Tribunal administratif de Marseille, 8ème chambre, 22 novembre 2023, n° 2104917

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 8e ch., 22 nov. 2023, n° 2104917
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2104917
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 novembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance de renvoi du 28 mai 2021, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le même jour, le président du tribunal administratif de Lyon a transmis au tribunal, en application des articles R. 312-10 et R. 351-3 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 14 mai 2021, présentée par M. C A.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mai 2021, 21 mars et 27 septembre 2022, M. C A, représenté par Me Reyne, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la délibération du 1er mars 2021 par laquelle le conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône (CDOM 13) a refusé de transmettre sa plainte dirigée contre trois médecins devant la juridiction disciplinaire de première instance ;

2°) de rejeter les conclusions du CDOM 13 visant à lui infliger une amende pour recours abusif ;

3°) de mettre à la charge du CDOM 13 la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il n’est pas justifié de la compétence du signataire de la délibération en litige ;

— cette délibération est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

— elle méconnait les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique, dès lors que le CDOM 13 était tenu de saisir un autre conseil départemental ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où les faits dénoncés n’ont pas été accomplis dans le cadre d’une mission de service public et sont constitutifs d’une diffamation publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet 2021, et 5 mai et 19 octobre 2022, le CDOM 13, représentée par Me Carlini, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant d’une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative, et demande, en outre, au tribunal d’infliger à M. A une amende pour recours abusif d’un montant de 10 000 euros.

Il soutient que :

— les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 1er mars 2021 ne sont pas recevables en tant qu’elles sont dirigées à l’encontre des Dr B et Graziani-Darteyron compte tenu de leur tardiveté  ;

— la présente requête revêt un caractère abusif ;

— les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour M. A a été enregistré le 17 novembre 2022, postérieurement à la clôture immédiate d’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de la santé publique ;

— l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

— le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Gaspard-Truc,

— les conclusions de M. Garron, rapporteur public,

— et les observations de Me Reyne, représentant M. A, et de Me Carlini, représentant le CDOM 13.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la plainte déposée en février 2020 par trois patients à l’encontre du docteur C A, chirurgien orthopédique, le CDOM 13 a décidé, par délibération du 14 septembre 2020, de traduire l’intéressé devant la chambre disciplinaire de première instance. Estimant que trois médecins avaient tenus des propos diffamatoires à son encontre lors de la séance du 14 septembre 2020 au cours de laquelle les plaintes de trois de ses patients ont été examinées, le Dr A a, par courrier du 7 janvier 2021, saisi le CDOM 13 d’une plainte à l’encontre de ses trois confrères. Par délibération du 1er mars 2021, le CDOM 13 a refusé de saisir la chambre disciplinaire de la plainte dirigée à l’encontre des trois médecins. Par la présente requête, M. A demande l’annulation de cette délibération.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 4123-7 du code de la santé publique : « le président représente l’ordre dans tous les actes de la vie civile. Il peut déléguer tout ou partie de ses attributions à un ou plusieurs membres du conseil ». Aux termes de l’article 2.1.4 du règlement intérieur fixant les règles générales de fonctionnement applicables à l’ensemble de l’ordre des médecins, adopté par délibération du 13 décembre 2018 et librement accessible en ligne tant au juge qu’aux parties, le vice-président supplée le président absent ou empêché.

3. Il ressort des termes de la délibération contestée que la présidente du CDOM 13, mise en cause dans la plainte du requérant, s’est déportée de la présidence de la séance du 1er mars 2021 et a été remplacée par une vice-présidente du conseil, dont la qualité n’est pas contestée, qui a signé l’acte en litige. En application de l’article 2.1.4 du règlement intérieur cité au point précédent, la présidente doit être regardée comme ayant valable donné délégation à cette vice-présidente à l’effet de signer en son nom la délibération en litige. Par suite, le moyen tiré de ce qu’il n’est pas justifié de la compétence de la signataire de cette délibération doit être écarté.

