Tribunal administratif de Montreuil, 8ème chambre (j.u), 20 décembre 2022, n° 2211464

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 8e ch. (j.u), 20 déc. 2022, n° 2211464
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2211464
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 30 juin 2022, N° 2209404
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2209404 du 1er juillet 2022, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au tribunal administratif de Montreuil le dossier de la requête présentée par M. C G, représenté par Me Haik.

Par cette requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. G demande au tribunal :

1°) d’annuler les décisions du 29 juin 2022 par lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine l’a obligé à quitter le territoire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d’un an ;

2°) d’enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les décisions contestées sont entachées d’incompétence;

— elles sont entachées d’une insuffisance de motivation en droit et en fait ;

— le préfet n’a pas pris en compte sa durée de présence sur le territoire français et l’intensité de sa vie privée et familiale ;

— l’interdiction de retour est entachée d’une erreur de droit et méconnait les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— les décisions litigieuses violent l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. E pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l’article L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. E a été entendu au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 8 décembre 2022 à 9h30.

Les parties n’étaient ni présentes ni représentées.

La clôture de l’instruction a été prononcée, en l’absence des parties, après appel de leur affaire à l’audience, en application de l’article R. 776-26 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. G, ressortissant camerounais né le 7 septembre 1985 à Douala (Cameroun), a présenté une demande d’asile rejetée par une décision du 30 novembre 2010 de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 10 décembre 2012 de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Par un arrêté du 29 juin 2022, dont il demande l’annulation, le préfet des Hauts-de-Seine l’a obligé à quitter le territoire français et lui a interdit le retour sur ce territoire pour une durée d’un an.

2. Par un arrêté PCI n° 2022-057 du 1er juin 2022, régulièrement publié le 2 juin 2022 au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à M. A D, adjoint au chef du bureau des examens spécialisés et de l’éloignement à la direction des migrations et de l’intégration de la préfecture des Hauts-de-Seine, signataire des décisions litigieuses, pour signer de telles décisions en cas d’absence ou d’empêchement de Mmes F B, directrice des migrations et de l’intégration, et Marion Abdou, cheffe du bureau des examens spécialisés et de l’éloignement, dont il n’est pas établi qu’elles n’étaient pas absentes ou empêchées lorsque les décisions contestées ont été prises. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté attaqué, en tant qu’il porte obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.

3. La décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne doit pas nécessairement faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle de M. G, vise notamment le 4° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile et relève que la demande d’asile de M. G a été rejetée par une décision du 30 novembre 2010 de l’OFPRA puis par une décision du 10 décembre 2012 de la CNDA et qu’il se maintient depuis cette date sans titre de séjour sur le territoire français. L’interdiction de retour, prise au visa de l’article L. 612-6 du même code, est fondée sur l’absence de délai de départ volontaire et mentionne que M. G ne justifie d’aucune circonstance humanitaire particulière et qu’il ne fait pas état de fortes attaches sur le territoire français. Enfin, l’arrêté vise également l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et relève qu’il n’est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. G au respect de sa vie privée et familiale. Les décisions attaquées comportent ainsi l’énoncé des circonstances de droit et de fait qui les fondent. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté. Le moyen tiré de ce que le préfet n’aurait pas pris en compte la durée de présence sur le territoire français du requérant et l’intensité de sa vie privée et familiale et aurait ainsi entaché les décisions attaquées d’une erreur de droit doit être écarté.

4. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

5. Si M. G soutient être entré en France en 2010, comme en atteste l’enregistrement de sa demande d’asile le 22 juillet 2010, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant justifierait d’une présence habituelle en France à tout le moins pour la période 2013-2015 pour lesquelles les productions sont insuffisantes. De plus, il ressort des termes d’un courrier du 25 février 2016 de la direction générale des finances publiques qu’il n’a pas démontré avoir le centre de ses intérêts vitaux ni sa résidence habituelle en France pour l’année fiscale 2014 et il ressort des termes d’un courrier du 20 janvier 2016 de l’assurance maladie que l’intéressé, qui serait entré en France en mars 2015, n’a pas justifié d’une résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois à la date de son hospitalisation en juin 2015. Dans ces conditions, le requérant ne peut se prévaloir dans la présente instance d’une résidence en France de douze ans. En outre, si M. G fait valoir être le père d’une enfant née en France en 2014 en produisant son acte de naissance, il n’apporte aucune précision ni aucune pièce justifiant des liens affectifs qu’il entretiendrait avec cette dernière ou de ce qu’il contribuerait à son entretien et à son éducation. Enfin, il ne justifie pas d’une intégration sociale ni professionnelle en France. Dans ces conditions, au regard des buts en vue desquels elles ont été prises, les décisions litigieuses ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

6. Aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ». Aux termes de l’article L. 612-10 de ce code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (), l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français ».

7. Lorsque le préfet prend, à l’encontre d’un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d’assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où l’étranger fait état de circonstances humanitaires qui y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l’article L. 612 10 du code précité, à savoir la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une précédente mesure d’éloignement et, le cas échéant, la menace pour l’ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. G s’est vu refuser un délai de départ volontaire, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas, à raison de ce qu’il ne justifie d’aucune circonstance particulière pour être entré et s’être maintenu irrégulièrement sur le territoire français et qu’il a déclaré lors de son audition par les services de police qu’il n’envisageait pas un retour dans son pays d’origine. Dans ces conditions, il appartenait au préfet, alors même que le comportement de l’intéressé, entré en France pour la première fois en 2010, ne représenterait pas une menace à l’ordre public, de prononcer une interdiction de retour sur le territoire, en application des dispositions précitées de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par ailleurs, eu égard à la présence irrégulière et non habituelle sur le territoire de M. G depuis la notification de la décision par laquelle la CNDA a rejeté sa demande d’asile et compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le préfet n’a pas fait, en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d’un an, une inexacte application des dispositions citées ci-dessus, ni commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation doivent être rejetées ainsi, par voie de conséquence, que celles aux fins d’injonction et celles présentées au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. G est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C G et au préfet des Hauts-de-Seine.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

Signé

L. E La greffière,

Signé

I. Dad

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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