Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2100258

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2100258
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2100258
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2021, la société par actions simplifiées (SAS) Compagnie financière de restauration immobilière (COFIRIM), représentée par Me Di Russo demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à hauteur de 17 318 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

2°) de condamner l’État au paiement des intérêts moratoires mentionnés à l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle peut bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge conformément à l’article 268 du code général des impôts en présence de la cession d’un terrain à bâtir n’ayant pas ouvert droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée à l’occasion de son acquisition ;

— c’est à tort que l’administration, qui ajoute à la loi, exige une stricte identité entre le bien acquis et le bien revendu au regard de ses caractéristiques physiques et juridiques ;

— l’administration se prévaut de sa propre doctrine alors qu’elle ne saurait légalement fonder une imposition ; dès lors l’administration n’est pas fondée à se prévaloir de la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-20-10 ;

— elle est fondée à se prévaloir d’une réponse ministérielle « Saddier » publiée au journal officiel de l’Assemblée Nationale le 6 décembre 2016 et d’une réponse ministérielle « Vogel » publiée au journal officiel du Sénat le 17 mai 2018.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2021, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 12 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

— l’ordonnance C-191/21 du 10 février 2022 de la Cour de Justice de l’Union européenne ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Zarrella, rapporteur,

— les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Cofirim, qui exerce l’activité de marchand de biens a cédé le 6 novembre 2015 et le 24 novembre 2015, deux terrains à bâtir, situés sur le territoire de la commune de Fuveau, cadastrés BP 116 et BP 117 résultant de la division d’une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l’acquisition, une maison d’habitation. Elle a appliqué à ces cessions de terrains le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration fiscale a estimé que les ventes de ces terrains ne pouvaient pas relever de ce régime particulier de taxation sur la marge et auraient dû faire l’objet d’une taxation sur le prix total. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 19 mai 2017. Par une décision du 13 novembre 2020, l’administration fiscale a rejeté la réclamation préalable formulée le 31 mai 2018. La SAS Cofirim demande la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à hauteur de 17 318 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 à raison de la remise en cause du bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu’elle avait appliqué.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain (); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment. Dans l’ordonnance du 10 février 2022 visée ci-dessus, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’il exclut l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir, mais qu’il n’exclut pas l’application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots.

5. Il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne que, pour remettre en cause l’applicabilité à l’opération litigieuse des dispositions de l’article 268 précité du code général des impôts, l’administration fiscale pouvait légalement opposer à la société requérante la circonstance que les terrains revendus comme terrains à bâtir ne devaient pas avoir été préalablement acquis comme terrains bâtis. En opposant à la SAS Cofirim la circonstance que les terrains revendus comme terrains à bâtir ne devaient pas avoir été préalablement acquis comme terrains bâtis, l’administration fiscale n’a pas ajouté à la loi une condition issue de sa doctrine.

6. Enfin, dans son arrêt C-71/18 du 4 septembre 2019, Skatteministeriet contre KPC Herning, la Cour de Justice de l’Union européenne a également dit pour droit que l’article 12, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphes 2 et 3, ainsi que l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’une opération de livraison d’un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifiée de livraison d’un « terrain à bâtir » lorsque cette opération est économiquement indépendante d’autres prestations et ne forme pas, avec celles-ci, une opération unique, même si l’intention des parties était que le bâtiment soit totalement ou partiellement démoli pour faire place à un nouveau bâtiment.

7. En l’espèce, il résulte de l’acte de vente du 10 février 2014 que la SAS Cofirim a acquis à hauteur de 50 %, une unique parcelle supportant déjà une construction incorporée au sol, soit un terrain bâti, sur le territoire de la commune de Fuveau au prix de 145 000 euros et non un terrain nu ou aménagé, quelle que soit la constructibilité résiduelle du terrain attenant à la maison d’habitation. Cette acquisition, réalisée auprès de personnes non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, n’a pas été soumise à cette taxe et n’a pas ouvert, au profit de la SAS Cofirim, de droit à déduction. La parcelle B 5, support du bien en cause, a fait l’objet d’un permis d’aménager pour constituer deux terrains à bâtir, référencés BP 116 et BP 117, cédés respectivement les 6 novembre et 24 novembre 2015. Estimant que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, prévu à l’article 268 du code général des impôts, était applicable à cette opération de revente de terrains, la SAS Cofirim n’a reversé au Trésor que la taxe qui correspondait à ce régime.

8. Si le compromis du 25 mai 2012 prévoyait que la réalisation de la vente était soumise à une condition suspensive tenant à l’obtention par la SAS Cofirim d’un permis d’aménager, qu’elle a effectivement obtenu antérieurement à la réitération de la vente par acte authentique, la mise en œuvre de cette autorisation d’urbanisme demandée par l’acquéreur pour la réalisation de l’opération de revente ultérieure était économiquement indépendante de l’opération d’acquisition du bien, avec laquelle elle ne formait pas une opération unique. La SAS Cofirim n’est, dès lors, pas fondée à soutenir qu’elle aurait acquis un terrain pouvant partiellement recevoir la qualification de terrain à bâtir.

9. Enfin, même si le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 3 novembre 2016, SARL Gepim habitat, n° 1403397, invoqué par la société requérante n’a pas fait l’objet d’appel et est devenu définitif, il est dépourvu de toute autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance en l’absence d’identité de parties, de cause et d’objet. Par suite, la SAS Cofirim ne saurait utilement s’en prévaloir.

Sur l’interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « () Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ». La société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions des réponses ministérielles « Saddier » du 6 décembre 2016 « Vogel » du 17 mai 2018, qui sont, en tout état de cause, postérieures à l’année d’imposition.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la SAS Cofirim tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge et, par voie de conséquence, celles relatives au versement des intérêts moratoires et des frais liés au litige ne peuvent qu’être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Cofirim est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Cofirim et à la directrice des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

A-D Zarrella

La présidente,

signé

A. MenasseyreLe greffier,

signé

I. Abed

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,

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