Tribunal administratif de Nantes, 2ème chambre, 24 avril 2024, n° 2200299

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 2e ch., 24 avr. 2024, n° 2200299
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2200299
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 26 avril 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I – Par une requête, enregistrée le 29 mars 2021 sous le n° 2103506, M. B A, représenté par Me Solène Le Floch, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l’a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de trois mois à compter de la date de notification de l’arrêté, le 27 janvier, l’a obligé à se présenter les lundis, mercredis et vendredis de chaque semaine aux services de la police aux frontières, au commissariat central de police de Nantes ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros qui devra être versée à son conseil en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

M. A soutient que :

— la décision attaquée :

° est entachée d’un vice d’incompétence ;

° n’est pas suffisamment motivée ;

° est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa situation ;

° est entachée d’une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— l’obligation de pointage trois fois par semaine est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

La requête a été communiquée au le préfet de la Loire-Atlantique qui n’a pas produit de mémoire en défense malgré une mise en demeure en ce sens du 5 septembre 2023.

Par décision du 6 septembre 2021, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes a admis M. A au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 20 septembre 2023.

II – Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 janvier 2022 et 14 février 2022 sous le n° 2200299, M. B A, représenté par Me Le Floch, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l’a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de trois mois ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros qui devra être versée à son conseil en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

M. A soutient que :

— la décision attaquée :

° est entachée d’un vice d’incompétence ;

° n’est pas suffisamment motivée ;

° n’a pas été précédé d’une procédure contradictoire ;

° est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa situation ;

° est entachée d’une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— l’obligation de pointage trois fois par semaine est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir aucun des moyens soulevés par M. A n’est fondé.

Par décision du 8 novembre 2021, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes a admis M. A au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 4 mars 2024, la clôture de l’instruction a été fixée au 19 mars 2024.

Par un courrier du 29 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi, l’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étant pas applicable en l’espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 3 avril 2024 :

— le rapport de M. Jégard,

— et les conclusions de M. Marowski, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, ressortissant albanais né en 1987 a fait l’objet le 8 novembre 2019 d’un arrêté du préfet de Maine-et-Loire portant obligation de quitter le territoire français. Il a été assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours par un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 5 novembre 2020, mesure qui a été renouvelée par un arrêté du même préfet du 8 décembre suivant. Ses requêtes contre ces deux dernières décisions ont été rejetées par des jugements des 25 novembre et 18 décembre 2020, n° 2011242 et 2012977.

2. Par un arrêté du 25 janvier 2021 dont M. A demande l’annulation par la requête n° 2103506, le préfet de la Loire-Atlantique a assigné l’intéressé à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de trois mois à compter de la date de notification de l’arrêté, le 27 janvier, l’a obligé à se présenter les lundis, mercredis et vendredis de chaque semaine aux services de la police aux frontières, au commissariat central de police de Nantes.

3. Par un arrêté du 19 avril 2021, dont M. A demande l’annulation par la requête n° 2200299, le préfet de la Loire-Atlantique a de nouveau assigné l’intéressé à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de trois mois à compter du 27 avril 2021 et l’a obligé à se présenter les lundis de chaque semaine aux services de la police aux frontières, au commissariat central de police de Nantes.

Sur la jonction :

4. Les requêtes visées ci-dessus concernent la situation d’une seule et même personne et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens des requêtes,

5. D’une part, aux termes de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dont les dispositions sont désormais reprises par l’article L. 731-3 du même code : " Lorsque l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays, l’autorité administrative peut, jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation, l’autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l’assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; / () La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. / () ".

6. D’autre part, aux termes de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les dispositions sont désormais recodifiées par l’article L. 731-1 du même code : " I. – L’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / () / 5° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ; / () / Les huit derniers alinéas de l’article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l’assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis. / () « . De plus le II de cet article, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 733-8 de ce code : » II.-En cas d’impossibilité d’exécution d’office de la mesure d’éloignement résultant de l’obstruction volontaire de l’étranger assigné à résidence en application du I du présent article, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention. / Le juge des libertés et de la détention, saisi par requête, statue dans un délai de vingt-quatre heures. A peine de nullité, sa décision est motivée. Le juge s’assure du caractère exécutoire de la décision d’éloignement que la mesure vise à exécuter et de l’obstruction volontaire de l’étranger à ladite exécution, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant notamment de l’absence de réponse de l’étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution. La décision mentionne l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées. / () ".

7. Les dispositions de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, désormais reprises à l’article L. 731-1 du même code, ont pour objet de permettre à l’autorité administrative d’assurer l’exécution forcée d’une mesure d’éloignement lorsque la personne étrangère qui en fait l’objet justifie de garanties de représentation suffisantes permettant de prendre à son égard, de manière alternative au placement en rétention, une mesure d’assignation à résidence d’une durée maximale de quarante-cinq jours, laquelle ne peut être renouvelée qu’une seule fois, dès lors que son éloignement constitue une perspective raisonnable. En revanche, les dispositions de l’article L. 561-1, désormais reprises à l’article L. 731-3 du même code, citées au point 5, sont exclusivement applicables aux personnes étrangères qui justifient être dans l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement dont elles font l’objet et qui sollicitent l’autorisation de rester en France jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de cette mesure.

8. Lorsque l’autorité administrative n’a pas été en mesure d’assurer l’exécution forcée d’une mesure d’éloignement en raison de l’obstruction volontaire de la personne étrangère assignée à résidence en application de l’article L. 731-1 précité pendant la durée maximale de quatre-vingt-dix jours, il lui appartient de faire application des dispositions de l’article L. 733-8 du même code, citées au point 6.

9. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l’objet, les 5 novembre et 8 décembre 2020 de deux assignations à résidences d’une durée de quarante-cinq jours chacune prises sur le fondement des dispositions de l’article L. 561-2, désormais recodifié à l’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que, nonobstant les circonstances exceptionnelles résultant de l’épidémie de Covid-19, lesquelles au demeurant n’ont pas empêché le préfet d’obtenir un laisser-passer consulaire et de prévoir l’éloignement forcé de M. A en janvier 2021, le préfet ne pouvait, sans méconnaitre le champ d’application de la loi, décider de prolonger l’assignation à résidence de M. A en édictant, par les décisions attaquées, de nouvelles assignations fondées sur les dispositions de l’article L. 731-3 précitées. Il lui appartenait, le cas échéant, de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 733-8 précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que les décisions attaquées doivent être annulées.

Sur les frais de justice :

11. M. A a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État, qui est la partie perdante dans cette instance, la somme de 1 000 euros à verser à Me Le Floch sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Conformément aux dispositions de ce dernier article, la perception de cette somme vaudra renonciation de cette avocate au versement de la part contributive de l’État au titre de l’aide juridictionnelle qui a été accordée au requérant.

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions du 25 janvier et 19 avril 2021 du préfet de la Loire-Atlantique prises à l’égard de M. A sont annulées.

Article 2 : L’État versera à Me Le Floch une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A, à Me Solène Le Floch et au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l’audience du 3 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Rimeu, présidente,

M. Jégard, premier conseiller,

Mme El Mouats St Dizier, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2024.

Le rapporteur,

X. JÉGARDLa présidente,

S. RIMEU

La greffière,

P. LABOUREL

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 2103506, 2200299

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Tribunal administratif de Nantes, 2ème chambre, 24 avril 2024, n° 2200299