Tribunal administratif de Montreuil, 21 décembre 2015, n° 1503398

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 21 déc. 2015, n° 1503398
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1503398

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N° 1503398

___________

M. et Mme Y et Z X

___________

M. Franck L’hôte

Rapporteur

___________

Mme Nathalie Luyckx-Gürsoy

Rapporteur public

___________

Audience du 10 décembre 2015

Lecture du 21 décembre 2015

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil,

(2e chambre),

68-02-01-01

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 avril et le 9 octobre 2015, M. et Mme Y et Z X, représentés par Me Albert, demandent au Tribunal :

1°) d’annuler la décision du 24 septembre 2008 par laquelle le maire de Montreuil a préempté un immeuble situé XXX, ensemble sa décision du

19 février 2015 en refusant le retrait ;

2°) d’enjoindre à la commune de Montreuil de leur proposer sans délai l’acquisition de cette parcelle à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures :

— que leur requête est recevable, dès lors que la décision de préemption du

24 septembre 2008 ne leur a jamais été notifiée et, qu’en conséquence, le délai de recours contentieux n’a pas pu courir ; que s’agissant d’une décision qui n’est pas créatrice de droit elle pouvait faire l’objet d’un retrait dans le délai de quatre mois ; que cette décision n’a pas le caractère d’un acte préparatoire à l’acte de vente et ne peut donc avoir épuisé ses effets ;

— que la décision de préemption du 24 septembre 2008 a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu’une délibération du conseil municipal de Montreuil du 25 mars 2010 a constaté que le maire de Montreuil ne s’était pas vu déléguer le droit de préemption urbain sur le site de la Boissière dont relève la parcelle terrain d’assiette du bien préempté ;

— qu’elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 210-1 et L 300-1 du code de l’urbanisme, dès lors que la commune de Montreuil ne justifie d’aucun projet réel préexistant tant à la date à laquelle elle a exercé son droit de préemption que six années après ;

— qu’elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 213-11 du code de l’urbanisme, dès lors qu’aucun projet n’a été réalisé sur la parcelle préemptée plus de cinq années après la préemption ;

— qu’elle est entachée de détournement de pouvoir ;

— qu’elle pouvait être retirée à tout moment, dès lors qu’elle n’est pas créatrice de droit ;

— que la décision de refus de retrait du 19 février 2015 a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 213-11 du code de l’urbanisme, dès lors qu’aucun projet n’a été réalisé sur la parcelle préemptée plus de cinq années après la préemption.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 juin et le 4 novembre 2015, le maire de Montreuil, représenté par Me Pele, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le maire de Montreuil soutient, dans le dernier état de ses écritures, que la requête est irrecevable et qu’aucun des moyens qu’elle contient n’est fondé.

Vu :

— les décisions attaquées ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. L’hôte, rapporteur ;

— les conclusions de Mme Luyckx-Gürsoy, rapporteur public ;

— les observations de Me Olivier, substituant, Me Albert, pour M. et Mme X et celles de Me Pele, pour la commune de Montreuil.

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour la commune de Montreuil et enregistrée le 15 décembre 2015.

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour M. et Mme X et enregistrée le 17 décembre 2015.

1. Considérant que M. et Mme X demandent l’annulation de la décision du

24 septembre 2008 par laquelle le maire de Montreuil a préempté un immeuble situé XXX, pour lequel ils étaient titulaires d’une promesse de vente, ensemble de la décision du 19 février 2015 de la même autorité, refusant de procéder à son retrait ;

Sur les fins de non recevoir soulevées en défense :

2. Considérant que le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de préemption ne court en principe, à l’égard de l’acquéreur évincé par cette décision, qu’à compter de sa notification à ce dernier avec indication des voies et délais de recours ou lorsque, dans les circonstances de l’espèce, celui-ci doit être réputé avoir eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours, dans des conditions et garanties équivalentes à la notification prévue à l’article R. 421-5 du code de justice administrative ;

3. Considérant qu’il n’est pas établi, ni même en définitive allégué par la commune de Montreuil, que la décision de préemption du 24 septembre 2008 aurait été notifiée à M. et Mme X ; que si les requérants ont demandé des informations au maire sur l’état d’avancement du projet le 18 mars 2013, puis, par l’intermédiaire de leur conseil, le

