Tribunal administratif de Melun, Chambre dalo, 11 septembre 2023, n° 2209957

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, ch. dalo, 11 sept. 2023, n° 2209957
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 2209957
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2022, Mme A D, représentée par Me Cousin C demande au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison de la carence des services de l’Etat à assurer son relogement, bien que sa demande de logement ait été reconnue comme étant prioritaire et urgente par la commission de médiation ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ou en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce au bénéfice de la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— par une décision du 27 août 2020, la commission de médiation a reconnu sa demande de logement comme prioritaire et urgente ; par une ordonnance du 28 février 2022, le tribunal a enjoint à l’autorité préfectorale de lui attribuer un logement avant le 1er mai 2022 ; faute pour les services préfectoraux d’avoir assuré son relogement dans les délais impartis, ils ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

— l’intéressé a droit à l’indemnisation des préjudices subis ; elle vit dans une résidence sociale pour jeunes actifs et jeunes personnes isolées ALFI depuis le 2 novembre 2018 ; elle est sujette à des restrictions quant à l’aménagement du logement, l’accueil de tiers ou d’un animal domestique est interdit ;

— sa candidature à un logement social a été rejetée à quatre reprises pour des raisons indépendantes de sa volonté les 28 juin 2021, 3et décembre 2021, 10 février 2022 et 9 septembre 2022 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

— la requérante a été relogée le 28 avril 2023 dans un appartement de type T2 pour un loyer de 447 euros au Plessis-Trévise ; les trois autres propositions de relogement adressées à la requérante n’ont pu aboutir en raison de ce que les logements ont été attribués à d’autres demandeurs ;

— la requérante n’a pas subi de troubles dans les conditions d’existence, ni de préjudice moral ; elle était logée dans un logement de transition où elle bénéficiait d’un accompagnement social subventionné par l’Etat ; son taux d’effort n’était que de 11 pour cent ; une résidence sociale ne saurait être assimilée à un hébergement provisoire ; aucune pièce médicale n’atteste que ses conditions de logement étaient inadaptées ;

Mme D a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code civil ;

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Delmas, premier conseiller, pour statuer sur les litiges relevant du droit au logement opposable, en application de l’article R.222-13 (1°) du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, et en application de l’article L.732-1 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A été entendu à l’audience publique, le rapport de M. Delmas, les parties n’y étant ni présentes ni représentées.

L’instruction a été clôturée après l’appel de l’affaire à l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D a été reconnue prioritaire et devant être relogée en urgence dans un logement de type T1-T2, sur le fondement de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, par une décision du 27 août 2020 de la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne. Saisi par l’intéressée, le tribunal a, par une ordonnance n° 2103340 du 28 février 2022, sur le fondement du I de l’article L. 441-2-3-1 du même code, enjoint à la préfète du Val-de-Marne d’assurer le relogement de l’intéressée, conformément à la décision de la commission de médiation, avant le 1er mai 2022. En l’absence de relogement, Mme D a adressé une demande préalable d’indemnisation, reçue le 11 avril 2022, par la préfète du Val-de-Marne. Le silence conservé par l’administration a fait naître une décision implicite de rejet de cette demande. Par la requête susvisée, Mme D demande au tribunal la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’absence de relogement.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Lorsqu’une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d’urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, la carence fautive de l’Etat à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité à l’égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d’existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l’intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l’Etat prévu par l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’Etat, qui court dans le Val-de-Marne à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la décision de la commission de médiation que l’article R. 441-16-1 du code de la construction et de l’habitation impartit au préfet pour susciter une offre de logement.

3. En premier lieu, il résulte de l’instruction que Mme D disposait d’un droit au logement opposable pour un logement de type T1-T2 en vertu de la décision du 27 août 2020 de la commission de médiation du Val-de-Marne, aux motifs qu’elle était logée dans un logement de transition pendant un délai supérieur à celui prévu par les dispositions

de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation. Si la préfète du Val-de-Marne se prévaut de ce que Mme D résidait dans un logement de transition,

son hébergement au titre d’une convention d’occupation ne saurait être assimilé juridiquement à un logement pris à bail au titre de la loi du 6 juillet 1989. Enfin, il ressort de la convention d’occupation souscrite par la requérante que les résidents sont soumis au règlement intérieur de la résidence, dont il n’est pas contesté qu’il contient des clauses restrictives de libertés individuelles. Dans ces conditions, les conditions d’hébergement de Mme D n’étant pas conforme aux prescriptions de la décision de la commission de médiation, la requérante est fondée à demander l’engagement de la responsabilité de l’Etat pour carence à la reloger dans des conditions conforme à celles prévues par la décision de la commission de médiation.

4. En deuxième lieu, la préfète du Val-de-Marne fait valoir que Mme D a été relogée le 28 avril 2023 dans un logement social au Plessis-Trévise répondant à ses besoins et à ses capacités financières. La préfète verse aux débats un extrait du logiciel « SYPLO » qui indique que la requérante a effectivement signé un contrat de bail le 28 avril 2023 pour un logement de type T2 situé au 31 avenue de Chennevières au Plessis-Trévise. Mme D auquel le mémoire en défense et ses pièces jointes ont été communiqué n’a apporté aucun démenti à ces éléments d’information. Dans ces conditions, si Mme D est fondée à soutenir que la responsabilité de l’Etat est engagée à son égard au titre de la carence fautive à le reloger, la période d’engagement de cette responsabilité doit être regardée comme s’achevant le 28 avril 2023.

5. En troisième lieu, compte tenu des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’Etat à attribuer un logement au demandeur, de la durée de cette carence, soit vingt-six mois après la naissance de l’obligation pesant sur l’Etat, née à l’expiration d’un délai de six mois après la décision de la commission de médiation, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice moral en condamnant l’Etat à verser à Mme D une somme de 550 (cinq cent cinquante) euros.

Sur les frais d’instance :

6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à Mme D une somme de 550 euros au titre des dommages et intérêts.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A D, à la préfète du Val-de-Marne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 septembre 2023.

Le magistrat désigné,

S. DELMAS

La greffière,

M. B La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2209957

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