Tribunal administratif de Montpellier, 18 décembre 2017, n° 1605514

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 18 déc. 2017, n° 1605514
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 1605514

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTPELLIER

N° 1605514

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Société par actions simplifiée

S.

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Franck Thévenet

Rapporteur

___________

Le Tribunal administratif de Montpellier M. X Y

Rapporteur public (2ème chambre) ___________

Audience du 4 décembre 2017 Lecture du 18 décembre 2017 ___________

[…]

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 novembre 2016 et le 2 novembre 2017, la société par actions simplifiée (SAS) S. représentée par Me D., avocate associée de la société civile professionnelle (SCP) Alcade & Associés, demande au Tribunal la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013 et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application des dispositions de l’article L. 205 du livre des procédures fiscales, l’administration ayant repris au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2011 la déduction d’une provision prescrite figurant au passif, elle en demande la compensation avec la correction symétrique à l’actif de ce même exercice de la créance correspondante afin d’éviter une variation indue de l’actif net ;

- sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative exprimée dans le BOI-BIC-RICI-10-10-40 § 30, qui accorde le bénéfice du crédit d’impôt prévu par les dispositions du h de l’article 244 quater B du code général des impôts pour les dépenses qu’elle a exposées pour élaborer ses nouvelles collections est opposable à l’administration dès lors que sous-traitant la fabrication mais conservant la propriété de la matière première et assumant les risques de fabrication et de commercialisation, il est indifférent que la qualité d’établissement industriel ne lui soit pas reconnue.



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Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, le directeur de contrôle fiscal Sud-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il expose que :

- l’inscription réitérée sur plusieurs exercices d’une provision non justifiée est une erreur récurrente dont la correction ne peut être sollicitée, même si elle a été commise pour la première fois il y a sept ans ;

- n’étant pas une entreprise industrielle, c’est par une exacte application du h de l’article 244 quater B du code général des impôts que le bénéfice du crédit d’impôt lui a été refusé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Franck Thévenet, rapporteur ;

- les conclusions de M. X Y, rapporteur public ;

- et les observations de Me D., avocat de la SAS S..

1. Considérant que la SAS S. demande la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013 ;

Sur le terrain de la loi fiscale :

En ce qui concerne la compensation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande. » ; qu’aux termes de l’article L. 205 du même livre : « Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 (…) sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l’encontre duquel l’administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice (…) » ;



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3. Considérant qu’à l’issue de la vérification de comptabilité de la SAS S., l’administration a réintégré aux résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2011 une somme de 51 336 euros correspondant à des provisions se rapportant à des créances prescrites, au sens des dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce ; que si la société S. a maintenu ces provisions au passif, il est constant qu’elle a, symétriquement, inscrit à l’actif les créances correspondantes, lesquelles, devenues définitivement irrécouvrables, constituaient en réalité des pertes ; qu’il n’est pas contesté que cette reprise de provision a entraîné, au préjudice de la société, un excédent d’imposition ; que, dès lors, la SAS S. est fondée à soutenir que la prise en compte de ces pertes vient compenser exactement le montant de la réintégration litigieuse au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2011 ; que, par suite, la SAS S. doit être déchargée de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés à raison du montant de la provision réintégrée au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011 ;

En ce qui concerne la remise en cause du crédit d’impôt :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts : « I. Les entreprises industrielles et commerciales (…) peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. (…). II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont : (…) h) Les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que le bénéfice du crédit d’impôt pour dépenses de recherche ouvert aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir ne peut être accordé qu’aux entreprises de ce secteur déployant une activité industrielle ; que revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d’importants moyens techniques ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SAS S., qui exerce une activité de commerce en gros de textile, ne peut être regardée comme exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers dès lors qu’elle a recours à des sous-traitants qui façonnent, en Inde, au Pakistan et en Chine, la totalité des produits qu’elle vend ; qu’il en va ainsi, alors même qu’elle crée ses modèles, élabore les prototypes, achète elle-même les matières premières utilisées par les sous-traitants et demeure propriétaire de celles-ci et qu’elle assume les risques liés à la réalisation des produits ; que, par suite, la SAS S. ne peut prétendre, sur le terrain de la loi fiscale, au bénéfice du crédit d’impôt recherche à raison des dépenses qu’elle a exposées au titre des ses exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013 ;

Sur le terrain de la doctrine fiscale :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et qu’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (…) » ;

7. Considérant que la SAS S. se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, du



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paragraphe 30 de la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 aux termes duquel " (…) les entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers peuvent bénéficier du crédit d’impôt. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous- traitance dès lors qu’elles sont propriétaires de la matière première et qu’elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation. En revanche, les entreprises qui concèdent leur droit de fabrication sont exclues du dispositif. » ; que la société n’est pas fondée à se prévaloir des énonciations de cette doctrine qui ne concernent que les entreprises de nature industrielle, catégorie à laquelle elle n’appartient pas ; que, par suite, cette instruction n’emportant aucune interprétation de la loi fiscale autre que celle dont il lui a été fait application, la SAS S. n’est pas fondée à obtenir, sur le terrain de la doctrine fiscale, la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013 ;

Sur les frais irrépétibles :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu’en l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 200 euros à la SAS S. sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La SAS S. est déchargée de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur les sociétés à raison du montant de la provision réintégrée au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 200 euros à la SAS S. en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS S. est rejeté.



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Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée S. et au directeur de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 4 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Franck Thévenet, président,

- M. Hervé Verguet, premier conseiller,

- M. Joël Baccati, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2017.

Le président, L’assesseur le plus ancien,

Signé : Signé :

[…]

Le greffier,

Signé :

F. A

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Montpellier, le 18 décembre 2017. Le greffier,

F. A

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