu’elles constitueraient des traitements inhumains et dégradants, ces considérations sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l’audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Marjanovic, président,

M. Even, premier conseiller,

M. Caustier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé

G. C

Le président,

Signé

V. MARJANOVIC

La greffière,

Signé

D. WISNIEWSKI

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2005748

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