4. Lorsque l’attention du conseil de l’ordre des médecins a été appelée, par un particulier, sur un acte réalisé, au titre de ses fonctions publiques, par un médecin chargé d’un service public, la décision par laquelle cette autorité retient qu’il n’y a pas lieu de traduire ce médecin devant la juridiction disciplinaire, laquelle procède de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont il dispose quant à l’opportunité d’engager une telle procédure, ne constitue pas, à l’égard du particulier concerné, une décision administrative individuelle défavorable, au sens de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, elle n’a pas à être motivée en application de cet article. Il en est de même concernant une même plainte formée par un médecin. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la délibération litigieuse doit être écarté comme inopérant.

5. Aux termes de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique : « Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit () ». Ainsi que cela a été exposé au point 1, M. A a adressé une plainte à l’encontre de trois médecins pour des propos diffamants qu’ils auraient tenus lors de la séance disciplinaire du 14 septembre 2020 au cours de laquelle les plaintes de trois de ses patients ont été examinées. En conséquence, les faits qui sont reprochés par le requérant à ces médecins chargés d’un service public sont constitutifs d’actes de leur fonction publique au sens des dispositions de l’article L. 4124-2 précité. Ces médecins ne pouvaient en conséquence être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit.

6. Si le requérant soutient ensuite que la délibération attaquée méconnaît les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique en ce que le CDOM 13 aurait tenu d’organiser une réunion de concertation et de saisir un autre conseil départemental pour examiner sa plainte, ces dispositions ne sont pas applicables à la décision de l’instance ordinale appréciant s’il y a lieu, le cas échéant, de traduire un médecin chargé d’une fonction publique devant la juridiction disciplinaire à raison d’actes commis dans l’exercice de cette fonction. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

7. Alors que M. A fait valoir que les propos tenus par les trois médecins en cause lors de la séance du 14 septembre 2020 seraient constitutifs d’une diffamation publique et que ces médecins auraient commis à cette occasion des manquements aux articles R. 4127-56 et R. 4127-110 du code de la santé publique, il ne ressort pas des pièces du dossier que les propos des trois médecins revêtent un caractère diffamatoire, dès lors que ces médecins se sont bornés, dans l’exercice de leur fonction publique de membres de l’instance ordinale, à émettre un avis portant sur les faits qui lui étaient reprochés, dans les conditions prévues aux articles R. 4127-32, R. 4127-39 et R. 4127-40 du code de la santé publique. Si le requérant fait valoir que cette opinion n’est pas assortie des réserves habituelles, les pièces versées aux débats ne permettent pas d’établir que ces médecins auraient fait preuve de malveillance à son endroit ou que leurs déclarations auraient été « volontairement inexactes » concernant ses pratiques. Au surplus, quelle que soit la teneur des propos prononcés lors de cette séance, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du délit de diffamation publique alors qu’en vertu de l’article L. 4123-12 du code de la santé publique, « les délibérations du conseil départemental de l’ordre ne sont pas publiques », la circonstance que les procès-verbaux de séance aient été transmis aux parties à la procédure ne conférant pas un caractère public aux propos tenus. Pour les mêmes motifs, M. A n’est pas davantage fondé à se plaindre de manquements aux obligations de confraternité et de ne pas faire de déclarations volontairement inexactes. Par suite, le requérant n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le CDOM 13 aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des suites à donner à la plainte de M. A à l’encontre de ses trois collègues.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, les conclusions à fin d’annulation de la délibération du 1er mars 2021 doivent être rejetées.

Sur les conclusions du CDOM 13 relatives à l’infliction d’une amende pour recours abusif :

9. Aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ».

10. Le prononcé de la condamnation prévue par ces dispositions étant un pouvoir propre du juge, les conclusions présentées par le CDOM 13 doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés à l’instance :

11. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros à verser au CDOM 13 sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que le CDOM 13, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M A est rejetée.

Article 2 : M. A versera au CDOM 13 la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du CDOM 13 tendant à la condamnation de M. A à se voir infliger une amende pour recours abusif sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au conseil national de l’ordre des médecins.

Délibéré après l’audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Jorda-Lecroq, présidente,

Mme Gaspard-Truc, première conseillère,

Mme Balussou, première conseillère,

Assistées de Mme Faure, greffière.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé

F. Gaspard-Truc

La présidente,

Signé

K. Jorda-Lecroq

La greffière

Signé

N. Faure

La République mande et ordonne au ministre de santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière.

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