Tribunal administratif de Nîmes, 18 mars 2021, n° 2100669

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 18 mars 2021, n° 2100669
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2100669

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NÎMES

N° 2100669 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SOCIETE VAUCLUSE BUILDING

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. X Magistrat désigné ___________ Le juge des référés,

Ordonnance du 18 mars 2021 __________ 39-08-015-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoire, enregistrés le 26 février et les 9 et 15 mars 2021, la société Vaucluse Building, représentée par Me Bernardin, demande au juge des référés sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat correspondant au lot n° 2 « Agence Grand Avignon (Le Pontet) » de l’accord-cadre concernant des travaux de plomberie-sanitaire-chauffage sur le patrimoine de Vallis Habitat ;

2°) d’annuler la procédure de passation menée par Vallis Habitat en vue de l’attribution de ce contrat et en particulier la décision portant rejet de son offre et la décision d’attribution du marché à la société Prox-Hydro ;

3°) de mettre à la charge de Vallis Habitat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n’est pas démontré que le recours à un détail quantitatif estimatif (DQE) masqué et non-communiqué aux candidats pour la notation des offres aurait été effectué régulièrement, à savoir qu’il aurait été établi sur la base des commandes réalisées dans le cadre du précédent marché, reflèterait le besoin à satisfaire et aurait été élaboré avant l’ouverture des offres ;

- des informations confidentielles relatives à ses prix ont été communiquées aux autres candidats, portant ainsi atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats, ce qui nécessitait de reprendre la procédure ;

- elle n’a pas commis d’entente anticoncurrentielle sur les prix ;



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- le pouvoir adjudicateur a retenu une offre anormalement basse en méconnaissance de ses obligations de mise en concurrence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 et 12 mars 2021, Vallis Habitat, représenté par la SELARL Cabanes Neveu Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont inopérants ou infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, la société Prox-Hydro, représentée par la SCP A. Vidal-Naquet Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués dans la requête sont inopérants ou infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné M. X, vice-président, pour statuer sur les demandes en référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 16 mars 2021 à 14 heures, M. X a lu son rapport et a entendu :

- les observations de Me Bernardin, représentant la société Vaucluse Building, qui confirme ses écritures ;

- les observations de Me Michelin, représentant Vallis Habitat, qui confirme ses écritures ;

- et les observations de Me Cezilly, représentant la société Prox-Hydro, qui confirme ses écritures.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis de marché envoyé à la publication le 4 novembre 2020, Vallis Habitat a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un accord-cadre portant sur des travaux de plomberie-sanitaire-chauffage sur son patrimoine. S’agissant du lot n° 2 « Agence Grand Avignon (Le Pontet) » de ce contrat, le règlement de la consultation prévoit que les critères de sélection des offres sont le prix, pondéré à 60 %, et la valeur



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technique, pondérée à 40 %. La date limite de dépôt des offres a été fixée au 9 décembre 2020 à 12 heures. Par un courrier du 8 février 2021, la société Vaucluse Building a été informée du rejet de son offre et de l’attribution du marché à la société Prox-Hydro. Par la présente requête, la société Vaucluse Building doit être regardée comme demandant, dans le dernier état de ses écritures, au juge des référés statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative d’annuler cette procédure de passation.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux (…) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ». ». Aux termes du I de l’article L. 551-2 de ce code : « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ».

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l’opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, le pouvoir adjudicateur, qui définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics, peut recourir à une « simulation » consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d’interventions envisagées, à la triple condition que les simulations correspondent toutes à l’objet du marché, que le choix du contenu de la simulation n’ait pas pour effet d’en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé et que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, un telle « simulation », un pouvoir adjudicateur n’a pas recours à un sous-critère mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix et dont il n’est pas tenu d’informer les candidats dans les documents de la consultation.



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5. Aux termes de l’article 5.2 du règlement de la consultation, la note attribuée sur le critère du prix est appréciée à partir du bordereau des prix unitaires (BPU) appliqué à un chantier type par détail quantitatif estimatif (DQE). Selon le rapport d’analyse des offres, ce DQE a été défini en fonction des quantitatifs sur la base des commandes réelles réalisées sur le précédent marché portant sur les mêmes prestations.

