Tribunal administratif de Marseille, 5 septembre 2011, n° 0901185

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 5 sept. 2011, n° 0901185
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 0901185
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 4 mai 2011, N° 0908109

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MARSEILLE

N° 0901185

___________

Mme Z X

___________

Ordonnance du 5 septembre 2011

___________

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le président de la 4e chambre Vu la requête, enregistrée le 25 février 2009, présentée par Mme Z X, demeurant XXX à XXX ;

Mme X demande que le tribunal :

— annule l’arrêté en date du 3 juin 1991 lui concédant une pension de réversion en tant qu’il ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par l’article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

— enjoigne à l’administration, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension en prenant en compte la bonification pour enfants ;

Elle soutient qu’en application des arrêts « Griesmar » rendus, d’une part, par la Cour de justice des communautés européennes le 29 novembre 2001 et, d’autre part, par le Conseil d’Etat le 29 juillet 2002, les dispositions du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 sont incompatibles, dès lors qu’elles réservent le bénéfice de la bonification pour enfants aux femmes fonctionnaires, avec le principe de l’égalité des rémunérations tel qu’il est affirmé par l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne et par l’accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l’Union européenne ; que l’acte de notification de l’arrêté attaqué ne mentionnant pas les voies et délais de recours, elle peut prétendre au bénéfice de la bonification prévue au b) de l’article L. 12, au titre des droits qui auraient été ceux de son époux au jour de son décès en qualité de père de trois enfants ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui fait valoir que, dans l’hypothèse où l’arrêté contesté serait annulé, les rappels d’arrérages auxquels la requérante pourrait prétendre seraient limités par les règles de prescription posées par les dispositions de l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite et en tout état de cause par celles de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2009, présenté par Mme X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et fait valoir en outre que l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut lui être appliqué, dès lors que la commission européenne a considéré que le refus des autorités françaises de régulariser la situation des fonctionnaires masculins ayant pris leur retraite entre le 17 mai 1990 et le 29 novembre 2001 constituait une infraction à l’obligation de correction automatique et rétroactive prévue à l’article 2 de la directive 96/97 CE ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2009, présenté par le service des pensions de la Poste et de France Télécom, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la requête présentée par Mme X est tardive au regard des dispositions de l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui limitent à une année après leur notification le délai pendant lequel les pensions peuvent être révisées en cas d’erreur de droit ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n’imposent que la décision d’attribution de la pension mentionne ce délai ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2009, présenté par Mme X, qui conclut aux même fins que la requête et en outre à l’annulation de l’acte portant concession d’une pension à son époux et à ce qu’il soit enjoint à l’administration de procéder à une nouvelle liquidation des droits de celui-ci ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l’Union européenne et les protocoles y annexés ;

Vu la directive n° 96/97/CE du Conseil, du 20 décembre 1996 modifiant la directive n° 86/378/CEE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le jugement n° 0908109 rendu le 5 mai 2011 par le Tribunal administratif de Marseille ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « … les présidents des formations de jugement peuvent, par ordonnance : …6° Statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu’elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux » ;

Considérant que, eu égard aux termes dans lesquels sont rédigés sa requête et ses mémoires ultérieurs, Mme X doit être regardée comme ayant entendu contester tant l’arrêté en date du 3 juin 1991 lui concédant une pension de réversion du chef de son époux décédé le 11 mars 1991, que l’acte concédant une pension de retraite à celui-ci, en tant que ces décisions ne prennent pas en compte la bonification pour enfants instituée au profit des agents de sexe féminin par le b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Sur les conclusions relatives à la pension concédée à l’époux de la requérante :

Considérant, qu’aux termes de l’article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (…). » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en raison du caractère personnel d’une pension de retraite, celle-ci n’est due qu’au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s’est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu’un refus définitif ne lui ait été opposé ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’époux de Mme X aurait de son vivant saisi l’administration ou engagé une action contentieuse en vue d’obtenir le bénéfice de la bonification pour enfants prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par suite, Mme X ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la pension concédée à son époux ; que, dès lors, les conclusions présentées en ce sens par Mme X doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions relatives à la pension concédée le 3 juin 1991 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « La pension et la rente viagère d’invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l’initiative de l’administration ou sur demande de l’intéressé que dans les conditions suivantes : / à tout moment en cas d’erreur matérielle ; / dans un délai d’un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d’erreur de droit. » ; que ces dispositions, qui fixent les délais dans lesquels doit être présentée une demande de révision de pension, sont sans incidence sur le délai de recours contentieux au regard duquel s’apprécie la recevabilité des requêtes qui, comme en l’espèce, sont directement dirigées contre les décisions portant concession d’une pension ; que, par suite, le service des pensions de La Poste et de France Télécom ne peut utilement soutenir que le recours de Mme X aurait été présenté au-delà du délai de forclusion institué par l’article L. 55 précité ;

Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Les conjoints d’un fonctionnaire civil ont droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès… » ; qu’il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la date à laquelle ils sont ouverts, les droits à pension de réversion d’un ayant cause sont déterminés par ceux du défunt et au regard de la législation en vigueur à la date de radiation des cadres ou du décès de celui-ci ;

Considérant que si les anciennes dispositions du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite réservaient aux « femmes fonctionnaires » le bénéfice de la bonification d’ancienneté d’un an par enfant, le principe de l 'égalité des rémunérations énoncé par les stipulations, alors en vigueur, de l’article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne, puis l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, applicable aux pensions servies par le régime de retraite des fonctionnaires, s’oppose à ce que l’avantage ainsi accordé aux personnes qui ont assuré l’éducation de leurs enfants soit réservé aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l’éducation de leurs enfants en seraient exclus ; qu’il n’est pas contesté que M. X a assuré l’éducation de ses enfants ; qu’il suit de là qu’en tant qu’il ne prend pas en compte la bonification prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite que l’époux de la requérante aurait pu obtenir à la date de son décès, l’arrêté du 3 juin 1991 est entaché d’illégalité ; que, dès lors, Mme X est fondée à en demander l’annulation dans cette mesure ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

Considérant que Mme X demande qu’il soit ordonné à l’administration de la faire bénéficier de la bonification prévue par l’ancien article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite, à laquelle avait droit son défunt époux ; que si la revalorisation de pension à laquelle peut prétendre la requérante est susceptible de prendre effet rétroactivement à compter de la date d’entrée en jouissance, le ministre du budget, des comptes publics et de fonction publique la réforme de l’Etat oppose à la créance en cause les règles de prescription posées tant par l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite que par l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l’expiration de la quatrième année qui suit celle de l’entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu’aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures » ; qu’un recours contentieux directement formé contre un arrêté de concession de pension en vue d’en remettre en cause le montant implique nécessairement, s’il est accueilli, que l’administration procède, en prenant un nouvel arrêté, à une nouvelle liquidation de la pension ; que par suite lorsque, comme en l’espèce, le titulaire d’une pension, qui n’en a pas demandé la révision dans le délai d’un an prévu à l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est néanmoins recevable à saisir directement le juge d’un recours contre un arrêté de concession qui n’avait pas fait l’objet d’une notification comportant l’indication des voies de recours, la demande ainsi présentée doit être regardée comme une demande de liquidation de pension, au sens de l’article L. 53 de ce code ; que, par suite, les règles de prescription applicables au présent litige sont celles que fixent les dispositions spéciales de l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l’exclusion de la prescription quadriennale de droit commun instituée par la loi du

31 décembre 1968 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la directive 96/97/CE du Conseil du

20 décembre 1996 susvisée : « Toute mesure de transposition de la présente directive, en ce qui concerne les travailleurs salariés, doit couvrir toutes les prestations attribuées aux périodes d’emploi postérieures à la date du 17 mai 1990 et aura un effet rétroactif à cette date (….) » ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le délai de prescription prévu par l’article L. 53 susmentionné s’applique aux demandes de liquidation présentées sur le fondement d’une violation des dispositions de cette directive, dès lors que ce délai s’applique de la même manière aux demandes fondées sur le droit communautaire et à celle fondées sur le droit interne ; qu’ainsi Mme X n’est en tout état de cause pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 53 méconnaitraient les objectifs de la directive susmentionnée ;

Considérant que l’administration est en droit de se prévaloir de la règle de prescription des arrérages fixée par l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, hormis le cas où le délai mis par l’intéressé à saisir l’administration ne serait pas imputable à son fait personnel ; qu’aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que Mme X présente, dès la notification de son titre de pension de réversion, un recours tendant à obtenir une nouvelle liquidation de pension, en contestant l’absence de prise en compte de la bonification dont elle revendique le bénéfice ; que la requérante n’a présenté sa requête tendant à obtenir une nouvelle liquidation de sa pension que le 25 février 2009 ; qu’ainsi, elle ne peut prétendre aux arrérages de cette pension qu’à compter du 1er janvier 2005 ; qu’il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat de modifier les conditions dans lesquelles la pension de réversion de Mme X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension à compter du 1er janvier 2005 ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 3 juin 1991 concédant une pension de réversion à Mme X est annulé en tant qu’il ne prend pas en compte la bonification pour enfants mentionnée au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Article 2 : Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat modifiera les conditions dans lesquelles la pension de réversion de Mme X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension à compter du 1er janvier 2005.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Z X , au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat et au service des pensions de La Poste et de France Télécom.

Fait à Marseille, le 5 septembre 2011.

Le président,

Signé

P. CHERRIER

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef

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Tribunal administratif de Marseille, 5 septembre 2011, n° 0901185