6 juin 2013, en joignant à ces demandes d’informations copie de cette décision de préemption, il ressort de la lecture de ce document versé aux débats qu’il était dépourvu d’indications s’agissant des voies et délais de recours ; que, dans ces conditions, les requérants ne sauraient être regardés comme ayant eu connaissance de la décision en litige dans des conditions et garanties équivalentes à la notification prévue à l’article R. 421-5 du code de justice administrative ; qu’ainsi, le 4 février 2015, date à laquelle M. et Mme X ont introduit leur recours gracieux tendant à l’annulation de cette décision de préemption, le délai de recours contentieux n’avait pas commencé à courir ; que dès lors que leur recours gracieux a été expressément rejeté le 19 février 2015, ils ont pu valablement introduire leur requête le 17 avril 2015 ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée par la commune de Montreuil et tirée de l’irrecevabilité de la requête en ce qu’elle est dirigée contre la décision de préemption du

24 septembre 2008 doit être écartée ;

4. Considérant, par ailleurs, que la circonstance que le bien préempté ait été revendu n’a pas pour conséquence de faire de la décision de préemption un acte préparatoire de la vente qui aurait épuisé tous ses effets et ne pourrait ainsi plus être retiré ; qu’il s’ensuit que la fin de non recevoir soulevée par la commune de Montreuil et tirée de l’irrecevabilité de la requête en ce qu’elle est dirigée contre la décision de refus de retrait du 19 février 2015 doit également être écartée ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision de préemption du 24 septembre 2008 :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 300-1 de ce même code : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. » ;

6. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’ urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu’en outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;

7. Considérant qu’en se bornant à verser au dossier, en l’état de l’instruction au moment où elle a été close, un « préprogramme » rédigé en juillet 2013 par un assistant à maîtrise d’ouvrage pour le compte de l’établissement public de santé Ville-Evrard et prévoyant la construction d’un bâtiment de psychiatrie, notamment sur la parcelle terrain d’assiette de l’immeuble objet de la préemption contestée, la commune de Montreuil n’établit pas la réalité d’un projet préexistant à la date de la décision attaquée ; que cette décision ne répond donc pas aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ;

En ce qui concerne la légalité de la décision, en date du 19 février 2015, de refus de retrait de la décision de préemption du 24 septembre 2008 :

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le transfert de propriété de l’immeuble, objet de la décision de préemption du 24 septembre 2008, avait été réalisé au moment où son retrait était demandé par les requérants, de telle sorte qu’elle n’était plus créatrice de droits à l’égard de l’ancien propriétaire ; qu’en conséquence elle pouvait être retirée, dès lors qu’elle était illégale, ainsi qu’il a été dit au point 7 ; qu’il s’ensuit que les requérants sont fondés à soutenir que la décision du 19 février 2015, refusant de retirer la décision de préemption du 24 septembre 2008, est entachée d’erreur de droit ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme :

« Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier » ; qu’aucun autre moyen n’est susceptible de fonder, en l’état du dossier, l’annulation des décisions attaquées ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme X sont fondés à demander l’annulation de la décision du 24 septembre 2008, par laquelle le maire de Montreuil a préempté l’immeuble situé XXX, ensemble de la décision du 19 février 2015 de la même autorité, refusant d’en prononcer le retrait ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme : « Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l’acquisition du bien en priorité / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l’une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, conformément aux règles mentionnées à l’article L. 213-4 / A défaut d’acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l’acquisition / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l’acquisition à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l’article L. 213-2. » ;

13. Considérant que l’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de l’acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d’exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n’ayant jamais décidé de préempter ; qu’ainsi, cette annulation implique nécessairement que le titulaire du droit de préemption, s’il n’a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu’à ce titre, et au regard des dispositions précitées de l’article

L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, le titulaire du droit de préemption est tenu de proposer aux propriétaires initiaux ou à leurs ayants cause puis, à défaut, à l’acquéreur évincé si son nom était inscrit dans la déclaration d’intention d’aliéner, d’acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l’une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

14. Considérant que M. et Mme X ne sont pas les propriétaires du bien préempté, lequel a été revendu par la commune de Montreuil ; que, dès lors, leurs conclusions visant à ce qu’il soit enjoint au maire de Montreuil de leur proposer sans délai l’acquisition du bien illégalement préempté à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle, doivent être écartées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions précitées s’opposent à ce que M. et Mme X, qui n’ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à rembourser à la commune de Montreuil les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mette à la charge de la commune de Montreuil, sur le même fondement, une somme globale de 1 500 euros à verser à M. et Mme X, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision de préemption du 24 septembre 2008 du maire de Montreuil, ensemble sa décision du 19 février 2015 refusant son retrait, sont annulées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La commune de Montreuil versera une somme globale de 1 500 (mille-cinq-cents) euros à M. et Mme X, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Montreuil, présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Y et Z X et à la commune de Montreuil.

Délibéré après l’audience du 10 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

— M. Boulanger, président,

— M. Marias, premier conseiller,

— M. L’hôte, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 décembre 2015.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

F. L’hôte Ch. Boulanger

Le greffier,

Signé

S. Jarrin

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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