6. Il résulte de l’instruction que Vallis Habitat a établi son DQE en fonction des quantitatifs sur la base des commandes réelles précédemment réalisées et que, même si elle ne prenait pas en compte la totalité des prix, la simulation mise en œuvre intégrait 16 des 22 postes du BPU transmis aux candidats dans les documents de la consultation, sans privilégier un aspect particulier des commandes. Dans les circonstances de l’espèce, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que le pouvoir adjudicateur aurait défini cette méthode postérieurement à l’ouverture des offres, la société requérante n’est pas fondée à invoquer l’irrégularité des conditions de mise en œuvre du critère du prix à raison du « chantier masqué » ainsi défini et ne peut utilement, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, se prévaloir d’une insuffisante information des candidats à cet égard.

7. En deuxième lieu, lorsqu’est constatée, au cours de la procédure de passation, qu’ont été divulguées des informations relatives à l’offre déposée par un candidat à l’attribution du contrat, il appartient à la personne publique d’apprécier si cette divulgation peut être regardée comme étant de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats. La seule circonstance qu’une telle divulgation ne soit pas imputable à la personne publique responsable de la procédure de passation ou procède d’une pure erreur matérielle ne la dispense pas de cette obligation.

8. La société Vaucluse Building, dont l’offre a été classée en deuxième position, fait valoir que des informations relatives à ses prix, tels qu’ils figuraient dans son offre et dans son BPU, ont été communiquées aux autres candidats durant la procédure de passation, ainsi qu’en témoigne le fait que la société Proxiserve, candidate à l’attribution du contrat litigieux et dont l’offre a été classée en troisième position, a produit un BPU similaire. Toutefois, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’une telle divulgation serait imputable à Vallis Habitat, il n’est pas établi que la société attributaire du marché ait eu connaissance de ces éléments de prix lorsqu’elle a conçu son offre. Dans ces conditions, aucune atteinte au principe d’égalité entre les candidats n’est caractérisée en l’espèce. Par ailleurs, la circonstance que le pouvoir adjudicateur, sans aucun élément de preuve, aurait évoqué postérieurement à l’attribution du contrat litigieux une possible entente entre candidats imputable à la société Vaucluse Building est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 2152-5 du code de la commande publique : « Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ». Aux termes de l’article L. 2152-6 de ce code : « L’acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l’opérateur économique, l’acheteur établit que l’offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat ». Aux termes de l’article R. 2152-3 du même code : « L’acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux,



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fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu’il envisage de sous-traiter / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Le mode de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, le procédé de construction ; / 2° Les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour fournir les produits ou les services ou pour exécuter les travaux ; / 3° L’originalité de l’offre ; / 4° La règlementation applicable en matière environnementale, sociale et du travail en vigueur sur le lieu d’exécution des prestations ; / 5° L’obtention éventuelle d’une aide d’Etat par le soumissionnaire. ». Aux termes de son article R. 2152-4 : « L’acheteur rejette l’offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés ; / (…) ».

10. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre.

11. La société Vaucluse Building fait grief au pouvoir adjudicateur d’avoir retenu l’offre de la société Prox-Hydro qu’elle estime anormalement basse dans la mesure où il existerait un écart de 16% avec son offre et que la société attributaire ne dispose d’aucune agence sur le secteur d’Avignon, ce qui engendrerait des frais supplémentaires pour les déplacements des agents affectés à l’exécution du marché. Toutefois, alors qu’il résulte au demeurant de l’instruction que la société Prox-Hydro a présenté une offre pour un coût global de 134 931,72 euros, alors que l’offre de la société Vaucluse Building s’élevait à 156 085,07 euros, soit un écart de 13,55%, ces circonstances ne suffisent pas, eu égard aux justifications apportées par la société Prox-Hydro durant l’instance, à faire regarder l’offre déposée par celle-ci comme anormalement basse au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entachée, à ce titre, la décision d’attribution du contrat litigieux doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Vaucluse Building n’est pas fondée à contester la régularité de la procédure de passation en litige.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code justice font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de Vallis Habitat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Vaucluse Building le versement de la somme de 1 500 euros à Vallis Habitat et de la somme de 1 500 euros à la société Prox-Hydro au titre des mêmes dispositions.



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O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Vaucluse Building est rejetée.

Article 2 : La société Vaucluse Building versera la somme de 1 500 euros à Vallis Habitat et la somme de 1 500 euros à la société Prox-Hydro au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Vaucluse Building, à Vallis Habitat et à la société Prox-Hydro.

Fait à Nîmes, le 18 mars 2021.

Le juge des référés,

C. X

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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