Tribunal administratif de Marseille, 9 novembre 2022, n° 2209266

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 9 nov. 2022, n° 2209266
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2209266
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 16 novembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2022, M. B A, représenté par Me Pujol, demande au juge des référés :

1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’enjoindre au département des Bouches-du-Rhône d’assurer son hébergement dans un dispositif adapté de droit commun dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Il soutient que :

— en dépit de sa minorité, sa requête est recevable dès lors que son discernement est suffisant pour comprendre la situation à laquelle il est actuellement confronté ;

— l’urgence est caractérisée par sa particulière vulnérabilité, le risque pour sa santé mentale en cas de maintien dans un dispositif hôtelier, l’impossibilité pour l’équipe éducative dans le cadre de la prise en charge actuelle de répondre à l’ensemble de ses besoins en tant qu’enfant, et la violation de son intérêt supérieur ;

— le département a porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au recours effectif en le maintenant dans un dispositif hôtelier d’accueil provisoire d’urgence au lieu de l’orienter vers un dispositif de prise en charge de droit commun ;

— l’inertie fautive de l’administration contrevient aux dispositions des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux dispositions de l’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles, et à l’article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l’enfant alors que sa fragilité préoccupante justifie la nécessité absolue d’un cadre stable et d’une prise en charge assidue et complète.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code civil ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Menasseyre, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. L’article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit que : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». L’article L. 522-3 du même code dispose que : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1 ». L’article R. 522-1 dudit code dispose que : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire ».

2. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence caractérisée de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai et qu’il est possible de prendre utilement de telles mesures. Pour l’application de ces dispositions, les conditions relatives à l’urgence, d’une part, et à l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, d’autre part, présentent un caractère cumulatif. Il appartient ainsi au requérant de justifier dans tous les cas de la première de ces conditions, laquelle ne saurait être regardée comme remplie du seul fait de l’écoulement du temps et en l’absence d’éléments concrets propres à chaque espèce, de nature à établir l’urgence des mesures sollicitées dans le cadre de cette procédure particulière de référé qui implique l’intervention du juge dans des délais particulièrement brefs.

3. L’article 375-3 du code civil dispose que : « Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / () 3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance () ». L’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : " Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre () / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation () « . L’article L. 222-5 du même code prévoit que : » Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : () / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l’article 375-3 du code civil () ".

4. M. A, ressortissant guinéen indique être âgé de seize ans et être entré seul en France en mai 2022. Il a été confié, par une ordonnance aux fins de placement provisoire du 10 octobre 2022 du juge des enfants près le tribunal judiciaire de Marseille à l’aide sociale à l’enfance du département des Bouches-du-Rhône, à compter du 10 octobre 2022 et pour le temps nécessaire à l’expertise, par les services de la police de l’air et des frontières, de documents d’état civil visant à démontrer sa minorité, incompatibles avec les conclusions d’une évaluation éducative et sociale de l’Addap 13 en date du 24 mai 2022 réalisée durant sa mise à l’abri qui concluait à sa majorité manifeste. Il a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance sous forme d’un hébergement hôtelier, cette prise en charge de ses besoins matériels se poursuivant à la date de la présente ordonnance. M. A a demandé, par un courriel de son conseil du 18 octobre 2022 aux services du département, d’être désormais pris en charge au sein d’un dispositif de droit commun adapté à sa minorité. Il demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au département des Bouches-du-Rhône d’assurer son hébergement dans un dispositif adapté de droit commun dans un délai de deux jours à compter de la notification de la décision à intervenir.

5. Pour justifier de l’urgence de la mesure qu’il demande, M. A produit trois photographies des murs de la chambre d’hôtel dans laquelle il est hébergé dont deux font apparaître des traces d’humidité à proximité d’une zone carrelée et dans un coin de la pièce, et une photographie d’une attelle de genou. S’il soutient que les risques d’un passage à l’acte auto-agressif ou de décompensation seraient particulièrement importants dans le cas d’un maintien en dispositif hôtelier, aucun des éléments qu’il verse au dossier n’est susceptible de témoigner de ce que l’intéressé souffrirait d’une fragilité particulière sur ce point et de ce qu’un tel risque soit avéré en ce qui le concerne. S’il mentionne également que son état de santé serait particulièrement préoccupant, rien ne vient corroborer ce point, et en particulier rien ne vient étayer l’affirmation selon laquelle serait programmée, à brève échéance, une opération du genou, aucune trace de consultation médicale, chirurgicale ou préopératoire n’étant versée au dossier. Au vu de la prise en charge actuellement assurée par le département et de l’ensemble des éléments produits, M. A ne peut être regardé comme établissant, en l’état de l’instruction, l’existence d’une situation d’urgence particulière justifiant l’intervention, par une mesure de sauvegarde, du juge des référés statuant dans le délai de quarante-huit heures prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la condition tenant à l’atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l’article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter ses conclusions à fin d’injonction. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

7. Enfin, aux termes de l’article 7 de la loi du 10 juillet 1991 : « L’aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l’action n’apparaît pas, manifestement, irrecevable, dénuée de fondement ou abusive en raison notamment du nombre des demandes, de leur caractère répétitif ou systématique ». Dès lors que, ainsi qu’il a été dit précédemment, la demande présentée par M. A sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative est manifestement mal fondée, il n’y a pas lieu de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

O R D O N N E :

Article 1er : M. A n’est pas admis à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et à Me Alice Pujol.

Fait à Marseille, le 9 novembre 2022.

La juge des référés

Signé

A. Menasseyre

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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